Les trappes à pauvreté dans le modèle de Solow

Documents pareils
L Equilibre Macroéconomique en Economie Ouverte

GUIDE PRATIQUE déplacements professionnels temporaires en France et à l étranger

Partie 5 : La consommation et l investissement

PILOTER ET MAITRISER L EVOLUTION

La jeunesse française a-t-elle encore un avenir?

LIVRE BLANC. Mise en œuvre d un programme efficace de gestion des vulnérabilités

L économie ouverte. Un modèle de petite économie ouverte. V2.0 Adaptépar JFB des notes de Germain Belzile. Quelques définitions

Fiche d animation n 1 : Pêle-mêle

Les effets d une contrainte de crédit sur la convergence économique : Le cas des pays de l UEMOA

Modèles de croissance économique Alexandre Nshue M. Mokime

Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l Université de Limoges

Premier modèle - Version simple

Propension moyenne et marginale

L'Afrique peut-elle devenir le nouvel atelier du monde à l'horizon 2050? Quelques conditions préalables

L impact du vieillissement sur la structure de consommation des séniors : assurance IARD, santé et SAP entre (P)

À quoi le Québec ressemblera-t-il en 2030?

Le coût des politiques climatiques. Double dividende ou coûts excessifs?

Le SMI. Chapitre Les origines historiques du SMI actuel Avant la première Guerre mondiale : l étalon or

LE GUIDE DE L INVESTISSEUR

Exercices Alternatifs. Une fonction continue mais dérivable nulle part

Exercices Alternatifs. Une fonction continue mais dérivable nulle part

La fiscalité nous permet de nous offrir collectivement des services et une qualité de vie supérieurs. Les revenus de l État sont à la baisse

Le système de protection sociale en santé en RDC

résumé un développement riche en emplois

Quelles ressources pour vivre seul, en 2014, dans une commune du Doubs? Essai d évaluation

En Afrique, les opportunités d emploi offertes aux femmes proviennent à 92 % de l économie informelle (estimation). JORGEN SCHYTTE/Still Pictures

La globalisation financière. Philippe Martin CERAS-ENPC (Paris) et CEPR (Londres) Texte préparé pour l Université de Tous les Savoirs 29 Avril 2000

1. Les comptes de dépôt et d épargne

L arbitrage entre consommation et épargne Activités pour l élève

La protection sociale des salariés

POUVOIR D ACHAT : la condition de vie des travailleurs

Eco-Fiche BILAN DE L ANNEE 2012 QUELLES PERSPECTIVES POUR 2013? 1

Objectifs de développement et stratégies d appui pour la micro assurance de santé dans les PED.

Où sont les Hommes sur la Terre

Chapitre 3. Mesures stationnaires. et théorèmes de convergence

L'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA en outre-mer

Baromètre PME Wallonie Bruxelles : Quatrième trimestre 2013

POINTS DE REPÈRE SUR LA FÉVRIER 2015 PRODUCTIVITÉ EN FRANCE

Modélisation de la réforme des pensions

Pays-Bas : un modèle hollandais pour les retraites?

ENQUETE SUR LA SITUATION DES GRANDES VILLES ET AGGLOMERATIONS EN MATIERE D ASSURANCES DOMMAGES

L équilibre Ressources Emplois de biens et services schématisé par une balance

Comment les pratiques en milieu scolaire agissent-elles au regard des inégalités sociales de santé? Regard sur trois continents

PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT FEINER, PHOTOS : FILIP VAN LOOCK

Forum de l investissement Ateliers d Experts. 15 Octobre Les Dangers de l Assurance Vie

La vie est plus radieuse sous le soleil. La Financière Sun Life et vous

Des solutions pour les seniors à revenus insuffisants

Actifs des fonds de pension et des fonds de réserve publics

Thème 2 : Le rôle du «secteur informel» dans l intégration régionale

ANALYSE DES DETERMINANTS DE L EPARGNE DU RWANDA

TC12 : Protection sociale et solidarités collectives

Annexe - Balance des paiements et équilibre macro-économique

2 LE MODELE NÉOCLASSIQUE

Les mathématiques financières

Chapitre 6. Le calcul du PIB, de l inflation et de la croissance économique. Objectifs d apprentissage. Objectifs d apprentissage (suite)

DÉCLARATION SOCIALE NOMINATIVE

BIG DATA : comment étendre et gérer la connaissance client? François Nguyen SFR Directeur SI décisionnel & Mkt relationnel GP

23. Les mutations de l investissement

Note de présentation générale. Secrétariat général du Conseil d orientation des retraites

SUR LES RETRAITES PAR REPARTITION DU SECTEUR PRIVE ET LES FONDS DE PENSION

Qu est-ce que le commerce équitable?

la quête du Graal? Michel Aglietta Université Paris Ouest et Cepii

BAREME sur 40 points. Informatique - session 2 - Master de psychologie 2006/2007

Responsabilité sociale et éthique

Compte de dividendes en capital

Infos, Intox et Alternative pour le financement des retraites et de la protection sociale et la compétitivité

pays tributaires des exportations de minéraux

LE CRÉDIT DANS UN NOUVEAU PAYS:

LES FACTEURS DE FRAGILITE DES MENAGES

La Business Intelligence, un projet stratégique

Les inégalités de conditions de vie dans le monde

Situation actuelle : Sommaire d une recommandation Page 1 de 5

Placements Banque Nationale modernise sa marque et devient Banque Nationale Investissements

LE DOLLAR. règne en maître, par défaut

Le jeu «Si le monde était un village» Source : Afric Impact

Faut-il encourager les ménages à épargner?

Fait du jour RFI. Richesse / pauvreté : le grand écart. Exercices corrigés

Revendiquons une véritable liaison au bien-être! Des pensions décentes, ce n est que justice. Revendiquons une véritable liaison au bien-être!

Programme du Forum National sur la Nutrition et l Alimentation à l Hôtel KEMPINSKI N Djamena avril 2015

LA COMMISSION DE L'UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA)

CROISSANCE ÉCONOMIQUE ET BIEN-ÊTRE

Ne signez pas n importe quoi! Ne signez pas n importe quoi! Le crédit a un prix! Le crédit a un prix!

PRÉVOYANCE SANTÉ ÉPARGNE RETRAITE OFFRE CRÉATEURS TRAVAIL TEMPORAIRE

ATELIER : Comment expliquer l instabilité de la croissance économique?

Diane Patrimoine. Assurance-vie à annuités variables. Janvier 2011

TD de Macroéconomie Université d Aix-Marseille 2 Licence 2 EM Enseignant: Benjamin KEDDAD

Table des matières. Le long terme Partie II. Introduction Liste des figures... Liste des tableaux...

CHAPITRE VI - LES SOLDES COMPTABLES ET LES INDICATEURS DE REVENU

#BigData Dossier de presse Mai 2014

Figure 3.1- Lancement du Gambit

TABLE DES MATIÈRES. Première partie DE LA SOCIÉTÉ DE PLANTATION À LA SOCIÉTÉ DE TRANSFERTS : UNE SOCIOLOGIE DE LA RÉUNION

Hong Kong: Sociétés offshore à Hong Kong :

DÉCLARATION 2015 POUR RÉFORMER L ÉCONOMIE DE MARCHÉ : L ESPRIT D ENTREPRISE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN

Stratégie simple et efficace pour augmenter officieusement le taux de vos livrets d épargne défiscalisés

«Planète cherche éco-construction. Ici et là, des solutions durables au quotidien»

Le VIH-sida, qu est-ce que c est?

Nous sommes interrogés sur la nature de la crise que nous rencontrons

Macroéconomie. Monnaie et taux de change

Transcription:

Les trappes à pauvreté dans le modèle de Solow AES L3 AGE, AGT, CAI 2016-2017

Un constat terrible En 1960, le revenu par habitant au Burundi, en Haïti et le Nicaragua étaient respectivement de 347 $, 1512 $, et 2491 $. Malgré la différence de 1 à 7 entre les revenus du Nicaragua et du Burundi, ces trois pays étaient pauvres par rapport aux pays développés. Le revenu par habitant du Nicaragua représentait 16% du niveau de vie américain, tandis que le revenu du Burundi en représentait seulement 2%. Cinquante ans plus tard, les revenus en 2010, par habitant dans ces trois pays étaient pratiquement inchangé, à 396 $, 1411 $, et respectivement 2289 $

La stagnation d un pays est assez rare Sur le graphique précédent, nous pouvons constater que les pays qui n ont pas connu de croissance entre 1960 et 2010 sont assez rares. La droite du graphique représente les situations pour lesquelles le PIB par tête en 2010 est identique au PIB par tête en 1960. Tous les pays se trouvant au dessus de la droite ont connu de la croissance, tous les pays sur la droite, n ont pas connu de croissance et tous les pays en dessous de la droite sont plus pauvres en 2010 qu ils ne l étaient en 1960.

Pourquoi le revenu par habitant n a pas augmenté dans ces pays? Une possible explication est l existence d un "piège à pauvreté", qui peut être compris comme un ensemble de mécanisme par lesquels les pays commencent pauvres et restent pauvres. la pauvreté engendre la pauvreté, de sorte que la pauvreté actuelle est elle-même une cause directe de la pauvreté dans le futur (Azariadis et Stachurski 2005) L idée de l existence d un "piège à pauvreté" a une implication en termes d aide au développement : une augmentation massive de l aide étrangère aux pays à faible revenu permettrait de les faire sortir de ce piège.

Pièges à pauvreté dans le modèle de Solow Nous allons voir que dans le modèle de Solow, nous pouvons faire apparaître 3 types de pièges à pauvreté : Un piège dû au comportement d épargne Un piège dû au comportement de fécondité Un piège dû à la technologie

Le comportement d épargne Chez Solow, un pays est pauvre parce que sont taux d épargne (d investissement) est faible. On peut penser que si ce pays était plus riche, les agents pourraient consacrer une part plus importante de leur revenu à l épargne. Le graphique suivant montre qu il existe bien une relation croissante entre le capital par tête et le taux d épargne.

Des taux d épargne fonction du revenu

Mise en évidence de ce résultat dans le modèle de Solow Une économie pauvre va converger vers k alors qu une économie qui aurait un capital par tête supérieur à ˆk convergerait vers k.

Généralisation On peut supposer que le taux d épargne est fonction du niveau de capital : s(k t ). On voit clairement qu il existe un état stationnaire instable ˆk et deux états stationnaires stables k et k.

Visualisation des taux de croissance

Quelle portée empirique? Sur la base d un échantillon de 110 pays, la table suivante reporte le taux de croissance annuel moyen sur 50 ans. Ces données empiriques sont compatibles avec le graphique précédent du modèle de Solow (hormis qu il n y a pas de taux de croissance négatifs!).

Quelles implications pour l aide au développement 1/2? Dans notre modèle on voit apparaître deux possibilités d aide. Maintenir un taux d investissement supérieur à (n + δ)k t lorsque l économie a un capital compris entre k et k Le problème est que l économie "ira" bien converger vers k mais risque de prendre beaucoup de retard en restant trop longtemps dans la zone [k ; ˆk].

Quelles implications pour l aide au développement 1/2? "Donner" un capital tel que le capital par tête soit au moins égal à ˆk. Cela pourrait entraîner des aides considérables!

Le comportement de fécondité Chez Solow un pays est pauvre parce que son taux de croissance de la population est élevé. La raison réside dans le fait qu il n y pas de système de protection sociale et qu un moyen de se protéger lors de sa vieillesse est d avoir beaucoup d enfants. Il existe un autre argument c est l éducation. Éduquer des enfants coûte cher et on peut choisir dès lors d en faire moins. Un arbitrage en quelque sorte entre quantité et qualité. Mais nous y reviendrons au seconde semestre. Là encore, il est raisonnable de penser que si les pauvres étaient riches ils n auraient pas autant d enfants.

Des taux de croissance de la population fonction du revenu?

Remarque sur le nombre d enfants par femme Il naît 105 garçons lorsqu il naît 100 filles. C est une constante, une loi de la nature. Si l on considère que sur 100 femmes x % arrivent à vivante à l âge moyen à la maternité, à charge à ces x femmes de faire pour renouveler la population 205 enfants (100 filles et 105 garçons). Dans ce cas le nombre d enfants par femme vivante est : Nb d enfants par femme = 205 x Si la probabilité de survie à l âge moyen à la maternité est de 97%, le nombre d enfants par femme est de 2,11 pour renouveler la population. Si la probabilité de survie à l âge moyen à la maternité est de 50%, le nombre d enfants par femme est de 4,1 pour renouveler la population.

Taux de croissance de la population et PIB

Visualisation dans le modèle de Solow Une économie pauvre (k t < ˆk) a un fort taux de croissance de la population. Elle va converger vers k. Alors qu il économie suffisamment riche (k t > ˆk) va avoir un taux de croissance de la population plus faible et va converger vers k

Généralisation On suppose que le taux de croissance de la population est une fonction décroissante du capital par tête (ce qui est équivalent à la production par tête).

Comment réduire la croissance de la population? La transition démographique explique la croissance de la population par un décalage temporel entre le mouvement de la mortalité et de la natalité.

Agir sur le taux de natalité et le taux de mortalité En Chine la politique de l enfant unique a sans doute contribué à ralentir la croissance de la population. Mais c est une solution un peu sévère! On peut également augmenter le taux de mortalité (c est une blague bien sûr...) mais cela ne permettra pas de faire baisser le taux de natalité... Il ne reste guère que la possibilité de doter les pays pauvres avec un niveau de capital au moins égal à ˆk.

Technologie et trappe à pauvreté Un pays pauvre peut avoir une technologie limitée. Au cours du développement, ce pays peut acquérir une technologie plus élaborée. A cause d une technologie limitée y t, l économie est enfermée dans une trappe à pauvreté k t.

Généralisation Le passage d une technologie limitée à une technologie plus élaborée permet à l économie de se retrouver temporairement dans une zone de rendements croissants. Entre le niveau de capital k 1 et k 2, l économie connait des rendements à l échelle croissants.

Quelle politique d aide? Clairement, les transferts de technologie permettent aux pays pauvres de mieux produire. Mais attention, doter un pays pauvre d une nouvelle technologie est bien mais il faut s assurer que le capital est au moins égal à ˆk. Si ce n est pas le cas, on peut se retrouver dans une situation ou l on a un processus de production élaboré mais pas assez de machines pour l exploiter.

La politique du big-push Dans tous les cas de trappe à pauvreté que l on a vu, un moyen simple de sortir du cercle vicieux est de doter les économies en capital, capital au moins égal à ˆk. C est ce que l on appelle le big-push. Chez Domar toute aide (aussi minime soit-elle avait un effet sur le taux de croissance. Dans le modèle néoclassique l aide n est efficace que si elle est supérieure à (ˆk k 0 ) où k 0 est le capital par tête de l économie au moment de l aide.