RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC Dossier : 141-07-11-180 Décision : 9944 Date : 9 novembre 2012 Président : Régisseurs : Françoise Gauthier Gilles Hains André Belzile OBJET : FÉDÉRATION DES PRODUCTEURS ACÉRICOLES DU QUÉBEC Demanderesse STEVE CÔTÉ Mis en cause DÉCISION INTÉRIMAIRE DEMANDE [1] Le 18 juin 2012, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (la Régie) reçoit une requête de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (la Fédération) pour enquête et émission d ordonnances à l encontre de Steve Côté. [2] Le 25 octobre 2012, la Fédération adresse une requête urgente à la Régie en vue d émettre une ordonnance d inspection en vertu des Articles 5, 43, 163 et suivants de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. 1 (la Loi). Elle demande 1 L.R.Q., c. M-35.1
Page 2 sur 5 également l autorisation de produire le rapport d inspection dans un délai inférieur à dix jours avant la séance publique. [3] La conférence de gestion du 6 novembre à laquelle prenaient part Steve Côté, non représenté à cette date, et M e Mathieu Turcotte pour la Fédération a permis d établir que Steve Côté a pris connaissance de la requête de la Fédération du 25 octobre 2012 en vue de l émission d une ordonnance d inspection et qu il s oppose à la demande d inspection. [4] Lors d une deuxième conférence de gestion, le 9 novembre 2012, le procureur de Steve Côté, M e Hans Mercier, a déclaré qu il connaissait la jurisprudence de la Régie en pareille matière, sans autre commentaire. CADRE JURIDIQUE [5] Les articles 5, 43, 163, 169 et 170 de la Loi trouvent application dans le présent cas : 5. La Régie a pour fonctions de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles et alimentaires, le développement de relations harmonieuses entre les différents intervenants, la résolution des difficultés qui surviennent dans le cadre de la production et la mise en marché de ces produits en tenant compte des intérêts des consommateurs et de la protection de l'intérêt public. La Régie exerce les mêmes fonctions dans le cadre de la mise en marché des produits de la pêche. 43. La Régie peut, de son propre chef ou à la demande d'une personne intéressée, ordonner à un office ou à une personne engagée dans la production ou la mise en marché d'un produit visé par un plan, d'accomplir ou de ne pas accomplir un acte déterminé si elle constate que l'omission ou l'action risque d'entraver l'application de ce plan, d'un règlement, d'une convention homologuée ou d'une sentence arbitrale. La Régie peut aussi décider de l'exigibilité d'une somme d'argent en application d'un plan, d'un règlement, d'une convention homologuée, d'une sentence arbitrale qui en tient lieu ou d'une décision qui tient lieu de sentence arbitrale et en ordonner le paiement. Toute décision prise par la Régie en application du premier alinéa peut être homologuée par la Cour supérieure sur requête de la Régie ou d'une personne intéressée et devient, après homologation, exécutoire comme un jugement de cette cour. 163. La Régie peut, d elle-même ou par l intermédiaire de toute personne qu elle autorise, faire des enquêtes sur toute matière relative à la production et à la mise en marché d un produit agricole et requérir d un office ou de toute personne ou société des renseignements sur une matière faisant l objet de la présente loi. 169. Un office peut désigner une personne pour faire, auprès des producteurs visés par le plan qu'il applique, des inspections et vérifications nécessaires à l'application du plan, des règlements, des conventions homologuées et des sentences arbitrales. Cette personne peut pénétrer à toute heure raisonnable dans un bureau, établissement ou local si elle a des motifs raisonnables de croire qu'ils servent à la production du produit visé par le plan, examiner les lieux de production et le produit et consulter les livres, registres ou documents relatifs à cette production et en prendre des extraits ou copies. 170. Nul ne peut entraver, de quelque façon que ce soit, une personne autorisée par la Régie ou par un office à faire une enquête ou une inspection, ni tromper cette personne par des
Page 3 sur 5 déclarations fausses ou mensongères ni refuser de mettre à sa disposition les livres, registres ou documents que la présente loi lui permet d'examiner. Une personne que la Régie ou un office autorise à faire enquête ou à faire une inspection s'identifie sur demande et exhibe un certificat attestant sa qualité et signé par le président de la Régie ou de l'office, selon le cas. ANALYSE ET DÉCISION [6] La requête introductive précise que le mis en cause, Steve Côté, est un producteur acéricole depuis qu il a acquis, le 19 janvier 2006, l érablière de son père, Bertrand Côté. Steve Côté est donc visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec 2 (Plan conjoint) et, par conséquent, est assujetti aux dispositions de ce plan. [7] En vertu de l article 43 de la Loi, la Régie peut, de son propre chef ou à la demande d une personne intéressée, ordonner à un office ou à une personne engagée dans la production ou la mise en marché d un produit visé par un plan conjoint, d accomplir ou de ne pas accomplir un acte déterminé si elle constate que l omission ou l action risque d entraver l application de ce plan, d un règlement, d une convention homologuée ou d une sentence arbitrale. Ces ordonnances peuvent être homologuées par la Cour supérieure et deviennent, dès lors, exécutoires comme un jugement de cette Cour. Elles équivalent à une injonction pour la personne ou la société visée et cela a été notamment confirmé dans une décision rendue par l Honorable juge Allard j.c.s. 3.qui écrivait : «L homologation d une décision suivant l article 43 n a comme seul but de pouvoir exiger la prestation ordonnée de la personne visée par l ordonnance sous peine de sanction. L ordonnance homologuée est ainsi dans les faits une injonction [ ]» [8] La Cour supérieure a également confirmé que la Régie peut, en certaines circonstances, rendre des ordonnances pouvant être qualifiées d interlocutoires, de provisoires ou de sauvegarde. 4 [9] La Régie dans une décision antérieure 5 visant le père du mis en cause, M. Bertrand Côté, avait ordonné à ce dernier de permettre l accès à son érablière à un représentant de la Fédération pour procéder à une inspection de celle-ci aux fins d enquête. Cette inspection n a pas été réalisée compte tenu d un changement à la propriété en faveur du mis en cause, Steve Côté. Cette transaction avait été découverte postérieurement à la Décision 9296. [10] La Régie considère que l inspection de cette érablière et les vérifications appropriées sont nécessaires pour l éclairer lors de la séance publique qui sera tenue dans le dossier 141-07-11-180. De telles mesures sont par ailleurs autorisées par les articles 169 et 170 de la Loi. 2 R.R.Q., c. M-35.1, r.19 3 Office des pêcheurs de homard des Îles-de-la-Madeleine c. Acheteurs du produit visé par le Plan conjoint des pêcheurs de homard des Îles-de-la-Madeleine, (24 juillet 1997), Québec, n o 200-05-007320-976 (C.S.), j. Allard. 4 Association des acheteurs, conditionneurs, transformateurs et emballeurs de sirop d érable du Québec et al c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, (10 mai 1991), Québec, n o 200-05-001076-913 (C.S.), j. Gervais. 5 Décision 9296 du 20 novembre 2009
Page 4 sur 5 [11] La décision d émettre une ordonnance relative à l inspection de l érablière de M. Côté n est pas de nature à affecter les droits du producteur et il s agit d une mesure raisonnable dans le cadre d une production réglementée. La Régie considère qu elle peut émettre une ordonnance d inspection telle que celle demandée par la Fédération comme l a d ailleurs confirmé la Cour supérieure 6. «[5] Je paraphrase la décision du juge Pelletier en disant que la Régie a pleine juridiction ici pour émettre même proprio motu, une ordonnance d inspection. Et si elle a le droit proprio motu, la contestation de ce droit-là, peut dans certains cas, soulever un débat mais on ne peut pas parler ici d un droit clair en faveur de Roger Roy et de sa compagnie numérotée. Il s agirait au mieux d un droit douteux. Ce qui amène le Tribunal forcément à considérer les deux autres critères applicables en l espèce, c est-à-dire le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients. [6] Au niveau du préjudice irréparable, il est évident que la conduite d une simple inspection menée dans le contexte de l application de la loi et de la Régie n aura pas pour effet de causer un préjudice irréparable à l exploitation de M. Roy ni à ses droits. Si, lors de l audition éventuelle du litige entre les parties, il est démontré que l exploitation de M. Roy n est pas assujettie à quelque contrôle que ce soit de la part de la Régie des marchés agricoles, l inspection n aura pas causé, du fait qu elle aura été tenue, un préjudice, si tant irréparable, qu il faille aujourd hui intervenir et rendre une ordonnance de sursis pour empêcher son déroulement. [7] Finalement, au niveau de la balance des inconvénients, je suis d avis que M. Roy et sa compagnie numérotée ne rencontrent pas non plus le test qui devrait s appliquer en l espèce. Si l inspection se tient et qu effectivement M. Roy doit se soumettre aux dispositions du plan conjoint, à ce moment-là, l inspection aura son utilité et pourra aider la Régie à rendre la décision appropriée dans les circonstances.» [12] Si le mis en cause devait avoir des objections au dépôt d un éventuel rapport d inspection dans le cadre d une procédure devant la Régie, il pourra toujours les faire lors de la séance publique de la Régie, le cas échéant. [13] La Régie est d avis que la collecte d information dont elle a besoin pour s assurer du respect du Plan conjoint, de la Loi et des règlements applicables doit être encadrée. Cette inspection doit s effectuer dans les meilleurs délais. M. Steve Côté et son procureur, M e Hans Mercier, devront être avisés à l avance du moment où elle se fera. M. Steve Côté devra permettre l accès à son érablière à la personne désignée par la Fédération pour faire cette inspection et il ne devra pas nuire au bon déroulement de celle-ci. [14] Dans le cas où la Fédération entendait déposer le rapport d inspection dans le cadre de sa demande d enquête reçu à la Régie le 18 juin 2012, elle devra en faire parvenir une copie à M. Steve Côté, à son procureur M e Hans Mercier et à la Régie au plus tard dix jours avant la tenue d une séance publique fixée par elle pour entendre les observations des parties sur les faits invoqués dans la requête de la Fédération. 6 Roy c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec 2008 QCCS 4135
Page 5 sur 5 POUR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC : ACCUEILLE partiellement la demande d ordonnance intérimaire de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec; DISPENSE les parties de la tenue d une audience publique sur la présente requête en ce qui a trait à l ordonnance d inspection DEMANDE à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec de désigner, conformément à l article 169 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, une personne pour procéder à une inspection de l érablière de M. Steve Côté pour déterminer si des érables ont été entaillés depuis 2006 et, le cas échéant, quel est leur nombre, pour examiner le lieu de production et le produit et pour consulter les livres, registres ou documents relatifs à cette production; DEMANDE à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec de procéder à ladite inspection à une heure raisonnable, après avoir donné à M. Steve Côté et à son procureur, M e Hans Mercier, un préavis de cinq jours; ORDONNE à M. Steve Côté de permettre l accès de son érablière et de ne pas entraver de quelque façon que ce soit la ou les personnes désignées par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec pour faire les inspections et vérifications nécessaires, notamment, l inspection de l érablière, des lieux de production (incluant la cabane à sucre) et de l inventaire des produits de l érable ainsi que de consulter les livres, registres ou documents relatifs à cette production et en prendre des extraits ou copies jugés nécessaires; REJETTE la demande de la Fédération de produire le rapport dans un délai inférieur à dix jours de la date fixée de la séance publique où elle entend déposer le rapport. DEMANDE à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, si elle entend déposer le rapport d inspection de l érablière de M. Steve Côté dans le cadre de sa demande d enquête du 18 juin 2012, de faire parvenir à M. Steve Côté, à son procureur M e Hans Mercier et à la Régie copie de ce rapport d inspection, au plus tard dix jours avant la tenue de la séance publique fixée par la Régie pour recevoir les observations des personnes intéressées par cette demande d enquête. Françoise Gauthier Gilles Hains