La fiscalité indirecte et la fiscalité de l'environnement Quelques réflexions à propos de «l autonomie du droit fiscal» et de la «coordination entre l Etat fédéral et les Régions en matière fiscale» Marc Bourgeois Professeur ULg Tax Institute Chambre des Représentants, lundi 24 novembre 2013 1
I. Généralités 2
Deux recommandations Première recommandation : Renforcer l autonomie du droit fiscal par le biais d un recours plus fréquent à des concepts autonomes Seconde recommandation : Renforcer la coordination et la cohérence des politiques entre l Etat fédéral et les Régions en matière fiscale 3
Première recommandation Renforcer l autonomie du droit fiscal par le biais d un recours plus fréquent à des concepts autonomes Autonomie du droit fiscal? Signification pratique Illustration particulière : la TVA «européenne» Illustration particulière en matière de droits de succession : les fictions Comparaison avec la matière de la fiscalité directe (impôts sur les revenus) Enjeu, faisabilité, sécurité juridique 4
Première recommandation Renforcer l autonomie du droit fiscal par le biais d un recours plus fréquent à des concepts autonomes Nouvelle mesure générale anti-abus (art. 344, 1, CIR/92 ; art. 18, 2, C.enr. ; art. 106, al. 2, C.succ.) D aucuns disent que des «concepts autonomes» en droit fiscal ne sont plus nécessaires compte tenu de cette nouvelle mesure générale anti-abus 5
(Art. 344, 1 er, du CIR/92 : nouvelle version) «N'est pas opposable à l'administration, l'acte juridique ni l'ensemble d'actes juridiques réalisant une même opération lorsque l'administration démontre par présomptions ou par d autres moyens de preuve visés à l article 340 et à la lumière de circonstances objectives, qu il y a abus fiscal. Il y a abus fiscal lorsque le contribuable réalise, par l acte juridique ou l ensemble d actes juridiques qu il a posé, l une des opérations suivantes: 1. une opération par laquelle il se place, en violation des objectifs d une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, endehors du champ d application de cette disposition; ou 2. une opération par laquelle il prétend à un avantage fiscal prévu par une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, dont l octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition et dont le but essentiel est l obtention de cet avantage. Il appartient au contribuable de prouver que le choix de cet acte juridique ou de cet ensemble d actes juridiques se justifie par d autres motifs que la volonté d éviter les impôts sur les revenus. Lorsque le contribuable ne fournit pas la preuve contraire, la base imposable et le calcul de l impôt sont rétablis en manière telle que l opération est soumise à un prélèvement conforme à l objectif de la loi, comme si l abus n avait pas eu lieu.» Année académique 2013-2014 6
(Art. 18, 2, C.enr. : nouvelle version) «N est pas opposable à l administration, l acte juridique ni l ensemble d actes juridiques réalisant une même opération lorsque l administration démontre par présomptions ou par d autres moyens de preuve visés à l article 185 et à la lumière de circonstances objectives, qu il y a abus fiscal. Il y a abus fiscal lorsque le redevable réalise, par l acte juridique ou l ensemble d actes juridiques qu il a posé, l une des opérations suivantes: 1. une opération par laquelle il se place, en violation des objectifs d une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, endehors du champ d application de cette disposition; ou 2. une opération par laquelle il prétend à un avantage fiscal prévu par une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, dont l octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition et dont le but essentiel est l obtention de cet avantage. Il appartient au redevable de prouver que le choix de cet acte juridique ou de cet ensemble d actes juridiques se justifie par d autres motifs que la volonté d éviter les droits d enregistrement. Lorsque le redevable ne fournit pas la preuve contraire, l opération est soumise à un prélèvement conforme à l objectif de la loi, comme si l abus n avait pas eu lieu.» Année académique 2013-2014 7
Première recommandation Renforcer l autonomie du droit fiscal par le biais d un recours plus fréquent à des concepts autonomes La nouvelle mesure générale anti-abus a été validée par la Cour constitutionnelle (arrêt n 141/2013 du 30 octobre 2013) Implications en termes d activité normative Plus de soin dans la définition des objectifs poursuivis par le législateur fiscal Concepts fiscaux autonomes en droit fiscal, clairement définis et mieux ajustés à l objectif poursuivi par le législateur fiscal 8
Seconde recommandation Renforcer la coordination et la cohérence des politiques entre l Etat fédéral et les Régions en matière fiscale Quelle répartition des compétences fiscales en matière de fiscalité indirecte? 9
Seconde recommandation Renforcer la coordination et la cohérence des politiques entre l Etat fédéral et les Régions en matière fiscale Symptômes Diagnostic Remèdes Comité de concertation parlementaire? Objectif : prise de conscience des problèmes 10
II. Applications - Illustrations 11
Plan A. Réforme fédérale du droit civil et conséquences pour les droits de succession régionaux B. TVA vs Droit d enregistrement : quelle fiscalité immobilière à l avenir? C. Absence de régionalisation du droit d enregistrement sur les baux : une incongruité? D. Fiscalité environnementale : quel législateur compétent? 12
A. Réforme fédérale du droit civil et conséquences pour les droits de succession régionaux Réforme en cours du droit patrimonial des familles Trois textes en cours de discussion Option sociétale fondamentale : étendre les droits du conjoint survivant en propriété au détriment des enfants si les conjoints le veulent, et en usufruit dans le cas contraire (droit réservataire sur tous les acquêts) Aucune allusion aux conséquences fiscales pour les Régions (en particulier : art. 5 Code des droits de succession) 13
A. Réforme fédérale du droit civil et conséquences pour les droits de succession régionaux Réforme en cours du droit patrimonial des familles Art. 5 Code des droits de succession (trois Régions) : «L'époux survivant, auquel une convention de mariage non sujette aux règles relatives aux donations attribue sous condition de survie plus que la moitié de la communauté, est assimilé, pour la perception des droits de succession et de mutation par décès, à l'époux survivant qui, en l'absence d'une dérogation au partage égal de la communauté, recueille, en tout ou en partie, la portion de l'autre époux, en vertu d'une donation ou d'une disposition testamentaire». 14
A. Réforme fédérale du droit civil et conséquences pour les droits de succession régionaux Réforme en cours du droit patrimonial des familles La difficulté technique réside dans l extension des avantages matrimoniaux à tous les régimes, en ce compris la cohabitation légale, ce qui permet de transférer tous les acquêts du couple (au sens de l article 1405) au survivant sans payer de droits de succession, conformément à l article 5 du Code des droits de succession 15
B. TVA vs Droit d enregistrement : quelle fiscalité immobilière à l avenir? Lien entre les droits d enregistrement régionaux et la TVA fédérale (et européenne) Incidence de l absence de coordination entre l Etat fédéral et les Régions Exemple : TVA et promoteurs immobiliers Exemple : TVA et terrains attenants Nécessité d une meilleure concertation/coordination D autant plus lorsque les Régions aurons repris à leur compte le «service» des droits d enregistrement 16
C. Absence de régionalisation du droit d enregistrement sur les baux : une incongruité? Le droit d enregistrement sur les baux est aujourd hui un impôt de compétence exclusivement fédérale Premier problème : Accord institutionnel sur la sixième réforme de l Etat : transfert de compétences dans le domaine du logement (baux d habitation, par exemple) Second problème : L article 83 C.enr. assimile les contrats constitutifs de droits d emphytéose ou de superficie et leurs cessions aux baux et aux cessions de baux pour l application du Code des droits d enregistrement, sous certaines réserves) = Bonne illustration de l absence de cohérence/concertation entre les différents niveaux de pouvoir 17
D. Fiscalité environnementale : quel législateur compétent? Législateur fédéral vs Législateurs régionaux Impact de la sixième réforme de l Etat en matière d impôt des personnes physiques Nouvel article 5/5, 4, projeté, de la LSF Quid des autres impôts? Retour des «compétences usurpées»? 18