M. B, 59ans Un cas atypique

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Transcription:

M. B, 59ans Un cas atypique Hortense DAVY SERVICE DE REANIMATION, CHARTRES Dr. KALFON

ATCD Anémie d origine ferriprive sans étiologie évidente malgré les différentes explorations Kystes pancréatiques en 2005 et 2013 d évolution spontanée favorable, suivi tous les 6 mois par TDM Adénocarcinome pancréatique opéré en juin 2014 Hypercholestérolémie essentielle Syndrome dépressif ATCD familial de maladie de Waldenström

Traitement à domicile et MDV Traitement : EFFEXOR, Oracilline, EPO. MDV : marié, 4 enfants, agriculteur tabagisme non sevré pas d intoxication alcoolique

HDM Hématémèse en mai 2014, sans lésion retrouvée TDM : syndrome tumoral de la queue du pancréas s étendant au hile splénique, à la surrénale et à l espace para et peri-rénal ; nodule pulmonaire lobaire inférieur gauche de 10 mm, stable et non suspect Spléno-pancréatectomie gauche le 23/06 avec résection latérale de la veine, résection gastrique et surrénalectomie gauche Anapath : ADK peu différencié polymorphe PT3N1M0R0

Dès septembre 2014 : chimiothérapie adjuvante par GEMZAR, bien tolérée (plaquettes entre 200 et 500 G/l, créatinine = 60 µmoles/l). OMS=0 Dernière cure le 12/11 (C3J15), mi-dose en raison d une AEG. Plaquettes = 202 G/L Créatinine = 80 µmoles/l

La gemcitabine (GEMZAR) Analogue de la pyrimidine Cytostatique du groupe des antimétabolites provoquant une apoptose après incorporation à l ADN Large spectre d activité => carcinome pulmonaire non à petites cellules, carcinome de la vessie, carcinome mammaire, carcinome ovarien, et surtout les cancers digestifs dont le cancer du pancréas Principaux effets secondaires : anémie, thrombopénie centrale, syndrome pseudogrippal

Revient en urgence 48h après la dernière cure AEG avec OMS=3, TA=180/100 IRA avec créatinine 131 µmoles/l, urée 21,2 mmol/l Anémie et thrombopénie hémolytiques Hb 8,9 g/dl, plaquettes 31 G/L, haptoglobuline <0,1, LDH 1830 UI/l, réticulocytes =64,8 G/l, schizocytes positifs, test de Coombs négatif Tropo=37 ng/l, NT-proBNP 14521 pg/ml Bilirubine totale 26 µmoles/l, direct 13 µmoles/l, pas de cytolyse, TP 80% Aucun symptôme clinique notamment sur le plan neurologique, gastro-entérologique et infectieux

Diagnostic et Etiologies possibles? MICROANGIOPATHIE THROMBOTIQUE Purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) acquis SHU typique post infectieux SHU atypique (MAI, cancer, chimiothérapie, VIH, )

RAPPEL SUR LES MAT Anémie hémolytique mécanique Thrombopénie périphérique Défaillance(s) d organe

Exploration du SHU Test de Coombs négatif Recherche de foyers infectieux Recherche d autoanticorps (FAN, etc.) Etude de l activité ADAMTS 13 Documentation histopathologique ---

- Occlusion des capillaires et des artérioles terminales par des thrombi plaquettaires associés à un matériel hyalin au niveau endothélial. - Pas de nécrose, ni de lésion de vascularite, ni d infiltrat inflammatoire périvasculaire - PBR +++ - PTT : thrombi plaquettaires riches en FW - SHU : thrombi riches en fibrine Histologie

SHU atypique Grossesse, VIH, MAI, cancer, chimiothérapie, greffe Dans sa forme idiopathique, peut s associer à des mutations (+++ hétérozygotes) de gènes codant pour des protéines impliquées dans l inhibition de la voie alterne de la cascade du complément : facteur H, facteur I, protéine MCP-1 (CD46) avec hypocomplémentémie C3 Anomalies de la vitamine B12 Mécanismes précis inconnus

Exploration du SHU atypique Clinique=IRA organique sévère et oligoanurique HTA sévère Biologie: - recherche E. Coli 0157: H7 - dosages C3, C4, CH50 => hypocomplémentémie C3 => recherche d un déficit en protéine inhibitrice de la voie alterne du complément et des mutations des gènes correspondants : - facteur H, facteur I, facteur B, - auto anticorps anti facteur H - étude de l expression du MCP/CD46 à la surface des leucocytes - séquençage des gènes de CFH, CFI, CFB, C3, MCP/CD46, thrombomoduline - gènes de fusion entre le facteur H et CFHR1 par PCR Biopsie rénale non systématique

SHU atypiques médicamenteux Immunosupresseur (ciclosporine, tacrolimus) Antiagrégants plaquettaires (clopidogrel, ticlopidine) Cytostatiques (mitomycine C +++, cisplatine, bléomycine, gemcitabine) SHU à la Gemcitabine décrit la première fois par Casper et coll, en 1994 chez un patient traité pour un ADK du pancréas. Depuis plus de 50 cas décrits.

Retour à Mr.B ADAMTS 13 = normal Bilan infectieux négatif Dosage C3, C4, CH50 toujours en cours Sérologies CMV et VIH négatives Recherche de FAN, AC anti- beta 2 GP1, AC anticardiolipine négative Diagnostic le plus probable?

SHU atypique à la Gemcitabine SHU à la Gemcitabine : rare, de 0,015% à 2,2% études Survenue de quelques jours à plusieurs mois après le traitement. Effet dose Difficulté à différencier SHU associé à la néoplasie ou SHU associé à la chimiothérapie. Physiopathologie mal connue : lésion des cellules endothéliales des capillaires glomérulaires et des artérioles rénales => adhésion plaquettaire, augmentation facteur tissulaire qui se lie au FVII => thrombine => polymère de fibrine

Traitement urgence diagnostique et thérapeutique: mortalité élevée variant entre 50 et 70%, liée aux complications du SHU (IRA sévère, OAP Arrêt de la chimiothérapie et CI (récidive précoce). Mais pas de CI aux autres traitements cytostatiques Contrôle tensionnel (IEC, ARAII) Hémodiafiltration si nécessaire Echanges plasmatiques ou perfusions de PFC si échanges non disponibles Eviter transfusions de plaquettes ou de CG Pas d efficacité démontrée des antiagrégants plaquettaires ou CTC

Chez notre patient Plasmaphérèse 3j => Amélioration initiale mais réascension rapide des stigmates d hémolyse (haptoglobine effondrée, LDH augmentés), aggravation de la fonction rénale à 152 µmoles/l) AntiHTA avec bithérapie par LOXEN et EUPRESSYL pour objectif tensionnel < 125/80 ECULIZUMAB (Soliris ) Hémofiltration devant signes de surcharge avec OAP secondaire à la plasmaphérèse.

EVOLUTION Plasmaphérèse ECULIZUMAB

ECULIZUMAB (Soliris ) Vaccination anti-méningococcique +++ Indications : - SHU atypique - Hémoglobinurie paroxystique nocturne Posologie : phase initiale = 900 mg IV/ semaine 4 sem phase entretien = 1200 mg IV/14 j Pas de recommandation sur durée de traitement. Conseillé à vie quelquefois (+++ transplantés rénaux) Si arrêt, surveillance rapprochée 8 semaines 1ere intention en cas de SHU atypique si diagnostic certain

Méthodes Objec&f de l étude: efficacité de l Eculizumab dans le SHU atypique sur une période de 26 semaines puis 64/62 semaines. Etude prospecave avec 2 essais incluant 37 paaents présentant un SHU atypique: 1 er essai : taux de plaquefe <150 G/L, hémolyse acave, > 4EP la semaine précédente, insuffisance rénale, ADAMTS 13 > 5%. 2 ème essai : taux de plaquefes stable, > 1EP/2sem, < 3EP/sem, hémolyse acave, insuffisance rénale, ADAMTS 13 > 5%. Critères de jugement principaux : taux de plaquefes (1 er essai), absence d évènement de MAT (dialyse, EP, PlaqueFes) (2 ème essai), normalisaaon des valeurs hématologiques. Critères de jugement secondaires : foncaon rénale, qualité de vie, pharmacodynamie, pharmacocinéaque.

Résultats

Eculizumab et Gemcitabine Quelques cas décrits d efficacité de ce traitement en cas de SHU atypique à la Gemcitabine Arrêt recommandé du traitement car pas d anomalie génétique En 1ere intention??? Etude actuelle par S. Grangé à Rouen.

CONCLUSION Toujours rechercher un SHU chez un patient sous GEMZAR si HTA, anémie, thrombopénie, IRA et ne pas se contenter de l explication des effets secondaires classiques de la chimiothérapie Urgence diagnostique et thérapeutique Intérêt de l Eculizumab démontré

MERCI DE VOTRE ATTENTION.

Bibliographie «Hemolytic uremic syndrome as a complication of gemcitabine treatment: report of six cases and review of the litterature», Desrame J, 2005 «Microangiopathie thrombotiques: lésions rénales et extrarénales», D. Droz, 2000 «Syndrome hémolytique et urémique suite à un traitement de gemcitabine», Rev Med suisse, V.Bourquin, 2008 «Terminal Complement Inhibitor Eculizumab in atypical Hemolytic uremic syndrome», CM.Legendre, 2013, The new england journal Compte rendu de la 7 ème réunion du CNR-MAT, en Amerique Latine, octobre 2014, S. Grangé, Rouen «Microangiopathie thrombotique», P.Coppo, 2005 HAS 2013 sur Ecoluzimab