FISCALITE ENVIRONNEMENTALE Contribution «climat énergie» et «Taxe carbone» REFLEXIONS DE LA CGPME Par «fiscalité environnementale», l Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) entend l ensemble des «impôts», taxes et redevances dont l assiette est constituée par un polluant ou, plus généralement, par un produit ou un service qui détériore l environnement ou qui se traduit par un prélèvement sur des ressources naturelles renouvelables ou non renouvelables». Le poids de la fiscalité «écologique» représente 2.1% du produit intérieur brut (PIB) de la France, situant cette dernière loin de Nations telles que le Danemark et la Suède. L objectif affiché par le Président de la République et le Gouvernement est d atteindre 5% d ici 2010. De prime abord, la possible création d une «contribution climat énergie» actée dans le Grenelle de l environnement n a pas uniquement pour objectif la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces objectifs louables ne doivent pas négliger l impact de telles orientations sur la capacité contributive des entreprises, notamment des PME, à plus forte raison en s appuyant sur une fiscalité qui, aujourd hui, n est pas adaptée pour «faire» de l environnement. La CGPME défend l idée d une application effective du principe du «double dividende» et réfute en bloc la mise en place d une double taxation. La neutralité fiscale doit être un minimum. Toute mesure fiscale qui alourdit la pression fiscale sur la PME au nom de l environnement doit trouver son équivalent en allégeant la taxation des autres facteurs de production de l entreprise, à savoir le travail et le capital. 18 mai 2009 Groupe de travail «fiscalité» / Sénat 1
LA CREATION D UNE CONTRIBUTION DITE «CLIMAT ENERGIE» CONSTAT Le projet de loi «Grenelle 1» adopté par l Assemblée nationale le 21 octobre 2008 dispose en son article 2 : «Dans les six mois suivant la publication de la présente loi, l État étudiera la création d une contribution dite «climat énergie» en vue d encourager les comportements sobres en carbone et en énergie. Cette contribution aura pour objet d intégrer les effets des émissions de gaz à effet de serre dans les systèmes de prix par la taxation des consommations d énergies fossiles. Elle sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires de façon à préserver le pouvoir d achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Au terme de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le résultat de cette étude sera rendu public et transmis au Parlement.» Des mécanismes proches de la "taxe carbone" ou de la contribution «climat énergie» sont déjà en application dans plusieurs pays de l Union. Par exemple, la taxe a été introduite en Suède dès 1991. Il s'agit en réalité d'une contribution tarifiée selon la quantité de combustibles consommée (hydrocarbures, gaz naturel et charbon). Des exonérations s appliquent aux industries et sur d autres consommations de combustibles limitant la portée du dispositif. En revanche, au Danemark, la taxe carbone s applique à tous les types de consommateurs (administrations, entreprises, particuliers) selon un taux modulé basé sur le niveau d émission de CO² des combustibles. Enfin, le Royaume-Uni a mis en place le "Climate Change Levy" en avril 2001, dont l assiette est fondée sur la consommation des industries, des commerces et du secteur public mais en intégrant également la consommation d électricité (énergie nucléaire) à l exception des énergies renouvelables. PROPOSITIONS DE LA CGPME Le principe impératif de neutralité fiscale de la mesure Ce principe est fondamental pour la CGPME qui considère que toute contrainte fiscale supplémentaire doit être compensée pour ne pas constituer une augmentation de la pression fiscale déjà très élevée sur nos PME, et préserver ainsi leur compétitivité. Dans son discours d octobre 2007 sur le Grenelle, le Président de la République avait précisé qu il était «contre toute fiscalité supplémentaire qui pèserait sur les ménages et les entreprises. Il n est pas question d augmenter le taux de prélèvements obligatoires. Et le gouvernement est contre tout prélèvement sur le pouvoir d achat des ménages. Tout impôt nouveau doit être strictement compensé.» 18 mai 2009 Groupe de travail «fiscalité» / Sénat 2
La CGPME a porté ce message tout au long des travaux du Grenelle, ajoutant que toute réflexion sur une nouvelle taxe devait être précédée d une étude d impact poussée pour en évaluer les conséquences économiques. Cette neutralité fiscale, si elle est bien comprise par les PME, est également un élément fort de l acceptabilité de la démarche environnementale. La création d une contribution «climat-énergie» doit donc être compensée par une baisse des prélèvements obligatoires. Il faut veiller très attentivement à cette compensation dont rien n est précisé dans cet article. La CGPME estime que cette contrepartie doit être estimée secteur par secteur, et non en termes de «masse», pour les entreprises qui vont connaître une forte augmentation de charges, résultant de cette contribution nouvelle. Ces questions renvoient directement à l assiette de la taxe et aux seuils d émissions de polluants respectifs. Ces éléments doivent être appréciés en fonction de la capacité contributive des entreprises. Remboursement partiel de la taxe si l objectif est atteint (comme pour les droits d émissions de CO2) Un impôt incompris n est pas accepté par le contribuable. A l image de nombreux domaines, la pédagogie doit sans cesse guider la démarche des pouvoirs publics lorsque ces derniers révisent ou instaurent une taxation liée à l écologie. La CGPME soutient la mise en place d une fiscalité «écologique» qui incite l entrepreneur à respecter davantage son environnement, à changer sur la durée son comportement. C est finalement un contrat qui est conclu entre l entreprise et l Etat pour atteindre des objectifs élevés en matière de protection de l environnement. Si l entreprise atteint les objectifs fixés, une contrepartie fiscale est mise en place pour «récompenser» celle-ci des efforts fournis. A titre d exemples, au Royaume-Uni, les secteurs d activités qui consomment davantage d énergie peuvent se voir octroyer un abattement significatif (de près de 80%) de la taxe sur l énergie si ceux-ci ont amélioré leur efficacité énergétique. En Suède, les entreprises assujetties à la taxe sur le soufre peuvent bénéficier de remboursements d un montant correspondant à la différence d imposition entre les émissions théoriques et les émissions réelles constatées. Ce type de mesures contribue certainement à influencer le comportement de l entreprise et la fiscalité écologique devient un outil incitatif et non pénalisant pour les facteurs de production. La CGPME propose qu un mécanisme similaire soit mis en place en France afin d encourager les PME à modifier leur comportement. Les taxes liées à l écologie, comme en matière de transport ou d énergie, devraient prévoir un niveau théorique d émissions de polluants à ne pas dépasser par l entreprise. Si cette dernière respecte le seuil fixé par les pouvoirs publics, l entreprise bénéficie d un remboursement de la taxe. 18 mai 2009 Groupe de travail «fiscalité» / Sénat 3
Compensation envisagée avec la suppression de la taxe professionnelle? Lors de son intervention du 5 février 2009, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle sur la totalité des investissements productifs à partir de 2010. Encouragée par la CGPME, cette nouvelle réforme de la taxe professionnelle (TP) est devenue une nécessité pour développer la compétitivité des PME-PMI. Notre industrie souffre en effet d un déficit de compétitivité structurel qui est amplifié par la crise économique. Selon les prévisions des pouvoirs publics, la suppression de la taxe sur la totalité des outils de production réduirait la charge pour les entreprises d environ 11 milliards d euros. Cependant, la Confédération est aussi consciente que cet impôt constitue la principale recette fiscale pour les collectivités territoriales. La taxe professionnelle représente aujourd hui une recette de l ordre de 29,4 milliards d euros pour ces dernières et les chambres consulaires. Cette perte significative de ressources devra dès lors être compensée, mais sous quelle forme (transfert de recettes fiscales, «contribution climat énergie», etc.)? Et avec quelles conséquences pour nos PME? L autonomie financière des collectivités territoriales, garantie par notre Constitution, sera-t-elle pleinement respectée? En tout état de cause, le lien économique et fiscal entre les PME-PMI et les territoires doit être préservé. Enfin, la compensation de la contribution climat énergie avec la suppression de la taxe professionnelle ne doit pas faire oublier la nécessité d un «toilettage» en profondeur de la fiscalité locale liée à l environnement. A titre d exemple, les entreprises s acquittent de la taxe d enlèvement des ordures ménagères (TEOM). La TEOM a pour but de pourvoir aux dépenses des services d'enlèvement des ordures ménagères (collecte et traitement). Son mode de prélèvement et de calcul donne également lieu à quelques singularités : elle est calculée sur la même base que la taxe foncière sur les propriétés bâties et est donc indépendante du volume des ordures présenté à la collecte. Autrement dit, cette taxe reste due intégralement même en l'absence totale et constante d'ordures! Or, une entreprise qui a recours à un service privé d'enlèvement de ses déchets et qui donc participe à la valorisation de ceux-ci, via le recyclage, continue de payer la TEOM. Le maintien de cette imposition n encourage pas les entreprises à favoriser le recyclage de leurs déchets puisqu aux frais qu elles engagent s ajoute le coût de la TEOM. 18 mai 2009 Groupe de travail «fiscalité» / Sénat 4
«TAXE CARBONE» EUROPEENNE «La France soutiendra la mise en place d un mécanisme d ajustement aux frontières pour les importations en provenance des pays qui refuseraient de contribuer à raison de leurs responsabilités et capacités respectives à l effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre après 2012.» - Projet de loi Grenelle 1- article 2 alinéa 6 La Suède entend faire adopter une taxe sur le CO2 dans les secteurs qui ne participent pas au système communautaire d'échange de quotas d'émission (ETS), quand elle assurera la Présidence de l'ue en juillet (déclaration du 12 mai par le ministre de l'environnement, Andreas Carlgren). CONSTAT La «taxe carbone» défendue par la France consisterait à exiger des pays tiers à l UE les plus pollueurs (Chine, Inde, etc.) que leurs entreprises achètent des permis européens d émission de CO² si ces dernières souhaitaient exporter vers l Union européenne. La Commission européenne ne semble pas privilégier cette option. Elle souhaite pour sa part un dispositif propre à l UE sur certains facteurs d émissions de CO². Selon le Commissaire européen au Commerce extérieur, M. Peter Mandelson, la taxe carbone «à la française» risque d entrer en contradiction avec les règles de l Organisation mondiale du commerce (OMC), tout en créant des conflits commerciaux. En revanche, M. Mandelson a affirmé qu il était favorable à ce que les produits "verts" issus des pays extérieurs à l Union européenne soient exemptés des droits de douane dans le cadre des exportations vers l Union. PROPOSITIONS DE LA CGPME Selon la CGPME, il convient de soutenir la proposition française visant à exiger des pays tiers de l UE l achat de permis d émissions de CO² si ces derniers souhaitent exporter leurs produits vers l Europe. En matière de réglementation environnementale et de lutte contre le réchauffement climatique, les PME européennes doivent s acquitter de contraintes de plus en plus élevées pour pouvoir développer leurs outils de production et développer leurs marchés. Dans le même temps, des pays tiers à l UE, qui n ont pas ratifié le protocole de Kyoto sur la limitation des gaz à effet de serre, appliquent ainsi une législation plus souple, voire laxiste, sur les conditions de production des entreprises implantées sur leur territoire. Cela engendre des distorsions de concurrence non négligeables. La CGPME ne prône pas un système protectionniste mais demande un rééquilibrage des règles de concurrence entre les PME. 18 mai 2009 Groupe de travail «fiscalité» / Sénat 5
En tout état de cause, comme pour la contribution climat énergie, cette mesure sera difficile à mettre en œuvre : La question de la conformité d une telle taxe avec les règles de l Organisation Mondiale du Commerce se pose. De plus, elle risque de créer des conflits commerciaux. La difficulté du calcul des émissions de CO² par et pour chaque produit : l évaluation du volume de CO² utilisé pour la production de chaque produit ou catégorie de produits représente un travail titanesque. La difficulté de fixer le juste niveau de taxation. CONCLUSION MISE EN ŒUVRE D OUTILS FISCAUX DANS UNE PERSPECTIVE DE LONG TERME La mise en œuvre d instruments fiscaux ne peut se concevoir que sur le long terme afin de sécuriser le cadre général dans lequel les PME évoluent et leur permettre ainsi de s adapter progressivement aux ajustements requis, sans imposer de rupture brutale. En effet, les PME n ont pas les mêmes capacités de réaction à une nouvelle taxation que les grandes structures. L exemple de l application des normes IFRS aux entreprises illustre ce constat. Si les grands groupes ont absorbé progressivement la mise en place de cette nouvelle conception de la comptabilité, la donne sera très certainement différente dans les PME, à moins de prévoir un calendrier d application à échelons successifs et un cadre simplifié. Le cas de figure est identique pour la fiscalité «écologique. Les pouvoirs publics ne pourront réviser ou instaurer de nouvelles taxes liées à l environnement sans prendre en compte la dimension des PME. Une application progressive, sur le long terme, est souhaitable pour que les PME puissent aussi s adapter à ces changements et suffisamment anticiper leurs investissements. Cela conditionne également l efficacité des dispositifs mis en place. 18 mai 2009 Groupe de travail «fiscalité» / Sénat 6