2013 # 5. SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE ARIÈGE-PYRÉNÉES Actes du Congrès IFRAO, Tarascon-sur-Ariège, septembre 2010 L ART PLÉISTOCÈNE DANS LE MONDE

Documents pareils
Jean Dubuffet AUTOPORTRAIT II

Programme OMS de Bonne Gouvernance dans le secteur pharmaceutique

progression premiere et terminale

Extraction d informations stratégiques par Analyse en Composantes Principales

D) Un pouvoir spécial si le déclarant n est pas le responsable légal de l entreprise (Cf. modèle en annexe 7)

L ANALYSE COUT-EFFICACITE

un très vieux parent!

La mise en commun. (D après Michel Barlow, Le travail en groupes des élèves, Paris, A. Colin, 1993, pp )

Université de Bangui. Modélisons en UML

William Pezet

REPERTOIRE D ENTREPRISES NATIONAL A DES FINS STATISTIQUES

Cour de justice de l Union européenne COMMUNIQUE DE PRESSE n 70/14

I. Cas de l équiprobabilité

Romi. avec. Artistes en herbe. Romi Caron. l histoire. Je peins

Eteindre. les. lumières MATH EN JEAN Mme BACHOC. Elèves de seconde, première et terminale scientifiques :

D)- un pouvoir spécial si le déclarant n'est pas le responsable légale de l'entreprise (Cf. modèle en annexe 7)

Calcul matriciel. Définition 1 Une matrice de format (m,n) est un tableau rectangulaire de mn éléments, rangés en m lignes et n colonnes.

MBA Spécialisé en Alternance

La méthode des cas et le plan marketing : énoncé seul

C ÉTAIT IL Y A TRÈS LONGTEMPS QUAND LE COCHON D INDE N AVAIT PAS ENCORE SES POILS.

Compter à Babylone. L écriture des nombres

Épreuve collaborative

Bilan de sept années de recherches dans la grotte ornée d El Castillo (Cantabrie, Espagne)

1 Master Pro bilingue «Intelligence et innovation culturelles»

Comparaison de fonctions Développements limités. Chapitre 10

Thèmes et situations : Personnel et législation sociale dans l entreprise. Fiche pédagogique

Guide No.2 de la Recommandation Rec (2009).. du Comité des Ministres aux États membres sur la démocratie électronique

Assurance auto. Monde de sécurité Bâloise

Dossier Logique câblée pneumatique

Disciplines. Ecoles - facultés - titres délivrés. UNIL - Faculté des lettres. Maîtrise universitaire ès Lettres

Objectifs quantitatifs : Générer des flux prospectifs Développer les admissions parallèles

Préparation d une maturité avec mention bilingue français-allemand ou français-anglais

8 Certifications Minergie

Présentation du jeu de négociation autour de la problématique de l orpaillage

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

LA GESTION COMMERCIALE DES VEHICULES

Le Pavé Mosaïque. Temple?» C est la question que je me posais la première fois que je vis le Pavé Mosaïque à

Chapitre 1 : Notions. Partie 9 - Rente viagère. Qu est-ce q u u n e «r e n t e v i a g è r e»?

«MON PROJET DE CREATION D ENTREPRISE / MON BUSINESS MODEL»

Christelle MAZIERE (30 ans)

MODULES D IN{FORMATION} ACCESSIBILITÉ DES ERP Culturels VOS BÂTIMENTS/LES HANDICAPS/LA LÉGISLATION

La rémunération des concepteurs. en théâtre au Québec. de 2004 à 2006

CE : comment obtenir vos budgets

Master Théorie et pratiques des arts interactifs

Assurance Vie en Ligne

Le parcours professionnel des chômeurs de longue durée en Suisse

MUSIQUE ET POINTS DE VENTE FOCUS SALONS DE COIFFURE

Transformation IT de l entreprise BPM ET APPROCHE MÉTIER

PLAN DE COURS. Pierre G. Bergeron, La gestion dynamique : concepts, méthodes et applications, 3 e édition, Boucherville, Gaëtan Morin, 2001.

Master Sales Analysis. Analyse et développement des compétences de vente

La diplomatie économique et la promotion économique du Maroc à l étranger

NOM : Prénom : Date de naissance : Ecole : CM2 Palier 2

UNIVERSITÉ DE GENEVE. langue et littérature italiennes italien 3 langue et littérature latines philosophie philosophie 3

La P N L appliquée à la vente

I. Une nouvelle loi anti-discrimination

Notice concernant le droit d être entendu à l intention des autorités de décision

DEMANDE D OUVERTURE D UNE PROCEDURE DE SAUVEGARDE

avec des nombres entiers

Cours3. Applications continues et homéomorphismes. 1 Rappel sur les images réciproques

Application en classe de la progression des apprentissages en musique 1 er cycle du secondaire

Format de l avis d efficience

Statuts v1.3 - Page 1 sur 5

CONSULTATIONS COMMUNAUTAIRES

Probabilité. Table des matières. 1 Loi de probabilité Conditions préalables Définitions Loi équirépartie...

Annonces internes SONATRACH RECHERCHE POUR SON ACTIVITE COMMERCIALISATION :

5.9 Comment sont imposées les assurances vie Constitutives de Capital

IFT2255 : Génie logiciel

FICHE PEDAGOGIQUE 17

Exo7. Calculs de déterminants. Fiche corrigée par Arnaud Bodin. Exercice 1 Calculer les déterminants des matrices suivantes : Exercice 2.

Les projets d investissement en PME

PEUT- ON SE PASSER DE LA NOTION DE FINALITÉ?

Chap. 3: Le modèle de données entité-association (E.A.)

Sage Cockpit. Solution de Business Intelligence basée sur le Web et destinée aux évaluations et aux analyses

Le réseau social collaboratif des membres de Mov eo

MABioVis. Bio-informatique et la

VOLUME I ETUDES DE CAS RELATIFS A DES PROJETS DE PASSATION ELECTRONIQUE DE MARCHES PUBLICS

Rapport d'analyse des besoins

Thème 2 : Cycle de vie des projets d innovation: ambigüité, incertitude, production de savoir et dynamisme

DOSSIER PEDAGOGIQUE DESTINE AUX ENSEIGNANTS

Rappel des grande lignes de l Initiative Créative valley. CREATIV Labs

Primaire. analyse a priori. Lucie Passaplan et Sébastien Toninato 1

TRANSFOLIO version Introduction

S initier aux probabilités simples «Question de chance!»

Comment développer vos missions paie?

DELIBERATION DU CONSEIL REGIONAL

Comment valoriser une entreprise et sur quels critères? ISEC 22 novembre 2011 Evaluation d entreprises

en région bruxelloise

1. BESOINS DE LA SOCIETE SO.BA.MA.T

ère année et 2 ème année

GRILLE D ANALYSE D UNE SEQUENCE D APPRENTISSAGE

LETTRE D INFORMATION IMMOBILIER

Débats et Prospectives

Liste des formations : Développement personnel

Le coloriage virtuel multiple et ses applications

FICHE N 8 Photodiversité, d une banque d images à un portail d activités en ligne Anne-Marie Michaud, académie de Versailles

L évaluation des risques au travail

Date : Tangram en carré page

Voici un extrait du guide de rédaction. Le guide complet est téléchargeable sur le lien suivant

Transcription:

SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE ARIÈGE-PYRÉNÉES Actes du Congrès IFRAO, Tarascon-sur-Ariège, septembre 2010 2013 # 5 http://www.palethnologie.org ISSN 2108-6532 sous la direction de Jean CLOTTES L ART PLÉISTOCÈNE DANS LE MONDE Livre des synthèses Revue bilingue de Préhistoire Bilingual review of prehistory

L art pléistocène dans le monde Actes du Congrès IFRAO, Tarascon-sur-Ariège, septembre 2010 SIG20 Dobrez Article intégral, p. 1837-1851 VERS UNE DÉFINITIONPLUS RIGOUREUSE DES TERMES : peut-on parler de scènes dans l art paléolithique européen? Livio DOBREZ Cet article traite de la définition des termes employés quelque peu approximativement dans la recherche sur l art rupestre : composition, juxtaposition, association, scène. Son argument est synchronique, donc la stratification historique des sites n est pas pertinente dans ce cas. Les définitions se basent sur une analyse de la perception, elle est donc phénoménologique, mais pas dans le sens courant de «post-moderne». Or la perception n est-elle pas subjective? Elle n est certainement pas objective. L évolution fait en sorte que notre vue fonctionne, mais pas seulement subjectivement puisque la perception subjective ne garantirait pas la survie. L une des manières pour la recherche sur l art rupestre de mener des enquêtes objectives fut de faire appel à la neurophysiologie. Si elle s est avérée très utile, elle ne peut cependant pas «expliquer» notre vision, seulement ses mécanismes. Jusqu à maintenant l accent s est porté sur les activités d ordre secondaire du cortex visuel (soit les phosphènes). Je m intéresse à la perception de premier ordre, soit une scène. Je définis la composition comme un motif (intentionnel ou non) que je perçois ; la juxtaposition comme une relation minimale entre les éléments d une composition, en ce sens que la suppression de l un de ces éléments n affecte pas la forme des autres ; l association comme une relation formelle en ce sens que la suppression d un élément affecte le reste. Ainsi, une grande partie du Salon Noir à Niaux consiste de juxtapositions, mais les deux bisons «affrontés» du panneau 6 forment une association. Une association est plus probablement intentionnelle qu une juxtaposition. Mais est-ce que les deux bisons s affrontent dans la forme ou s affrontent-ils dans le sens où ils «font quelque chose»? Seul ce dernier cas constituerait une scène. Je propose les marqueurs visuels suivants pour percevoir une scène, sans oublier que, contrairement à ce que l on suppose couramment, une seule figure suffit pour une scène : l asymétrie figurative (soit les marqueurs de mouvement des figures) ; l asymétrie de groupe (soit la composition diagonale) ; l orientation des figures ; la taille (les petites figures sont perçues comme plus actives que les grandes) ; la représentation de profils (surtout pour l exclusion de l observateur de la scène). Une scène n est pas nécessairement intentionnelle, mais elle est plus susceptible de l être qu une association. Une composition dynamique est-elle suffisante pour constituer une scène? En ce qui concerne Lascaux, Altamira et Chauvet (ce dernier se caractérise par les compositions de groupe), je soutiens que non. La plupart des scènes dans ces grottes se composent d une unique figure (par exemple la «vache bondissante» de Lascaux). Les scènes comportant plus d une figure (par exemple les deux rhinocéros affrontés à Chauvet) sont relativement rares. Ces animaux sont bien sûr tous pleins de vie, mais ce n est pas la même chose que de constituer une scène. Une figure peut être animée sans représenter une action. http://www.palethnologie.org 365 P@lethnologie 2013

SYMPOSIUM 9 - SIGNES, SYMBOLES, MYTHES ET IDÉOLOGIE Niaux, Salon Noir, Panneau 6 (avec l aimable autorisation de Jean Clottes) : juxtapositions et une association qui n est pas une scène (DAO : G. Tosello). 366

SYMPOSIUM 9 - SIGNES, SYMBOLES, MYTHES ET IDÉOLOGIE Ceci vaut pour la plupart des représentations paléolithiques d Europe : le bison de Font-de-Gaume, les rhinocéros et mammouths à Rouffignac, la Frise Noire de Pech-Merle, la frise des bouquetins et mégacéros à Cougnac, les images de Niaux, le panneau des chevaux à Tito Bustillo. On trouve des figures uniques dans certaines de ces grottes, dont Les Combarelles. Mais comment décider clairement que c est une scène? Premièrement, j admets que les marqueurs de «quelque chose qui se passe» peuvent être subtils : une queue qui se lève (Altamira) ou une tête qui se tourne (Pair-non-Pair). Deuxièmement, j admets que, en accord avec le point de vue de Jean Clottes sur les félins de Chauvet par exemple, l observateur de représentations animalières informé verra davantage que le non informé. Néanmoins, mon critère est perceptuel : déduire que «quelque chose se passe» ne suffit pas. Ainsi, nous pouvons qualifier le «cerf bramant» de Lascaux de scène, alors qu avec les «cerfs nageant» nous ne percevons pas de «nage», nous nous contentons de le déduire. Je conclue que, pour diverses raisons, les artistes paléolithiques européens ont généralement choisi de ne pas représenter d action narrative, surtout une action narrative de groupe, contrairement par exemple aux artistes du Levant espagnol ou du Drakensberg. Ils choisissaient plutôt de grandes représentations, soit à tendance statique, suggérant un intérêt pour la Forme Canonique, c est-à-dire l allure typique d un animal. On peut en dire davantage sur les ensembles figuratifs qui nous encouragent à déduire qu il s agit d une scène tout en étant trop statiques pour en représenter une. Avec l exemple des figures du Puits de Lascaux, je propose que nous sommes parfois confrontés non pas à la représentation d un évènement (ce qui constituerait une scène) mais à une composition qui signifie cet évènement. Cependant, on ne trouve pas de marqueurs visuels pour les signes ou les symboles il fut posséder les connaissances spécifiques à une culture pour les identifier. Bien entendu, ma méthodologie basée sur la perception (soit la Théorie de Réception) ne peut s appliquer aux signes ou aux symboles. Elle peut en revanche fournir des définitions claires pour discuter de toutes les représentations, dont celles de l art rupestre, sur la base non pas de commodités ad hoc mais sur l analyse de ce que nous voyons. Cela implique l hypothèse raisonnable que, malgré notre plasticité neuronale, le système visuel des humains n a pas changé durant la période concernée. Les marqueurs visuels que je propose comme critère pour une scène ne se prêtent pas aux mesures objectives. Ils peuvent néanmoins être testés par d autres observateurs et sont, dans cette mesure, vérifiables, c est-à-dire qu ils ne sont pas simplement subjectifs. - 367

Revue bilingue de Préhistoire Bilingual review of p