IOT difficile, les nouveaux outils sont-ils pertinents en situation d urgence?

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Transcription:

Chapitre 30 IOT difficile, les nouveaux outils sont-ils pertinents en situation d urgence? G. DHONNEUR, S. ZRAIER, R. AMATHIEU Les nouveaux outils d intubation (NOI) sont maintenant disponibles pour le bloc opératoire depuis près de 10 ans. Ces NOI, que l on peut classer en 4 catégories selon leurs caractéristiques, ont démontré en salle d opération leur supériorité sur le laryngoscope de Macintosh (LM). Nous préciserons les critères de supériorité. Les NOI ont été peu étudiés en médecine d urgence. Par contre, ils ont été évalués en situation d intubation urgente chez des malades à haut risque au bloc et en réanimation. Nous tenterons donc de répondre à la question qui nous est posée en extrapolant les résultats de ces travaux à la médecine d Urgence. 1. Catégorisation des NOI Le GlideScope fait partie des NOI, il est disponible pour l intubation au bloc opératoire depuis plus de 10 ans. Il a fait, en cette fin d année 2012, l objet de plus de 300 publications référencées dans PubMed. Cette dernière décennie a vu arriver sur le marché un certain nombre de NOI que l on peut classer en 4 catégories. Trois concernent des NOI apparentés à LM, ils sont appelés vidéolaryngoscopes et la dernière représente une évolution du LMA Fastrach équipée d une caméra distale et d un écran vidéo. Les trois catégories de vidéolaryngoscopes conceptuellement proche de LM diffèrent cependant par : le type de lame et la présence d un chenal permettant de diriger la sonde d intubation trachéale. Le premier groupe des vidéolaryngoscopes est représenté principalement par les laryngoscopes GlideScope et le McGrath qui possèdent des lames très recourbées avec l optique reliée au système de visualisation Service d Anesthésie et des Réanimations Chirurgicales, CHU Henri Mondor ; Faculté de Médecine Paris XII, 94000, Créteil. IOT DIFFICILE, LES NOUVEAUX OUTILS SONT-ILS PERTINENTS EN SITUATION D URGENCE? 1

placée en distalité de la lame. Le second groupe des vidéolaryngoscopes possède un chenal. Ce groupe est principalement constitué des vidéolaryngoscopes : Airtraq et AirwayScope. Pour ces derniers, le système optique est placé sous la lame qui forme le toit du chenal de guidage de la sonde d intubation. Plus récemment, une catégorie combinant une lame très recourbée associée à un chenal partiel limité à la partie distale de la lame a été testé en pratique clinique pour l intubation difficile au bloc opératoire. Au cours de l année 2012, les vidéolaryngoscopes GlideScope et le McGrath ont été équipés d une lame similaire à celle du LM, rejoignant ainsi le concept du C-MAC développé par STORZ (1). Dans les années qui viennent, les vidéolaryngoscopes à lame vont offrir la possibilité aux cliniciens d intuber avec des lames de type Macintosh et des lames hyper-courbées. Cette stratégie va ouvrir le marché de l intubation standard aux vidéolaryngoscopes, en remplacement de LM, tout en permettant avec les lames très recourbées de rattraper les échecs de la lame Macintosh. Les vidéolaryngoscopes vont voir leur utilisation augmenter, les prix vont baisser et venir concurrencer la technique d intubation classique avec LM. Quand les prix seront proches, alors la conversion sera possible. Les cliniciens continueront de réaliser le geste qu il leur a été inculqué, la laryngoscopie et d enseigner de manière plus efficace l intubation conventionnelle grâce à la vidéoscopie, tout en bénéficiant de la performance des lames recourbées pour l intubation difficile. L inconvénient principal des ces outils est qu ils nécessitent l utilisation d un mandrin malléable pour préformer la sonde d intubation trachéale et l apprentissage d une manœuvre sécuritaire pour réaliser l intubation a-traumatique. Le futur des vidéolaryngoscopes à chenal est aussi prometteur. Ces outils vont voir leur coût baisser avec l évolution des technologies et ils pourraient à terme dominer le marché tant leur performance est incroyable. En effet, ils sont très performants avec une courbe d apprentissage courte sur mannequin simple (2) et en simulation d intubation difficile (3). Dans les situations difficiles, il est parfois possible de s aider d une bougie d Eschmann pour accéder à la trachée (4). La familiarité des anesthésistes et urgentistes avec la bougie d Eschmann pourrait être un avantage majeur pour les vidéolaryngoscopes à chenal. 2. Supériorité des NOI sur le LM Plus de 100 études démontrent la supériorité des NOI sur le LM. Cette supériorité a été validée dans des études contrôlées. Une métaanalyse récente confirme la supériorité des NOI et met en avant un NOI à chenal, le laryngoscope Airtraq (5). Les critères de supériorité sont nombreux, ils diffèrent parfois en fonction de la catégorie de NOI. Les NOI sont supérieurs à LM sur un critère qui est majeur : la qualité de l exposition glottique. L exposition ou la vision glottique qui est l élément essentiel pour juger de la qualité de la laryngoscopie directe est systématiquement meilleure avec les NOI qu avec LM. Une meilleure vision est obtenue dans une majorité des cas avec les NOI et pour une traction exercée moins intense qu avec LM. Pour ces deux raisons majeures, le score d intubation 2 IOT DIFFICILE ET LES NOUVEAUX OUTILS EN SITUATION D URGENCE

difficile (IDS) décrit par F. Adnet (6) est plus bas avec le NOI qu avec LM. De manière intéressante, alors que l IDS est plus bas avec les NOI, la durée de l intubation semble peu raccourcie quand on compare les performances des NOI à lame avec celles de LM chez des patients présentant des facteurs de risque d intubation difficile comme les obèses morbides. Le laryngoscope Airtraq échappe à cette observation. En effet, quelque soit le groupe de malade concerné, les temps d intubation au bloc opératoire sont systématiquement plus courts avec l Airtraq qu avec LM (7). Les NOI à lame sont des outils utilisés en seconde ligne après échec de LM. Il existe un nombre important de cas cliniques démontrant l intérêt des NOI à lame après échec de LM. Un travail intéressant réalisé en ORL par une équipe française démontre que l Airtraq permet de sécuriser les voies aériennes à une majorité de patients impossibles à intuber avec LM (8). Un algorithme plaçant l Airtraq en seconde ligne après échec de LM scelle la supériorité de ce NOI à chenal sur LM. Ce travail confirme l intérêt de l association de la bougie d Eschmann en association avec l Airtraq pour accéder à la trachée des malades difficiles à intuber (4). Les NOI démontrent d autres avantages pour les patients. Certaines études réalisées au bloc opératoire semblent démontrer un moindre retentissement hémodynamique quand l intubation est pratiquée avec un NOI plutôt qu avec LM. De manière comparable il est démontré que l intubation trachéale des patients portant une minerve est plus simple avec les NOI qu avec LM. Les mouvements du rachis cervical pouvant compromettre la viabilité médullaire par leur ampleur, en cas d instabilité cervicale, seraient moins importants (au niveau de certaines zones charnières) quand les patients sont intubés avec un NOI par rapport à LM. Au final, les NOI améliorent la vision glottique, permettent de moins tracter sur la sangle musculaire antérieure du pharynx, facilitent l intubation trachéale objectivement (IDS) mais aussi subjectivement (Echèle Visuelle Analogue), réduisent la morbidité systémique de l intubation trachéale, limitent les mouvements du rachis cervical et finalement permettent de sécuriser les voies aériennes quand LM est pris en défaut. Pour l Airtraq, il offre en plus de tous ces avantages d une courbe d apprentissage réduite et des durées d intubation au bloc opératoire plus courtes que LM (9). Les NOI devaient donc logiquement bénéficier aux patients les plus fragiles. 3. Intérêt des NOI en situations d Urgence L intubation trachéale peut être requise en urgence, au bloc opératoire, en réanimation et en médecine d urgence intra ou pré-hospitalière. La supériorité au bloc opératoire des NOI sur LM devrait se traduire par des avantages importants à les utiliser en situations d urgence. En effet, les NOI ont été validés au bloc opératoire contre LM, dans les situations où l intubation est difficile. Or, quand on analyse l incidence de l intubation difficile en fonction des types d exercice de la médecine, il ressort que la médecine d urgence est associée à une augmentation des situations d intubation difficile. Les patients intubés dans les situations d urgence devraient alors être les premiers bénéficiaires des NOI. IOT DIFFICILE, LES NOUVEAUX OUTILS SONT-ILS PERTINENTS EN SITUATION D URGENCE? 3

Malheureusement, ce n est pas le cas pour l instant. Il y a plusieurs raisons à cela. Le premier est certainement lié à leur prix. Les NOI étaient et sont toujours hors de prix. Le coût de l intubation trachéale est prohibitif. La réalisation d une courbe d apprentissage clinique est impossible. Leur pénétration sur le marché de la médecine d urgence est confidentielle. Ils ne sont réservés qu aux situations désespérées. La seconde raison est liée au surcroît d apprentissage nécessaire à l obtention d une réelle expertise pour gérer les situations d intubation difficile avec les NOI. La majorité des études cliniques démontrant la supériorité des NOI sur LM sont réalisées par des anesthésistes réanimateurs experts avec le LM dans les situations difficiles. Ces mêmes experts démontrent une courbe d apprentissage relativement courte des NOI, inférieure en durée de celle de LM, dans les situations simples. Or, il est certain, même si ce n est pas encore démontré dans la littérature, que l utilisation des NOI en situation difficile, nécessite une seconde courbe d apprentissage bien plus longue que celle identifiée par la littérature et qu il est difficile de réaliser en médecine d Urgence. Pour toutes ces raisons, les NOI n ont pas la place qu ils méritent en situations d urgence. Dans un monde idéal, l apprentissage de l intubation trachéale débuterait avec les NOI sur mannequin, sur simulateur et se poursuivrait au bloc opératoire puis en pratique de médecine d urgence. Alors les NOI seront les outils de l intubation trachéale dans les situations d urgence. En effet, il est simple d imaginer le bénéfice des NOI sur LM, pour les patients : avec une réserve ventilatoire diminuée (obèse, césarienne), en état de choc (cardiogénique, septique ou hypovolémique), avec un syndrome de détresse respiratoire ou placés dans des positions et/ou un environnement particulier (malade polytraumatisé allongé sur le sol, sous un véhicule ou incarcéré). Dans toutes ces situations cliniques, circonstances et environnements ou l oxygénation est la sécurisation des voies aériennes sont au premier plan, les NOI vont démontrer leur supériorité sur LM. Il n y pas encore d étude publiée dans ce domaine. En réanimation, nous avons comparé de manière randomisée LM et Airtraq pour l intubation en situation d urgence. Les résultats de ce travail en cours d écriture démontrent la supériorité de l Airtraq sur LM pour faciliter l intubation trachéale. La durée de l intubation trachéale est abaissée et l oxygénation une minute après l intubation évaluée par la SaO 2 est meilleure dans le groupe intubé avec l Airtraq. De manière similaire, au bloc opératoire, quand il faut aller vite pour intuber car la réserve intra-pulmonaire en oxygène est basse au bloc opératoire, l Airtraq est supérieur à LM chez les patients obèses morbides et en cas de césarienne en urgence (10). Pour obtenir un tel résultat, les médecins urgentistes travaillant en réanimation ont été soumis à un entraînement sur mannequin simple, mannequin d intubation difficile, puis ont acquis une solide expérience clinique au bloc opératoire. L analyse d un travail réalisé en médecine pré-hospitalière avec l Airtraq illustre l impact d un défaut d apprentissage sur l utilisation d un NOI à la place de LM (11). Les écueils des cliniciens tentant d intuber avec l Airtraq alors qu ils ne sont pas compétents avec cet outil sont caractéristiques d un manque d apprentissage. Nous avions identifié lors de nos études avec l Airtraq les mêmes problèmes et causes d échecs que ceux mis en évidence par les auteurs et qui disparaissaient lors de la courbe d apprentissage que nous évaluions. 4 IOT DIFFICILE ET LES NOUVEAUX OUTILS EN SITUATION D URGENCE

4. Limite des NOI pour les situations d Urgence Les NOI ont une faille qui n est pas complètement résolue à ce jour et qui pourrait être rédhibitoire dans certaines situations cliniques. En effet, tous les NOI sont équipés d une optique placée en distalité sous la lame ou latéralement au chenal. Si du sang ou des sécrétions se collent ou viennent s impacter sur l optique distal, alors le NOI est inopérant, l intubation n est pas possible. Le recours dans ces conditions est LM. Cette limite est un argument fort pour continuer d enseigner la technique d intubation conventionnelle. Avec LM, le risque de voir le système d éclairage est faible, il est par ailleurs simple à nettoyer, ce qui n est pas le cas des NOI, dont la lame est insérée rapidement vers le larynx sans contrôler sa pénétration dans le pharynx. Or, l espace pharyngé compris entre la base de langue et le mur postérieur du pharynx est le lieu de collection des sécrétions d origine nasale, sinusienne, orale et trachéale ainsi que des liquides régurgités par le tube digestif. Lors du passage de la lame, ces liquides et sécrétions peuvent se fixer soit sur l optique distale soit en regard du système d illumination, rendant le NOI inopérant. Lorsque les NOI ont été expérimentés en médecine d urgence dans certaines situations comme les hémoptysies et dans les traumatismes de la face avec saignement dans le pharynx ont été associés à des échecs d intubation. Pour limiter le risque d échec avec l Airtraq en réanimation nous avons développé une stratégie permettant de contrôler la progression initiale de la lame dans la cavité orale et de la stopper pour réaliser une aspiration efficace avant qu elle n affecte la qualité de la vision. La vidéographie est nécessaire pour réaliser cette opération. Une caméra est placée sur l écran proximal de l Airtraq. Cette caméra permet de transférer en WIFI l image endoscopique sur un écran vidéo déporté placé face au médecin qui intube. Ce système vidéo, permet d avancer progressivement et sous contrôle de la vue l extrémité de la lame dans la cavité buccale puis dans le pharynx en évitant les sécrétions ou en les aspirant avec une sonde d aspiration insérée auparavant dans la sonde d intubation placée dans son chenal. Par ailleurs, pour palier à cet inconvénient, l inventeur de l Airtraq a simplifié la structure le l optique distale qui est maintenant facile à nettoyer rapidement avec une compresse. Les constructeurs travaillent sur des systèmes efficaces permettant d éviter l impaction des sécrétions sur les optiques distales des NOI. 5. Les nouveaux outils sont-ils pertinents en situation d urgence? Aujourd hui les NOI sont supérieurs à LM pour l intubation difficile au bloc opératoire. Les NOI à chenal permettent de réduire la durée de sécurisation des voies aériennes des malades opérés en urgence. Les NOI ne sont pas utilisés ni évalués en médecine d urgence. Ils ont pourtant un bel avenir devant eux. Ils seront dans quelques années les outils d intubation en première ligne pour les situations d urgence. Il faut pour cela qu ils soient d abord utilisés en première IOT DIFFICILE, LES NOUVEAUX OUTILS SONT-ILS PERTINENTS EN SITUATION D URGENCE? 5

ligne au bloc opératoire, donc beaucoup moins chers et que la courbe d apprentissage soit mieux définie dans les intubations difficiles. Alors seulement, les patients les plus fragiles en situation d urgence, pourront comme au bloc opératoire, bénéficier des avantages des NOI. Il est probable que les NOI à lame de type Macintosh vont faciliter la conversion. En effet, ils permettent de maintenir l apprentissage de la laryngoscopie directe et de raccourcir la courbe d apprentissage de LM, tout en favorisant l utilisation de la vidéo-laryngoscopie pour les situations d urgences. Enfin, dès lors que le problème des sécrétions abondantes sera réglé, rien ne s opposera à la diffusion des NOI pour l intubation trachéale en médecine d urgence. LM sera proposé de manière exceptionnelle en alternative en cas d échec des NOI. Références 1. Cavus E., Kieckhaefer J., Doerges V., et al. The C_MAC videolaryngoscope: First experiences with new device for videolaryngoscopy-guided intubation. Anesth Analg 2010 ; 110 : 473-7. 2. Salvodelli G.L., Schiffer E., Abegg C., et al. Learning curve of the GlideScope, the McGrtah and the Airtraq laryngoscope: a manikin study. Eur J Anesthesiol 2009 ; 26 : 554-8. 3. Sudrial J., Abdi W., Amathieu R., et al. Performance of the glottiscopes : a randomized comparative study on difficult intubation simulation manikin. Ann Fr Anesth Réanim, 2010 ; 29 : 347-53. 4. Amathieu R., Combes X., Abdi W., et al. An algorithm for difficult airway management for modern optical devices. Anesthesiology 2011 ; 114 : 25-33. 5. Lu Y., Jiang H., Zhu Y.S. Airtraq laryngoscope versus conventional Macintosh laryngoscope : A systematic review and meta-analysis. Anaesthesia 2011 ; 66 : 1160-67. 6. Adnet F., Borron S.W., Racine S.X., et al. The intubation difficulty scale (IDS) : proposal and evaluation of a new score characterizing the complexity of endotracheal intubation. Anesthesiology 2007 ; 87 : 1290-7. 7. Dhonneur G., Abdi W., Ndoko S.K., et al. Video-assisted versus conventional tracheal intubation in the morbidly obese patients. Obes Surg 2009 ; 19 : 1096-101. 8. Malin E., Montblanc J.D., Ynineb Y., et al. Performance of the Airtraq laryngoscope after failed conventional tracheal intubation: a case series. Acta Anaesthesiol Scand, 2009 ; 53 : 858-63. 9. Ndoko S.K., Amathieu R., Tual L., et al. Tracheal intubation of morbidly obese patients: A randomized trial comparing performance of Macontosh and Airtraq laryngoscopes. Br J Anaesthesia 2008 ; 100 : 263-8. 10. Dhonneur G., Ndoko S.K., Amathieu R., et al. Tracheal intubation using the Airtraq in morbid obese patients undergoing emergency cesarean section delivery. Anesthesiology 2007 ; 106 : 629-30. 11. Trimmef H., Kreutziger J., Fertzak J., et al. Use of the Airtraq laryngoscope for emergency intubation in the prehospital setting : a randomized control trial. Crit Care Med 2001 ; 39 : 489-93. 6 IOT DIFFICILE ET LES NOUVEAUX OUTILS EN SITUATION D URGENCE