PRÉVENTION DES PROLAPSUS ET TRAITEMENT PAR LE CONCEPT ABDO-PÉRINÉO-MG Luc GUILLARME 1 / 13
La physiopathologie du prolapsus des organes pelviens s explique par deux facteurs de faiblesse musculaire : une inversion de commande de la musculature abdominale qui pousse sur les organes pelviens au lieu de les protéger et une incompétence de la musculature périnéo-sphinctérienne à résister à ces poussées délétères. Le traitement kinésithérapique doit s intéresser à traiter la cause avant de se préoccuper des conséquences. HISTORIQUE ET VALIDATION DU CONCEPT ABDO-PÉRINÉO-MG Au départ intuitif (1973) et basé sur la valeur du souffle comme élément clef de la bonne transmission des pressions, le concept a bénéficié d un dépôt de brevet d invention il y a 20 ans (1991), reconduit pour 20 ans(!) et validé en 1994 à LYON, lors de la conférence de Consensus, qui a cautionné l A.F.E. (Augmentation du Flux Expiratoire) comme technique de référence en Kinésithérapie Respiratoire. Si certaines techniques ont émergé de l A.F.E. (ELTGOL, drainage autogène ), la mise en pratique du concept a constamment respecté cette technique validée, apportant les instrumentations, non seulement pour évaluer la musculature abdominale, la stabilité du patient et sa valeur expiratoire mais concevant des instruments facilitant le flux expiratoire (Winner Flow) et dynamisant en le surveillant, le moteur du souffle : l abdomen (stimulateur/feedback). 2 / 13
Ainsi est née une méthode respiratoire, respectant la physiologie, au service du souffle énergétique, garant de la protection de l intégrité fonctionnelle humaine et devenue une base de traitement rééducatif en abdomino-pelvi-périnéologie. Le souffle, déjà déclaré vital depuis des millénaires, devient énergétique, antalgique, aspirant, décongestionnant et surtout protecteur du contenant (structure pariétale abdominale, système périnéo-sphinctérien, paroi lombo-pelvienne, rachis lombaire) et du contenu (organes pelviens) de l enceinte abdomino-pelvienne. Cette enceinte mobilisable, flexible, compressible, déformable reste sous la dépendance des muscles abdominaux dont l activité concentrique assure l acte expiratoire actif, assurant la bonne transmission des pressions. L incompétence abdominale menant au défaut de transmission des pressions est la responsable du prolapsus. Elle mérite d être évaluée et traitée en première intention. RAPPEL D ANATOMIE FONCTIONNELLE L appréciation de la place des muscles abdominaux (droits, pyramidaux, obliques externes, obliques internes et transverses) comme remparts actifs du pelvis (musculaire), laisse augurer de leur valeur fonctionnelle protectionniste. 3 / 13
Trois paramètres nous intéressent dans la recherche de l orientation thérapeutique : - le mode de contractions des abdominaux lors des efforts (avec la toux comme exemple puisque c est l examen de référence lors d un bilan uro-dynamique), - l appréciation de la valeur pressionnelle dégagée pour effectuer l effort - l orientation du flux pressionnel 1. Le mode de contraction La contraction peut être concentrique, statique, excentrique. Lors de la toux, la contraction est concentrique ; ce qui signifie que la mise en tension de la musculature abdominale créée physiologiquement une pression viscéro-expiratoire. 2. La pression doit augmenter, en rapport avec l effort en cours. Quel que soit l effort, minime ou explosif, la pression se doit d augmenter. 4 / 13
3. La pression doit être bien dirigée. C est l orientation pressionnelle à direction céphalique qui garantit la protection pelvi-périnéale et non pas la valeur pressionnelle. PHYSIO-PATHOLOGIE DU PROLAPSUS C est le défaut de transmission d origine abdominale et décrit par ENHÖRNING pour expliquer l IUE qu il faut évaluer et traiter. 5 / 13
PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE EXPLIQUANT L ORIENTATION RÉÉDUCATIVE Si le diaphragme représente la musculature principale inspiratoire, assistée par de très nombreux muscles inspirateurs accessoires lors des manœuvres d effort inspiratoires, les abdominaux sont les muscles expirateurs principaux dans l expiration active, assistés par quelques muscles accessoires dans les activités d effort expiratoires. Lors de la toux, par exemple, toute la musculature expiratoire refoule les viscères vers le haut pour expulser fortement l air des poumons ; le diaphragme ne devant pas opposer de résistance à cette poussée bien dirigée. L impossibilité de pouvoir diriger correctement les pressions en direction pulmonaire correspond non seulement à une insuffisance respiratoire musculaire avec une toux inefficace et non productive mais à une provocation viscérale expliquant l étiologie du prolapsus. LE CONCEPT 6 / 13
Il suit un protocole rigoureux : INTERROGER EXPLIQUER TESTER - TRAITER 1. Interroger (anamnèse abdominale et pelvi-périnéologique) 2. Expliquer (utilisation d animations simples et explicites) 3. Tester Trois tests sont proposés : 7 / 13
- Test stabilométrique évaluant la posture dynamique du patient (centre de gravité, comparaison des pressions sous chaque pied, temps pour parvenir à se stabiliser, surface utilisée pendant le temps dévaluation (25,6 secondes), consommation d énergie - Test mano-manométrique évaluant avec un gant muni d un capteur, la valeur pressionnelle dégagée par un effort de toux mais surtout la direction pressionnelle (bonne ou mauvaise, protectrice ou provocatrice du prolapsus) - Test spirométrique expiratoire déterminant le débit/volume correspondant au volume de réserve expiratoire rejeté en une seconde (VREMS : Volume de Réserve Expiratoire Maximum Seconde) 8 / 13
1. Traiter Le protocole pratique est bien défini, en termes de position, d utilisation des instrumentations, de positions (allongé et assis en position haute), de séries de souffle à effectuer, de pauses entre chaque série, de nécessité de pratique journalière à domicile, d intégration des bons réflexes abdomino-périnéo-expiratoires dans les gestes quotidiens. L anticipation de poussée expiratoire à l effort est un réflexe qu il faut acquérir et intégrer pour pérenniser les résultats à moyen et long terme. Le suivi feedback de la récupération du souffle reste le facteur principal d évaluation de la correction du défaut de transmission et de l amélioration de la dynamique pelvienne. 9 / 13
PLACE DE LA RÉÉDUCATION PÉRINÉALE SPÉCIFIQUE La pratique périnéo-sphinctérienne, quelle que soit la méthode utilisée ou le matériel choisi, reste incontournable et doit être effectuée dès acquisition d une musculature abdominale corrigée et efficace, valeur fonctionnelle confirmée par la reproduction des tests stabilométriques, mano-manométriques et surtout spirométriques. 10 / 13
CONCLUSION La rééducation abdomino-périnéale devenue «rééducation périnéale» puis «pelvi-périnéologique» se doit d évoluer. Les résultats parfois insatisfaisants ou imparfaits nous mènent tous à la réflexion : - La rééducation abdominale «classique» logiquement discréditée peut-elle être remplacée par une rééducation abdominale réellement physiologique? - Le principe de base de la prise en pratique abdominale doit-il suivre un mode excentrique, verrouillé ou dynamique? - Doit-on rester figés dans nos pratiques habituelles spécifiques où pouvons-nous considérer la réalité qu il faut mieux traiter la cause avant de traiter les conséquences, même si nous devons «reconsidérer» l abdomen et réviser notre comportement thérapeutique? - N est-il pas souhaitable, avec un traitement abdominal également spécifique et intégrant le périnée, de pouvoir traiter dans le même temps de nombreuses pathologies bien souvent associées : uro-anales, bien évidemment, mais également respiratoires, lombo-pelviennes, gastro-coliques, esthétiques, posturales, pudendalgiques? Les questions sont posées ; la réflexion et la logique y répondront. 11 / 13
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