Psoriasis et co-morbidités psychiatriques Laurent Misery Sylvie G. Consoli (Groupe Français du Psoriasis, 29 octobre 2010)
Psoriasis et co-morbidités psychiatriques Dépression Anxiété Conduites addictives: alcoolisme, tabagisme
Plan Pourquoi une co-morbidité? Quelle co-morbidité? Que faire?
Dans le psoriasis les co-morbidités psychiatriques peuvent être favorisées par Des facteurs psychologiques liés à l atteinte l cutanée Des facteurs psychologiques liés à la personnalité (y compris alexithymie et pattern A) et à l histoire l du malade Des facteurs biologiques
Facteurs psychologiques liés à l atteinte l cutanée La blessure narcissique (altération de l image de soi, de l estime l de soi et du sentiment de sécurité interne) L impact de la chronicité (sur la qualité de vie, le psychisme et l observance) l La complexité des traitements Les expériences objectives de rejet affectif et socioprofessionnel (alcool) ces facteurs altèrent la qualité de vie
La co-morbidité psychiatrique est fortement liée à l altération l de la qualité de vie, indépendamment de la sévérité de la maladie (patients consultants en dermatologie) Sampogna F., Picardi A., Chren M-M et al. Psychosomatic Medicine 2004; 66 (4) : 620-4.
Le «capital narcissique» est entamé par : L atteinte de la peau : organe visible de la vie de relation La modification du toucher : sensations, sensualité et sexualité altérées L atteinte des articulations: mobilité altérée, douleur L instauration d un d syndrome métabolique : silhouette modifiée
Le psoriasis cutané altère le toucher et peut être aussi douloureux (en particulier dans certaines localisations : plis, organes génitaux externes )
Sampogna F et al. Impairment of sexual life in patients with psoriasis.. Dermatology 2007; 214 (2) : 144-50 Évaluation, pendant deux ans, de 936 psoriasiques hospitalisés : 35,5 % des patients, avec le Psoriasis Disability Index et 71,3 %, avec l Impact l of Psoriasis on Quality of Life Questionnaire rapportent des problèmes sexuels. Ceux-ci sont plus fréquents en cas de : psoriasis sévère problèmes psychologiques (dépression, mauvaise estime de soi )
Particularités de l atteintel rhumatologique : Elle est visible Elle est douloureuse Elle réduit l autonomiel Elle constitue un handicap dans tous les secteurs de la vie Elle fait entrer le malade dans une maladie plus générale, avec des traitements qui peuvent être «lourds» Elle «vieillit» le malade et atteint donc aussi son image de soi
Les facteurs psychologiques liés à la personnalité et à l histoire l du malade jouent un rôle dans le vécu de la maladie et de son traitement
Personnalités pathologiques Trois sous ensembles (clusters) : Personnalités bizarres, excentriques (cluster A) paranoïaque schizoïde schizotypique Personnalités instables, capricieuses, émotives (cluster B) histrionique psychopathique borderline narcissique Personnalités anxieuses (cluster C) évitante dépendante obsessionnelle compulsive
Alexithymie Sifneos PE, Nemiah JC. (1963, 1972) Incapacité à reconnaître, identifier et exprimer verbalement les émotions ou sentiments Limitation de la vie imaginaire (de l aptitude l à la «rêverie diurne») Capacité limitée «d insight» Tendance à recourir à l action l pour éviter ou résoudre les conflits Description détaillée des faits, des événements ou des symptômes physiques
Le problème de l alexithymiel Nombreuses publications en faveur de taux accrus d alexithymie d chez les patients psoriasiques Association positive entre alexithymie et symptomatologie dépressive (chez les psoriasiques comme dans la population générale) Consoli SM, Rolhion S, Martin C, Ruel K, Cambazard F, Pellet J, Misery L. Dermatology 2006;212(2):128-36.
Les facteurs biologiques Un cercle vicieux Psoriasis = inducteur biologique de dépression
Un cercle vicieux Stress = le facteur déclenchant des poussées de psoriasis le plus clairement identifié Libération de neuro-hormones et de neuromédiateurs au cours du stress, qui peuvent amplifier des mécanismes immunitaires, et par l activation l des terminaisons nerveuses cutanées, qui amplifient considérablement la réaction inflammatoire Avoir un psoriasis représente un stress chronique en soi. Auto-aggravation spontanée si les lésions ne régressent pas ou si le traitement est trop contraignant ou devant la crainte de rechutes Dépression et anxiété non traitées, augmentent beaucoup la sensibilité au stress. Idem pour stress chronique Idem chez alexithymiques ou quand répression de l hostilité (traits fréquents chez patients avec psoriasis)
Psoriasis = inducteur biologique de dépression TNFα et IL-1 (augmentés au cours du psoriasis), inducteurs de dépression Substance P (augmentée au cours du psoriasis), inductrice de dépression Deficit en sérotonine (présent au cours du psoriasis), inducteur de dépression
Le psoriasis Altère l image l de soi, le narcissisme Altère le toucher Peut altérer la mobilité,la silhouette et la santé en général Altère les relations avec autrui Est une maladie chronique,douloureuse. A des traitements compliqués Altère la qualité de vie Est associé à des morbidités diverses MAIS n y n y a-t-il pas un risque de le rendre responsable de tout ce qui ne va pas??
Une fragilité narcissique préexistante à la survenue du psoriasis aggrave le vécu du psoriasis
Le psoriasis peut être l arbre qui cache la forêt psychiatrique
Psoriasis et dépression Dépression: cause? : conséquence? : association? On n est n pas obligé de prendre parti
Le psoriasis peut : Être le support : d'idées reçues, fausses, de fantasmes chez le malade et dans son entourage (stigmatisation, peur d uned contamination, certitude d êd être responsable de cette maladie «psychosomatique» ) Favoriser (par ex: chez les adolescents) : des conduites d'évitement des mécanismes de défense psychique (projection) Être utilisé par le malade pour expliquer : ses difficultés relationnelles ses inhibitions, échecs, son anxiété, sa dépression, ses addictions
Ce qui est sûr: une co-morbidité réelle Nombreuses études La dernière: étude de cohorte (146 042 patients et 766 950 témoins)! Hazard ratios: Dépression: 1,39 Anxiété: 1,31 Idées suicidaires: 1,44 Dépression: HR pso sévère = 1,72 HR pso modéré = 1,38 Risque plus élevé chez les plus jeunes et chez les hommes Arch Dermatol 2010;146:891-895
Ce qui est sûr: une co-morbidité réelle Dépression : risque attribuable important en fonction de la gravité de la maladie (25.5 pour psoriasis sévère, 11.5 pour psoriasis modéré) Co-morbidité: environ 30% des patients (15-60%) Dépression > anxiété Anxiété plutôt au début puis apparition de dépression au cours de l él évolution
Psoriasis et alcoolisme Plus importante consommation d alcool d chez les patients avec un psoriasis Odds ratio à 3 ou 4 (buveurs excessifs vs buveurs normaux) Quantité d alcool d ingérée 2 fois supérieure si psoriasis (vs non pso) Hommes et femmes Poikolainen BMJ 1990:300:780-783 Bo, Dermatology 2008:216:40-45 Gerdes, Dermatology 2010:220:38-43 Association avec la dépression et l anxiétél Hayes, Dermatol Ther 2010:23:174-180 Meyer, Ann Dermatol Venereol 2008:135:S259-S262
Psoriasis et tabagisme Psoriasis plus fréquent chez les fumeurs Mills, Br J Dermatol 1992:127:18-21 Naldi, Br J Dermatol 1992:127:212-217 Poikoilanen, Br J Dermatol 1994:130:473-477 Naldi, Arch Dermatol 1999:135:1479-1484 Bo, Dermatology 2008:216:40-45 Odds ratio vers1.5 Hommes = femmes Sevérité du psoriasis corrélée avec l intensité l du tabagisme Fortes, Arch Dermatol 2005:141:1580-1584
PSORIASIS AND TOBACCO: enhanced smoking in patients Misery, Ann Dermatol Venereol, 2008, 135, hors-série 2, A142 Gerdes, Dermatology, 2010 220:38-43
PSORIASIS, DIET AND EXERCISE Misery, Ann Dermatol Venereol, 2008, 135, hors-série 2, A142
Une mauvaise observance est liée à la co-morbidité psychiatrique et à une prise en charge médicale insatisfaisante de façon significative et indépendante (patients consultants en dermatologie) Renzi C., Picardi A. Abeni D., et al Association of dissatisfaction with care and psychiatric morbidity with poor compliance Arch Dermatol 138; 2002: 337-342
Plus la maladie dermatologique est sévère cliniquement avec une qualité de vie préservée, plus la prise en charge est jugée satisfaisante par le malade. Le degré de satisfaction est d autant d plus bas que l altération l de la qualité de vie est plus importante que ne le laisserait présager la sévérité clinique de la maladie dermatologique Renzi C., Abeni D., Picardi A. et al Factors associated with patient satisfaction with care among dermatological outpatient British Journal of Dermatology 2001; 145: 617-623
Les compétences relationnelles des médecins sont le principal facteur déterminant la satisfaction du malade quant à sa prise en charge médicale Cette satisfaction est liée de façon significative et indépendante à la capacité à : Donner des explications Donner des réponses adéquates aux questions du malade Se montrer concerné par la santé du malade Elle est aussi liée à un âge plus avancé du malade Mais pas avec le temps passé avec le malade
Psoriasis, co-morbidités psychiatriques et observance Maladie chronique Altération de la qualité de vie Mauvaise observance Co-morbidités psychiatriques Prise en charge perçue comme insatisfaisante
Les approches psychologiques L'attention à la maladie cutanée, le traitement adéquat et une bonne relation médecin- malade La cosmétologie, les règles d hygiène d de vie L attention aux proches Les psychotropes Les psychothérapies ( à associer aux psychotropes ) La collaboration avec un psychiatre généraliste,un psychologue et/ou un psychothérapeute Penser aux structures publiques (CMP ) sans abandonner le malade
La prise en compte de l'humeur dépressive est entravée : par la difficulté du diagnostic, quand il existe une maladie organique par la collusion du silence entre le médecin et le malade Et par l imaginaire l du malade et du dermatologue et les sentiments contretransférentiels de ce de ce dernier
Quelques conseils pour rechercher une dépression Aborder le thème de la qualité de vie et de la gêne éventuelle occasionnée par le psoriasis dans la vie quotidienne S appuyer sur les proches ( la femme!! ) S enquérir de la qualité du sommeil,, de l appétit, etc. (signes somatiques) Chercher une diminution de l entrainl ou de l intérêt pour des activités habituelles Chercher une lassitude ou une négligence des soins Ne pas renoncer (ou ne pas avoir peur) à demander au patient s il s lui arrive d avoir d des idées noires
Intérêt des psychotropes Les anxiolytiques (attention car ils risquent d'augmenter la confusion chez une personne âgée) Les antidépresseurs (dans la dépression, mais aussi dans certaines formes de troubles anxieux)
Les antidépresseurs À forte action antihistaminique et sédative si prurit (doxépine) Les IRS (Inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine : paroxétine ) Les IRSNa (Inhibiteurs mixtes de la Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline (venlafaxine, duloxetine )) : intérêt supplémentaire si symptômes douloureux Utiliser celui que l on l connaît bien et avec lequel on est à l aise l!
Les psychothérapies Les approches corporelles (relaxation, massages) L'hypnose Les thérapies comportementales et cognitives (prurit) La psychothérapie brève avec des buts socio affectifs simples et à court terme La psychothérapie analytique (pour changer en profondeur son mode de réagir et de penser et, par exemple, savoir enfin pourquoi on ne peut pas se traiter)
Centre Médico-Psychologique (CMP) Structure publique La France est divisée en secteurs psychiatriques Selon le lieu d habitationd Pour chaque secteur: un hôpital psychiatrique, des dispensaires pour adultes (CMP) et enfants (CMPP) Renseignements: hôpital Saint Anne, CPOA : 01 45 65 811O
Lors des consultations successives Être attentif à ne pas «blesser» le patient Être «renarcissisant» Prendre son temps (utiliser la chronicité et non la subir) Chercher l appui l des proches S étonner(l intensité du prurit, l inefficacitél du traitement penser à une dépression) Ne pas stigmatiser la non-observance (penser à une dépression) S arrêter pour penser Valoriser la vie psychique, celle du malade et la sienne
La prise en compte des co-morbidités psychiatriques RÔLE DU DERMATOLOGUE Personnalise et renforce la relation médecin/malade Permet d adapter d le traitement du psoriasis et de renforcer l observance l des règles hygiéno-diététiques et du traitement spécifique Ouvre sur de nouvelles thérapeutiques à associer avec de nouveaux correspondants et a donc un impact direct sur le psoriasis
Intérêt de bien traiter le psoriasis Amélioration de la qualité de vie et moins de symptômes psychiatriques si psoriasis traité et moins visible En particulier, avec biothérapies: Étanercept Adalimumab Ustekinumab
Société Francophone de Dermatologie Psychosomatique (SFDPS) Journée du 17 09 11 ( de 12h à 18h30 ) «La honte du corps chez l adolescent l» Hôpital Européen Georges Pompidou Paris 75015