La chirurgie de la presbytie reste un challenge aujourd hui! Les clés de la réussite d un Presbylasik Si plusieurs techniques de presbylasik se proposent de compenser la presbytie, on tend actuellement vers une technique guidée par les facteurs d asphéricité, consistant à modifier le coefficient d asphéricité de la cornée grâce à un profil d ablation spécifique L augmentation de l asphéricité négative de la cornée dans des valeurs situées entre Q = -0,80 et Q = -1,00 permet alors de diminuer le taux d aberration sphérique positive de celle-ci. Le but étant de rétablir la compensation de l aberration sphérique totale de l œil lors du phénomène accommodatif De plus, il semble que si l accommodation permet la focalisation des images fovéolaires, la compensation des aberrations cornéennes et internes permet la mise au point des images en terme de qualité visuelle L appareil de diagnostic OQAS (optical quality analyser) met en évidence une amélioration significative de la qualité visuelle post opératoire chez des patients traités par cette nouvelle technique Charles Ghenassia* DE NOUVELLES PERSPECTIVES La chirurgie de la presbytie est un véritable challenge aujourd hui. Deux techniques se proposent de la compenser : le presbylasik et les implants multifocaux. Le nouveau concept du presbylasik guidé par l asphéricité nécessite une meilleure compréhension de la compensation des aberrations cornéennes et internes, la maîtrise du facteur de forme : l asphéricité cornéenne et l importance de l évaluation de l accommodation résiduelle très peu étudiée aujourd hui. * Nice L arrivée du laser femtoseconde (volet non ménisqué optiquement neutre) associé au laser Wavelight Allegretto autorisent la modification de l asphéricité cornéenne lors du traitement sur une zone optique de 6 mm à 7 mm. De plus, l OQAS (Optical Quality Analyser System), appareil de diagnostic qui permet d objectiver à partir de l étude de la PSF (point spread function) la qualité visuelle, l accommodation résiduelle simulée, et l indice OSI (Optical scattering indice) ou gradient de cataracte, ont inauguré de nouvelles perspectives de diagnostic et de traitement. L ASPHÉRICITÉ CORNÉENNE ET LES ABERRATIONS Avant de présenter le protocole chirurgical du presbylasik, un bref rappel sur les principes de la Vision de Près (VP) semble nécessaire. La VP repose sur un triptyque optique, moteur et neurovisuel : principe optique : le pouvoir optique de la cornée avec une géométrie asphérique négative jouant un rôle prépondérant dans la maîtrise de la Z400 cornéenne, principe moteur : accommodation / convergence, jeu pupillaire et myosis pour la profondeur de champ, 94 Ophtalmologies Février 2009 vol. 3 numéro 22
LA CHIRURGIE DE LA PRESBYTIE RESTE UN CHALLENGE AUJOURD HUI! principe neurovisuel : tri sélectif des différentes images perçues et capacité de neutralisation des aberrations (étudiées à l heure actuelle en IRM fonctionnelle). Rôle déterminant de l asphéricité cornéenne et des aberrations : si la cornée présentait un profil sphérique, le taux d aberrations d ordre supérieur serait si important que la formation des images sur la rétine serait privée de toute qualité visuelle. On sait que dans la population normale, 80 % des cornées sont prolates donc asphériques avec une valeur Q moyenne de -0,26. La kératométrie met en évidence cette multifocalité avec le centre de la cornée plus cambré et sa périphérie plus plate. La cornée présente de ce fait une aberration sphérique positive (Z400) évaluée pour une population moyenne à 0,23 µ (Fig. 1). Au contraire, le cristallin présente une aberration sphérique négative évaluée à - 0,16 µ (Fig. 1). Si l accommodation permet l acuité visuelle, il semble que ce soit la compensation de l aberration sphérique totale de l œil, lors du phénomène accommodatif, qui permette la qualité visuelle. P. Artal et al ont montré dans leurs études que le phénomène accommodatif induit un changement dynamique de direction des aberrations d ordre supérieur (coma et aberration de sphéricité). Figure 1 - A gauche : distribution moyenne de la Z400 de la cornée antérieure (1). A droite : coefficient de l aberration sphérique interne versus âge (2). Figure 2 - A gauche : aplatissement de la cornée lié à l âge (3). A droite : modification de l asphéricité de la cornée liée à l âge (3). C est à partir de 45 ans que la presbytie fait son apparition. Pour mieux appréhender ce phénomène, il convient de différencier 2 aspects : Sur le plan physiopathologique : si le cristallin grossit de 20 µ par an (tissu ectodermique), la traction du muscle ciliaire lié à l accommodation/convergence reste identique indépendamment de l âge du patient, selon Hess Gullstrand et Fincham. La diminution de l accommodation trouve alors son explication par la perte d élasticité du cristallin diminuant ainsi sa capacité de déformation de ses faces antéropostérieures et donc son pouvoir optique. Il restera alors une accommodation résiduelle. Sur le plan optique : un déséquilibre du taux de l aberration sphérique cornéenne et interne contribue à une mauvaise compensation des ces aberrations. L hypermétropisation physiologique liée à l âge mise en évidence par les travaux d Artal entraîne une modification du facteur d asphéricité de la cornée qui tend vers une sphère et augmente ainsi le taux d aberrations de sphéricité positive de celle-ci (Fig. 2) (3). Si nous avons pensé, comme l avait démontré Adrian Glaser, que l aberration de sphéricité du cristallin devenait positive avec le temps, il semble qu aujourd hui les moyens diagnostic aberrométriques démontrent que le cristallin diminue son asphéricité négative, sans pour autant devenir positive. Notons également que nous ne perdons pas notre accommodation du jour au lendemain et que seul Duane, dans les années trente, a mis en évidence, au travers de son étude, l existence d une accommodation résiduelle qui peut être évaluée de manière subjective et statistique à 2 dioptries à 50 ans et une dioptrie 50 à 60 ans (Fig. 3). Ophtalmologies Février 2009 vol. 3 numéro 22 95
LA CHIRURGIE PRESBYLASIK DONNE D EXCELLENTS RÉSULTATS Ainsi, sur quel principe le presbylasik peut-il agir? Essentiellement, sur le pouvoir optique de la cornée, la modification de son asphéricité et de son taux d aberrations afin de compenser la diminution du taux d aberration sphérique négative du cristallin. La chirurgie de la presbytie comme les implants multifocaux doit prendre en compte le profil du patient et se fixer certaines règles afin de répondre au mieux aux exigences et attentes des patients. Figure 3 - Amplitude moyenne de l accommodation en fonction de l âge (courbe de Duane). A : valeurs minimales ; B : valeurs moyennes ; C : valeurs maximales. Différentes techniques ont été proposées : technique centrée, décentrée, annulaire et, aujourd hui, il semble que l on tende de plus en plus vers des profils de traitements asphériques associés à une monovision tel que le propose certains logiciels mis en étude par Theo Seiler. La monovision qui a été une des premières alternatives à la compensation de la presbytie est encore utilisée de nos jours chez le patient myope. Ses limites : l anisométropie et la dégradation de la vision binoculaire dans le temps. Elle ne peut trouver son indication que pour une myopie moyenne ou forte. Les traitements dits multifocaux centrés ou décentrés, malgré les taux de satisfaction qu ils ont engendrés, ont montré leurs limites d interprétation. Ils reposent sur un concept, non démontré scientifiquement, d une vision de près au centre et d une vision de loin en périphérie ou vis et versa tels qu ils furent comparer aux profils de lentilles ou d implants multifocaux. Figure 4 - Distribution des aberrations 3 e et 4 e ordre post presbylasik. D ailleurs, afin de mieux étudier la modification des aberrations lors du traitement de la presbytie, nous avons réalisé une étude en partenariat avec Zeiss chez des patients opérés en décentrés depuis huit ans avec un résultat de 10/10 P2. Cette étude a effectivement mis en évidence la modification des aberrations de 3 e et 4 e ordre comme le coma et la Z400 (Fig. 4). C est à partir de ces études que nous avons, dans un premier temps, tenté de créer un traitement guidé par l aberrométrie en vue de recréer les aberrations telles qu elles étaient décrites dans l étude. Il nous est apparu très difficile de maîtriser ces aberrations avec les lasers actuels sans en induire de nouvelles. Il semble que la meilleure façon de reproduire des aberrations nécessaires à la vision de près, réside dans des traitements guidés par l asphéricité (Wavelight Allegretto) qui contrôle la géométrie cornéenne et préserve la zone optique centrale. Ainsi, il semble qu il faille appréhender différemment le traitement standard hypermétropique pour traiter la presbytie, en lui sub- 96 Ophtalmologies Février 2009 vol. 3 numéro 22
LA CHIRURGIE DE LA PRESBYTIE RESTE UN CHALLENGE AUJOURD HUI! Figure 5 : Examen Pentacam de la cornée. stituant un traitement asphérique. Une hyperprolacité peut entraîner une altération de la vision des contrastes de façon transitoire. Mais surtout, les clefs de la réussite d un presbylasik passent obligatoirement par la connaissance diagnostic de l accommodation résiduelle simulée et des aberrations cornéennes et cristalliniennes. Deux appareils nous permettent d objectiver ce type de diagnostic : l Itracey pour la quantification des aberrations internes et externes et l OQAS pour la simulation de l accommodation résiduelle par l étude de la PSF en situation de défocus. Ainsi, la modification du facteur d asphéricité cornéen doit conduire à une diminution de la Z400 pour permettre à nouveau la compensation de l aberration sphérique totale de l œil. Ceci va entraîner une meilleure qualité optique et qui permettra une meilleure efficacité de l accommodation résiduelle. La preuve de la diminution de l aberration sphérique positive de la cornée par l augmentation de son asphéricité est démontrée par l examen pentacam qui quantifie uniquement les aberrations d ordres supérieurs de la cornée (Fig. 5). Fort de ces observations, à l étude actuellement un logiciel d aide à l indication dans le presbylasik bilatéral sans monovision associé est proposé. Sa fonctionnalité et son algorithme résident dans la conjonction de divers critères comme l âge, la kératométrie, la valeur Q pré opératoire, le taux d aberration interne et externe, l accommodation résiduelle ainsi que l amétropie, afin de proposer le meilleur facteur d asphéricité et le coefficient de sur-correction à programmer. Nos études ont montré chez l emmétrope, l hypermétrope et le myope faible la modification post opératoire du facteur d asphéricité et une meilleure efficacité de l accommodation résiduelle. Ces résultats devront être corrélés par une étude mise en place depuis juillet 2008 par le CHU de Nice portant sur 50 patients avec un follow-up à 1, 3 et 6 mois. Le presbylasik comme toute chirurgie cornéenne induit des effets indésirables transitoires. Une période de gêne en vision de loin sera observée durant la phase cicatricielle de 1 à 3 mois. Une perte de la sensibilité au contraste transitoire dans 15 % des cas. 3 à 5 % de retraitement pour parfaire le confort visuel. Dans certains cas, perte d une ligne de la meilleure acuité visuelle. Si les deux techniques de traitement de la presbytie par le presbylasik et l implant multifocal s opposent sur bien des points, elles restent cependant complémentaires. Si l on a souvent reproché au presbylasik la difficulté du calcul d implant, il semble qu aujourd hui les techniques de presbylasik centré guidé par les facteurs d asphéricité permettent un calcul aisé du choix de l implant. En effet, les topographies Orbscan II et pentacam montrent une faible modification kératométrique. La formule SRKT et la kératométrie post opératoire offrent une excellente base de calcul pour le choix de l implant. Ophtalmologies Février 2009 vol. 3 numéro 22 97
Enfin, si La chirurgie du presbylasik doit favoriser en pré opératoire l étude de l accommodation résiduelle, de l asphéricité et du taux d aberrations cornéen, l indice OSI (optical scattering indice) nous permet d évaluer le gradient d opacité du cristallin. L examen OQAS montre dans de nombreuses situations de cristallin pré-cataracté (indice OSI < à 2) une activité d accommodation résiduelle significative et dont il est difficile de faire abstraction lors du choix de l indication du traitement de la presbytie. tour à l emmétropie. Le résultat post opératoire génère une très bonne vision de loin et de près sans gêne significative de halos en vision nocturne comme ce le fut au début. En conclusion, de plus en plus utilisée parce que mieux connu, la chirurgie presbylasik donne d ex- Toutes ces considérations m ont conduit à me faire opérer d un presbylasik bilatéral guidé par les facteurs d asphéricité il y a maintenant 2 ans. Les bilans hebdomadaires nous ont permis une meilleure compréhension de l évolution de la vision et du recellents résultats et un taux de satisfaction > à 95 %. L évaluation du risque chirurgical est un facteur déterminant dans le choix de l indication en matière de chirurgie de confort. Mots-clés : Accommodation, Aberration, Asphéricité BIBLIOGRAPHIE 1. Beiko GH.Personalized correction of spherical aberration in cataract surgery.j Cataract Refract Surg 2007 ; 33 : 1455-60. 2. Wang L, Santaella RM, Booth M, Koch DD. Higher-order aberrations from the internal optics of the eye. J Cataract Refract Surg 2005 ; 31 : 1512-9. 3. Guirao A, Redondo M, Artal P. Optical aberrations of the human cornea as a function of age. J Opt Soc Am A Opt Image Sci Vis 2000 ; 17 : 1697-702. POUR EN SAVOIR PLUS Koretz JF, Cook CA, Kaufman PL. Accommodation and presbyopia in the human eye. Changes in the anterior segment and crystalline lens with focus. Invest Ophthalmol Vis Sci 1997 ; 38 : 569-78. Glasser A, Campbell MC. Presbyopia and the optical changes in the human crystalline lens with age.vision Res 1998 ; 38 : 209-29. Artal P,Fernández EJ,Manzanera S.Are optical aberrations during accommodation a significant problem for refractive surgery? J Refract Surg 2002 ; 18 : S563-6. Guirao A, González C, Redondo M et al. Average optical performance of the human eye as a function of age in a normal population. Invest Ophthalmol Vis Sci 1999 ; 40 : 203-13. 98 Ophtalmologies Février 2009 vol. 3 numéro 22