Hystérectomie totale plus ou moins curage pelvien par cœlioscopie pour cancer de l endomètre E. CHÉREAU *, E. LAMBAUDIE, G. HOUVENAEGHEL (Marseille) Résumé Lors de la prise en charge chirurgicale du cancer de l endomètre, une hystérectomie totale est le plus souvent indiquée. Elle peut être associée à un curage pelvien. Le but de cet article est de détailler la technique chirurgicale de l hystérectomie plus ou moins associée au curage pelvien dans le cadre d un cancer de l endomètre. Mots clés : cancer endomètre, chirurgie, hystérectomie, curage pelvien Institut Paoli Calmettes - Service de chirurgie oncologique - 232 boulevard Sainte- Marguerite - 13009 Marseille * Correspondance : chereaue@ipc.unicancer.fr 567
CHÉREAU & COLL. Déclaration publique d intérêt Les auteurs n ont pas de conflit d intérêt à déclarer. INTRODUCTION Les recommandations récentes de l INCa (Institut national du cancer) sur la prise en charge des cancers de l endomètre précisent de manière très claire la place et les modalités de réalisation de la chirurgie dans cette pathologie [1] : «La chirurgie est le traitement de référence d un cancer de l endomètre tant que le stade et l état de la patiente le permettent. La chirurgie standard est une hystérectomie totale avec salpingoovariectomie bilatérale. La réalisation de gestes supplémentaires (lymphadénectomie, omentectomie) dépend du stade clinique, du type histologique et du grade. La balance bénéfices/risques (âge, comorbidités, obésité morbide) de ces gestes supplémentaires immédiats ou différés peut y faire renoncer. Le compte rendu opératoire doit notamment comporter la topographie exacte de la lymphadénectomie réalisée le cas échéant. En cas d indication d une lymphadénectomie pelvienne, il est recommandé de réaliser un curage pelvien iliaque externe et interne complet. En cas d indication d une lymphadénectomie lombo-aortique, il est recommandé de réaliser un curage étendu jusqu à la veine rénale gauche associé à une dissection des ganglions iliaques communs. La voie d abord recommandée pour les stades I est la voie cœlio - scopique ou coelio-vaginale. La voie vaginale exclusive est réservée aux patientes à très haut risque chirurgical. La laparotomie reste indispensable en cas de gros volume tumoral ou de conditions anatomiques particulières (échec ou contre-indication de cœlioscopie, adhérence massive, etc.). Il convient d éviter le morcellement de la pièce opératoire». 568
HYSTÉRECTOMIE TOTALE PLUS OU MOINS CURAGE PELVIEN PAR CŒLIOSCOPIE POUR CANCER DE L ENDOMÈTRE Le but de cette présentation est de préciser la technique chirurgicale de l hystérectomie totale réalisée par voie cœlioscopique, associée ou non à un curage pelvien. I. HYSTÉRECTOMIE TOTALE PAR CŒLIOSCOPIE I.1. Installation En ce qui concerne l installation, il est indispensable de pouvoir bénéficier d un accès abdominal pour la cœlioscopie et d un accès vaginal pour l extraction de la pièce opératoire. Par ailleurs, la patiente doit être installée de façon à pouvoir mettre la table en position de Trendelenburg sans risque de compression ou de glissement sur la table d opération. Pour une meilleure ergonomie chirurgicale et une diminution du risque de lésion du plexus brachial, les deux bras seront placés le long du corps et retenus par des gouttières ou des géloses. L installation idéale est la mise en place de jambières mobiles et d un système de fixation par des sangles croisant au niveau de la poitrine et passant au-dessus de l épaule. Avant le début de l intervention, il est recommandé de mettre en place un sondage urinaire à demeure. Un manipulateur utérin peut être utilisé mais de manière prudente afin de limiter les risques de perfo - ration utérine. Une mise en place sous contrôle visuel après l insuf - flation peut être utile en cas de difficulté de cathétérisation utérine. Une alternative peut être l utilisation de bougie intra-vaginale sans risque de perforation utérine et présentant les mêmes avantages que le manipulateur pour l exposition des culs-de-sac vaginaux. I.2. Particularités de l hystérectomie pour indication oncologique L exploration abdominale et pelvienne doit être le premier temps de l intervention chirurgicale dans le but d éliminer une carcinose péritonéale et/ou une lésion tumorale plus étendue qu attendue (atteinte tumorale de la séreuse utérine, lésion ovarienne suspecte ). Une cytologie péritonéale sera également réalisée initialement. La coagulation première des trompes peut être réalisée en début d intervention afin de limiter le risque de reflux de cellules tumorales vers la cavité abdominale. 569
CHÉREAU & COLL. D une manière générale, les manœuvres traumatisantes pour l utérus (section, mobilisation en forme ou morcellation) doivent être évitées au maximum. I.3. Étapes chirurgicales I.3.a. Installation des trocarts Pour réaliser une hystérectomie +/- associée aux curages pelviens en cœlioscopie conventionnelle, il est nécessaire de mettre en place 4 trocarts : un trocart ombilical de 10-12 mm pour l optique ; deux trocarts de 5 mm en fosses iliaques droite et gauche ; un trocart sus-pubien médian qui peut être de 5 ou 10 mm en fonction de la réalisation ou non des curages pelviens (trocart de 10 mm nécessaire pour l extraction des curages pelviens à l aide d un sac cœlioscopique). Après insufflation du pneumopéritoine (10 à 14 mmhg) et installation, la patiente est placée en position de Trendelenburg. Habituellement, l opérateur se place à gauche de la patiente et l assistant à droite. Les instruments classiquement utilisés sont : optique de 0, pince bipolaire, pinces atraumatiques fenêtrées, aspiration-lavage, +/- énergie monopolaire ou thermocoagulation/fusion selon les disponibilités. I.3.b. Coagulation et section du ligament rond Après exploration de la cavité péritonéale, refoulement des anses grêles et réalisation de la cytologie péritonéale, la première étape de l hystérectomie est la coagulation-section du ligament rond. Le liga - ment rond est saisi entre deux pinces et l utérus est mobilisé en dedans et en haut afin d exposer la zone à sectionner. I.3.c. Ouverture du ligament large La dissection est poursuivie par l ouverture du feuillet péritonéal superficiel du ligament large afin de pédiculiser le ligament lomboovarien et d éloigner l uretère. Comme lors de l étape précédente, l utérus est tracté du côté opposé au geste et vers le haut. 570
HYSTÉRECTOMIE TOTALE PLUS OU MOINS CURAGE PELVIEN PAR CŒLIOSCOPIE POUR CANCER DE L ENDOMÈTRE I.3.d. Coagulation section du ligament lombo-ovarien L uretère étant refoulé en dedans, le ligament lombo-ovarien peut être coagulé puis sectionné proche de l annexe. Les étapes 1 à 4 sont alors réalisées du côté opposé. I.3.e. Poursuite de l ouverture du ligament large Afin de poursuivre la libération de l utérus en latéral, le péritoine est sectionné en avant vers l espace du décollement vésico-utérin et en arrière vers les ligaments utéro-sacrés. I.3.f. Ouverture de l espace vésico-vaginal La vessie est tractée par le haut par une pince atraumatique. Le péritoine pré-vésical est sectionné et la vessie individualisée puis refoulée. Lors de cette étape la poussée de l utérus vers la tête de la patiente en position neutre peut aider à la dissection par la visualisation du cul-de-sac vaginal antérieur. La dissection est poursuivie jusqu au vagin. I.3.g. Coagulation et section du pédicule utérin Après coagulation à la pince bipolaire des vaisseaux de l utérus au niveau isthmique (partie ascendante de l artère utérine), celui-ci est sectionné. Ce geste est réalisé de manière bilatérale et on observe alors un changement de la coloration utérine, témoin de sa dévascula - risation. La dissection est poursuivie en libérant le pédicule utérin au ras de l utérus jusqu au massif cervical. Les pédicules cervico-vaginaux sont alors coagulés et sectionnés. I.3.h. Colpotomie circulaire Le vagin est sectionné perpendiculairement à l utérus de manière circulaire. Et la pièce extraite par les voies naturelles. I.3.i. Fermeture vaginale La suture vaginale peut se faire par voie cœlioscopique ou par voie vaginale en fonction des habitudes du chirurgien. Dans tous les cas l hémostase sera vérifiée par voie cœlioscopique en fin d intervention. 571
CHÉREAU & COLL. II. CURAGE PELVIEN PAR CŒLIOSCOPIE [2] Il est habituellement réalisé avant l hystérectomie quand il est indiqué. II.1. Ouverture du péritoine Ouverture du péritoine latéro-pelvien situé à l aplomb des vaisseaux iliaques externes entre le pédicule lombo-ovarien et le ligament rond. À gauche, il est conseillé de libérer les adhérences du colon sigmoïde afin d avoir un accès à la bifurcation iliaque gauche. La coagulation puis section du ligament rond permettent d augmenter l'espace de dissection. Par contre, la préservation du ligament lomboovarien permet de sécuriser les gestes en préservant une barrière entre la dissection et les autres structures. II.2. Ouverture de la fosse paravésicale L ouverture péritonéale est poursuivie sur quelques centimètres vers le bas en direction de l artère ombilicale. L'ouverture de la fosse paravésicale permet de dégager la lame ganglionnaire en avant et en dedans. Le repérage de l artère ombilicale tractée à l aide d une pince atraumatique en dedans facilite l'ouverture de la fosse paravésicale jusqu à la paroi pelvienne au niveau des releveurs. Le nerf obturateur peut être mis en évidence sans difficulté et sans danger en avant. II.3. Ouverture de la fosse para-rectale Une traction de l annexe à la pince atraumatique permet de repérer l uretère qui est accolé à la face externe du péritoine. À ce stade il est conseillé d ouvrir la fosse para-rectale en dehors de l uretère, ce qui permet de libérer l uretère qui est refoulé en dedans. L'ouverture de la fosse para-rectale se fait donc entre l'uretère et l'artère iliaque interne en faisant attention à la veine iliaque interne qui peut être double ou plexiforme. Dans le cadre d une colpo-hystérectomie élargie, il est recom - mandé de compléter la dissection de l artère ombilicale qui naît de l'artère iliaque interne jusqu à découvrir l'origine de l'artère utérine. 572
HYSTÉRECTOMIE TOTALE PLUS OU MOINS CURAGE PELVIEN PAR CŒLIOSCOPIE POUR CANCER DE L ENDOMÈTRE II.4. Dissection de la lame ganglionnaire La dissection du curage débute par la chaîne externe à l aplomb du muscle psoas. Le curage est tracté en dedans et l artère est libérée progressivement. Il convient de ne pas léser le nerf génito-crural qui chemine le long du bord externe de l artère iliaque externe. On poursuit la dissection en emportant la chaîne intermédiaire et en remontant jusqu à la bifurcation iliaque. Le curage est saisi par l aide à la pince atraumatique et tracté en dedans, ce qui permet de libérer le groupe sous-veineux en passant au ras de la veine iliaque externe, dans sa gaine, puis de passer en dessous pour aller latéralement jusqu à la paroi pelvienne. Le repérage du nerf obturateur se fait à la partie antérieure du curage au niveau de son passage sous le ligament de Cooper. Le repérage peut avoir été réalisé lors de l ouverture de la fosse para - vésicale. Le curage est alors tracté au zénith et on poursuit la dissection à l aplomb du nerf obturateur sur toute sa longueur en remontant jusqu à la bifurcation iliaque. La libération des attaches du curage nécessite des coagulations préventives. L'extraction de la lame ganglionnaire doit être protégée à l aide d un sac laparoscopique ; elle se fait à travers le trocart sus-pubien. Bibliographie [1] Cancer de l endomètre. Synthèse des recommandations. INCa Novembre 2010. [2] Ballester M, Chéreau E, Coutant C, Daraï E, Rouzier R. Laparoscopic pelvic lymph node dissection. J Visc Surg 2011 Apr;148(2):e111-6. 573