THERMOREGULATION ET HYPOTHERMIE PERIOPERATOIRE

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Transcription:

Rappels THERMOREGULATION ET HYPOTHERMIE PERIOPERATOIRE Dr Stéphanie Roullet UF Uro-Vasculaire et Transplantations Service Anesthésie Réanimation 1 CHU Bordeaux Homme= animal homéotherme Maintenir la température corporelle constante pour un bon fonctionnement systémique et cellulaire Point d équilibre thermique pour fonctions enzymatiques optimales 37,0 C ± 0,4 C Objectifs Thermodynamique Thermorégulation: thermogenèse et thermolyse Effets de l anesthésie sur la thermorégulation Mécanismes des pertes thermiques peropératoires THERMODYNAMIQUE Conséquences de l hypothermie Prévention de l hypothermie et prise en charge d un patient hypotherme au réveil Thermogenèse Equilibre énergétique physiologique Métabolisme basal (1W/kg) Thermogenèse alimentaire Thermogenèse musculaire (frissons) Charges exogènes Thermolyse Radiation Thermostats hypothalamiques Conduction Convection Evaporation Conduction Modalités des pertes caloriques Transfert de chaleur entre deux ou plusieurs objets en contact direct et sans mouvement de l un par rapport à l autre. Rôle de la conductance thermique. Tables d opération Evaporation Pertes thermiques dues à la chaleur de vaporisation. 584 cal/g d eau au niveau de la peau. Désinfection cutanée, ouverture de cavités Convection Transfert direct d énergie entre la surface corporelle et l air ambiant en mouvement, avec renouvellement de la couche d air au contact de la peau par de l air froid. Flux laminaire Radiation Transfert d énergie entre 2 ou plusieurs objets de température différente par échange d ondes électromagnétiques IR

THERMOREGULATION Le système de thermorégulation Réponse au froid et au chaud Réseau d afférences: informations sur la T à différents endroits de l organisme Fibres Aδ (froid) et C (chaud) Système d intégration central: l hypothalamus ± 0,2 à 0,4 C Système efférent: ou la dissipation thermique, production de chaleur, adapter le comportement Thermorécepteurs Hypothalamus postérieur Hypothalamus antérieur thermorécepteurs Pilo-érection NN: métabolisme graisse brune Principes de mesure Modifications des propriétés d un élément en fonction de la température MONITORAGE DE LA TEMPERATURE Thermistances: substances semi-conductrices dont la résistance électrique varie avec la température. 0,1 C Thermocouples: différence de potentiel proportionnelle à la température Thermomètres à cristaux liquides: T externe Thermomètres à infrarouge. 0,1 C

Choix du site de mesure Indications du monitorage Organes richement vascularisés reflètent au mieux la température centrale Malade intubé: T du nasopharynx Sondes vésicales avec sonde thermique T oesophagienne: 1/3 inférieur de l œsophage, entre le cœur et l aorte descendante T tympanique. Tympan proche de la carotide interne, pas le conduit auditif externe Artère pulmonaire! T cutanées et rectales reflètent mal la T centrale Indiqué pour toute AG>30 min / chirurgie>1h ALR centrale ou périphérique Systématique pour dépister une hyperthermie maligne, bien que ce ne soit pas le 1 er signe Hyperthermie d autres étiologies Hypothermie et anesthésie générale HYPOTHERMIE PERIOPERATOIRE AG induit des modifications: Du centre thermorégulateur hypothalamique; intervalle de T ressenti comme adéquat passe à 4 C Des effecteurs thermogènes; gains des mécanismes de lutte sont réduits De la régulation entre T centrale et périphérique Exposition accrue au froid Abolition des comportements de protection chute du contenu en chaleur de l organisme FDR: âges extrêmes, T ambiante basse, neuropathie, dénutrition Déséquilibre de la balance thermique Seuils thermiques Agents anesthésiques IV et inhalés élèvent peu le seuil de transpiration diminuent beaucoup les seuils de vasoconstriction et de frisson Néfopam réduit plus le seuil du frisson que le seuil de vasoconstriction, d où ses propriétés «anti-frisson» En cas d hyperthermie la transpiration reste efficace Quand vasoconstriction survient elle est moins efficace Frisson exceptionnel sous AG La cause principale d hypothermie sous AG est l AG elle-même

Modification des seuils thermiques Hypothermie et ALR 0,2-0,4 C Centre thermorégulateur hypothalamique non affecté MAIS les bloc centraux modifient profondément les afférences et efférences thermorégulatrices Influx afférents interrompus par le bloc Blocs de conduction suppriment la réponse vasomotrice et le frisson Abolition du gradient thermique central-périphérique déperdition aiguë de chaleur et impossibilité de lutter contre le froid Cas particulier de l obstétrique: APD prolongée et fièvre 2-4 C Phases et mécanismes de l hypothermie Compartiments thermiques de l organisme et leur évolution sous anesthésie Hypothermie non intentionnelle, modérée, 34 C, inévitable si on ne la prévient pas Lors de l induction de l AG modifications du contenu en chaleur des diverses parties de l organisme Organisme= 3 enveloppes concentriques Le compartiment central Un compartiment périphérique Un compartiment cutané T centrale maintenue constante en situation physiologique Gradient de 2 à 4 C entre centre et périphérie Evolution thermique de l organisme lors d une AG Conséquences de l hypothermie 3 phases Redistribution thermique - 1 à 1,5 C, 30-45 min Perte de chaleur avec l extérieur - 0,5 à 1 C/h Phase d équilibration et de réchauffement 1 ère conséquence visible de l hypothermie au réveil= FRISSON Amplitude du frisson thermorégulateur augmente avec l allègement de l anesthésie Conséquences du frisson, effort musculaire maximal: inconfort du patient PIO tension des cicatrices pariétales Ventilatoires Myocardiques

Conséquences ventilatoires de l hypothermie Frisson, hypothermie et ischémie myocardique Augmentation de la consommation d oxygène Sujet sain: pas de relation entre VO 2 et PaO 2 Hypoxémie quand la réserve ventilatoire est diminuée Dépression de la commande ventilatoire, Vt et FR Hypothermie modérée: arythmies cardiaques, RVS, déviation de la courbe de Barcroft vers la gauche, avec diminution de la délivrance d O 2 aux tissus Au réveil frisson consommation d O 2 Déséquilibre de la balance myocardique en O 2 Vasoconstriction thermorégulatrice à l origine de l ischémie myocardique Maintien de l anesthésie en cas d hypothermie freine la réponse hormonale vasoconstrictrice Pharmacocinétique des produits d anesthésie CAM des halogénés diminue de 5%/ C Affinité de la morphine pour les récepteurs µ diminue en hypothermie T1/2β, C plasmatique et C dans le LCR augmentées Curares de durée d action intermédiaire ont une durée de récupération du bloc neuromusculaire augmentée Monitorage de la curarisation rendu imprécis C plasmatique de propofol augmentée de 24% à 34 C Hypothermie, coagulation et saignement périopératoire Hypothermie altère l hémostase Modification fonction plaquettaire Diminution activité globale des facteurs de coagulation Augmentation du saignement et de la transfusion augmentation de la durée de séjour en SSPI Hypothermie et infection Effet de l hypothermie chez le patient opéré L hypothermie favorise l infection Abcès de paroi Moindre production de collagène Cicatrisation ralentie Mécanismes vasomoteurs et immunitaires

En SSPI Décret sécurité du 5 décembre 1994 STRATEGIES DE PREVENTION ET TRAITEMENT DE L HYPOTHERMIE La SSPI est dotée de dispositifs médicaux permettant pour chaque poste installé les moyens nécessaires au retour à un équilibre thermique normal pour le patient Réduire les conséquences des réponses thermorégulatrices La prévention périopératoire est fondamentale Objectif T >36 C Moyens passifs de lutte contre les déperditions Moyens actifs de réchauffement cutané Pertes par voie cutanée: diminuer la surface cutanée d échange avec le milieu ambiant. Drap, couverture métallisée, bonnet Maintenir température de la salle>21 C Pertes par voie aérienne: réchauffement et humidification des gaz inhalés Filtres hygrophobes Chaux sodée Ces moyens passifs sont toutefois inefficaces Réchauffement cutané actif Couverture à convection forcée d air chaud Couverture chauffante électrique Pré-réchauffement cutané avant l induction: augmente peu la température centrale mais augmente la température périphérique et diminue le gradient lors de la phase de distribution. 10 min de pré-réchauffement suffisent Réchauffement des solutés et des produits sanguins Traitement du frisson Efficacité modeste dépendante du débit de perfusion (>100 ml/min) Lavage chirurgical avec liquide chaud Péthidine diminue le seuil de déclenchement du frisson α2-agonistes: clonidine et dexmédétomidine Néfopam

CONCLUSION L hypothermie, même modérée est un facteur indiscutable de morbidité postopératoire Les mécanismes de l hypothermie sont connus Moyens de détection et de prévention efficaces Mise en œuvre systématique et précoce de la prévention