10. LOMBALGIE ET EXERCICES



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10. Charlotte Lanhers, Emmanuel Coudeyre INTRODUCTION Les méthodes de rééducation proposées au patient lombalgique sont nombreuses. La stratégie thérapeutique s articule autour du stade évolutif de la maladie, de l existence d un syndrome de déconditionnement physique et de la présence de facteurs de risque de chronicité (notamment les facteurs psychosociaux). Elle intègre des mesures de prévention du passage à la chronicité au cours des lombalgies aiguës et subaiguës. La place de l exercice physique dépend de ces stades d évolution. Alors qu en phase aiguë on ne propose qu une simple incitation à la poursuite des activités physiques, en phase subaiguë ou chronique, les exercices s intègrent dans une prise en charge encadrée, plus ou moins intensive, faisant appel le plus souvent à des professionnels de santé. Au cours des lombalgies chroniques, cette stratégie repose sur une prise en charge pluridisciplinaire, avec comme objectif principal la réduction de l incapacité et du handicap générés par la maladie. Les lombalgies chroniques invalidantes, dont un marqueur est le retentissement professionnel, peuvent justifier d une orientation en centre spécialisé pour une prise en charge sur le mode de restauration fonctionnelle. Dans le cadre de la prescription d exercices, il est nécessaire de répondre à différentes questions : Quelles sont les principales techniques et méthodes à disposition du prescripteur? Quelles techniques proposer en fonction du stade de la maladie? Quels sont les bénéfices cliniques et fonctionnels attendus? Nous aborderons cette prescription aux différents stades évolutifs de la lombalgie en nous appuyant sur les recommandations existantes (recom- 223

mandations françaises de l ANAES de 2000 (1), recommandations européennes COST B13 de 2004 (2) et recommandations du NICE de 2009 (25) ). LOMBALGIES AIGUËS L objectif principal de la prise en charge est l accompagnement du patient au cours de la phase douloureuse et la prévention du passage à la chronicité. Cette prise en charge doit comporter une information claire et rassurante sur le caractère bénin et rapidement régressif de la lombalgie dans la majorité des cas (5). Repos versus exercices Il n a pas été identifié dans la littérature d arguments en faveur de l effet bénéfique de la prescription systématique d un repos au lit. Il est recommandé de rester aussi actif que possible et de reprendre le plus tôt possible des activités ordinaires, y compris le travail. Le conseil de conserver le maximum d activités tolérables en termes de douleur semble accélérer la récupération, réduire les arrêts de travail et diminuer le passage à la chronicité. Un programme d exercices spécifiques (stretching, mobilisation du rachis en flexion ou extension) n est pas recommandé. Masso-kinésithérapie La masso-kinésithérapie n a pas d intérêt dans la lombalgie aiguë. Elle est utilisée seulement après l épisode aigu afin de prévenir les récidives. Physiothérapie : en dehors de la chaleur, aucun procédé de physiothérapie n a démontré son intérêt. Une étude contrôlée conclut à l inefficacité de la stimulation nerveuse transcutanée. Les tractions vertébrales mécaniques pourraient avoir un effet sédatif au moins à court terme mais elles ne sont pas recommandées. Programme multidisciplinaire Il n a pas été démontré d intérêt pour ce type de programme à la phase aiguë. Ce type de prise en charge longue et coûteuse est réservé à des patients lombalgiques en arrêt de travail de 4 à 8 semaines, c est-à-dire pour une population déjà en phase subaiguë. 224

Traitements adjuvants Orthèses lombaires : de nombreux lombalgiques aigus bénéficient du port d une orthèse pour lesquelles trois modes d actions peuvent être recherchés : une action de restriction de mobilité, une action de suppléance de la sangle abdominale et une action de rappel de posture. Les objectifs sont la diminution des douleurs, la réassurance des patients conduisant à une meilleure autonomie dans les activités de la vie quotidienne. Elles sont par conséquent proposées dans la mesure où elles permettent la poursuite des activités. Deux types d orthèses peuvent être utilisés : la ceinture lombaire (orthèse en coutil baleiné) avec un matériel élastique permettant un maintien souple vendu en pharmacie ; le lombostat, qui est une orthèse rigide réalisée sur mesure par un orthoprothésiste permettant une immobilisation plus stricte. Il est important de rappeler qu en aucun cas le port d une orthèse ne conduit à une amyotrophie des muscles du tronc (abdominaux et spinaux) s il est accompagné du maintien d activités (10). L efficacité du port d une orthèse lombaire dans la lombalgie a été relativement peu étudiée, une revue systématique de la Cochrane collaboration conclut à la nécessité de réaliser des essais cliniques de bonne qualité pour pouvoir juger de l efficacité de ces orthèses en insistant sur la prise en compte de l observance au port de ces orthèses (17). Manipulation vertébrale : L efficacité à court terme semble démontrée par certaines études mais il n y a pas d efficacité à long terme. Les manipulations vertébrales peuvent être recommandées chez les lombalgiques en phase aiguë qui n ont pas pu reprendre leurs activités habituelles. École du dos : Les écoles du dos réalisent des programmes de trois jours à une semaine, basés sur le modèle biomédical, associant une information sommaire sur l anatomie du rachis lombaire, un apprentissage de l ergonomie rachidienne et la réalisation d exercices musculaires simples. Les études les plus sérieuses montrent l absence totale d efficacité de ce type de prise en charge, probablement en raison des informations délivrées ne s appuyant pas sur le modèle bio-psycho-social. Les écoles du dos ne sont pas non plus une méthode de prévention secondaire ou tertiaire. Thérapies cognitivo-comportementales : Elles ne sont pas recommandées en phase aiguë. Elles font l'objet d'un chapitre spécifique dans cet ouvrage (cf. chapitre 8.2). 225

LOMBALGIES SUBAIGUËS ET CHRONIQUES Les lombalgies subaiguës (entre 3 semaines et 6 mois) Les patients toujours douloureux à ce stade évolutif ont un risque élevé d évolution vers la chronicité. C est une étape charnière au cours de laquelle les facteurs de risques de chronicité doivent être détectés (détresse psychologique, peurs, croyances, comportements inadaptés et difficultés professionnelles). L analyse de la littérature permet d'apporter une réponse sur la place des programmes d exercices à ce stade. Deux études publiées par Lindströmen (1992) et Lorselen (1997) démontrent qu une prise en charge pluridisciplinaire diminue le nombre de congés maladie et le nombre de jours en arrêt de travail. Pengel en 2002 (22) montre également qu un programme graduel d exercices physiques permet de diminuer le taux d absentéisme au travail chez des patients en arrêt de travail. Une revue systématique de la littérature de la Cochrane collaboration met en évidence qu un programme multidisciplinaire de rééducation sur le modèle bio-psycho-social chez des patients toujours douloureux après la phase aiguë peut prévenir le passage à la chronicité. Cependant, ces programmes sont longs et coûteux et nécessitent une bonne collaboration entre le patient, l équipe de rééducation et l environnement professionnel (26). La coordination avec le milieu du travail et des visites du poste de travail permettent également de favoriser les capacités de retour au travail chez les patients lombalgiques en phase subaiguë. L approche des lombalgies subaiguës est comparable aux formes chroniques sur le plan théorique et peut s appuyer sur les recommandations du NICE (25) (cf. annexe) mais elle n est actuellement pas suffisamment mise en œuvre dans la pratique. En phase subaiguë, la prise en charge peut s appuyer sur des simples séances de kinésithérapie en libéral associées dans la plupart des cas à une information adaptée ; pour les patients présentant un risque élevé de passage à la chronicité, un cadre thérapeutique plus strict au sein d un programme pluridisciplinaire devrait pouvoir être proposé. Associer une stratégie d éducation, par des interventions brèves prodiguées par un médecin ou un kinésithérapeute avec une information simple concernant la nature de la douleur et des conseils sur les exercices physiques à réaliser, participe à la lutte contre les facteurs de risque de chronicité (32). 226

Les lombalgies chroniques La lombalgie chronique n est pas une entité clinique et diagnostique, mais plutôt un symptôme chez des patients présentant différents stades d incapacité et de chronicité. En cas d atteinte légère et de faible incapacité fonctionnelle, un traitement simple peut être suffisant. Cette prise en charge s appuie sur le traitement antalgique (médicamenteux et/ou physiothérapie), l information claire du patient pouvant entrer dans le cadre d un programme d éducation thérapeutique et la réalisation d exercices (généraux et/ou spécifiques). Aucun élément n est prédominant par rapport à l autre, c est la combinaison des trois qui permet une réelle efficacité (1, 2, 25). En raison de sa nature multidimensionnelle, la lombalgie chronique entraînant une incapacité importante ne peut pas être prise en charge par un traitement simple. Il est important d utiliser tous les moyens efficaces dont on dispose et de proposer une démarche cohérente. Le pronostic fonctionnel de la lombalgie chronique est conditionné par la durée de l arrêt de travail : la proportion de patient retournant au travail après six mois d arrêt est estimée à 50 %, elle est proche de zéro après deux ans. Afin d essayer d apporter une réponse au problème posé par cette pathologie, différentes formes de prise en charge globale pouvant favoriser la réinsertion peuvent être proposées. Points communs aux différentes recommandations Prise en charge active : l exercice physique est efficace à court terme dans le traitement à visée antalgique et fonctionnelle de la lombalgie chronique par rapport à l absence de traitement ou à un traitement placebo. Il est impossible de conclure sur l éventuelle supériorité d un type d exercice par rapport à l autre (exercices spécifiques en flexion ou extension versus général de type aérobie). L exercice physique quel que soit son type est donc recommandé mais aucune technique ne l est particulièrement. Les traitements multidisciplinaires (selon le modèle bio-psychosocial) associant des séances d éducation, des conseils, des exercices physiques intensifs, supervisés ou non par un kinésithérapeute, associés à une prise en charge psychologique sont recommandés pour le traitement à visée antalgique, fonctionnelle et, dans une moindre mesure, pour le retour au travail des lombalgiques chroniques. 227

Prise en charge passive : les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont efficaces sur l intensité de la douleur et le comportement vis-à-vis de la douleur en comparaison à un placebo ou à une liste d attente. Aucune technique n est supérieure aux autres. Les TCC en association à un autre traitement (exercice physique, kinésithérapie) semblent plus efficaces sur la douleur en comparaison à leur utilisation isolée. La preuve de l efficacité des écoles du dos ne comportant qu un programme d éducation n est pas faite dans la lombalgie chronique. Leur association à des séances d exercice physique a une efficacité antalgique à court terme. Des courtes séries de manipulations vertébrales peuvent être envisagées avec une efficacité à court terme retrouvée. Ces manipulations nécessitent au préalable un bilan clinique et para-clinique. L effet antalgique est équivalent à la kinésithérapie à court terme et supérieure à l utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens seuls, à l acupuncture et à l école du dos. Spécificités des recommandations françaises Massages : bien qu il n existe pas d étude attestant leur efficacité, les massages peuvent être proposés au début d une séance de rééducation selon un accord professionnel. Hydrothérapie et créno-balnéothérapie : le thermalisme peut être proposé dans la prise en charge des lombalgies chroniques car il a un effet antalgique et parce qu il contribue à restaurer la fonction. La balnéothérapie peut également être proposée en raison d un effet antalgique et fonctionnel à court terme non retrouvé à plus long terme. Physiothérapie : l électrostimulation transcutanée semble montrer une efficacité antalgique pendant la période d application. La place de l électro acupuncture reste à définir car elle a un effet antalgique à court terme sans qu une technique particulière soit recommandée. Contention : l intérêt d une contention lombaire reste à démontrer dans la lombalgie chronique, elle peut être proposée mais pas en traitement de première intention. Cependant, son utilisation peut être une solution à la poursuite des activités physiques. Les données récentes de la littérature apportent des éléments de réponse complémentaire. Une étude de 2007 (24) montre une diminution significative du nombre de jours avec douleurs, de la sévérité du vécu de la douleur (échelle de Québec) et une diminution non significative du nombre de jours d arrêt de travail. 228

L analyse post-hoc démontre par ailleurs, que dans le sous-groupe de participants ayant une bonne adhésion au port de l orthèse, les différences entre les groupes sont plus fortes en faveur du groupe intervention sur la diminution du nombre de jours avec douleurs y compris sur le nombre de jours d arrêt de travail. L ensemble des critères de jugements ne sont pas modifiés en fonction du type d orthèse. Une revue Cochrane de 2008 (31) ne met pas en évidence de différence statistiquement significative du port d orthèses lombaires dans la lombalgie chronique par rapport à l absence de traitement ou une prise en charge usuelle. Les tractions vertébrales : elles ne sont pas recommandées. Spécificités des recommandations européennes selon le COST B13 L utilisation de thérapies physiques (chaud / froid, laser, ultrasons, massages, corsets) n est pas recommandée. L électrostimulation transcutanée n est pas non plus recommandée. L électrostimulation percutanée et la neuro-réflexothérapie peuvent être envisagées lorsqu elles sont disponibles. Au total, en s appuyant sur les recommandations de bonnes pratiques, la prise en charge des lombalgies chroniques comporte, en première intention, la réalisation d exercices physiques. La physiothérapie antalgique et les massages ne sont que des traitements adjuvants et ne sont pas prioritaires dans la stratégie thérapeutique. CONTENU DES DIFFÉRENTS PROGRAMMES D EXERCICES Actuellement, il existe autant de types de programmes que d équipes (exercices en aérobie, stretching, renforcement musculaire spécifique, techniques de McKenzie, techniques d Alexander). Les divers exercices utilisés sont très hétérogènes (technique, durée, fréquence, condition de réalisation) mais tous sont efficaces dans la lombalgie chronique. La plupart des programmes d exercices ont montré un effet favorable sur l intensité des douleurs à court, moyen et long termes, sur l'incapacité fonctionnelle, sur l amélioration de la mobilité rachidienne à court et long termes, sur l amélioration de la force musculaire à court, moyen et long termes. Il existe également une diminution de la consommation d antalgiques, une diminution de la durée de l arrêt de travail et une diminution du nombre de rechutes douloureuses. 229

Comparaison des techniques d exercices Pilate vs exercices généraux L étude de Wajswelner en 2012 (34) a comparé un programme individuel basé sur la technique Pilate à des exercices de renforcement musculaire globaux dans une population de lombalgiques chroniques. Chaque participant a bénéficié de deux séances d une heure deux fois par semaine sur six semaines supervisées par un kinésithérapeute ainsi que des auto-exercices réalisés à la maison. Le suivi est réalisé sur 6, 12 et 24 semaines avec comme critères de jugement la douleur, le handicap, la fonction, la qualité de vie et la perception globale de la santé. À 6 semaines, il n y a pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes sur l échelle de Québec. Les deux groupes montrent une amélioration significative de l ensemble des paramètres, avec des résultats similaires à 12 et 24 semaines de suivi. Exercices aérobies vs exercices spécifiques En 2001, Tritilanunten (30) a cherché à montrer l efficacité d exercices en aérobie comparés à un programme d exercices en flexion lombaire dans le traitement des lombalgies chroniques ; 72 patients lombalgiques âgés entre 30 et 50 ans randomisés en deux groupes sont suivis sur trois mois. À l issue de ces trois mois, l étude retrouve une différence significative entre les deux groupes en faveur du groupe «exercices en aérobie» ; cette étude est toutefois de faible niveau de preuve. L étude de Ferreira en 2007 (11) de haut niveau de preuve a comparé des programmes d exercices généraux (renforcement, stretching, exercice aérobie), à des exercices spécifiques (exercices centrés sur les muscles du tronc, manipulations vertébrales) au cours de lombalgies chroniques pendant 12 semaines. Les critères utilisés pour le suivi sont la fonction et la perception globale du bénéfice par le patient. À 8 semaines, le groupe «exercice spécifique» et le groupe «manipulation» ont des résultats significativement supérieurs mais dont la pertinence clinique est faible en comparaison avec le groupe «exercices généraux». Les trois groupes ont des résultats similaires à 6 et 12 mois. 230

Exercices généraux seuls versus exercices généraux plus stabilisation du tronc L étude de Koumantakis en 2005 (18) tend à suggérer que des exercices généraux de renforcement musculaire du tronc seul, sans l association à des exercices de stabilisation conduisent à de meilleurs résultats en termes de handicap sur le questionnaire de Rolland Morris, comparé à des exercices généraux associés à une stabilisation, de façon immédiate après les deux mois de prise en charge. Aucune différence n est retrouvée sur les paramètres de la douleur. Cette différence n est pas retrouvée trois mois après la fin de la prise en charge. Cette étude confirme également le bénéfice des programmes d exercices physiques quels qu ils soient dans la prise en charge des lombalgies chroniques. Exercices aérobies seuls Une étude ouverte, parue en 2011 (28), sur l activité physique adaptée à raison d une heure trois fois par semaine sur 12 mois, montre l efficacité d une prise en charge générale en termes d endurance cardiorespiratoire, de mobilité du rachis, de force musculaire globale, de posture et de participation sociale chez des patients lombalgiques chroniques. Chez les patients ayant terminé l ensemble de l étude, on note une réduction statistiquement significative sur les douleurs lombaires et une amélioration de leur santé globale par rapport aux patients ayant interrompu le programme. Une étude parue en 2009 (20) a étudié l impact de l intensité d un programme d exercices généraux sur la composition des fibres musculaires. Ce projet n a pas montré de différence statistiquement significative de la composition du muscle multifidus en fonction de différents niveaux d intensité d activité (entre moins de 1000 kcal/semaine et plus de 2000 kcal/semaine). Programmes d exercices généraux associés à une intervention éducative Le programme proposé par Bendix (3) et al consiste en la réalisation de 24 séances d exercices d une heure et demie trois fois par semaine pendant huit semaines en ambulatoire. Il est associé à des séances d éducation et contribue à une réduction significative de la durée d arrêt de travail et de la consommation de soins. D autres équipes (16) proposent des protocoles comparables comportant des exercices aérobies et de renforcement musculaire à raison d une heure trente à deux heures 231

trois fois par semaine avec apprentissage d autoprogramme. Une éducation thérapeutique est associée à la prise en charge comportant des informations sur l effet délétère de l inactivité, la dédramatisation de la douleur et l apprentissage de l intérêt pour l activité physique. Au total, l ensemble de ces données montre l intérêt des programmes d exercices dans la prise en charge de la lombalgie chronique. La capacité du patient à pratiquer des exercices en aérobie dans ses activités quotidiennes sans supervision spécifique doit être appréciée. L'autre possibilité étant de lui proposer un programme plus spécifique de renforcement musculaire et d'étirement nécessitant un encadrement. Place de l isocinétisme Principes : le reconditionnement musculaire participe à la réduction des croyances, des peurs et des conduites d évitement. Ce renforcement réalisé de façon progressive peut être réalisé sur dynamomètre isocinétique lors d exercices gymniques ou lors de mise en situation permettant un travail fonctionnel et/ou un travail des fléchisseurs et des extenseurs du tronc. Les dynamomètres isocinétiques sont des outils efficaces et validés dans la prise en charge et l évaluation des lombalgies chroniques, permettant une reprise progressive de l activité physique qui contribue à lutter contre la cinésiophobie. L appréhension liée à cette reprise d activité doit être prise en compte pour obtenir une réduction efficace visant la reprise d une activité professionnelle. Au-delà du gain de force pur, on peut penser que le renforcement sur dynamomètre isocinétique qui permet un mouvement guidé, avec une résistance auto-adaptée aux possibilités de chaque sujet, contribue à désinhiber les patients vis-à-vis de la reprise des activités physiques et ainsi réduire leurs croyances erronées concernant l activité considérée à tort comme génératrice de douleurs. Résultats : l étude ouverte d E. Coudeyre de 2004 (6) a montré que le renforcement isocinétique des extenseurs du rachis notamment à vitesse rapide, permet une prise de conscience de ses capacités par le patient. Cette désinhibition se traduit par une amélioration de la force musculaire, des indices fonctionnels (Québec) ainsi qu une réduction des croyances de peur et d évitement (FABQ) qui contribue à la reprise du travail et à l amélioration de la qualité de vie. 232

L étude d Olivier en 2008 (21) confirme qu il n y a pas de supériorité de cette technique de réentraînement à l effort dans la prise en charge d une lombalgie chronique. Elle apporte en revanche un confort dans la rééducation et une possibilité d adaptation aux capacités du patient que ne peuvent fournir les machines à charge conventionnelles. Limites : l étude de Bernuz en 2012 (4) a évalué les sollicitations cardiorespiratoires et métaboliques durant une évaluation de la force musculaire en mode dynamique des fléchisseurs et extenseurs du tronc par dynamomètre isocinétique chez des patients sains. L étude retrouve une augmentation de la fréquence cardiaque correspondant à 84 % de la fréquence maximale obtenue lors d une épreuve d effort conventionnelle et à 80 % de la fréquence maximale théorique a été mesurée. Il existait une augmentation non significative de la tension artérielle systolique de 20 %. Au niveau des échanges gazeux une consommation d oxygène correspondant à 47 % de la VO2 max a été mesurée. Lors d un exercice isocinétique du tronc de type «évaluation», les sollicitations cardiorespiratoires sont importantes, et plus particulièrement lors des tests dits «de résistance à la fatigue», comportant au moins 15 répétitions à vitesse rapide, le plus souvent à 120 /s. L attitude clinique pratique qui consiste en la recherche de facteurs de risques cardiovasculaires, voire à la réalisation d un électrocardiogramme avant tout exercice isocinétique chez le patient lombalgique, doit être rigoureusement respectée, même lors d une simple évaluation. La présence de facteurs de risque cardiovasculaire devrait faire pratiquer une épreuve d effort si une série de type «résistance à la fatigue» est envisagée. Le développement d exercices isocinétiques du tronc en mode excentrique pourrait être une alternative, compte tenu de la moindre sollicitation cardiovasculaire de ce mode de contraction. Conditions de réalisations Exercices en groupe supervisés vs individuel Un essai randomisé contrôlé japonais (27) comparant une prise en charge individuelle dans les programmes d exercices à une prise en charge en groupe n a pas montré de différence statistiquement significative dans le suivi des lombalgies chroniques. Le rapport coût/ efficacité est cependant meilleur pour la prise en charge en groupe. Dans une méta analyse, Hayden et al (14, 15) ont conclu que la stratégie la plus efficace pour ces patients lombalgiques chroniques consiste en 233

des programmes d auto-rééducation supervisés par un thérapeute lors de consultations régulières de suivi. Une approche de groupe permet, d après la revue systématique de la littérature de Van Middelkoop et al. (32), de réduire significativement l intensité de la douleur et l incapacité à court terme comparativement à un traitement usuel. Les exercices basés sur un modèle de groupe permettent à la fois une synergie d action bénéfique pour les patients (la prise en charge est plus didactique) et un avantage médico-économique pour la société. Restauration fonctionnelle du rachis (7, 23) Concept : La restauration fonctionnelle du rachis (RFR) a été initiée par T. Mayer dans les années 1990. Il propose une alternative pour le traitement de la lombalgie chronique résistant aux thérapeutiques classiques et occasionnant des coûts élevés de prise en charge. Ce programme favorise la restauration des paramètres physiques du syndrome de déconditionnement caractérisé par la perte de souplesse rachidienne, de la force et de l endurance. En parallèle, une réadaptation sociale, professionnelle et psychologique (prise en charge bio- psycho-sociale) est menée. L élément clé de la réussite est la participation active du patient, sa motivation, l acceptation et la meilleure gestion de la douleur. La possibilité de faire travailler la fonction rachidienne met en jeu des stratégies de coping qui sont élaborées lors du programme. Indications : Ce type de prise en charge implique de nombreux professionnels sur un temps court et intense, ce qui engendre un coût supplémentaire par rapport aux méthodes classiques. La RFR est une prise en charge appropriée en traitement de recours dans les centres de référence. Elle s adresse à des patients lombalgiques chroniques déconditionnés en situation de handicap avec retentissement professionnel et pour lesquels les différents traitements se sont révélés jusqu alors inefficaces. La progression par contrat caractérise ce type de prise en charge. Il existe une certaine hétérogénéité des populations de patients inclus : la lombalgie subaiguë peut faire l objet d une RFR dans certains cas, les patients inclus peuvent être en arrêt de travail ou non. Les paramètres évalués à l inclusion (paramètres physiques, de douleur, d incapacité fonctionnelle, score d anxiété dépression) varient suivant les équipes. 234

Contre-indications : L absence de compréhension de la finalité du programme, la barrière linguistique, l existence de comorbidités cardio-vasculaires, psychologiques ou psychiatriques et la recherche de bénéfices secondaires (dont l implication avérée du patient dans une démarche de mise en invalidité) contre-indiquent la réalisation de ce type de programme. Organisation : La durée du programme varie selon les équipes (3 à 6 semaines), le nombre de patients par groupe varie en général entre quatre et dix. La prise en charge est faite en hospitalisation, à temps complet ou partiel, avec une équipe pluridisciplinaire associant le plus souvent médecin de médecine physique et de réadaptation, kinésithérapeute, ergothérapeute, assistante sociale, psychologue, sophrologue, diététicienne et éducateur sportif. Contenu des programmes : L objectif principal du programme RFR est de corriger et d équilibrer les paramètres physiques déficitaires, de restaurer la fonction du rachis malgré la douleur et d aider à résoudre les difficultés psychologiques, sociales et professionnelles. Basé sur la fonction, le traitement est délibérément actif, ne faisant pas appel aux méthodes passives (chaleur, massage, électrothérapie, immobilisation, traction, etc.). Les tests réalisés en début, en cours et en fin de programme fixent et ajustent les objectifs en fonction des possibilités de chacun, qu il soit sédentaire ou travailleur de force. Ils mettent en évidence la progression et la récupération fonctionnelle. Le lombalgique chronique n est ainsi plus soigné au travers d une relation duelle habituelle, mais par l action conjointe des différents soignants parlant un langage commun, ayant un objectif identique et agissant sur un même lieu de soins (unité d action et de lieu). La bonne coordination de l équipe et les réunions hebdomadaires de synthèse participent à l harmonisation nécessaire autour du malade. Il s agit d un véritable contrat passé entre le malade et l institution. La rencontre avec d autres patients participe à l émulation retrouvée habituellement dans un groupe. Le programme RFR est construit sur les mêmes principes généraux utilisés dans la rééducation fonctionnelle des lésions de l appareil locomoteur. Le rachis et la région sous-pelvienne sont ainsi globalement rééduqués comme une articulation périphérique. Les principes de cette rééducation sont le gain d amplitude articulaire et de souplesse musculo-tendineuse, la récupération du potentiel musculaire analytique et global, la proprioception, la récupération fonctionnelle et la réadaptation cardiaque. 235

Trois temps rythment le programme : flexibilité, force, endurance. Le gain de flexibilité est l objectif à atteindre dans les premiers jours. Le programme étant basé sur la récupération par le mouvement, il est logique de s attacher à retrouver rapidement les qualités de souplesse articulaire et musculotendineuse. Ce travail est obtenu par des exercices sans contrainte, à faible coût énergétique et par des gestes conduits. Cette première étape participe largement à la désinhibition physique et au retour à la confiance en soi. Ce gain doit permettre de mieux exploiter le renforcement musculaire qui va suivre. Le gain de force vise à consolider un ou plusieurs maillons d une chaîne biomécanique qui vient de gagner en mobilité. Ce renforcement musculaire est réalisé en analytique, puis en fonctionnel, suivant différents modes de contraction. Il s agit de restaurer des paramètres de force déficitaires, en étant guidé par les évaluations. Le gain en endurance est l objectif de fin de programme. Il faut exploiter les acquis de flexibilité et de force en les transposant dans un plan de travail où le principe est l utilisation d un grand nombre de répétitions d exercices. C est ainsi une façon de réadapter le lombalgique aux efforts de longue durée. La sommation des gains en flexibilité, en force et en endurance permet de lever les appréhensions et de préparer l organisme à des contraintes de charges de travail importantes : la quantité des efforts cumulés dans la journée à la fin de la cinquième semaine dépasse probablement ce qui peut être imposé dans la vie courante. Les travaux en physiologie sportive ont permis de sérier différentes techniques de développement des qualités physiques de force et d endurance. En maîtrisant les mécanismes de déconditionnement et de reconditionnement, les différents intervenants programment et adaptent le renforcement musculaire spécifique et généralisé, le réentraînement à l effort et le réinvestissement de ce capital physique nouvellement restauré au sein d activités analytiques et fonctionnelles visant la recoordination neuromusculaire. Tous les traitements et techniques utilisés visent à gommer durablement le syndrome de déconditionnement physique objectivé lors de l évaluation physique d inclusion. Au cours du programme, le renforcement musculaire va être réalisé en même temps en force et en endurance. Un travail en ergothérapie basé sur le port de charges, l étude de gestes, les postures prolongées et les études du poste de travail est à associer. Aspect psychologique et éducation thérapeutique : l inclusion du lombalgique dans un tel programme comporte en elle-même un aspect 236

thérapeutique psychologique. Sur le plan physique, elle comporte un aspect restaurateur, dont le reflet narcissique n est pas négligeable. Cet aspect est d autant plus marqué que la motivation du patient à participer à la rééducation est importante, que les règles de l entraînement s appliquent sans restriction et que le gain fonctionnel se manifeste. Sur le plan socioprofessionnel et familial, l attention de l entourage est attirée par cet aspect de restauration fonctionnelle, modifiant son regard sur le lombalgique. Sur le plan psychologique, chaque intervenant, chaque exercice, chaque étape alimente cette restauration narcissique. Une dynamique de groupe est en place à plusieurs niveaux : groupe constitué des thérapeutes et des patients, groupe des patients lombalgiques entre eux, groupe de synthèse où les résultats sont analysés, groupe de reconvocation où les résultats sont suivis à distance, ce groupe ayant alors un rôle de réseau. Les réunions hebdomadaires de synthèse avec le patient et l ensemble de l équipe assurent la cohésion du groupe et la bonne coordination dans le programme. Cette stratégie peut s accompagner ou non de séances d éducation thérapeutique, réalisées fréquemment en groupe, basées sur une participation active des patients, encadrées par des professionnels impliqués dans les programmes de restauration fonctionnelle. Efficacité : Le bénéfice rapporté de la RFR repose sur le fait que chaque intervention réalisée dans ce programme intégré est meilleure que la somme de chacune prise séparément. L efficacité de ces programmes est reconnue dans la littérature. Le critère principal d efficacité est le retour au travail. La plupart des études rapportent un taux de retour au travail entre 65 et 72 % et une réduction du nombre de jours d arrêt de travail. On peut penser que lorsqu il existe un retentissement professionnel on doit proposer de manière précoce les programmes de RFR. Pour garantir une efficacité à long terme, un suivi est nécessaire comportant la réinduction de consignes ou la supervision d exercices par un thérapeute. Traitements associés Les thérapies cognitives et comportementales sont en continuité avec l approche multidisciplinaire. Cette approche a montré son efficacité et est bien documentée dans la littérature (19). Elle sera traitée par ailleurs dans la monographie. Il est cependant important de souligner que les recommandations ne sont pas en faveur d une technique 237

particulière et qu elles préconisent l association des TCC avec des exercices actifs de restauration fonctionnelle. L étude d Helen en 2011 (29), étudiant le yoga pour les lombalgies chroniques, montre un effet traitement plus important que les soins usuels avec une modification statistiquement significative sur le questionnaire de Rolland Moris. ADHÉSION AU PROGRAMME D EXERCICES ET ÉDUCATION DES PATIENTS La démarche éducative n est pas nouvelle dans la prise en charge des lombalgies puisque, dès 1969, les premières écoles du dos intègrent des séances d information parfois d éducation gestuelle (8). Selon l OMS, l éducation thérapeutique du patient vise à aider les patients à acquérir ou à maintenir les compétences dont il a besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Bilan éducatif Il n existe pas de recommandations en langue française sur le bilan éducatif. Le National Institute of Health and Clinical Excellence suggère simplement de prendre en compte les attentes et préférences des patients parmi les traitements recommandés. Outils Les outils destinés à informer et à éduquer les patients retrouvés dans la littérature sont nombreux et variés. Ils font appel à l information orale ou écrite. Le Guide du dos, traduction du Back Book (5), est le livret le mieux validé et le plus utilisé en France comme à l étranger. L association de différents outils d information semble avoir un effet synergique mais les informations qui ne font pas partie intégrante d un parcours (contextualisé) semblent perdre de leur impact. Contenu informatif Selon les recommandations européennes, le contenu du message éducatif doit être rassurant et doit aborder des notions simples 238

comme l inutilité du repos au lit de plus de deux jours, l absence de gravité si aucun des «Reds flags» n est présent, la meilleure récupération avec la reprise d activités légères sans majoration des douleurs, le lien entre la précocité de la reprise d activités professionnelles et de loisirs et le meilleur pronostic à court et moyen termes. En l absence de recommandations pour le contenu de l éducation thérapeutique du patient (ETP) du lombalgique, il est toutefois possible de s appuyer sur les travaux d Epstein et al (9) qui ont structuré les différentes étapes pour aider le clinicien à communiquer avec le patient. Le clinicien comprend le vécu et les attentes du patient, construit un partenariat, donne ses recommandations, contrôle la bonne compréhension et l adhésion du patient. L éducation est également adaptée en fonction du stade de la pathologie. Le message «one to one», situation habituelle de consultation, permet d établir un diagnostic éducatif, d expliquer le projet thérapeutique et de délivrer les grandes lignes du message éducatif. Les groupes de discussion sont plus adaptés à la phase chronique dans le cadre de programmes multidisciplinaires permettant le partage d expériences personnelles entre patients en complément des interventions de professionnels. Impact de l éducation des patients Intervention simple Les simples conseils sont, par exemple, aussi efficaces à trois mois sur la douleur et l incapacité que les thérapies manuelles ou la méthode de McKenzie. Ils sont optimisés si des exercices sont proposés en association. Le Back book, a prouvé son utilité en réduisant les répercussions fonctionnelles, en améliorant les connaissances sur la relation activités-lombalgies mais sans modifier significativement les peurs et les croyances, ce que peut apporter un programme d'etp plus structuré. Même si la précocité de l intervention conditionne le pronostic, un simple livret éducatif peut donner des résultats à 6 et 18 mois sur la douleur et la qualité de vie chez des patients lombalgiques évoluant depuis plus de dix ans. Intervention complexe Le fait de structurer le programme d ETP améliore les résultats attendus comparativement aux soins usuels accompagnés d une simple brochure 239

d information comme cela a été démontré dans deux études (33, 12) ; cependant les résultats divergent en fonction des critères d évaluation : plusieurs études démontrent qu un protocole court d ETP n est pas plus efficace sur la douleur que les soins courants. En revanche, dans trois études, ce même programme réduit de manière significative la durée cumulée d arrêt maladie, résultat qui n est pas confirmé en milieu professionnel sur le délai de retour au travail. D autres études démontrent des résultats durables de l ETP sur l incapacité, la douleur ou la qualité de vie. Les stratégies d adaptations des patients expliquent, au moins en partie, cette réduction d incapacité fonctionnelle alors que la douleur est équivalente. Si l objectif d une intervention éducative dans la lombalgie est d améliorer l adhésion au traitement, alors des explications structurées délivrées en consultation semblent efficaces sur la gestion de la douleur (multiplié par dix en cas d explication de l utilité du traitement, multiplié par 3,2 en cas d explication de la nature de la maladie). En revanche, elles ne changent rien aux adaptations de la vie courante. L information et l éducation basée sur le modèle biopsychosocial sont des stratégies efficaces pour modifier les croyances, minimiser les conséquences et augmenter l adhésion au traitement. Efficacité de l observance Le caractère chronique de la lombalgie implique des représentations inadaptées souvent résumées par le terme générique de catastrophisme. Il est alors nécessaire d accompagner le patient dans une stratégie de soins adaptés et d optimiser l adhésion au traitement. L étude de Genêt (2002) (13) a évalué l efficacité et l observance à un an d un programme court de rééducation (5 séances d une demi journée à raison d une par semaine en hôpital de jour) assorti d un autoprogramme consigné sur un livret chez des patients lombalgiques chroniques. Il était recommandé aux patients de réaliser les exercices quotidiennement à la maison pendant 15 minutes. Chaque séance comprenait un temps d exercice aérobie (tapis de marche, vélo, rameur), un temps d étirement et de mobilisation du rachis et des plans sous-pelviens, un temps de renforcement musculaire isométrique et isotonique des membres et du tronc plus une séance de balnéothérapie. Le livret comprenait des auto-exercices reprenant les thématiques du programme de rééducation. Cette étude a montré 240

que l observance quantitative à un auto programme dans la lombalgie chronique est satisfaisante mais qu en revanche l observance qualitative est médiocre. Le bénéfice clinique du programme persiste à trois mois mais les résultats observés à 12 mois se rapprochent de l évaluation à J0. Enfin, les patients observants à un an ont une incapacité (indice de Québec) et un handicap significativement moins important que les patients non observants. La prise en charge gymnique permet probablement aux patients d intégrer leurs possibilités physiques et de rompre le cercle vicieux de la cinésiophobie malgré l absence d augmentation des performances physiques. Les résultats de cette étude permettent de proposer l attitude suivante afin d améliorer l observance à un programme d exercices : élaborer un autoprogramme spécifique avec un nombre restreint d exercices mais comportant systématiquement des exercices de renforcement des muscles extenseurs du rachis, insister sur la pédagogie en rappelant l innocuité des exercices malgré la douleur et motiver le patient sur la relation entre bénéfices des exercices et persévérance. Enfin, programmer de manière systématique une séance de ré-induction pour évaluer et corriger la réalisation des exercices et montrer les bénéfices du travail en quantifiant les progrès obtenus. CONCLUSION La prise en charge des patients lombalgiques nécessite une évaluation globale selon le modèle bio-psycho-social qui intègre les composantes médicales, fonctionnelles et socio-professionnelles des patients. Elle comporte systématiquement une médication antalgique adaptée, une information claire et rassurante, la réalisation d un programme d exercices. Lorsqu il existe un retentissement professionnel, on doit proposer de manière précoce un programme de restauration fonctionnelle du rachis. Pour les lombalgiques chroniques sans retentissement professionnel, un programme d exercices en ville avec suivi à long terme peut suffire. Les coûts présentés par les programmes multidisciplinaires et la nécessité d une implication forte du patient imposent de sélectionner les patients les plus motivés et de réaliser, lors des entretiens préprogramme, un contrat d objectifs et de moyens avec le patient. Le phénotypage des patients semble essentiel pour adapter une prise en charge personnalisée. 241

Les modalités de suivi seront adaptées à chaque patient en fonction des objectifs fixés avec lui. À chaque consultation, l interrogatoire et l examen clinique s assureront de l absence des signes d alerte. La douleur et son retentissement sur les activités quotidiennes seront appréciés. L objectif du suivi est d éviter la médicalisation excessive tout en assurant un accompagnement thérapeutique qui réconforte le patient. Un aspect très intéressant - et vraisemblablement très prometteur de la prise en charge des lombalgiques chroniques en accident du travail et en arrêt de travail prolongé - est l adjonction au programme de restauration fonctionnelle de procédures de reprise facilitée des activités professionnelles par du temps partiel ou des activités aménagées. Ce type de démarche facilite le retour au travail, réduit le nombre de jours d arrêt de travail et permet une économie pour le système de santé. Bibliographie 1. ANAES. (Mars 2000) Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique. Service des recommandations et références professionnelles, Paris, France. 2. Airaksinen O, Brox JI, Cedraschi C, Hildebrandt J, Klaber-Moffett J, Kovacs F, Mannion AF, Reis S, Staal JB, Ursin H, Zanoli G (2006) COST B13 Working Group on Guidelines for Chronic Low Back Pain. Chapter 4. European guidelines for the management of chronic non specific low back pain. Eur Spine J. Mar;15 :S192-300. 3. Bendix AE, Bendix T, Haestrup C, Busch E. (1998) A prospective, randomized 5-year follow-up study of functional restoration in chronic low back pain patients. Eur Spine J.; 7:111-9. 4. Bernuz B, Edouard P, Coudeyre E, Calmels P, Bedu M, Roche F, Degache F. (2012) Cardiorespiratory responses during isokinetic trunk exercise. Med Sci Sports Exerc 27, 201-207. 242

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