Collectif Haïti de France Les compétences et les moyens octroyés aux Collectivités Territoriales haïtiennes Jean Gabriel Robenson Belunet Historien 1er juin 2011 Table des matières 1
Introduction I-Compétences des Collectivités territoriales selon les prévisions légales 1-Les compétences des collectivités territoriales 1.1-Le département, un espace politico-administratif 1.2- La commune : un espace opérationnel et de coopération 1.3-La section, un espace de participation 2- Les attributions des Collectivités Territoriales dans l organisation de l État 2.1-Les organes 2.2-Les délégués 2.3-Les attributions des Collectivités Territoriales II- Les collectivités territoriales et leurs ressources 1-Les ressources humaines 2-Les ressources matérielles 3-Les moyens financiers de la commune 3.1-Les ressources propres à la commune 3.1.1- Les ressources fondamentales 3.1.2- Les ressources nominales et précaires 3.2-Taxes complémentaires ou subventions? 3.3-Les subventions et allocations 3.4-Les ressources rares et inexploitées Conclusion et propositions 2
Introduction En 1987, après la chute de la dictature de Duvalier qui incarnait le pouvoir central, une réforme administrative a été envisagée dans la nouvelle Constitution haïtienne par le projet d un État unitaire décentralisé. Ce projet, en plus d un processus, constitue un partage de pouvoir entre l administration centrale, autrefois seul pouvoir décisionnel, et les Collectivités Territoriales nouvellement créées. Ainsi, les populations peuvent participer à travers leurs représentants à la gestion de leurs localités. Les Collectivités Territoriales sont des institutions proposées par le nouveau modèle administratif prévu dans la Constitution qui reconnait en son article 61 trois Collectivités Territoriales : Le département, la commune et la section communale. La décentralisation repose sur ces Collectivités Territoriales recevant de la constitution et des lois en vigueur des attributions et ressources capables d assurer leur fonctionnement. Les moyens disponibles favorisent-ils les Collectivités Territoriales dans l exercice de leur fonction et compétence? Quelles sont les compétences et ressources octroyées à ces collectivités territoriales? Parmi les Collectivités Territoriales, seule la commune est fonctionnelle ; alors, il sera toujours question d elle dans ce travail qui s évertue à expliquer l adéquation entre les compétences des Collectivités Territoriales et les moyens disponibles à leur fonctionnement. Ce travail se base sur les lois en vigueur concernant les Collectivités Territoriales en vue d une analyse documentaire laquelle est confrontée à la réalité pour comprendre l adéquation entre les compétences et les ressources octroyées aux Collectivités Territoriales. I-Compétences des Collectivités territoriales selon les prévisions légales Les institutions décentralisées sont des pouvoirs régionaux et locaux qui, selon la Constitution de 1987, ont un territoire, une autonomie administrative et financière, une personne morale (Const. Art. 66, 77). Mais, ces caractéristiques ne représentent pas un dénominateur commun à toutes ces institutions. Par exemple, la loi mère attribue la personne morale et l autonomie au département (Const. Art. 77) ; elle accorde l autonomie administrative et financière à la commune (Const. Art. 66), mais ne dit rien en ce qui concerne la section communale qui est plutôt définie, à l article 62, comme une entité territoriale administrative. La section est dépourvue ainsi de statut juridique. D après Nelson Sylvestre, la constitution est imprécise 1, car elle n accorde pas les mêmes statuts à toutes les collectivités territoriales. Ces imprécisions ou omissions doivent être complétées par des lois cadres qui font défaut. Pour l heure, on compte moins d une dizaine de lois complémentaires à la constitution : la loi du 4 avril 1996 sur l organisation de la section communale ; les décrets de 2006 sur le département, la Commune et la section ; la loi du 2 septembre 1996 sur les fonds alloués aux collectivités territoriales, etc. Qu en est-il des compétences de ces collectivités? 1 N. Sylvestre (dir.)- Les collectivités territoriales en question (l expérience haïtienne de la décentralisation), Imp. de la coopération/fasch, Port-au-Prince, 2000, p. 24. 3
1-Les compétences des collectivités territoriales En attendant les lois régissant le fonctionnement intégral de toutes les administrations locales, «l intégration des collectivités territoriales au niveau décisionnel est établie par les dispositions constitutionnelles» 2 En d autres termes, la prise de décision est partagée entre le pouvoir central et la population via les organes des Collectivités. Il est question ici d aborder fondamentalement les compétences des collectivités territoriales. 1.1-Le département, un espace politico-administratif Des différences sont établies entre les institutions décentralisées qui n ont pas les mêmes statuts ni les mêmes attributions. Suivant les interprétations de la constitution de 1987 par la Commission nationale de la réforme administrative (CNRA, le département possède une prérogative politique 3 ; il a un conseil de trois membres pour gérer le département et une assemblée départementale formée de plusieurs personnes. Il a également une prérogative administrative parce qu il élabore de concert avec le pouvoir central le plan de développement départemental et gère lui-même ses ressources (Const. art.81, 83). Mais, il n existe aucune loi sur la perception des taxes au profit des départements. La fonction politique est aussi constatée à travers le conseil interdépartemental formé avec les membres de l assemblée départementale (Const. Art. 87, 87.1). Ce conseil interdépartemental sert de liaison entre le département et le Pouvoir exécutif (Const. Art. 87.1) et discute avec celui-ci de toutes les questions en rapport avec la décentralisation (Const. Art. 87.2). Le département exerce un pouvoir politique et administratif sans être capable d accueillir ou de recevoir des activités y afférent. Son territoire correspondant à plusieurs arrondissements et communes a déjà des dirigeants. 1.2- La commune : un espace opérationnel et de coopération La commune composée de la ville, quartiers et de sections communales (Const. Art. 9), est une Collectivité Territoriale ayant l autonomie administrative et financière (décret 2006 Art.2/ Const. Art. 66). Elle possède une fonction politico-administrative (Const. Art. 66, 73, 74) car elle est administrée par un conseil de trois membres. Elle a aussi une fonction opérationnelle 4. En ce sens, elle est mieux placée pour recevoir toutes sortes d activités ; elle possède un espace ou les responsables peuvent intervenir sans grandes difficultés pour percevoir des impôts et entreprendre des activités permettant de signer des partenariats. Ces derniers peuvent s effectuer surtout dans des activités avec les organisations communautaires de base et dans des programmes ou projets avec les ONG nationales et les organismes internationaux. En termes d activités, la Commune ayant des vocations précises et opérationnelles accueille toutes les interventions de divers horizons : publiques ou privées. Elle s occupe de : l aménagement du territoire, l éducation et les activités socioculturelles, les infrastructures 2 Commission nationale à la réforme administrative (CNRA)/ Unité de décentralisation et des collectivités territoriales.- Problématique de la décentralisation et réalité des collectivités ; document 1 ; mars 2002, p. 27. 3 Ibid. 4 Ibid. 4
économiques, environnement, droits humains, sécurité et sureté locales, gouvernance locale, fiscalité locale. 1.3-La section, un espace de participation L article 9 de la Constitution stipule que les sections font partie intégrante de la commune dirigée par le conseil municipal. Une Collectivité Territoriale, la section est la plus petite division administrative du pays (Const. Art. 62 ; Loi du 4 avril 1996, Art, 2). La constitution ne lui octroie aucun statut juridique. Mais la section est dirigée par ses propres représentants : le CASEC composé de trois membres et l ASEC 5 qui défendent les intérêts de leur population. Chaque section a son propre représentant à l assemblée municipale qui est l un des organes de la commune (Const. Art 67 ; loi du 4 avril 1996, Art 10-7). 2- Les attributions des organes dans l organisation de l État En plus des prérogatives générales, les collectivités territoriales ont chacune des compétences spécifiques établies à travers leurs organes chargés de défendre les intérêts de leur population. 2.1- Les organes Chaque Collectivité Territoriale possède deux organes qui sont un conseil exécutif et une assemblée consultative. Les organes du département ne sont pas en fonction ; dans la commune le conseil municipal est fonctionnel, mais l assemblée municipale ne l est pas ; tandis que les deux organes de la section le CASEC et l ASEC sont en fonction. Les conseils et les assemblées ont des compétences distinctes. Suivant la Constitution et les lois existantes, les conseils sont chargés de : Diriger, gérer, et administrer Préparer le budget Préparer les plans d action Soumettre les plans d action à l approbation des assemblées Rendre compte aux assemblées Rendre compte à l administration centrale Les Assemblées de leur côté sont capables de : Assister, orienter, appuyer les activités des conseils Discuter avec les conseils de leurs activités et du budget Soumettre ses rapports aux organes compétents Participer à la formation d institutions du pouvoir central 2.2-Les délégués 5 CAESC: Conseil d administration de la section communal. ASEC : Assemblée de la section communale. 5
L assemblée de la section communale (ASEC), l organe consultatif de la section est formée à partir d élection directe. La section est composée d habitation qui est un regroupement de la population. Chaque habitation ou groupe d habitation choisit un délégué pour la représenter dans l assemblée (loi du 4 avril, Art 33). Dans ses dispositions transitoires, cette loi dit clairement en ses articles 35 et 35.1 que l assemblée de la section et l assemblée municipale sont formées de délégués en raison de la taille de leur population. Par ailleurs, cette même loi prévoit des délégués de ville pour la partie ville de la section pour former l assemblée municipale par des élections indirectes. Cette situation pose problème parce que le délégué n a de compte à rendre ; et, en fait, il ne représente personne. En attendant la loi sur l organisation du territoire, les assemblées sont formées de délégués lesquels sont en fonction, mais ces délégués n ont aucune activité parce que les assemblées ne sont pas créées. 2.3-Les attributions des Collectivités Territoriales Les Collectivités territoriales par leurs organes participent «à la mise en place et /ou au fonctionnement d importantes institutions de l État» 6. En ce sens, il existe, à un certain niveau, un enchaînement entre les organes des collectivités territoriales. Certains d entre eux sont donc formés par l intermédiaire d un autre et par élection indirecte. Ainsi, l assemblée de la section communale choisit un représentant dans son organe ou au sein de la population pour former l assemblée municipale qui elle-même envoie un représentant dans l assemblée départementale (Const. Art. 80). Ce représentant peut être choisi également dans l assemblée ou dans la commune. A son tour, l assemblée départementale forme le conseil départemental (Const. Art. 78) ; et nomme un de ses membres au Conseil interdépartemental (Const. Art. 87, 87.1) servant de liaison entre les collectivités territoriales et le pouvoir central. Les assemblées concourent aussi à la création d autres institutions de l Etat : chaque assemblée départementale propose trois noms à l Exécutif pour former le Conseil électorale permanent (Const. Art. 192) ; ensuite, les assemblées départementales puis les assemblées municipales proposent trois noms au pouvoir exécutif pour nommer respectivement les juges de la cour d appel, des tribunaux de première instance, et ceux du tribunal de paix (Const. Art. 175). Dans les questions éducatives, le pouvoir central partage certaines tâches avec les institutions décentralisées lesquelles sont conjointement responsables de l éducation (Const. Art. 32.1) et de la scolarisation massive de la population pour le progrès du pays (Const. Art. 32.2). En outre, «l enseignement agricole, professionnel, coopératif et technique est une responsabilité primordiale de l État et de la commune» (Const. Art. 32.4). Représentant le pouvoir local, les collectivités territoriales facilitent la participation de la population dans la gestion de sa communauté. Faisant partie de l Administration publique, chacune d elles a ses attributions lui permettant d assurer son autogestion ou auto administration. Mais cette autogestion n est possible que grâce aux ressources lesquelles sont prévues par les lois du pays. 6 F. Deshommes.- Décentralisation et collectivités territoriales en Haïti. Un état des lieux ; Cahier no 1 ; éd. Cahiers universitaires ; 2004, p.27. 6
II- Les collectivités territoriales et leurs ressources Les ressources des Collectivités Territoriales sont importantes dans le cadre de leur fonctionnement. En d autres termes, elles doivent permettre aux organes de remplir leur rôle convenablement. Parmi les ressources, il y a les ressources humaines, les ressources matérielles et les ressources financières. 1-Les ressources humaines Les collectivités territoriales en tant qu administration publique ont droit à un personnel. Toutefois, parmi elles, les communes disposent d une administration ayant un local dénommé la Mairie et un personnel. Rares sont les CASEC et ASEC qui possèdent un bureau grâce au soutien d organismes internationaux. Ces administrations devraient avoir un personnel relevant de la fonction publique. Le décret concernant la commune stipule en son article 137 que le «Le personnel communal est soumis aux dispositions de la législation sur la fonction publique territoriale portant sur les Collectivités Territoriales...» Mais, cette loi fait défaut et les employés ne sont pas considérés comme des fonctionnaires. Selon la Constitution, la fonction est une carrière, mais le personnel des Collectivités territoriales changent à chaque nouvelle administration. La carrière n est donc pas respectée et les responsables ne garantissent pas la sécurité d emploi contrairement a ce que dit la Constitution en son article 236 1. Par ailleurs, cette situation explique en quelque sorte le manque de ressources humaines auquel fait face la Mairie. Pour compenser les faiblesses de leur personnel, la Constitution en son article 71 donne aux collectivités territoriales le droit à un conseil technique qui sera fourni par le pouvoir central. Par ailleurs, dans la réalité, les ONG ont l habitude de former leurs employés dans le cadre d un renforcement institutionnel sur des thèmes précis. Néanmoins, un problème se présente à la Mairie : l instabilité de l emploi pour des raisons politiques. Après chaque élection la nouvelle équipe arrive avec son personnel. Ainsi, d une part, l emploi est fragile et d autre part, les formations dispensées ne servent pas à la mairie. Il faut donc recommencer à chaque fois. 2-Les ressources matérielles Les informations concernant ce type de ressources ne sont pas disponibles. Certes, les mairies possédant un local doivent avoir nécessairement des matériels de bureau. Les communes pauvres en sont quasiment dépourvues et après le tremblement de terre, le besoin se fait beaucoup plus sentir. Suite à cette catastrophe, les ONG et organismes internationaux ont apporté, sans retenue, leur soutien aux Mairies pour résoudre ce problème. Ainsi, maintes mairies ont reçu de la part des ONG internationales des tables, bureaux, chaises, ordinateurs, des matériels pour avoir de l énergie électrique En outre, l État haïtien travail avec l appui d organismes internationaux pour reconstruire les bâtiments des Mairies détruites et menacées. 3- Les moyens financiers de la commune 7
La Constitution prévoit des ressources spécifiques aux collectivités territoriales en les décentralisant et en prévoyant «une loi pour fixer la portion et la nature des revenus publics attribués aux collectivités territoriales» (Const. Art. 217). Ensuite, les considérants de la loi portant sur le fonds de gestion et de développement des Collectivités Territoriales mentionnent que l État doit doter les institutions décentralisées de moyens financiers. En fait, les taxes sont le fondement de l autonomie administrative et financière de la Commune prévue par la constitution. Si elles sont collectées effectivement et régulièrement, elles pourraient permettre aux responsables des collectivités territoriales de répondre aux besoins de leur administration et de leur localité. Le sociologue Nelson Sylvestre pense que «l autonomie administrative et financière vise avant tout les moyens d action» qui permettent aux collectivités territoriales «d offrir les services publics» 7. Ainsi, il est primordial pour la commune d avoir des recettes pour fonctionner convenablement. 3.1- Les ressources propres à la commune La commune a des recettes diverses : les taxes et impôts, les subventions et allocations, les dons, les legs, etc. Parmi elles, il y en a qui sont très importantes en terme de rentabilité et d autres le sont. 3.1.1-Les ressources fondamentales Ce sont des taxes collectées quand même mais qui ne répondent pas au besoin de la majorité des communes. Les principales taxes perçues par la Commune sont la patente et la contribution foncière des propriétés bâties (CFPB) ou impôts locatifs collectées par la direction générale des impôts (DGI). Elles «contribuent pour 96% des recettes perçues pour les communes». 8 Ces revenus, soit 80% des recettes 9 sont redistribuées aux communes. En dépit de leur pourcentage élevé, ces ressources sont faibles : en 1997, la Direction Générale des Impôts a collecté environ 70 millions de gourdes (1.4 millions d euros) dans les communes, soit 3% des recettes et 1.5 des dépenses du pays 10. Les communes de la région métropolitaine apportaient à elles seules 57 millions (1.14 millions d euros) aux revenus, soit 82 %. 11 Parmi les 133 communes existant à l époque, l économiste F. Deshommes rapporte que quatre communes de la région métropolitaine sont autonomes : Port-au-Prince, Carrefour, Delmas, Pétion-Ville 12. Tandis que Pierre Antoine Archange et Alain Mayard nous font savoir que six communes dont cinq dans la région métropolitaine (Port-au-Prince, Delmas, Pétion-Ville, Carrefour, Croix-des-Bouquets) et Cap-Haïtien dans le Nord sont capables d atteindre l autonomie financière 13. Il reste 13 millions de gourdes (260 000 euros) à partager avec 129 communes restantes. 7 N. Sylvestre (dir.).- Les collectivités territoriales, op, cit, p. 25 8 J. Privert- Décentralisation et collectivités territoriales, Contraintes, enjeux et défis, éd. Le Béréen, Québec, 2006, p. 148. 9 Ibid, p. 155. 10 F. Deshommes.- Décentralisation, op, cit, p 86. 11 Ibid, p. 87. 12 F. Deshommes.- Décentralisation, op, cit, p. 87, 91. 13 P. A. Archange/A. Mayard.- Éléments de réflexion sur la fiscalité locale, PNUD, Février 1999. 8
Ces chiffres montrent clairement que certaines communes disposent beaucoup plus de richesses que d autres en raison de leur importance en population et en activités économiques. L État les divise en plusieurs catégories : ce sont des communes subventionnées en fonction de leurs besoins. Les grandes communes (Port-au-Prince, Delmas, Pétion-Ville, Carrefour, Croixdes-Bouquets) sont autonomes et ne reçoivent pas d allocation ; les chefs lieux de départements obtiennent beaucoup plus de subventions ; ensuite viennent les chefs lieux d arrondissements ; puis, les grandes communes et ; enfin, les communes plus petites. Cependant, certains citoyens ne paient pas régulièrement de taxes ; d autres refusent catégoriquement de les payer soit parce qu ils ne reçoivent pas de services 14 soit à cause des difficultés économiques auxquelles ils font face. Certains dirigeants dans des villes rurales 15 envisagent même de solliciter le concours d ONG nationales pour contraindre la population à payer. Les taxes sont perçues irrégulièrement à cause des retards énormes enregistrés. Elles ne permettent pas à la commune de fonctionner de par elle-même ou encore d être autonome. Les dépenses surpassent nettement les entrées dans le budget municipal. A ce stade, les collectivités territoriales incapables de payer les employés et de recruter un personnel qualifié, ont recours au pouvoir central. 3.1.2-Les ressources nominales et précaires Ces taxes sont rarement perçues ou encore la Direction générale des impôts les prélève dans une commune et pas dans l autre et souvent la population les ignore complètement (droit d affichage). Elles sont moins importantes et, lorsqu elles sont perçues, elles «apportent seulement 4%» 16 aux recettes communales : ce sont les taxes de numérotage des maisons, les droits d abattage d animaux, la taxe de ramassage d ordures, les taxes sur les places au marché, les permis de construire, les taxes dans les cimetières Certaines taxes sont prélevées par la mairie en ignorant la loi et même des membres de CASEC s aventurent dans cette voie jouant ainsi le rôle de la direction générale des impôts. 3.2- Taxes complémentaires ou subventions? Cet intertitre «taxes complémentaires ou subventions?» est ainsi nommé, en raison de l indécision qui pèse sur une taxe qui a été prise pour aider les Collectivités Territoriales à ramasser beaucoup plus d argent. Les avis sont partagés pour qualifier cette taxe. En effet, en 1996, l Etat se dote d une nouvelle taxe pour suppléer aux faiblesses des premières taxes sus mentionnées. Cette taxe, «la Contribution au Fonds de Gestion et de Développement des 14 Ibid. 15 Nous appelons Villes rurales l espace de chaque commune où il y a les institutions publiques telles la Mairie, le tribunal, des écoles, l église, mais cet espace est dépourvu d infrastructures et de services de base. Il n y a pas d eau potable, ni d électricité, ni de routes, etc. C est une ville où l activité principale est l agriculture. Les habitants l appellent aussi bourg. 16 J. Privert.- Décentralisation, op. cit, p.148. 9
Collectivités Territoriales (CFGDCT) a été instaurée le 20 août 1996 en complément des recettes communales et pour promouvoir l autonomie administrative et financière» 17. En effet, la loi fait obligation à l Exécutif «de veiller à l application de la Constitution et à la stabilité des institutions» (Const. Art. 136) ; de pouvoir, en accord avec le Conseil interdépartemental, une loi sur leurs revenus propres (Const. Art.217). Même si le Conseil interdépartemental (CID) n est pas en place, même si la loi sur la fiscalité manque, elle peut être utile pour contribuer aux recettes communales. La loi sur le FGDCT taxe les cigarettes, les primes d assurances, l immatriculation des véhicules, les jeux de hasard, les billets d avion, les appels téléphoniques, les bordereaux de douanes, les salaires, les revenus nets. En 1997, elle est repartie par le Ministère de l Intérieur comme suit : CASEC 30% ; ASEC 3% ; CM 50 % ; AM 4 % ; CD 7 % ; AD 3 % ; CID 3 % 18. Cette taxe sera versée dans le fonds alloué au fonctionnement des Collectivités Territoriales (FGDCT) mentionné plus haut (Loi du 18 juillet 1996 ; Art.4) en vue de rémunérer le personnel et de faire fonctionner les organes et les collectivités territoriales (Loi du 2 septembre 1996 ; Art.5). Elle affiche elle-aussi le faible rendement et ne permet pas d atteindre les objectifs fixés. Pour l exercice fiscal 1997-1998 l État a ramassé 158.8 millions de gourdes (3 176 000 euros) 19. Cette somme est complétée sous forme de subvention par l État haïtien à hauteur de 75 millions de gourdes (1.5 millions d euros). Cela fait dire à F. Deshommes que le «fonds fonctionne beaucoup plus comme des transferts et subventions de l État que comme des ressources propres.» 20 3.3-Les subventions et allocations La majorité des communes du pays sont incapables d assurer elles mêmes leur gestion par manque de recettes. Elles se tournent vers le pouvoir central qui les soutient régulièrement pour leur permettre de répondre à leurs exigences. Ainsi, l Etat accorde des subventions aux institutions décentralisées. Ces subventions sont offertes périodiquement à la fin de l année, durant les périodes carnavalesques et les fêtes patronales. Tandis que les allocations sont attribuées régulièrement aux Collectivités territoriales fonctionnelles, soit chaque trois mois. Elles sont fondamentales pour le fonctionnement des ¾ des communes et sections communales qui sont toutes rurales. Les Collectivités Territoriales et surtout les communes pauvres dépendent exclusivement de ces ressources pour payer le personnel et offrir des services en éducation, en santé, en assistance sociale» 21. 3.4- Les ressources rares et inexploitées Il y a aussi d autres ressources qui sont rares et peu exploitées. Ce sont les dons, legs, emprunts. Ces ressources sont offertes suivant la discrétion d une personne ou d une institution. Actuellement, les dons se manifestent par l aide des ONG nationales ou internationales. Ainsi, celles-ci ont apporté leur soutien inconditionnel en matériels de bureau et en formation dans le cadre de projets insérant une rubrique dénommée «renforcement institutionnel». 17 J. Privert.- Décentralisation, op. cit, p. 178. 18 Ibid ; p. 179. 19 F. Deshommes.- Décentralisation, op. cit, p. 90. 20 F. Deshommes, Ressources financiers des Collectivités territoriales; in Décentralisation, En jeux et défis ; éd. La Ruche, Port-au-Prince; p. 57. 21 Ibid ; p. 60. 10
Le legs, une ressource octroyée par donation aux Collectivités Territoriales ; les redevances, une somme à prélever sur les contribuables après des services rendus tel le numérotage de maison ; puis, l emprunt sont presqu inexistants si non absents. De ce fait, il ne constitue pas en réalité, une ressource pour la commune. Le manque de taxes au bénéfice des Collectivités Territoriales oblige celles-ci à recourir aux projets d ONG et, aux subventions et allocations du ministère de l Intérieur et des Collectivités territoriales qui les place sous sa tutelle. En son article 1 er, le décret publié le 31 mai 1990 sur le fonctionnement du Ministère de l Intérieur stipule que ce Ministère «a pour mission de concevoir, de définir et de concrétiser la politique du pouvoir exécutif en ce qui concerne la tutelle des Collectivités territoriales..» L article 2 confirme cette tutelle en précisant que le Ministère «a pour attribution d exercer le contrôle de tutelle sur les Collectivités Territoriales». Tout cela va à l encontre des prescrits constitutionnels. Toutefois, les administrations municipales et les administrations des sections communales sont incapables de subsister sans ces subventions et allocations. Que faire? Conclusions et Propositions La commune et ses sections sont les Collectivités Territoriales en fonction actuellement en Haïti. Elles ont des responsabilités énormes commençant par la gestion de la commune, en passant par l octroi des services à la population pour aboutir au progrès de la communauté. Tout 11
ceci n est possible que grâce aux moyens financiers prévus par la loi. Dans la réalité, les recettes communales correspondent essentiellement à la fiscalité, aux subventions et allocations. La fiscalité représentant les ressources propres à la commune ne permettent pas aux responsables des Collectivités territoriales de satisfaire leur population. Tous les spécialistes de la décentralisation reconnaissent que, quasiment, toutes les taxes perçues pour la commune semblent vieillottes ou inadaptées parce que les taux utilisés ne correspondent pas à la capacité des contribuables ni aux revenus des entreprises. C est l une des raisons pour lesquelles la Direction générale des impôts enregistre un faible rendement dans les taxes perçues. En tout cas, il est clair que le manque de ressources financières entrave l autonomie administrative et financière des collectivités territoriales prévue par la Constitution et les rend complètement dépendantes du ministère de l Intérieur. Pour y parvenir tous les responsables doivent travailler de manière à atteindre effectivement l autonomie. Pour cela il faut : Un plaidoyer en vue d obtenir la loi sur la fiscalité. La mise à jour des taux d impôts. L obtention des lois complémentaires sur la décentralisation. Un plaidoyer pour demander à la population de payer les taxes. Les collectivités territoriales doivent encourager l entrepreneuriat et les activités économiques en vue d un prélèvement de taxes et de l augmentation des revenus des collectivités. L État doit élaborer une politique fiscale en Haïti en vue de l autonomie effective des collectivités territoriales. L amélioration de l efficacité de la décentralisation par la formation des fonctionnaires des Mairies et par la stabilité de leur emploi. L élaboration du budget pour les institutions décentralisées. Le contrôle rigide des entrées et dépenses dans les administrations décentralisées. L obtention d un personnel qualifié. Sources imprimées (Les lois) Le Moniteur.- no 76 ; 4 novembre 1982 ; Décret du 22 octobre 1982 sur l organisation communale. Le Moniteur- no 36 ; 28 avril 1987 ; Constitution de la République d Haïti. Le Moniteur.-no 48 ; 31 mai 1990 ; Décret fixant les règles appelées à définir l organisation et le fonctionnement du Ministère de l intérieur. 12
Le Moniteur.- no 24 ; 4 avril 1996 ; Loi sur la collectivité territoriale de la section communale. Le Moniteur no 52 ; 18 juillet 1996 ; Loi portant création d un Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT). Le Moniteur.-no 64 ; 2 septembre 1996 ; Loi instituant les contributions au Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (CFGDCT). Le moniteur.- Spécial no2 ; 2 juin 2006 ; Décret fixant l organisation et le fonctionnement de la collectivité territoriale municipale dite commune ou municipalité. Bibliographie Archange, Pierre Antoine/ Mayard, Alain.-Éléments de réflexion sur la fiscalité locale, PNUD, Février 1999. Deshommes, Fritz.- Décentralisation et collectivités territoriales en Haïti. Un état des lieux ; Cahier no 1 ; Éditions cahiers universitaires ; 2004. Elie, Jean Rénol.- Participation, décentralisation, collectivités territoriales en Haïti. La problématique ; L Imprimeur II ; Port-au-Prince ; 2006. Privert, Jocelem.- Décentralisation et collectivités territoriales, Contraintes, enjeux et défis, éd. Le Béréen, Québec, 2006. Sylvestre, Nelson (dir.).-les collectivités territoriales en question (L expérience haïtienne de la décentralisation) ; Faculté des Sciences humaines/ Imprimerie de la coopération ; Port-au- Prince ; 2000. Commission nationale à la réforme administrative (CNRA)/ Unité de décentralisation et des collectivités territoriales.- Problématique de la décentralisation et réalité des collectivités ; document 1 ; mars 2002. Décentralisation, Enjeux et défis. Cadre constitutionnel et ressources. Vol. 2 ; éd. La Ruche ; Port-au-Prince ; 2000. 13