Le nouveau Règlement Insolvabilité : quelles évolutions? 8 avril 2015 LE TRAITEMENT SPECIFIQUE DES GROUPES DE SOCIETES
SOMMAIRE DE L INTERVENTION 1. Logique du règlement ante réforme : une approche entité par entité indifférente à l existence d un groupe 2. Besoins révélés par la pratique : la nécessaire prise en compte d une logique économique en présence d un groupe 3. Rappel des solutions dégagées par les juridictions - affaires EMTEC et PETROPLUS 4. Apports du règlement révisé 5. La prise en compte de la finalité de la procédure par la jurisprudence de la CJUE 6. L exemple FAGOR BRANDT : écueils et réussite PAGE N 2
1. LOGIQUE DU RÈGLEMENT ANTE RÉFORME : UNE APPROCHE ENTITÉ PAR ENTITÉ INDIFFÉRENTE À L EXISTENCE D UN GROUPE 1 personne morale avec activité transnationale En présence d un groupe de sociétés : 1 filiale = 1 procédure principale indépendante ouverte au lieu de son siège Procédure principale au lieu du centre des intérêts principaux (siège statutaire) par société Procédure universelle avec finalité protectrice ou liquidative Procédure(s) secondaire(s) par établissement Procédure territoriale avec finalité liquidative statutaire = autant de juridictions et de droits applicables que d Etats concernés PAGE N 3
2. BESOINS RÉVÉLÉS PAR LA PRATIQUE : LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE D UNE LOGIQUE ÉCONOMIQUE EN PRÉSENCE D UN GROUPE Constat de l existence d un groupe Nécessité de faire primer l unité économique du groupe Recherche d une solution unique pour le groupe Préservation de la valeur de l entreprise par la mise en œuvre de procédures à finalité protectrice Nécessité pratique de centraliser les procédures principales devant une seule juridiction Renversement de la présomption du siège statutaire pour les filiales MAIS cette démarche n a d intérêt que s il existe une perspective de redressement de l entreprise (exemple du groupe EMTEC) A contrario, la centralisation des procédures apparaît superflue si l issue de la procédure est la cessation d activité et la réalisation isolée des actifs(exemple du groupe PETROPLUS) PAGE N 4
3. RAPPEL DES SOLUTIONS DÉGAGÉES PAR LES JURIDICTIONS AFFAIRES EMTEC ET PETROPLUS En présence d un groupe : interprétation des règles de compétence juridictionnelle du règlement guidée par un critère d utilité tenant aux perspectives de la procédure : HYPOTHESE 1 (EMTEC) : Perspective de redressement de l activité (plan de sauvegarde, redressement ou plan de cession) Privilégier l approche économique Nécessité d adopter une démarche globale permettant de préserver la valeur du groupe, conduisant à centraliser les procédures devant une juridiction unique avec des organes identiques HYPOTHESE 2 (PETROPLUS) : Opérations de nature purement liquidative (cessation d activité et / ou réalisation isolée des actifs) Privilégier l approche entité par entité Solution mise en œuvre au niveau de chaque personne morale avec indépendance des procédures dans le cadre d un groupe PAGE N 5
4. APPORTS DU REGLEMENT REVISE 4.1. Augmentation des pouvoirs d intervention du praticien de l insolvabilité de la procédure principale dans la procédure secondaire Possibilité de contester l ouverture de la procédure secondaire au motif qu elle ne respecte pas les conditions prévues à l article 38 (article 39) ; Possibilité de demander la suspension de l ouverture de la procédure secondaire pendant 3 mois (article 38 3) ; Possibilité de demander la suspension de tout ou partie de la procédure de réalisation des actifs à la juridiction d ouverture de la procédure secondaire (article 46) ; Possibilité de demander la conversion de la procédure secondaire en un autre type procédure d insolvabilité visé à l annexe A (article 51) ; Possibilité d être entendu par la juridiction d ouverture de la procédure secondaire sur la demande d ouverture de ladite procédure (article 38 1) ; Possibilité de proposer un plan de restructuration de la société dès lors que la loi de l Etat dans lequel la procédure secondaire a été ouverte autorise la clôture d une telle procédure autrement que par la liquidation (article 47). PAGE N 6
4. APPORTS DU REGLEMENT REVISE 4.2. Accroissement de la coopération entre les organes des procédures d insolvabilité principale et secondaire(s) Devoir de coopération entre les praticiens de l insolvabilité (articles 36 et 41) Échanges d informations (liste initiale : information sur l état de la production et de la vérification des créances et sur les mesures visant à mettre fin à la procédure ; ajout : informations sur les mesures visant au redressement du débiteur ou à la restructuration de sa dette) ; Coordination dans l élaboration et la mise en œuvre d un plan de restructuration ; Coordination dans la gestion du patrimoine du débiteur ; Conclusion d accords et de protocoles (notamment protocoles mettant en place des procédures secondaires virtuelles). Devoir de coopération entre les juridictions (article 42) Coordination de la désignation des praticiens de l insolvabilité, de la communication d informations, de la gestion et de la surveillance des actifs et des affaires du débiteur, du déroulement des audiences et de l approbation des protocoles ; Possibilité de désignation d un mandataire («une personne ou un organe indépendant agissant sur leurs instructions»). Devoir de coopération entre les praticiens de l insolvabilité et les juridictions (article 43) Echange d informations entre d une part les praticiens de l insolvabilité des procédures principale et secondaire(s) et, d autre part les juridictions ayant ouvert l une ou l autre de ces procédures ; Exemples d autres mesures de coopération : reconnaissance de la décision rendue par une autre juridiction, demande d assistance judiciaire dans les autres Etats membres etc. PAGE N 7
4. APPORTS DU REGLEMENT REVISE 4.3. Création d un chapitre V consacré au traitement de l insolvabilité des membres d un groupe Création d une procédure de coordination collective (articles 56 et suivants) Demande d ouverture : le praticien de l insolvabilité d une entité du groupe peut demander l ouverture d une «procédure de coordination collective» si la loi de l Etat sur le territoire duquel il a été désigné le permet (article 61) ; Recours : tout praticien de l insolvabilité d un des membres du groupe peut s opposer à l inclusion de la procédure pour laquelle il a été désigné dans la procédure de coordination collective, ou à la nomination de la personne proposée en qualité de coordinateur (article 64) ; Juridiction compétente pour ouvrir la procédure : soit (i) la juridiction saisie en premier ou (article 62), soit (ii) celle qui a réuni l accord d au moins 2/3 des praticiens de l insolvabilité désignés dans l une des procédures d insolvabilité ouverte à l égard d un des membres du groupe (article 66) ; Missions du coordinateur : définir des recommandations pour la conduite coordonnée des procédures d insolvabilité ; Proposer des mesures à prendre à l échelle du groupe (article 72) ; Autorité des actes du coordinateur : les praticiens de l insolvabilité peuvent, sur décision motivée, refuser de suivre les recommandations ou le programme du coordinateur (article 70). Attribution de pouvoirs concurrents aux praticiens de l insolvabilité des membres du groupe (article 60) (auditions, suspensions ) PAGE N 8
5. LA PRISE EN COMPTE DE LA FINALITE DE LA PROCEDURE PAR LA JURISPRUDENCE DE LA CJUE CJUE 22/12/2012 Bank Handlowy : Il incombe à la juridiction compétente, pour ouvrir une procédure secondaire de prendre en considération les objectifs de la procédure principale Obligation de coopération imposée à la juridiction saisie de la demande d ouverture de la procédure secondaire. CJUE 4/09/2014 Burgo : Dès lors que la procédure principale d'insolvabilité est une procédure de liquidation, la prise en compte de critères d'opportunité par la juridiction saisie d'une demande tendant à l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité relève du droit national de l'état membre sur le territoire duquel l'ouverture de cette procédure est demandée Indifférence de la juridiction saisie d une demande d ouverture d une procédure secondaire vis-à-vis d une procédure principale à visée liquidative. PAGE N 9
6. L EXEMPLE FAGOR BRANDT : ÉCUEILS ET RÉUSSITE 7.1. Présentation des contraintes transfrontalières rencontrées Particularité : Sauter, De Dietrich, Brandt, Fagor, sont des marques exploitées par les sociétés françaises mais détenues par FAGOR IRELAND La reprise des activités françaises et des collaborateurs de l entreprise est indissociable de l acquisition des marques détenues par FAGOR IRELAND Enjeu : l issue des procédures de redressement judiciaire françaises est dépendante de la cession des marques de FAGOR IRELAND au principal candidat à la reprise des activités du sousgroupe français Acquisition des marques détenues par FAGOR IRELAND érigée en condition suspensive de l offre de reprise adoptée PAGE N 10
6. L EXEMPLE FAGOR BRANDT : ÉCUEILS ET RÉUSSITE 7.2. Objectifs de la procédure de restructuration transfrontalière Prendre en compte les enjeux et le calendrier des procédures françaises au sein des procédures d insolvabilité espagnoles (outre la procédure secondaire ouverte ensuite en Pologne avec un syndic principal espagnol ) Identifier avec les syndics espagnols une solution satisfaisante au regard d un intérêt commun entre les procédures Parvenir à une coopération mutuelle entre l administrateur judiciaire français et les syndics espagnols Plusieurs réunions à Madrid, Barcelone, San Sebastian ; Echanges presque quotidiens entre les équipes de l AJ français, les syndics espagnols, le management de FAGOR FRANCE et le management de FED, entre novembre 2013 et décembre 2014 ; Sur l initiative de l AJ français, projet de protocole de coopération entre syndics sur la base de la proposition de révision de décembre 2012 du règlement communautaire. Mettre en place une coopération entre les juridictions marques) (visio entre juges sur le calendrier de cession des PAGE N 11
6. L EXEMPLE FAGOR BRANDT : ÉCUEILS ET RÉUSSITE 7.3. Bilan 1. Ecueils dans la coopération Incapacité des syndics espagnols à se mobiliser dans l urgence imposée par la trésorerie des sociétés françaises (pratique des professionnels très différentes) : résolu par la réforme pouvoirs concurrents des praticiens de l insolvabilité. Intérêts divergents entre les procédures espagnoles et françaises, voire entre les procédures espagnoles (objectif liquidatif des procédures espagnoles v/s finalité protectrice des emplois et de l activité des procédures françaises) : résolu par la réforme ouverture d une procédure de coordination collective. 2. Réussite dans la prise en compte des intérêts des procédures françaises Nombreux échanges ayant permis au juge espagnol en charge des procédures espagnoles d être informé des enjeux et du calendrier des procédures françaises. Si le calendrier des procédures françaises a été fortement décalé (audience finale d examen des offres 11/04 contre 13/02 initialement), le juge espagnol a finalement autorisé in extremis la cession des marques au principal candidat à la reprise français. Absence de lisibilité sur la procédure applicable en droit espagnol pour la cession des marques : résolu par la réforme devoir de coopération entre les organes des procédures d insolvabilité. PAGE N 12