Les scores diagnostiques pour l embolie pulmonaire et les scores d exclusion de l embolie pulmonaire*



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Transcription:

pratique Les scores diagnostiques pour l embolie pulmonaire et les scores d exclusion de l embolie pulmonaire* Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 1204-9 A. Junod Pr Alain Junod Professeur honoraire à la Faculté de médecine de Genève 10B chemin Rojoux 1231 Conches af.junod@gmail.com The diagnostic and the exclusion scores for pulmonary embolism Several clinical scores for the diagnosis of pulmonary embolism (PE) have been published. The most popular ones are the Wells score and the revised Geneva score ; simplified versions exist for these two scores ; they have been validated. Both scores have common properties, but there is a major difference for the Wells score, namely the inclusion of a feature based on clinical judgment. These two scores in combination with D-dimers measurement have been used to rule out PE. An important improvement in this process has recently taken place with the use of an adjustable, age-dependent threshold for DD for patients over 50 years. * Ce premier article fait partie d une série consacrée aux scores cliniques dans la maladie veineuse thromboembolique. Une aide dans la décision diagnostique et thérapeutique? (Clinical scores in the venous thrombo embolic disease. An aid for the diagnosis and the treatment?) 1204 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 27 mai 2015 Plusieurs scores cliniques pour le diagnostic d embolie pulmonaire (EP) ont été publiés. Les plus populaires sont ceux de Wells et de Genève révisé, dont des versions simplifiées existent, qui ont été validées. L un et l autre de ces scores ont des propriétés équivalentes, à l exception d un élément dans le score de Wells qui ressort du jugement clinique. Ces mêmes scores ont été, en combinaison avec les D-dimères (DD), utilisés pour exclure le diagnostic d EP. Une amélioration importante dans ce processus est récemment intervenue avec l introduction d un seuil des DD ajusté à l âge des sujets de plus de 50 ans. introduction Au cours de ces 15-20 dernières années, la démarche diagnostique de l embolie pulmonaire (EP) a subi d importantes modifications (le terme de mutation pourrait à juste titre être considéré). Dans un passé point si lointain, face à une suspicion du diagnostic d EP, une séquence était amorcée, qui commençait en général par une scintigraphie pulmonaire ventilation-perfusion. Un test normal infirmait le diagnostic d EP, un test de haute probabilité le con firmait, un résultat indéterminé conditionnait des investigations plus poussées, jusqu à l angiographie, l étalon-or. La probabilité clinique de l affection en cause, l EP, n intervenait pas. La pratique de l analyse décisionnelle, une discipline que l on croyait réservée aux seuls esprits férus de mathématiques et de statistiques fumeuses, enfermés dans des cabinets obscurs et détachés des contingences de la vie hospitalière, modifia cette façon de penser. Elle valorisa l évaluation de la probabilité clinique d une maladie, démontrant qu une basse probabilité pouvait à elle seule affaiblir, voire annuler la portée d un test positif et que la négativité d un test diagnostique ne pouvait plus permettre l exclusion de la maladie si elle avait une haute probabilité clinique. Le rôle majeur de la prévalence de la maladie fut aussi mis en évidence et des expressions telles que valeur prédictive négative (VPN) et valeur prédictive positive (VPP) rendues familières. Conséquence logique de ce changement de paradigme, les cliniciens se sont mis à impliquer la probabilité clinique de la maladie dans leurs schémas d investigation. Encore fallait-il que l estimation de cette probabilité clinique reposât sur d autres bases que le seul jugement du clinicien, l expérience ayant montré la vulnérabilité des décisions des médecins à de multiples biais et à des phénomènes de représentation. 1,2 La mise en œuvre simultanée des principes de l analyse décisionnelle et de la médecine basée sur des preuves ou factuelle (evidence based-medicine) a favorisé l émergence et l utilisation des scores clini ques, diagnostiques en l occurrence. Ces derniers sont explicites, basés le plus souvent sur des données solides et doivent répondre à des exigences de qualité. les scores diagnostiques de l ep l y a cinq scores diagnostiques majeurs pour l EP, qui, chronologiquement, se déclinent ainsi : le score de Wells en 2000, 3 le score de Genève en 2001, 4 le score Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 5 janvier 2015 0

de Miniati en 2003, 5 le score de Genève révisé en 2006, 6 et un deuxième score de Pise en 2008. 7 l existe deux scores additionnels : ceux de Wells simplifié et de Genève révisé simplifié. 8,9 Pour ces derniers, la simplification a consisté en l attribution systématique d un point pour chacun des éléments du score. ls ne représentent donc pas de réelle nouveauté, mais sont peut-être d un emploi plus pratique, quoique cet argument soit de peu de poids au regard de la large mise à disposition de ces outils sur les ordinateurs et autres tablettes ou «smartphones». Le tableau 1 donne un aperçu des composantes de ces cinq scores majeurs. De son examen apparaissent d emblée deux faits principaux : Les scores de Miniati ou de l école de Pise renferment un nombre de variables beaucoup plus élevé que les trois autres en raison d un recours important à des éléments de l histoire du patient et aux symptômes ainsi qu aux examens paracliniques (radiologie et/ou ECG). Le score de Genève repose également sur les résultats de la gazométrie sanguine, et c est cette dépendance vis-à-vis du laboratoire qui a conditionné la version révisée du score de Genève. Le score de Wells est le seul qui comprenne une forme de jugement clinique où le médecin doit se prononcer sur la probabilité d un diagnostic alternatif. Cet item reçoit par ailleurs une pondération particulièrement élevée. Les modalités présidant à l élaboration de ces scores sont résumées dans le tableau 2. l s agit presque toujours d études de cohorte prospectives, avec un nombre respectable de sujets, mais qui, pour la plupart, n ont pas eu de validation externe lors de leur publication princeps. Tableau 1. Comparatif des éléments constitutifs des scores pour le diagnostic d embolie pulmonaire MVTE : maladie veineuse thromboembolique. Eléments du score Wells 2000 Genève 2001 Miniati 2003 Genève révisé 2006 Miniati 2008 Histoire du patient Affection maligne MVTE antérieure mmobilisation ou chirurgie Age L 57-65 ans Sexe masculin Maladie cardiovasculaire Maladie pulmonaire Symptômes Dyspnée aiguë Hémoptysies Douleur unilatérale membre inférieur Fièvre L 38 C Douleur thoracique Orthopnée Syncope Examens cliniques Douleur palpation membre inférieur et œdème Tachycardie Sibilances Râles crépitants Examens de laboratoire ECG surcharge D PaCO 2 l5,2 kpa PaO 2 l11 kpa Radio thorax : atélectasie en bande Radio thorax : qhémidiaphragme 5 autres critères radiologiques Diagnostic alternatif moins probable Jugement clinique Nombre d items 7 8 15 8 15 0 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 5 janvier 2015 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 27 mai 2015 1205

Tableau 2. Analyse comparative des modalités de confection des scores diagnostiques de l embolie pulmonaire Type d étude Effectif Durée Provenance Prévalence Validation Discrimination du suivi EP externe SSC-ROC Wells 2000 Etude de cohorte 1211 90 jours Ambulatoire 17,6% Ultérieure 0,78 prospective et hôpital (quel %?) Score de Etude de cohorte 1090 90 jours Ambulatoire 27% Ultérieure 0,79 Genève 2001 prospective Score de Etude de cohorte 1100 6 mois 80% hôpital, 40% 0,95 Miniati 2003 prospective le reste ambulatoire Score de Genève Etude de cohorte 965 90 jours Ambulatoire 23-26% Oui 0,74 révisé 2006 prospective r 756 (validation) Score de Etude rétrospective 1100 6 mois 71-80% hôpital, 40-41% Oui 0,88 Miniati 2 2008 sur la cohorte de 2003 r 454 le reste ambulatoire (validation) Les scores de Miniati 1 et 2 se distinguent des autres par un recours à des patients majoritairement hospitalisés et par une prévalence d EP de l ordre de 40%, soit presque deux fois plus que pour les scores de Wells et de Genève. Ces facteurs rendent les scores de Miniati difficilement comparables aux trois autres et impropres à une utilisation en salle d urgence. Par ailleurs, leur pouvoir de discrimination, quasi stratosphérique, n est pas confirmé par des validations externes dans un autre site hospitalier. Ce sont donc les scores de Wells et de Genève révisé qu il convient de commenter encore. Leurs atouts : des éléments de score faciles à obtenir à partir de l histoire du malade, de ses symptômes et de l examen clinique ; un pouvoir de discrimination compris généralement entre 0,7 et 0,8 ; de multiples études de validation. Le tableau 3, qui donne un aperçu des composantes de ces deux scores, illustre fort bien la prédominance de leurs similarités, mais non leur totale identité : l utilisation d un jugement clinique, à savoir l existence ou non d un diagnostic alternatif moins probable, est une particularité propre au score de Wells. Le score de Wells est-il supérieur au score de Genève? Un certain nombre d études comparatives le suggèrent, qui concluent à un pouvoir de discrimination légèrement plus élevé, d autres ne peuvent le confirmer. 10 Le score de Genève révisé a l avantage de reposer complètement sur des données objectivables ; il est donc moins «opérateur-dépendant». Cette particularité du score de Wells de l utilisation du jugement clinique le rend plus subjectif, mais, en même temps, représente un élément de gestalt diagnosis a qui, pour d aucuns, le rapprocherait de la réalité clinique. Certaines études ont en effet rapporté de meilleures performances de la gestalt diagnosis de l EP par rapport aux scores de Wells et de Genève révisé. 11 Compte tenu de la popularité des scores diagnostiques de l EP, je ne suis pas sûr que les médecins impliqués dans cet essai comparatif a Gestalt : ce mot allemand a reçu une nouvelle popularité en anglais. Associé au diagnostic, il se réfère à un jugement clinique global, implicite, non structuré. b La résolution simultanée des scores de Wells et de Genève n est pas entrée dans la pratique courante. Elle pourrait, théoriquement, présenter des avantages, mais, en même temps, elle risque d accroître l incertitude du praticien en cas de divergence : thème de recherche à explorer? Tableau 3. Eléments constitutifs des scores de Wells et de Genève révisé b TVP : thrombose veineuse profonde. Score de Wells Facteurs de risque Score de Genève révisé Age L 65 ans 1 TVP ou embolie pulmonaire 1,5 3 antérieure Chirurgie (sous anesthésie 1,5 2 générale) ou fracture membre inférieur dans le mois ou immobilisation Affection maligne, solide ou 1 2 hématologique active ou guérie il y a l 6-12 mois Symptômes Hémoptysie 1 2 Douleur unilatérale du 3 membre inférieur Signes cliniques Douleur à la palpation 3 4 veineuse profonde du membre inférieur et œdème unilatéral Rythme cardiaque/min 3/5 75-94/min/L 95 /min Rythme cardiaque/min 1,5 L 100/min Jugement clinique Diagnostic alternatif moins 3 probable que celui d embolie pulmonaire Total 12,5 22 Probabilité clinique l 2 points 0-3 points basse 2% basse 8% 2-6 points 4-10 points modérée 19% intermédiaire 28% L 6 points M 11 points élevée 50% élevée 74% 1206 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 27 mai 2015 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 5 janvier 2015 0

n aient pas été influencés par le contenu des scores. Toutefois, même les tenants les plus résolus de l approche structurée des diagnostics ont admis le fait que l impression clinique puisse modifier l évaluation de la probabilité clinique. La répartition des résultats des scores en trois classes de probabilité : basse, intermédiaire et élevée, est souvent remplacée par une simple dichotomie : improbable versus probable. Pour le score de Wells, le seuil de l improbable a été fixé à 4 et pour le score de Genève révisé à 5. Cette présentation n est pas tout à fait anodine : en effet, il est apparu pertinent de pouvoir, le plus tôt possible, exclure la probabilité d EP pour éviter des examens inutiles, onéreux de surcroît. La combinaison d une EP improbable avec une mesure normale des D-dimères (DD) a en effet été validée pour exclure l EP et renoncer à des investigations supplémentaires. C est le sujet du sous-chapitre à venir. les scores d exclusion de l ep Cette approche a été lancée en 2002 par une étude initiale de Kline et coll. 12 qui ont voulu déterminer, parmi les patients admis en urgence avec une suspicion d EP, quels étaient ceux chez qui la probabilité de l EP est suffisamment basse pour que la mesure ultérieure des DD puisse se faire avec la sécurité voulue. Le même auteur a poursuivi sa recherche d une règle permettant, sans investigation additionnelle, dont les DD, d identifier un groupe de patients avec un très faible risque d EP, cela dans un collectif sélectionné sur la base d une probabilité clinique basse (gestalt diagnosis!). 13 Le tableau 4 donne la liste des huit items qui, s ils sont tous négatifs, identifient ce groupe à très faible risque d EP, cela avec une sensibilité proche de 100% et un taux de faux négatifs (FN) égal ou inférieur à 1%. Cette règle a reçu l acronyme de PERC (Pulmonary Embolism Rule-out Criteria). La confirmation de ces résultats fut obtenue par une étude multicentrique portant sur 8136 sujets dans treize centres d urgence. 14 l a cependant été reproché à cette règle de ne pas pouvoir s appliquer à des groupes de sujets où la prévalence de l EP était plus élevée que les 8% de l étude de Kline. 15 Notre côté de l Atlantique n a pas partagé cette méfiance ou crainte à l égard du dosage des DD dont l excellente sensibilité en faisait un outil performant pour exclure l EP si leur valeur était inférieure à 500 ng/ml. ls ont donc été très vite impliqués dans des schémas d investigation. Mais il a fallu attendre 2008 pour que soient publiés deux articles où une valeur seuil de DD (l 500 ng/ml) faisait partie intégrale des scores simplifiés de Wells et de Genève révisé. 8,9 En voici la représentation sous la forme du tableau 5. Tableau 4. Liste des éléments intervenant dans la détermination d un très faible risque d embolie pulmonaire lorsqu ils sont tous négatifs (règle PERC, Kline et coll., 2004) MVTE : maladie veineuse trhomboembolique. Age en années L 49 ans Fréquence cardiaque L 99/min SaO 2 l 95% à l air ambiant Histoire actuelle d hémoptysies Prise d œstrogènes exogènes Diagnostic antérieur de MVTE Chirurgie récente ou traumatisme Enflure unilatérale de la jambe Le tableau 6, basé sur deux études différentes pour chacun des scores, 9,16,17 résume les résultats de cette stratégie. Le score clinique identifie une majorité de patients (50-70%) avec une probabilité d EP presque deux fois plus basse que la prévalence de l EP dans ces groupes de sujets, mais qui reste comprise entre 11 et 17%. Le caractère normal des DD réduit le collectif de sujets où l EP est pratiquement exclue à 20-30% de l effectif initial, avec un risque de maladie veineuse thromboembolique (MVTE) à trois mois égal ou inférieur à 1%. Tout cela avec un pouvoir de discrimination sensiblement égal à celui qui est rapporté pour les scores diagnostiques de l EP, soit 70 à 75%. Fait intéressant, l utilisation du seul jugement clinique (gestalt diagnosis) donnait des résultats similaires. 18 Le progrès ne s est pas arrêté là. l a en effet été observé que les valeurs dites normales des DD variaient en fonction de l âge des sujets et pouvaient dépasser le seuil des 500 ng/ml, et cela principalement après 50 ans. 19,20 Tableau 5. Combinaison du dosage des D-dimères et des scores de Wells simplifié et de Genève révisé simplifié pour exclure le diagnostic d embolie pulmonaire (EP) TVP : thrombose veineuse profonde. Score de Wells simplifié Facteurs de risque Score de Genève révisé simplifié Age L 65 ans 1 TVP ou embolie pulmonaire 1 1 antérieure Chirurgie (sous anesthésie 1 1 générale) ou fracture membre inférieur dans le mois ou immobilisation Affection maligne, solide ou 1 1 hématologique active ou guérie il y a l 6-12 mois Symptômes Hémoptysie 1 1 Douleur unilatérale du 1 membre inférieur Signes cliniques Douleur à la palpation 1 1 veineuse profonde du membre inférieur et œdème unilatéral Rythme cardiaque/min 1/2 75-94/min/M 95/min Rythme cardiaque/min 1 L 100/min Jugement clinique Diagnostic alternatif moins 1 probable que celui d embolie pulmonaire Total 7 9 Probabilité clinique 0-1 point 0-2 points improbable improbable Et si D-dimères Probabilité EP Probabilité EP l 500 ng/ml l 1% l 1% 0 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 5 janvier 2015 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 27 mai 2015 1207

Tableau 6. Résultats de la combinaison D-dimères (DD) normaux et embolie pulmonaire (EP) improbable selon les scores de Wells simplifié et de Genève révisé simplifié MTVE : maladie veineuse thromboembolique. Scores Etudes Prévalence % collectif Prévalence % du collectif % MVTE EP avec EP EP si EP avec EP dans les 3 mois improbable improbable improbable si EP improbable selon score selon score et DD normaux et DD normaux Wells simplifié Douma 2009 23% 70% 12% 26% 0% Douma 2011 23% 62% 13% 22% 0,6% Genève révisé simplifié Klok 2008 23% 65% 13% 31% 0% Douma 2011 23% 71% 17% 24% 0,5% Righini et coll. 21 ont appliqué ces données pour élaborer une nouvelle combinaison où le score de Wells original et le score de Genève révisé simplifié (il ne s agit donc pas de la forme simplifiée pour les deux scores!) sont associés à un seuil variable de normalité des DD selon l équation suivante : 500 R(âge en années 50 ans)*10 Pour un patient de 75 ans, cela signifie que le seuil des DD normaux s élève à 750 ng/ml au lieu des 500 fatidiques. l en résulte, pour les sujets de plus de 75 ans, une augmentation substantielle du nombre de patients chez qui l EP a pu être exclue sur la seule base du score et des DD ajustés à l âge : de 6,5 à 29,7%, sans augmentation des faux négatifs! Ces données confirment celles dans d autres études, revues par Schouten et coll. 22 Dernière question : l utilisation des scores améliore-t-elle la prise en charge des patients suspects d EP? l n y a, à ce stade, que des réponses fragmentaires et parfois contradictoires à donner. 11,23 Selon certaines études, le jugement clinique non structuré est tout aussi bon que les scores cliniques, mais il est dépendant de l expérience des médecins ; 24 d autres auteurs ont démontré le caractère très relatif des évaluations non structurées des probabilités de la maladie puisque, dans certains cas, le total des pourcentages de probabilités réparties en trois classes s élevait jusqu à 290%! 25 Roy et coll. ont comparé l utilisation d un programme décisionnel informatisé pour l EP à l aide d un mini-ordinateur à un support papier dans vingt départements d urgence en France. Les outils informatiques ont permis une meilleure prise en charge diagnostique. 26 Drescher et coll. 27 ont également trouvé une meilleure stratégie diagnostique avec l emploi d un outil informatique pour le score de Wells. Mais ils se sont heurtés à une mauvaise acceptabilité de la part des médecins, ce qui prouve, une fois de plus, que le corps médical ne se singularise pas, par rapport à d autres, dans sa résistance au changement. l reste encore à démontrer que le devenir des patients est amélioré, la preuve suprême de la supériorité des scores. conclusion Le cheminement fut long, mais il est maintenant possible de dire que, pour le diagnostic de l EP, les scores cliniques sont devenus des outils familiers. Dans les services que j aimerais qualifier d éclairés (un brin de provocation?), face à une suspicion d EP, l évaluation de la probabilité clinique se fait maintenant systématiquement, que ce soit par les scores de Wells et/ou de Genève révisé, simplifiés ou non, ou encore par un jugement clinique seul (gestalt), à condition qu il soit fait avant l obtention de données paracliniques. Dans une institution qui forme des médecins, les scores, de par leur caractère explicite, me semblent le mieux se prêter à ce processus. La combinaison de scores de basse probabilité avec des DD normaux et avec un aménagement du seuil de ces derniers selon l âge, permet d identifier un pourcentage plus important de patients chez qui la maladie peut être exclue. Tous ces scores sont présents sur le site www. revmed. ch/scoredoc, munis d une fiche analytique. Les scores de Wells et de Genève révisé sont également disponibles pour l iphone sous le nom de Medscore (chercher depuis l App- Store). L auteur n a déclaré aucun conflit d intérêts en relation avec cet article. Bibliographie 1 Elstein AS, Schwartz A. Clinical problem solving and diagnostic decision making : Selective review of the cognitive literature. BMJ 2002;324:729-32. 2 Raine R. Does gender bias exist in the use of specialist health care? J Health Serv Res Policy 2000;5:237-49. 3 Wells PS, Anderson DR, Rodger M, et al. Derivation of a simple clinical model to categorize patients probability of pulmonary embolism : ncreasing the models utility with the SimpliRED D-dimer. Thromb Haemost 2000;83:416-20. 4 Wicki J, Perneger TV, Junod AF, Bounameaux H, Perrier A. Assessing clinical probability of pulmonary embolism in the emergency ward : A simple score. Arch ntern Med 2001;161:92-7. 5 Miniati M, Monti S, Bottai M. A structured clinical model for predicting the probability of pulmonary embolism. Am J Med 2003;114:173-9. 6 Le Gal G, Righini M, Roy PM, et al. 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