Licence Sciences Economiques 3ème année 1er semestre MICROECONOMIE APPROFONDIE ET CALCUL INTERTEMPOREL CHAPITRE 3 LE MODELE CLASSIQUE D OFFRE DE TRAVAIL 1. Offre de travail et demande de biens. a. Temps complet : travail et loisir. i. La contrainte budgétaire. Hypothèse sur les ressources de l individu : ressources tirées de la participation au marché du travail et ressources exogènes ii. La valorisation du temps de loisir : 1. définition du loisir : par différence 2. valorisation du loisir par le salaire (coût d opportunité) b. Optimisation : arbitrage travail loisir. i. offre et maximisation : l'individu maximise son utilité en consommant des biens en général et un bien particulier, le loisir, identifié par q0 = T l T étant le temps total disponible et l le temps de travail choisi par l individu, soit u = u( q0, q1,..., q n ) sous la contrainte de budget μ + ωl = pq i i écrite comme une égalité du fait de l axiome de non satiété et avec les restrictions usuelles q 0 i ett l 0 ; µ est le revenu non i déterminé par la participation au marché du travail et ω le taux de salaire. Il est préférable d avoir une vision de longue période de cette représentation du comportement de l individu : donne une certaine consistance à l idée de choisir une certaine durée de travail et donc de loisir en comparant différents types d emploi. ii. représentation : le graphique suivant montre le problème d arbitrage auquel se trouve confronté le consommateur offrant son 2008 2009 1
I2 X1 I1 I0 R exogène H1 Loisir Travail travail. On représente la carte d indifférence et la contrainte budgétaire, pour l ensemble des biens (représenté ici par un bien composite), le système de prix et le revenu exogène de l individu (revenu indépendant de la participation au marché du travail); le deuxième axe Y sert à repérer ce dernier revenu. L'axe vertical de gauche représente le revenu total, alors que celui de droite représente le revenu exogène seul. L'individu choisi un nombre d'heures de travail lui permettant de se situer sur la plus haute courbe d'indifférence compatible avec sa contrainte budgétaire ; de son temps total, ce qui n'est pas utilisé pour le travail est du loisir. Une différence majeure avec les résultats fournis par le schéma classique s explique par le fait que ω, le prix du travail fourni (ou celui qui sert à valoriser le temps total : temps de travail et temps de loisir), intervient des 2 côtés de la contrainte budgétaire pq + ωq = μ + ωt 0 de ce fait l effet de revenu lié à une variation de ce prix n est pas ce que l on attend d un bien normal. Membre de droite : revenu «complet», valorise T quelle que soit son utilisation c. Equation de Slutsky, effets de substitution et de revenu : i. dans la figure suivante B est le point optimal initial sur la ligne de budget AC 2
ii. accroissement du salaire : la contrainte devient AF (pour un bien quelconque : hausse du prix = déplacement contrainte autour de C : vers CG par ex.) 1. explication : la hausse de ω accroît le revenu complet 2. Effet de substitution usuel : de B à E (en «compensant» le revenu) 3. Effet de revenu : l effet total ne peut être négatif a. passage de E à B2 : effet de revenu négatif par rapport au loisir (bien normal), baisse du pouvoir d achat à la suite de la hausse du prix b. passage à B1 (au lieu de B2 pour des biens usuels), donc ER positif sur l ensemble des biens (consommation et loisir) au lieu de l effet négatif habituel (perte de pouvoir d achat du R) : la dotation en temps est réévaluée avec un effet nécessairement positif 4. Conséquence : l effet sur l offre de travail (ce qui reste du temps disponible) peut devenir négatif pour certains niveaux de ω et de µ (courbe «coudée»). iii. démonstration : 1. fonction de «coût complet» ( 0 0 ) (, ω, ) min ω ; ν (, ) cu p = q+ pq q q = u q, q 0 3
minimisation de la dépense pour des ressources et prix et un niveau de satisfaction donnés (symétriquement ce coût correspond au maximum de satisfaction obtenu pour les prix existants) 2. les demandes hicksiennes sont les dérivées de la fonction de coût par rapport au prix du bien (, ω, p) cu q0 = h0( u, ω, p) = ω cu q= h( u, ω, p) = p (, ω, p) la 2ème équation vaut pour chacun des n biens usuels 3. de même les demandes marshalliennes dérivent de la fonction de satisfaction ( μ ω ω ) ( ω ) ( μ ω, ω, ) (, ω, ) q = g + T,, p = g X,, p X = ressources totales 0 0 0 q= g + T p = g X p passage de l une à l autre par substitution à u de ( μ ω, ω, ) u=ψ + T p comme pour les biens usuels 4. équations d offre de travail correspondantes (hicksienne et marshallienne) : à partir de la 1ère des 2 équations sachant que l = T q0 ; 5. équations de Slutsky : effet sur la demande de loisir d une variation du salaire ; l effet est un peu plus compliqué du fait du double rôle de ω : prix du loisir et valorisation du temps total a. décomposition ES ER de l effet sur le loisir d une variation du taux de salaire : à partir de l expression de q 0 ci dessus on écrit q0 g0 g = + 0. T ω μ ω X X si on a défini X = μ + ωt ; ces 2 effets sont respectivement : l effet de revenu négatif pour un bien normal lorsqu un prix augmente (passage de B à B2) en laissant X constant, l effet de revenu positif tenant à la réévaluation du temps complet (passage de B2 à B1) 4
b. le premier effet (avant réévaluation du temps) peut être décomposé, selon l analyse usuelle, en effet de substitution et effet de revenu : en utilisant la fonction de coût pour définir la demande hicksienne { (, ω, ), ω, } (, ω, ) q = g c u p p = h u p 0 0 0 on différencie par rapport à ω pour obtenir l effet de substitution pour un niveau constant de satisfaction (passage de B à E) q 0 h 0 g0 c g0 =. + ω ω X ω ω u X le premier terme du membre de droite avec c/ ω = q, soit ( g / X) q est l effet de 0 0 0 revenu classique, représenté par le passage de B2 à E, le 2ème terme est l effet total apparaissant dans la 1ère équation c. on remplace ce dernier terme dans l équation initiale : q0 q0 q0 g0 q0 q0 = q0 +. T = +. l ω ω X X ω X μ u la première égalité présente ainsi les 3 «déplacements» du point optimal (ES, ER classique en principe négatif, ER dû à la réévaluation du temps toujours positif) d. écriture de la relation de Slutsky en termes d offre de travail : l l l = + ω ω X μ le premier terme, opposé de celui du loisir, est toujours positif (l autre est toujours négatif), le 2ème terme est plutôt négatif iv. La forme de la courbe d offre de travail (pour un revenu non salarial inchangé) : dépend des valeurs de ω et de µ, l offre de travail peut décroître à partir d un certain niveau de salaire (par rapport au revenu u u. l 5
non salarial) pour un revenu non salarial donné la hausse du salaire produit d abord une hausse de l offre de travail (substitution au loisir plus forte que l effet de revalorisation du temps) puis une baisse quand l effet de revenu l emporte. 2. Décision de participer au marché du travail : la recherche d emploi. a. Ressources exogènes et salaire de réserve. i. distinction entre salaire perçu en rémunération du travail fourni et ressources exogènes : 1. nécessaire pour donner une certaine réalité à l arbitrage travail loisir 2. unité statistique de mesure : le ménage pour les revenus et la consommation, l individu pour l activité (travail ou chômage) ; l unité de décision vraisemblablement le ménage mais aucune enquête ne fournit d informations précise sur ce processus (projet INSEE) 3. arbitrage travail loisir dans le contexte du ménage avec souvent (plus ou moins selon la situation économique globale) plusieurs actifs (au moins potentiels) ; 6
ii. seuil de participation : salaire de réserve ; définition par rapport au taux marginal de substitution entre bien et loisir : la courbe d indifférence représentée est tangente à la droite EF en A : pour le revenu salarial représenté EF représente la contrainte budgétaire intégrant un salaire minimum pour l offreur ; en dessous de ce niveau le point de tangence se situe au delà de T : décision de na pas participer. iii. salaire implicite : la pente de EF est le taux marginal de substitution des biens au loisir, c est le taux de salaire réel ω*/p ; en A ω* est le salaire implicite (virtuel) : si le salaire réel est inférieur à ce niveau l individu ne participe pas ; formellement ω* est tel que q 0 soit égal à T soit : T = g0 ( μ+ ω* T, ω*, p) d où le système définissant l offre de travail et le salaire virtuel, pour une fonction d utilité de type Cobb Douglas avec seuils et loglinéarisée ( ) ( ) U = α log q γ + αlog q γ α + α = 1 0 0 0 0 7
d où l on peut dériver les demandes de loisir et de biens autres pour en déduire l offre de travail α0 l = l* = ( T γ 0)( 1 α0) ( μ pγ) si ω ω* ω l = 0 si ω ω * Correspond à des conditions de substitution bien précises entre biens et loisir. b. Extensions du modèle : durée minimale du travail, coûts associés, Prise en compte de contraintes non linéaires pour rendre compte (dans ce modèle très simplifié) de conditions réelles de fonctionnement. i. Contrainte budgétaire avec impôt progressif : dans la plupart des pays occidentaux système progressif par tranche, prise en compte du revenu net de taxe (accroissement du revenu total et saut de tranche : baisse du prix relatif ω / p ) dépend des conditions particulières de l individu (types de revenus) et de son ménage (dimension et composition) ; ii. Trappe à pauvreté : systèmes d assistance qui complètent jusqu à un certain seuil le revenu des ménages pauvres, au delà du seuil le ménage perd l allocation 8
tendance pour les ménages à se caler sur le point optimal A pour obtenir la satisfaction maximale ; iii. Limites sur le nombre d heures : dans la réalité contraintes sur le choix du nombre d heures, au moins à court terme (plein temps ou rien par exemple), ici l problème de définition : si l individu doit choisir entre C et B et prend B, est il chômeur volontaire? (niveau «normal» de rémunération pour un emploi donné) ; si ce niveau normal est A et que l individu 9
accepte C (travail moins qualifié) n est ce pas une forme de chômage involontaire (sous emploi)? Voir dans le chapitre suivant les développements sur les mesures empiriques des modèles de consommation et d offre de travail. 3. Développements théoriques sur le marché du travail. Autres conceptions des comportements sur ce marché : fournir une explication aux dysfonctionnements que manifestent les marchés réels et qui ne sont pas interprétables dans l analyse marshallienne de l équilibre offre demande ; 2 développements présentés brièvement : théorie des contrats et théorie des incitations ; à la base remise en cause de l information parfaite : information incomplète et asymétries d information. a. Contrats implicites. i. première explication d un fonctionnement non marshallien du marché ; C. Azariadis (JET, 1975), D. F. Gordon (Economic In., 1974) ; ii. 2 différences majeures : 1. au lieu de forces du marché («lois») passation de contrats entre employeurs et salariés mais il sont d ordre tacite 2. incertitude, contexte des décisions : concernent surtout le futur ; idée d une assurance contre les risques («état de la nature» inconnu sur la période du contrat) iii. première approche de comportements dans l incertain : 1. incertitude de la firme sur les perspectives de la demande : choix aujourd hui du volume d emploi et du salaire 2. selon l état réalisé choc de productivité (demande insuffisante) qui compromet le profit 3. dans l univers parfait égalisation des offres et demande par le niveau de salaire 4. dans la réalité plutôt ajustement par le niveau de la main d œuvre que par le salaire (essentiellement rigide à la baisse) 5. idée d un contrat entre employeur et salarié comprenant un mécanisme d assurance qui stabilise le salaire contre les aléas du futur : partage des risques entre l entreprise et le salarié par la mise en place d un contrat optimal (dépend des attitudes respectives de l entreprise et des salariés vis à vis du risque, voir introduction à l incertain, dernier chapitre) a. salaires fixes (indépendants de l état réalisé de la nature) ; dépend de l environnement (état du marché, autres opportunités d emploi) b. niveau de l emploi : peut être sous optimal (réalisation de l état de nature différente du niveau moyen servant 10
de base au contrat) ; prix payé pour la stabilité des salaires ; donc possibilité de chômage involontaire ; 6. faiblesse de l analyse : n envisage pas la renégociation des contrats face aux informations nouvelles ; approfondissements levant ces contraintes : renégociations et conditions optimales, mais comment expliquer le dysfonctionnement majeur constaté? Autres développements sur les asymétries et les contrats incomplets. b. Salaires d efficience. Application de la théorie des incitations i. la productivité individuelle est une fonction croissante du salaire réel (Leibenstein, 1957) ii. coûts de rotation de la main d œuvre (Stiglitz, 1974) 1. coût pour l entreprise du salarié qui quitte après avoir été formé 2. salaire plus élevé qu ailleurs pour les inciter à rester iii. approche sociologique en termes de don et contre don (Akerlof, 1984) 1. efficacité du salarié qui se sent bien traité 2. élévation de l effort productif iv. modèle du «tire au flanc» (Shapiro Stiglitz, 1984) : information incomplète de l employeur, niveau de salaire et sélection adverse (un niveau plus élevé sélectionne des salariés de meilleure qualité) ; salaire élevé et incitation à élever l effort productif : probabilité de découverte du tire au flanc et risque de perte de l avantage salarial local. 11