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Inégalités économiques, état des lieux par unité de consommation (uc) inférieur à 3 900 francs en 1970 contre moins de 20 % en 1997, ce qui dénote une progression manifeste du niveau de vie moyen des ménages. Toutefois, le constat d un approfondissement des inégalités repose sur des phénomènes qui ont affecté le revenu des Français, telles que la montée du chômage, la précarisation d une partie des emplois ou encore l augmentation du rendement du patrimoine, et ce de façon très différente selon les catégories sociales. Malgré le caractère profondément multidimensionnel des inégalités, les disparités sociales étant par nature interdépendantes des inégalités économiques, nous ne traiterons ici que de l aspect économique de la question. 88 Les inégalités économiques ont cessé de se réduire depuis vingt ans, après plusieurs décennies de resserrement des écarts de niveau de vie. Outre la dégradation de la situation des ménages à faible revenu en raison de la montée du chômage et des emplois précaires, c est l accroissement des revenus du patrimoine qui a empêché que le mouvement séculaire se poursuive. Si le filet de sécurité public a notamment contribué à limiter le creusement des écarts de revenus disponibles, ses récentes inflexions remettent en question sa progressivité, indispensable pourtant pour influencer positivement l évolution des inégalités. C. F. Les inégalités économiques, problème fondamental pour la cohésion sociale, se sont sensiblement réduites au cours du XX e siècle sous l effet conjugué de la croissance économique et d une redistribution des fruits de cette croissance via les prestations sociales. La France d aujourd hui apparaît ainsi beaucoup moins inégalitaire que celle des années 60 ou du début du XX e siècle. En ce sens, les deux dernières décennies marquent une rupture dans le mouvement de resserrement de l éventail des revenus. Sur la période allant de 1970 à 1997 (1), les inégalités de revenu ont certes baissé rapidement dans les années 70, puis plus lentement durant les années 80, mais elles ont stagné au cours de la dernière décennie. Le pouvoir d achat de l ensemble des ménages a pourtant progressé de 38 % entre 1985 et 2000, alors même que le sentiment général est plutôt celui d une dégradation des conditions de vie. De même, en francs de 1998, la moitié des ménages disposait d un revenu Les inégalités de revenus face aux transformations du travail Stabilité de l éventail des salaires Après une forte réduction durant les années 70, le rapport interdécile (2) a connu une relative stabilisation depuis vingt ans (voir le graphique 1 cicontre). Ainsi, le dixième des salariés les mieux rémunérés a un salaire moyen 3,2 fois supérieur à celui du dixième le moins bien rémunéré. Si la hiérarchie des salaires s est faiblement accrue à la fin des années 80, elle s est stabilisée lors de la décennie suivante, et a, il est vrai, connu une faible réduction sur les dernières années de l observation. Le rapport interdécile a donc cessé de diminuer après plusieurs décennies de baisse continue. Toutefois, cette stagnation s est produite dans un contexte économique beaucoup moins favorable que ne l ont été les «Trente Glorieuses». De plus, cette évolution s inscrit à rebours de la tendance à l élargissement de l éventail des salaires dans les autres pays industrialisés ces vingt dernières années, en particulier au Royaume-Uni et aux États-Unis où le rapport interdécile est passé de 3,5 en 1982 à 4,3 en 1995. L explication majeure réside dans le rôle de rempart contre le creusement des écarts avec les bas salaires joué par le SMIC. En effet, celui-ci a progressé au même rythme que la moyenne des rémunérations horaires, ce qui a évité un décrochage des bas salaires. Cette influence du SMIC n est pas nouvelle puisque la hausse de l inégalité salariale de 1950 à 1967 tenait au fait que le SMIG (3) était indexé sur l inflation, laquelle progressait moins vite que le salaire moyen. (1) Les données plus récentes manquent encore pour le moment pour pouvoir les inclure dans notre analyse. (2) Il s agit du rapport entre le revenu au-dessus duquel se situent les 10 % de ménages les plus riches et du revenu en-dessous duquel se situent les 10 % les plus pauvres. (3) Le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) a remplacé le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) en 1970.

1. Évolution du rapport interdécile des salaires Source : Picketty, 2001. L impact du SMIC dans la détermination des salaires s est accru car il représente une fraction croissante des salaires du secteur privé (de 11 % en 1987 à 14 % en 2000). De plus, les pouvoirs publics ont mené une politique de réduction des charges sociales pesant sur les bas salaires et ont donc limité dans la deuxième partie des années 90 la baisse de la demande d emplois peu ou non qualifiés. Cette politique a certes augmenté l éventail des coûts salariaux totaux, mais elle a maintenu le salaire net perçu. Toutefois, si l écart ne s est pas accru par le bas, il aurait tendance à s élargir par le haut à partir de la fin des années 90, avec la forte croissance des très hauts salaires. Ainsi, entre 1998 et 1999, le rapport du dernier centile au salaire médian est passé de 4,59 à 4,67. La concurrence internationale n amène donc pas une égalisation des salaires vers le bas, mais plutôt une harmonisation des salaires élevés, ce que ne reflète pas nécessairement l écart interdécile qui reste un niveau trop agrégé pour faire apparaître ce type d évolution. De manière plus générale, la stabilité à long terme des écarts de salaires interdéciles pourrait être menacée par la diversification des modes de rémunération dont la fixation est devenue progressivement plus aléatoire. Si l individualisation a peu progressé (CERC, 2002), de plus en plus d entreprises pratiquent la participation et l intéressement des salariés aux résultats de l entreprise. Le développement des plans d épargne entreprise et des stock-options en sont l illustration, tout comme la multiplication des primes. Or, non seulement ces modes de rémunération sont le plus souvent réservés aux salariés les plus qualifiés, mais ils sont plus importants dans les grandes entreprises que dans les petites, et inexistants dans la fonction publique (à l'exception des primes). Ces transformations qui touchent très inégalement les salariés, risquent donc de peser sur l éventail des revenus d activité. La fragilisation de la relation à l emploi a creusé les écarts Si l éventail des salaires ne s est pas creusé ces vingt dernières années, les transformations qu a connues le marché du travail ont contribué à accroître les inégalités de revenus d activité. De 1970 à 1984, les revenus déclarés avaient augmenté pour tous les déciles. Par la suite et jusqu en 1990, on avait assisté à une stabilisation, mais à partir de cette date, les déciles les plus bas ont connu une baisse de leur revenu déclaré tandis que les déciles en haut de l échelle ont fortement augmenté. Le développement continu du chômage a mécaniquement réduit le revenu d activité des ménages dont au moins l un des membres est touché. Au-delà, l augmentation de la durée moyenne du chômage, et la baisse de l employabilité qui en résulte, réduisent les niveaux de vie de manière très importante. À cela s ajoute le durcissement de l indemnisation du chômage dans les années 90. Face à la dégradation des comptes de l assurance-chômage, la part des chômeurs indemnisés a été fortement réduite, passant de 63,4 % en 1993 à 52,4 % en 1999. Dans le même temps, la proportion de chômeurs faiblement indemnisés n a cessé de croître (40 % des chômeurs indemnisés touchent moins d un demi- SMIC en 1998 contre 12 % en 1992). Au final, le RMI s est substitué à l assurance-chômage pour 10 % des chômeurs (Atkinson et alii, 2001). La précarisation d une partie des emplois a joué dans le même sens. Le développement de l intérim, des contrats à durée déterminée, mais plus encore celui du temps partiel, dont la part dans l emploi total est passé de 5,8 % en 1970 à 16,9 % en 2000, ont fortement réduit le revenu d activité d un nombre croissant de ménages. Outre que ce temps partiel est plus souvent subi par les bas salaires (le temps partiel non désiré représente le tiers des temps partiels du premier décile et seulement 10 % au niveau de la médiane), le rapport interdécile des seuls temps partiels est de 5 contre 3,1 pour les seuls temps complets (CERC, 2002). Cette inégale exposition au chômage et à la précarité de l emploi a en définitive creusé les écarts entre les différentes catégories d actifs. Autre fait marquant, la polarisation de l emploi entre les ménages a participé au creusement des inégalités de revenus déclarés. On a ainsi constaté une augmentation du nombre de ménages où les deux conjoints ont un emploi (à plein temps ou à temps partiel) et celui où aucun ne travaille. Parmi les changements structurels qui ont touché l économie et qui ont certainement affecté l évolution des inégalités, la mondialisation et la concurrence internationale ont principalement joué en faveur d une augmentation des hauts salaires. De même, l avènement des nouvelles technologies de l information a constitué un changement conséquent, mais pour autant il ne semble avoir suscité le creusement des écarts de salaires, notamment aux États-Unis où les inégalités salariales ont augmenté avant tout durant les années 80. En revanche, la 89

90 nouvelle organisation du travail qui a accompagné la diffusion de ce changement technologique a certainement contribué à remettre en cause l évolution relativement homogène des revenus, comme l ont démontré Lindbeck et Snower pour les États-Unis (4). Les nouvelles pratiques organisationnelles qui se développent en France ont donc pu jouer un rôle dans l accroissement des inégalités de revenu. Le creusement des inégalités de marché a toutefois été atténué pour les déciles les plus bas grâce à la montée en charge des prestations sous conditions de ressources versées par les pouvoirs publics. La forte croissance du nombre d allocataires du RMI depuis sa création en 1988 jusqu à la fin de l année 1999 traduit cette relégation d une partie de plus en plus importante des actifs vers les minimas sociaux. Le rattrapage des retraités Les retraités constituent une exception notable puisque, grâce à une forte augmentation de leur revenu tout au long de la période, ils ont vécu une réduction substantielle des inégalités au sein de la catégorie, mais aussi par rapport aux ménages d actifs. Si leur niveau de vie correspondait il y a vingt ans à 80 % de celui des actifs, il est aujourd hui compris entre 90 et 95 % (5). Les principales raisons de cette réduction notable des inégalités sont à chercher dans l arrivée à maturité du système de retraites mis en place progressivement durant les «Trente Glorieuses». Les classes d âge arrivant à l âge de la retraite depuis vingt ans bénéficient en effet la plupart du temps d une retraite à taux plein, la forte revalorisation du minimum vieillesse entre 1975 et 1984 ayant permis auparavant de réduire la pauvreté chez les retraités. En outre, le remplacement des anciennes générations plus inégalitaires par des nouvelles générations dont l éventail des salaires était plus étroit amène mécaniquement une réduction des inégalités entre retraités. Ce rattrapage des retraités ne doit cependant pas occulter que les inégalités générationnelles ont, en contrepartie, changé de visage. En effet, si les générations nées avant 1945 ont toujours eu, à âge égal, un niveau de revenu supérieur aux générations qui les précédaient, cette tendance a été stoppée pour les générations récentes. Si les retraités ont vu leur situation nettement s améliorer, les jeunes ont connu le mouvement inverse. Le patrimoine au cœur des inégalités Une distribution particulièrement inégalitaire Puissant facteur d inégalités, la concentration des patrimoines reste très élevée en France, comme l indique l indice de Gini (6) du patrimoine qui est compris selon les générations entre 0,5 et 0,65, alors que la moyenne de cet indice pour les revenus avoisine 0,3. Les 10 % des ménages les plus riches possèdent plus de 40 % du patrimoine total, la moitié la moins fortunée des ménages n en possédant que 10 %, ce qui se traduit par un rapport interdécile de l ordre de 75 (Atkinson et alii., 2001). Cette répartition particulièrement inégalitaire du patrimoine découle d'abord de la transmission d une partie de ce patrimoine par héritage ou donation. La deuxième grande raison de cette concentration réside dans le fait que le niveau d épargne progresse selon le revenu : le taux d épargne est nul voire négatif pour le premier quart des ménages tandis qu il est proche de 20 % dans le dernier quartile. Ces dernières années ont cependant marqué une relative baisse des inégalités de patrimoine. Ainsi, toutes les générations ont vu le montant de leur patrimoine médian augmenter entre 1986 et 1998. La hausse du taux d épargne, passé de 13,8 % à 15,9 % entre 1985 et 2000, en partie due à la constitution d une épargne de précaution, et le développement de l offre de produits financiers sont à l origine de la progression de la détention d actifs patrimoniaux (notamment financiers) au sein de l ensemble des ménages (voir le graphique 2 et le tableau 3). 2. Évolution de la composition du revenu disponible des ménages Source : INSEE. Note : de haut en bas : prestations sociales, salaires nets, revenus bruts de la propriété, excédent brut d exploitation. Le problème fondamental de l inégale répartition du patrimoine est qu il s agit d un phénomène autocumulatif en raison des revenus tirés du patrimoine. A l exception du logement dans lequel les ménages résident (7), le reste du patrimoine peut donner lieu à des revenus réguliers, comme l immobilier de rapport (5) En incluant dans cette comparaison les revenus du patrimoine, qui constituent environ 25 % du revenu des retraités contre 10 % pour les actifs, leur niveau de vie dépasse désormais celui des ménages d actifs. (6) L indice de Gini désigne un indicateur d inégalité. Voir l encadré «La courbe de Lorenz : un indicateur de la concentration des revenus», in Mondialisation et inégalités,, n 305, novembre-décembre 2001, p. 9. (7) Pour avoir une vision aussi claire que possible des inégalités, il conviendrait d ailleurs de tenir compte des loyers fictifs que se versent à eux-mêmes les propriétaires, mais une telle estimation est trop délicate à mettre en place pour que nous ayons une image statistique satisfaisante.

3. Compte de patrimoine des ménages (en milliards de francs courants) Source : INSEE, Comptes nationaux. 1970 1980 1990 1995 1997 Actifs non financiers 1 645 6 318 12 002 13 652 14 486 dont logement 824 4 103 91 19 11 160 12 049 Actifs financiers 809 2 906 9 145 12 753 15 898 dont actions et autres participations 164 453 3 647 4 578 6 343 Ensemble des actifs 2 454 9 224 21 147 26 405 30 384 Passifs financiers 329 1 231 3 690 3 641 3 943 Valeur nette globale 2 125 7 993 17 457 22 764 26 441 ou les valeurs mobilières (obligations, SICAV, actions, etc.). Or, le patrimoine de rapport prend une importance croissante au fur et à mesure que l on s élève dans l échelle des revenus et des patrimoines. De 1984 à 1994, la part du patrimoine perçue par le quart des ménages les plus aisés serait ainsi passée de 58 % à 62 %, les plus-values et placements financiers procurant l essentiel des ressources des grandes fortunes. L augmentation du rendement du patrimoine Depuis le début des années 80, la détention de patrimoine est devenue un facteur d autant plus discriminant que le rendement des valeurs mobilières s est fortement accru tout au long de la période. Alors que le revenu des ménages progressait en moyenne de 1 % par an entre 1984 et 1997, le patrimoine augmentait quant à lui de 3 % et le patrimoine de rapport de 5 %. Plus particulièrement, la détention d actifs financiers est devenue beaucoup plus rémunératrice que par le passé, même en tenant compte de la forte dévalorisation boursière depuis 2000. Il en résulte que le rendement annuel moyen du patrimoine entre 1991 et 1999 a été de 8 % (5 % en francs constants). Au total, le patrimoine des ménages a été multiplié par 2,7 entre 1985 et 2000 (en euros courants) contre 1,9 pour le revenu disponible (CERC, 2002) et la part des revenus courants du patrimoine financier dans le revenu déclaré est passée de 10 % en 1980 à près de 14 % en 2000. Cette progression des revenus issus du patrimoine a en retour généré un accroissement des écarts interdéciles de revenus déclarés, dans la proportion des patrimoines détenus par chacun. L évolution du nombre de redevables à l impôt de solidarité sur la fortune illustre ce changement favorable aux ménages aisés puisque 266 000 ménages y étaient assujettis en 2001 contre 128 000 en 1990. Dès lors, sans intervention publique, tout porte à croire que les inégalités économiques, si elles suivaient la tendance des inégalités de marché, seraient en forte croissance sur les vingt dernières années. Le rôle-clé de la redistribution Une réduction mécanique des inégalités En prélevant une partie des richesses via l impôt et les différents prélèvements sociaux, l État ne vise pas seulement à financer ses dépenses, mais il cherche à rééquilibrer une distribution inégale des richesses et des revenus d activité. La redistribution, par le biais de l impôt sur le revenu et des prestations sociales versées, entraîne une réduction de plus de 50 % des inégalités au sein des ménages d actifs entre les revenus déclarés et les revenus disponibles. Par ce moyen, l indice de Gini pour 1997 est réduit de 0,34 à 0,27 (voir le graphique 4). Durant les années 70 et 80, le système redistributif a d ailleurs largement accompagné le mouvement de réduction des inégalités de revenus initiaux. La paupérisation des ménages les 4. Indice de Gini sur le revenu disponible et le revenu déclaré Source : INSEE. Note : plus l indice de Gini se rapproche de 0, plus la répartition est égalitaire. 91

92 plus défavorisés a ensuite été évitée en grande partie par l action des pouvoirs publics car, si les différentes prestations sociales ont augmenté le niveau de vie du premier décile de près de 50 % dans les années 70, elles ont contribué par la suite à une augmentation de 70 % en 1990 et même de 90 % en 1996. Cet impact de la redistribution sur les inégalités s est renforcé par la mise en place et la montée en charge des minima sociaux. Le relèvement de l allocation de solidarité spécifique, l extension du système d aide au logement, la création de l allocation de parent isolé, du RMI et de la CMU, tous ces filets de sécurité sociaux ont pallié l aggravation des inégalités de marché. Leur effet est tel que les revenus d activité, même s ils restent largement majoritaires, représentent une part décroissante du revenu disponible des ménages (voir le tableau 5). L efficacité redistributive du système français a par ailleurs augmenté ces dernières années par la mise en place de prestations plus ciblées envers les populations en difficulté, notamment pour le logement, la famille ou les prestations sous conditions de ressources (RMI, CMU). De ce fait, le système redistributif français réduit en 1996 la moitié de l écart interdécile contre le tiers en 1975. A la base de ce système qui permet la réduction des inégalités se trouve la progressivité du système fiscal et plus généralement des prélèvements sociaux. En cela, l impôt sur le revenu joue un rôle essentiel puisqu il prélève chaque année une partie plus importante des revenus des ménages imposables des derniers déciles. Créé en 1914, soit treize ans après l impôt sur les successions, l impôt sur le revenu a sans doute été l élément déterminant pour empêcher que les très grandes fortunes ne puissent réapparaître après 1945 en France et par là même il a contribué au premier chef à la réduction des inégalités (Picketty, 2001). L effet progressif de l impôt sur le revenu est renforcé par le développement aujourd hui de prestations non contributives sous condition de ressources dans une logique d assistance sociale. 5. Le revenu des ménages depuis 1970 (en milliers de francs courants) personnes les plus fortunées, et il réduit ainsi la concentration future du patrimoine, et par là même la concentration future des revenus du capital» (Atkinson et alii, 2001). Enfin, en redistribuant régulièrement les richesses, l impôt facilite la fluidité sociale et permet le renouvellement des élites économiques. La baisse des impôts au péril de la solidarité? Les évolutions récentes du système fiscal laissent à penser que le rôle joué par la progressivité pour la réduction des inégalités pourrait à terme être remis en question. Parmi ces tendances, notons la baisse du nombre de foyers fiscaux imposables (voir le graphique 6) depuis vingt ans. Selon le Conseil de l impôt, seuls 42 % des revenus monétaires seraient aujourd hui taxés. L impôt sur le revenu en France apparaît certes comme fortement progressif par rapport aux autres pays industrialisés, mais sa concentration sur une part limitée de la population diminue son poids, ce qui nuit à ses vertus redistributives. Par ailleurs, les réformes qui se sont succédé depuis les années 80 ont réduit la progressivité de l impôt. Ainsi, le taux marginal supérieur d imposition est passé de 75 % en 1980 à 54 % en 1998 (Picketty, 2001). Cette baisse apparaît d autant plus inquiétante pour l évolution des inégalités que les taux marginaux d imposition actuels sont les plus bas appliqués en France depuis les années 20. En outre, l allégement du poids des impôts directs bénéficie davantage aux ménages les plus aisés. Le système fiscal français a par ailleurs connu une véritable inflexion avec la mise en place, puis l extension, de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et la création de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) en 1996. Ces impôts ont pour base l ensemble des revenus et 1970 1980 1990 1997 Revenu disponible brut avant impôts par habitant 11 816 40 200 84 685 107 942 Revenu disponible brut après impôts par habitant 11 081 37 056 77 781 97 012 Salaire net par salarié 16 677 55 905 102 010 124 888 Prestations sociales par habitant 2 547 10 813 26 293 34 963 EBEI agricole par agriculteur 21 740 67 627 185 454 259 593 EBEI non agricole par actif non salarié non agricole 41 473 12 1914 280 947 350 955 Note : EBEI : excédent brut d exploitation d entrepreneur individuel. Source : INSEE. L apport de la redistribution ne se limite pas à la réduction des inégalités. En effet, son impact dynamique sur l accumulation du patrimoine évite que la société ne redevienne une société de rentiers, à l instar de celle du début du XX e siècle. Comme le souligne Th. Picketty : «l impôt progressif limite les capacités d accumulation du capital des sont donc proportionnels, c est-à-dire que tout le monde, quel que soit son niveau de vie, paye le même pourcentage de son revenu. Or, leur rendement et leur taux de prélèvement n ont cessé de croître au point que l impôt sur le revenu procure désormais moins de recettes que la CSG. Il en résulte une baisse de la progressivité du prélèvement global.

6. Moins de foyers imposables malgré un revenu fiscal moyen qui augmente inégalités, alors même que l accroissement de ces dernières ne constitue pas la contrepartie inéluctable de la diffusion des nouvelles technologies. Au-delà, pour poursuivre la réduction des inégalités, l augmentation de la mobilité sociale et la qualité du système éducatif, en combattant les différences d opportunités entre individus, demeurent essentielles. Benoît Ferrandon Source : Picketty, 2001. Conclusion Les inégalités, si elles ne sont pas inéluctables, relèvent d une dynamique de marché qui, si elle n est pas canalisée par l action des pouvoirs publics, peut nuire à la cohésion sociale et, in fine, en concentrant les richesses entre les mains de quelques rentiers, nuire à l efficacité économique. Concilier dynamisme économique et justice sociale n est pas utopique, les «Trente Glorieuses» en sont la démonstration. Plusieurs phénomènes remettent cependant en question le modèle français qui limite la progression des Pour en savoir plus Atkinson T. et alii., Inégalités économiques, Rapport n 33 du Conseil d Analyse économique, Paris, La Documentation, 2001. CERC, La longue route vers l euro, Rapport n 2, Paris, La Documentation, 2002. Maurin E., L égalité des possibles, Paris, Le Seuil, 2002. Picketty T., Les hauts revenus en France au XX e siècle, Paris, Grasset, 2001. 93

Le nouveau visage de la pauvreté 94 Un phénomène multidimensionnel Le seuil de pauvreté monétaire est défini conventionnellement par la demi-médiane des niveaux de vie (revenu disponible après impôts directs et transferts par unité de consommation). Il correspond (en 1997) à environ 3 500 francs mensuels pour une personne seule, 5 250 francs pour un couple sans enfant, plus 1 050 francs par enfant supplémentaire de moins de 14 ans. Cette définition, comme toutes les approches de la pauvreté, est normative et conventionnelle (on «coupe» à un certain niveau dans la distribution des niveaux de vie). Elle est de plus relative : le pouvoir d achat du seuil de pauvreté évolue comme le niveau de vie médian de l ensemble de la population. Avec un seuil à 60 % de la médiane - utilisé par l Union européenne - le taux de pauvreté s élève à 14 % ; en revanche avec un seuil fixé à 40 % de la médiane, le taux de pauvreté n est plus que de 3 %. Ces chiffres donnent une idée de la relative concentration des niveaux de vie autour du seuil de pauvreté. Cela tient au niveau des différents minima sociaux et allocations complémentaires. Le revenu moyen par unité de consommation des ménages situés sous le seuil de pauvreté s élève à environ 2 900 francs mensuels, soit 83 % du seuil : l intensité de la pauvreté en France est donc de 17 %. ( ) Une grande variété de situations et de dynamiques Quelle que soit l approche retenue, la pauvreté touche de nombreux milieux sociaux et n épargne aucun âge de la vie. Ainsi, 40 % des ménages situés sous le seuil de pauvreté monétaire sont inactifs (retraités dans la plupart des cas). Les ménages pauvres d actifs sont majoritairement des familles dont le chef est au chômage ou en emploi instable, mais les petits indépendants ne sont pas épargnés. Les familles monoparentales et les familles nombreuses, dont les charges familiales sont importantes, sont très exposées à la pauvreté, et avec elles leurs enfants : ils sont 750 000 enfants de moins de 14 ans à vivre dans la pauvreté. Une étude sur la probabilité de sortir de la pauvreté, toujours au sens monétaire, l évalue à plus d une chance sur trois à horizon d une année. De même, près d un allocataire du RMI sur trois ne perçoit plus l allocation l année suivante. Parmi ceux-ci, un sur deux travaille, éventuellement en CES ou en CEC (1) et en fait, le taux de sortie par l emploi s élève aux deux tiers si l on prend en compte reprises d emploi des autres membres du ménage Rmiste. Les autres sorties concernent essentiellement des allocataires âgés qui accèdent à un autre minimum social, plus élevé (allocation d adulte handicapé, minimum vieillesse...) ou des raisons administratives. Plus le niveau d études est élevé, plus on est jeune et en bonne santé, plus la probabilité de (re)trouver un emploi est forte, et dans ces cas le RMI a souvent servi, comme on l a vu, de modalité d indemnisation du chômage. En revanche, si 30 % des bénéficiaires du RMI à la fin de 1996 avaient moins d un an d ancienneté dans le dispositif, près de 10 % en relevaient depuis sa mise en œuvre en 1989, ce qui confirme là encore l hétérogénéité des trajectoires. Lorsqu on l évalue sur une période de trois ans et sur les personnes de 17 ans et plus, le taux de pauvreté est réduit de plus de deux points par rapport à une mesure en coupe instantanée. On obtient ainsi une estimation du noyau dur de la pauvreté. Ces personnes durablement pauvres sont plutôt d âge médian 40-60 ans, appartiennent souvent à des familles monoparentales ou nombreuses, ainsi qu à des ménages dont le chef est ouvrier ou agriculteur. Notons enfin que les changements de nature démographique (dissolution ou formation du couple, arrivée ou départ d enfants) qui touchent un tiers des personnes au cours des trois années considérées, induisent des variations de niveau de vie (et des entrées-sorties de la pauvreté) plus importantes que celles qui affectent les ménages stables, mais moins prononcées que celles résultant de changements professionnels. ( ) Stabilisation de la pauvreté dans les années 90 Le taux de pauvreté des ménages, toujours selon la définition, s établissait à près de 16 % en 1970. Il a baissé régulièrement jusqu au milieu des années 80, où il atteint 7,1 %, et s est stabilisé depuis. Le diagnostic est analogue en termes d intensité de la pauvreté. Celle-ci est passée de 27 % en 1975 à 17 % en 1997, la réduction étant, contrairement au taux de pauvreté, plus particulièrement marquée chez les salariés. Notons que le seuil de pauvreté a constamment progressé sur la période (de 2 100 francs mensuels par uc en 1970 en francs 1996 à 3 100 francs en 1979 puis à 3 500 francs en 1996), témoignant par là même de la relativité de la notion de pauvreté monétaire ici envisagée. Les années 90 contrastent donc fortement avec la fin des «Trente Glorieuses», où le taux de pauvreté diminuait et le revenu des pauvres croissait. (1) Respectivement contrats emploisolidarité et contrats emploi consolidé.

Changement de visage de la pauvreté La stabilisation de la pauvreté depuis une quinzaine d années laisse sans doute l observateur attentif quelque peu perplexe. On aurait plutôt attendu que les chiffres de la statistique officielle traduisent plus nettement la montée des inégalités, de la pauvreté et de l exclusion qui fait souvent la une des médias. S il y a perplexité, voire incompréhension et méfiance vis-à-vis des données statistiques, c est qu audelà des difficiles problèmes de mesure des situations extrêmes (que la statistique ordinaire appréhende avec difficulté), la pauvreté a surtout changé de nature. Elle est devenue plus visible. Autrefois rurale et âgée, elle est maintenant plus jeune et plus urbaine. C est bien sûr l une des conséquences du chômage massif que la France a connu, mais aussi l un des succès de notre système de retraite par répartition. En 1970, 30 % des personnes âgées de plus de 65 ans étaient sous le seuil de pauvreté, contre moins de 5 % actuellement, et le taux de pauvreté augmentait avec l âge alors que c est maintenant l inverse. C est surtout la forte croissance du taux de pauvreté des jeunes qui est la plus spectaculaire et ce sont maintenant les 15-25 ans qui sont les plus exposés à la pauvreté (plus de 15 %), qu ils vivent en logement indépendant ou dans leur famille. à 6,6 % après prestations sociales. En 1970 déjà, les prestations sociales alors principalement constituées des allocations familiales réduisaient de moitié la pauvreté des ménages de salariés ou chômeurs. Cette contribution s est à peu près maintenue tout au long de la période considérée, les prestations sous conditions de ressources prenant le relais des allocations familiales. La proportion de salariés ou chômeurs dont les revenus avant prestations se situent sous le seuil a sensiblement augmenté à partir du milieu des années 80, mais les prestations sociales ont contenu cette augmentation. Proportion de ménages à bas revenu avant et après prise en compte des prestations Ensemble des ménages (a) Avant Après chômage une partie de l année. Si l on excepte les 90 000 actifs ayant aussi connu une partie de l année étudiée, une période d inactivité due à l entrée ou à la sortie de la vie professionnelle, on compte 860 000 actifs pauvres ayant travaillé toute l année. Ainsi la moitié des actifs pauvres n est pas directement touchée par le chômage (même si elle peut l être indirectement par le chômage d un membre de sa famille). Ces personnes constituent le cœur de ce qu on a appelé les «travailleurs pauvres», c est-à-dire ceux dont la pauvreté n est pas liée directement à l absence d emploi. En partant de ce noyau dur et en y réintroduisant Ménages de salariés (b) Avant Après Ménages de retraités Avant Après 1970 20, 3 15, 7 9, 5 4, 0 30, 4 27, 8 1975 18, 3 12, 6 9, 1 3, 9 25, 6 18, 2 1979 16, 5 9, 1 10, 5 4, 9 21, 2 10, 7 1984 15, 4 7, 1 10, 6 4, 7 16, 5 7, 0 1990 14, 5 7, 1 12, 0 4, 9 13, 0 5, 9 1997 14, 1 7, 0 13, 6 6, 6 8, 5 4, 2 Champ : ménages ordinaires, non compris les ménages dont la personne de référence est étudiante, dont le revenu déclaré est positif ou nul et le revenu disponible positif. Notes : (a) Outre les salariés et les retraités, l ensemble comprend les indépendants et les autres inactifs ; (b) Les chômeurs ayant déjà travaillé sont intégrés dans la catégorie des salariés. Source : INSEE-DGI, Enquêtes Revenus fiscaux 1970, 1975, 1979, 1984, 1990 et 1997. 95 La contribution des prestations sociales En 1997, les prestations sociales (prestations familiales, aides au logement et minima sociaux) constituent près de 40 % du revenu des ménages pauvres et réduisent la pauvreté de moitié. Sans prestations sociales 8,5 % des ménages de retraités seraient pauvres, 4,2 % le sont après prestations sociales. Pour les ménages de salariés ou chômeurs, la pauvreté passe de 13,6 % sans prestations sociales Les travailleurs pauvres Le chômage est clairement l une des causes principales de pauvreté en France. Pour une personne d âge actif, avoir été au chômage six mois ou plus au cours de l année fait monter le risque d appartenir à un ménage pauvre à 25 % en 1996 (contre 7 % en moyenne). Parmi le 1,8 million d actifs résidant en France métropolitaine dans un ménage situé sous le seuil de pauvreté, 515 000 n ont connu que le chômage et 355 000 ont été au les actifs pauvres ayant au moins travaillé un mois au cours de l année et ayant connu le reste du temps inactivité ou chômage, on comptait 1,3 million de «travailleurs pauvres» en 1996. (*) (*) Extraits choisis par la Rédaction des du rapport n 33 du Conseil d Analyse économique, Inégalités économiques, Tony Atkinson et alii, Paris, La Documentation, 2001, pp. 77-85. Le titre est de la Rédaction des C. F.

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