Citation : J. L. L. c. Commission de l assurance-emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 91 Appel n o : GE-14-2662 ENTRE : J. L. L. Appelante Prestataire et Commission de l assurance-emploi du Canada Intimée DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi MEMBRE DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : Dominique Bellemare DATE D AUDIENCE : 13 août 2014 TYPE D AUDIENCE : Téléconférence DÉCISION : Appel accueilli
COMPARUTIONS [1] L appelante était présente lors de l audience et se représentait seule. L intimée ne s est pas présentée. DÉCISION [1] Le membre conclut que l appelante n est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu elle se trouvait hors du Canada du 31 mars au 25 avril 2014, puisque sa situation correspond à l exception contenue à l alinéa 55 (6) a) du Règlement sur l assurance emploi («le Règlement»). INTRODUCTION [2] L appelante a déposé une demande de prestation le 24 janvier 2014. Le 28 avril 2014, l intimée lui envoyait un avis à l effet qu elle était inadmissible à recevoir des prestations du 31 mars au 25 avril 2014 en raison du fait que l appelante se trouvait hors Canada. Le 5 mai 2014, l appelante a déposé une demande de révision. Le 3 juin 2014, l intimé a émis sa décision de révision en maintenant sa décision initiale. L appelante a déposé son appel auprès du Tribunal le 2 juillet 2014. MODE D AUDIENCE [3] L audience s est tenue par voie de téléconférence pour les motifs mentionnés dans l avis d audience. QUESTION(S) EN LITIGE [4] L appelante était-elle admissible à recevoir des prestations alors qu elle se retrouvait hors du Canada du 31 mars au 25 avril 2014 si sa situation correspond à une des exceptions contenues à l article 55 du Règlement?
DROIT APPLICABLE [5] Article 18 de la Loi (1) Le prestataire n est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu il était, ce jour-là : a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d obtenir un emploi convenable; b) soit incapable de travailler par suite d une maladie, d une blessure ou d une mise en quarantaine prévue par règlement et aurait été sans cela disponible pour travailler; c) soit en train d exercer les fonctions de juré. (2) Le prestataire à qui des prestations doivent être payées en vertu de l article 23 n est pas inadmissible au titre de l alinéa (1)b) parce qu il ne peut prouver qu il aurait été disponible pour travailler, n eût été la maladie, la blessure ou la mise en quarantaine. [5] Paragraphe 37(b) de la Loi: Sauf dans les cas prévus par règlement, le prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est : b) soit à l'étranger. [6] Article 55 du Règlement: (6) Sous réserve du paragraphe (7), le prestataire qui n est pas un travailleur indépendant et qui réside à l'étranger, à l'exception du prestataire de la première catégorie visé au paragraphe (5), n'est pas inadmissible au bénéfice des prestations du seul fait qu'il réside à l'étranger si, selon le cas : a) il réside à titre temporaire ou permanent dans un État des États-Unis qui est contigu au Canada et : (i) d'une part, il est disponible pour travailler au Canada,
(ii) d'autre part, il peut se présenter en personne à un bureau de la Commission au Canada et il s'y présente à la demande de la Commission; (7) Sous réserve du paragraphe (10), dans le cas du prestataire qui, en vertu des paragraphes (5) et (6), n'est pas inadmissible au bénéfice des prestations, le nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées au cours d'une période de prestations est : a) dans le cas des prestations versées pour l'une des raisons visées au paragraphe 12(3) de la Loi, le nombre de semaines applicable prévu aux paragraphes 12(3), (4), (5) et (7) de la Loi; b) dans tout autre cas, le nombre de semaines qui est prévu à la colonne II du tableau du présent paragraphe selon le nombre d'heures d'emploi assurable du prestataire dans sa période de référence, indiqué à la colonne I.PREUVE Preuve documentaire [5] On retrouve au dossier (page GD3-13) le rapport rempli en ligne par la prestataire où elle répond «Oui» à la question 1, à savoir qu elle se trouvait hors Canada du 13 au 27 avril 2014. [6] La lettre d explication de la prestataire (page GD3-19) mentionne qu elle a bien été hors du Canada du 31 mars au 25 avril 2014, mais qu elle s est rendue à Northfield au Vermont afin d effectuer un stage «d auto-immersion» en anglais afin de parfaire sa connaissance de cette langue. Comme elle travaille à la boutique du Domaine Pinnacle, la connaissance de l anglais peut aider. Elle mentionne qu elle aurait pu se rendre à n importe quel rendez-vous d entrevue dans les 24 heures. Elle aurait pu se rendre en Colombie- Britannique, sans être hors du Canada, mais il lui aurait pris beaucoup de temps pour rentrer chez elle dans l éventualité d un emploi ou d une entrevue. Elle a même déposé deux applications d emploi en ligne lorsqu elle se trouvait au Vermont. Preuve testimoniale
[7] L Appelante a témoigné lors de l audience. Elle a confirmé qu elle se trouvait bien hors du Canada du 31 mars au 25 avril 2014. Étant mise à pied temporairement par son employeur, Le Domaine Pinnacle, producteur de cidre de glace, elle a décidé de parfaire sa connaissance de l anglais. Elle s est rendue à Northfield au Vermont. Elle réside à Bromont, Province de Québec. La distance entre son domicile et Northfield est d environ 200 kilomètres, soit entre deux et trois heures de voiture. Elle a alors résidé temporairement durant cette période chez des amis. Elle a occupé un poste de bénévole auprès de personnes âgées, avec qui elle pouvait converser en anglais. [8] Elle a déclaré qu elle était toujours disponible à travailler, et que faisant du bénévolat, elle pouvait revenir immédiatement pour se rendre à une entrevue ou occuper un emploi. Également, si la Commission l avait convoquée, elle aurait pu se rendre à un rendez-vous à quelques heures d avis. Son centre de Service Canada se trouve à Cowansville, soit environ 20 kilomètres au sud de Bromont, donc encore plus près de sa résidence, ce qui aurait rendu son trajet plus court. [9] Lors de son séjour au Vermont, elle a consulté quatre fois par jour les «alertes» d emploi envoyées par Emploi-Québec. Elle a rempli deux demandes d emploi en ligne et est restée en contact avec son employeur car la fermeture de la boutique de son employeur était temporaire, mais pour une durée indéterminée. ARGUMENTS DES PARTIES [10] Le prestataire a fait valoir que : a) Elle a effectivement été hors du Canada du 31 mars au 25 avril 2014. b) Elle a résidé temporairement chez des amis à Northfield, près de Burlington au Vermont, États-Unis d Amérique, où elle faisait du bénévolat auprès de personnes âgées afin de parfaire ses connaissances en langues anglaise, ce qui lui donnait des atouts supplémentaires dans sa recherche d emplois.
c) Elle a regardé chaque jour les offres d emplois qu Emploi-Québec lui faisait parvenir et elle déposé deux demandes d emploi lorsqu elle se trouvait au Vermont. d) Elle était disponible à travailler en tout temps et pouvait revenir au Canada immédiatement. e) Elle était en mesure de se présenter à son bureau local de Service Canada à quelques heures d avis. f) Elle demande donc que le Tribunal accueille sa demande. [11] L intimée a soutenu que dans son argumentation (document GD4): a) Un prestataire ne peut recevoir des prestations d assurance-emploi pour toute période au cours de laquelle elle est absente du Canada, sauf s il en est stipulé autrement dans la Loi ou le Règlement. b) Dans le présent dossier, la prestataire déclare qu elle a fait un choix personnel, soit d accompagner une connaissance au Vermont (hors Canada) afin de parfaire son anglais. Cependant, la Commission considère que le prestataire qui s'absente du pays est automatiquement jugé inadmissible aux prestations, à moins que son absence et la durée de celle-ci soient prescrites par Règlement. Les motifs d'absence et la durée autorisée peuvent être résumés comme suit : subir un traitement médical qui n'est pas facilement accessible dans sa région de résidence; pendant une période ne dépassant pas sept jours, assister aux funérailles d'un membre de la famille immédiate ou d'un proche parent; accompagner à un établissement médical un membre de la famille immédiate qui est malade, pendant une période ne dépassant pas sept jours, pourvu que le traitement ne soit pas facilement disponible dans la région de résidence de la personne malade;
pendant une période ne dépassant pas sept jours, rendre visite à un membre de la famille immédiate qui est gravement malade ou blessé; pendant une période ne dépassant pas sept jours, se déplacer pour assister à une véritable entrevue d'emploi; pendant une période ne dépassant pas quatorze jours effectuer de bonne foi une recherche d'emploi ; suivre un cours de formation approuvé par une autorité délégué par la Commission. c) La Commission soutient que la prestataire est inadmissible aux termes de l alinéa 37(b) de la Loi parce que pendant la période du 31 mars 2014 au 25 avril 2014, la prestataire, selon sa propre déclaration, était à l extérieur du Canada, soit au Vermont. d) La Commission soumet que la jurisprudence appuie sa décision. La Cour d appel fédérale a confirmé le principe selon lequel les prestations d assurance-emploi ne sont pas payables aux personnes qui ne sont pas au Canada, sauf s il en est stipulé autrement dans le Règlement. Canada (PG) c. Gibson, 2012 CAF 166 Canada (PG) c. Bendahan, 2012 CAF 237 Le prestataire doit prouver qu il rencontre les conditions prévues au Règlement. Canada (PG) c. Peterson, A-370-95 La Commission, dans la présente cause, appuie sa décision sur celle du juge- arbitre dans l affaire Julie Pothier (CUB 57237). Dans cette affaire, le juge arbitre Goulard a confirmé le principe, établi dans l affaire William Deep (CUB 27413), qu un prestataire ne peut recevoir des prestations d assurance-emploi pour toute période au cours de laquelle il est absent du Canada, sauf s il en est stipulé autrement dans le Règlement.
ANALYSE [12] L appelante ayant admis qu elle se trouvait hors du Canada du 31 mars au 25 avril 2014, la seule question à laquelle doit répondre le Tribunal est si oui ou non l absence de l appelante tombait dans une des exceptions prévues à l article 55 du Règlement et ainsi la rendre admissible à des prestations. [13] L intimée, dans son argumentation, mentionne plusieurs des exceptions contenues dans le libellé de l article 55 du Règlement, mais pas toutes. En effet, elle a complètement omis de traiter de l alinéa55 (6) a), soit la présence d un (ou d une) prestataire dans un État des États-Unis d Amérique contigu au Canada. Or le cas précis dans lequel nous nous trouvons dans le présent dossier mérite que le Tribunal examine cette question. [14] Il faut donc préalablement déterminer si l appelante résidait à titre temporaire ou permanent dans un État des États-Unis d Amérique qui est contigu au Canada. [15] Examinons donc le premier critère d application, soit la résidence dans un état contigu. Le libellé du sous-paragraphe 55 (6) a) ne mentionne pas que cet état contigu soit contigu à la région où le (ou la) prestataire réside. L intimée cite l arrêt Canada (Procureur général) c. Bendahan, 2012 CAF 237 afin d appuyer son argumentation. Dans cette affaire, la Cour confirme que le prestataire a le fardeau de la preuve lorsqu il invoque une des exceptions de l article 55 du Règlement. Également dans cette affaire, il est question d un prestataire qui s était rendu en Floride durant 10 jours afin d y travailler. La Cour a conclu que la Floride n est pas un état contigu au Canada et que le fait de n être que 10 jours en Floride ne constituait pas en de la «résidence». Cependant, la Cour ne définit pas ce en quoi consiste un état «contigu» et ne définit pas en quoi consiste la «résidence». [16] Cependant, selon le principe que «le législateur ne parle pas pour ne rien dire», un État «contigu» au Canada doit à tout le moins comprendre un État dont la frontière est commune avec le Canada. Il est de connaissance judiciaire que le Vermont est un État dont la frontière Nord est commune avec celle du Canada. De plus, cet état est relié au Canada
par des routes et des postes frontières. Par conséquent, le Tribunal considère que le Vermont est un état contigu au Canada. [17] De plus, le Tribunal doit déterminer si l appelante résidait dans un État contigu des États-Unis d Amérique. La législation ne définit pas la notion de résidence dans ce contexte, et la jurisprudence n est pas venue donner des indications relativement à ce concept. Dans Bendahan, supra, la Cour ne définit pas la «résidence». On y fait aucune référence à aucune exigence, ou même d y avoir des attaches personnelles. Selon ce qui existe donc au Tribunal qui lui permettrait de statuer sur la question, il en reste donc que la notion usuelle de «résidence». Par conséquent, le Tribunal est d avis que l appelante a «résidé» chez des amis, et ce de façon temporaire. Elle se trouve à environ 200 kilomètre de chez elle. Par conséquent, l appelante a satisfait au premier critère d application de l alinéa 55 (6) a) du Règlement. [18] Afin que l alinéa 55 (6) a) s applique, le prestataire qui réside à titre temporaire ou permanent dans un État des États-Unis qui est contigu au Canada doit premièrement être disponible pour travailler au Canada (sous-alinéa 55 (6) a) i) du Règlement) et, deuxièmement, être en mesure de se présenter en personne à un bureau de la Commission au Canada et il s y présente à la demande de la Commission (sous-alinéa 55 (6) a) ii) du Règlement). Puisque la disponibilité n est pas définie dans ladite disposition, il faut se référer à cette notion telle que définie par l article 18 de la Loi, que par surcroît le test juridique demeure le même. Or, dans le cas présent, l appelante était disponible : elle a continué de recevoir les possibilités d emploi, elle a déposée des demandes d emplois et pouvait se rendre à quelques heures d avis à une entrevue ou pour occuper un emploi. Par conséquent, l appelante satisfait au critère établi par le sous-alinéa 55 (6) a) i) du Règlement. [19] Quant au critère du sous-alinéa 55 (6) a) ii) du Règlement, soit celui de pouvoir se présenter à un bureau de la Commission et/ou à la demande de la Commission, l appelante était en mesure de le faire. Non pas seulement à un des centre de Service Canada, mais à son centre à elle, qui par surcroit est plus près de la frontière que sa résidence, et ce d environ 20 kilomètres. L appelante a témoigné à cet effet qu elle pouvait se rendre au centre de Service
Canada de Cowansville à quelques heures d avis, soit le temps de faire le trajet. Par conséquent, l appelante a satisfait au critère du sous- alinéa 55 (6) a) ii) du Règlement. [20] Il est fort regrettable que lorsque l intimé a procédé à l examen et surtout à la révision du dossier que l on ait complètement ignoré ladite disposition, car on se retrouve dans une situation où cette disposition aurait pu s appliquer. [21] L appelante a donc prouvé qu en vertu du principe de la prépondérance de preuve, elle répondait aux exigences de l exception prévue de l alinéa 55 (6) a) du Règlement. Ainsi, elle n était pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu elle résidait à l étranger entre le 31 mars et le 25 avril 2014. Il est à noter que le paragraphe 55 (6) s applique sous réserve du paragraphe 55 (7) qui traite du nombre de semaines maximales pour lesquelles des prestations peuvent être versées. CONCLUSION [22] L appel est accueilli. Me. Dominique Bellemare Vice-président, Section de l assurance-emploi Division générale DATE DES MOTIFS : 20 août 2014