TRIBUNAL D ARBITRAGE

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TRIBUNAL D ARBITRAGE CANADA PROVINCE DE QUÉBEC N o de dépôt : Date : 4 juillet 2016 DEVANT L ARBITRE : M e PIERRE-GEORGES ROY CISSS DE LA MONTÉRÉGIE-OUEST (CSSS JARDINS-ROUSSILLON) Ci-après appelé «l employeur» et FRANÇOIS BERTHIAUME Nature du litige : Droit à une indemnité de fin d emploi Pour l employeur : Me Jean-François Pedneault Pour François Berthiaume : Me Jean-Philippe Brunette Mandat : 22 septembre 2015 Audience : 21 juin 2016 Décision : 4 juillet 2016 SENTENCE ARBITRALE (Art. 130 et suiv. du Règlement sur certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de services sociaux)

PAGE : 2 I- REMARQUES PRÉLIMINAIRES [1] Les parties m ont confié le mandat d entendre la plainte logée par François Berthiaume en vertu du Règlement sur certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de services sociaux (ci-après désigné le «Règlement»). [2] Elles ont convenu d une série d admissions que je reproduirai dans la section suivante de ma décision et ont soumis leurs argumentations respectives lors de l audience tenue le 21 juin 2016. [3] Le recours de François Berthiaume conteste le refus de l employeur de lui reconnaître le droit à une indemnité de fin d emploi lors de l abolition de son poste le 31 mars 2015 au moment de l application de la Loi modifiant l organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l abolition des agences régionales (L.Q., 2015, chapitre 1; ci-après désignée la «Loi 10»). Cette position de l employeur découle du fait que M. Berthiaume avait annoncé, le 11 décembre 2014, qu il prenait sa retraite à compter du 10 avril 2015, décision qui avait fait l objet d une demande dûment traitée par la Commission administrative des régimes de retraite et d assurances (ci-après désignée la «CARRA»). [4] La plainte est ainsi formulée : La présente fait suite à votre lettre datée du 19 mars 2015 dans laquelle vous m informiez de votre décision à l effet de refuser de m appliquer les mesures de stabilité d emploi à la suite de l abolition de mon poste en date du 31 mars 201t5. Bien que je sois en désaccord avec votre décision, tel que requis par l employeur, je continuerai à occuper mes fonctions de cadre jusqu au 10 avril 2015, date effective de ma décision. Nonobstant ce qui précède, conformément aux conseils de mon Association, la présente constitue un avis de mésentente en vertu de l article 130.1 du Règlement sur certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de services sociaux (décret 1218-96), contestant votre décision du 19 mars 2015. En outre, je conteste également la légalité des modification apportées à mes conditions de travail par l Arrêté ministériel n o 2015 003 du 23 mars 2015, de même que l interprétation et l application des articles 135 et 136 de la Loi modifiant l organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l abolition des agences régionales (Loi 10), qui entrent en vigueur le 1 er avril 2015. (pièce A-9)

PAGE : 3 [5] Je note que les parties m ont demandé de ne pas traiter la dernière partie de cette plainte puisqu elle concerne une question distincte qui sera abordée plus tard, le cas échéant. Elles m ont demandé de conserver juridiction à cet égard. II- PREUVE PERTINENTE [6] La preuve pertinente à la question soumise a ainsi été décrites par les parties dans la liste d admissions qu elles m ont soumise lors de l audience : 1. M. François Berthiaume est entré en fonctions le 10 octobre 2006; 2. Il occupait le poste de chef du Service des ressources informationnelles et télécommunications; 3. Il s agit d un poste de cadre intermédiaire; 4. En tout temps pertinent, les conditions de travail de M. Berthiaume sont régies par le Règlement sur certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de services sociaux (décret 1218-96) (pièce A-1); 5. La politique intitulée «fermeture des dossiers d employés» (pièce A-2) en vigueur chez l employeur prévoit à son article 5.3 qu un employé doit aviser son supérieur immédiat de son départ à la retraite au moins quatre (4) mois avant la date d entrée en vigueur du départ; 6. Par lettre du 11 décembre 2014 (pièce A-3), M. Berthiaume annonce sa retraite, laquelle sera en vigueur à compter du 10 avril 2015; 7. Le 18 décembre 2014, il complète les documents en vue de confirmer sa prise de retraite auprès de la CARRA, maintenant Retraite Québec (pièce A-4); 8. En février 2015, M. Berthiaume apprend que son poste de chef du Service des ressources informationnelles et télécommunications sera aboli en date du 31 mars 2015 par l effet de la Loi modifiant l organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l abolition des agences régionales (projet de loi n o 10) (pièce A-5); 9. En conséquence, par lettre du 27 février 2015 (pièce A- 6), M. Berthiaume choisit l option du départ du secteur et opte pour l indemnité de fin d emploi prévue aux articles 116 et suivants du règlement précité; 10. Par lettre du 19 mars 2015 (pièce A-7), M me Diane Arcand, directrice générale intérimaire, l informe du fait qu étant donné qu il a préalablement annoncé sa prise de retraite, il ne peut pas bénéficier des mesures de stabilité d emploi prévues au règlement;

PAGE : 4 11. Le guide d application du MSSS auquel il est fait référence dans la lettre du 19 mars 2015 (A-7) est produit comme pièce A-8; 12. Par lettre du 27 mars 2015 (pièce A-9), M. Berthiaume transmet un avis de mésentente conformément aux dispositions du règlement précité; 13. En date du 31 mars 2015, le poste de chef du Service des ressources informationnelles et télécommunications de M. Berthiaume est aboli par l effet de l article 189 de la loi précitée; 14. M. Berthiaume a occupé ses fonctions jusqu au 10 avril 2015, date d entrée en vigueur de sa retraite; 15. M. Berthiaume reçoit des prestations de retraite de Retraite Québec depuis le 15 avril 2015 (pièce A-10); 16. Par lettre du 27 avril 2015 (pièce A-11), M. Berthiaume demande à M. Yves Massé, président-directeur général du CISSS Montérégie-Ouest, que sa plainte du 27 mars 2015 soit soumise à l arbitrage et l informe qu il sera représenté par l AGESSS; 17. Par lettre du 22 septembre 2015 (pièce A-12), l AGESSS informe l arbitre Pierre-Georges Roy qu il a été désigné par les parties afin de présider l audition concernant l avis de mésentente de M. Berthiaume; 18. Par lettre du 25 septembre 2015 (pièce A-13), l arbitre Pierre-Georges Roy convoque les parties pour une audience fixée le 21 juin 2016; 19. Les parties conviennent que l objet du présent litige concerne le droit de M. Berthiaume de bénéficier des mesures de stabilité d emploi prévues au règlement précité; 20. Les parties déclarent que l avis de mésentente de M. Berthiaume a été déposé dans les délais prévus au règlement précité et que le tribunal a compétence pour décider du litige les opposant. [7] Les parties m ont également déposé de consentement une liste de pièces utiles à la détermination de la question qui m est soumise. Elles ont été désignées sous les cotes A-1 à A-13. [8] Je crois pertinent de reproduire le texte complet de certaines de ces pièces aux fins d une meilleure compréhension de ma décision. [9] Tout d abord, la lettre de fin d emploi remise à l employeur par François Berthiaume le 11 décembre 2014 est utile pour nos fins. Elle se lit comme suit : Objet : Fin d emploi Madame,

PAGE : 5 Par la présente, je vous informe que je prendrai ma retraite du CSSS Jardins Roussillon et du réseau de la santé et que ma dernière journée de travail sera le 10 avril 2015. Durant plus de 32 ans dans le réseau de la santé dont les huit dernières au CSSS Jardins Roussillon, malgré les tumultes et les réorganisations de toutes sortes, j ai rencontré un grand nombre de personnes qui se donnent corps et âme pour aider les autres. Les dernières années passées sous votre direction ont été particulièrement agréables et j aimerais vous dire merci. Les prochains défis sont de taille pour ceux qui demeurent. De mon côté une nouvelle époque commence. Une grande adaptation sera nécessaire pour tout le monde autant pour ceux qui restent que pour moi qui quittent. (pièce A-3) [10] La lettre émanant de l employeur, en date du 19 mars 2015, doit également être citée. Elle indique ce qui suit : La présente fait suite à votre lettre datée du 27 février 2015 concernant votre choix d option pour le versement d une indemnité de fin d emploi, suite à l abolition de votre poste le 31 mars prochain. Malheureusement, nous devons vous informer, conformément au guide d application transmis par le Ministère de la Santé et des Services sociaux portant sur les mesures de stabilité d emploi pour le personnel cadre à la suite de l adoption de la Loi modifiant l organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l abolition des agences régionales, que les cadres qui ont déjà confirmé leur date de départ à la retraite auprès de la Commission administrative des régimes de retraite et d assurances (CARRA) sont exclus de l application des mesures de stabilité d emploi. En conséquence, vous n aurez pas droit au versement d une indemnité de fin d emploi. (pièce A-7) [11] Finalement, le Guide d application évoqué dans la lettre que je viens de citer mérite d être cité en partie. Il évoque, à titre informatif, ce qui suit concernant certaines exclusions à l application des mesures de stabilité d emploi : 3. Cadres exclus des mesures de stabilité d emploi o les cadres qui n auront pas terminé leur période de probation au 31 mars 2015; o les cadres qui sont déjà en stabilité d emploi. Ils demeurent assujettis aux dispositions antérieures et poursuivent leur choix jusqu à leur terme;

PAGE : 6 o les cadres en préretraite progressive, qui ont déjà conclu une entente avec leur employeur. Cette entente continue de s appliquer; o les cadres qui ont déjà confirmé leur date de départ à la retraite auprès de la Commission administrative des régimes de retraite et d assurances (CARRA), ou qui ont une entente de retraite graduelle. Ces ententes continuent de s appliquer. (pièce A-8) III- LA QUESTION EN LITIGE A- Le sujet de la discussion [12] Les parties ont énoncé de façon différente la question que j ai à trancher dans ce dossier. [13] Elle se résume toutefois à déterminer si, François Berthiaume ayant annoncé, au mois de décembre 2014, sa retraite effective le 10 avril 2015, il pouvait profiter des mesures de stabilité d emploi prévues au chapitre 5 du Règlement dans le contexte de l abolition, en date du 31 mars 2015, de tous les postes de cadres supérieurs et de cadres intermédiaires exerçant des fonctions administratives, et ce conformément à la Loi 10. B- Les textes législatifs et réglementaires pertinents 1- L article 189 de la Loi 10 [14] L article 189 de la Loi 10 est le seul véritablement utile pour nos fins dans cette Loi. Il se lit ainsi : 189. Les postes des hors-cadres, des cadres supérieurs et, lorsqu ils exercent des fonctions administratives, des cadres intermédiaires des établissements fusionnés ou regroupés et les postes de directeur général des établissements non fusionnés sont abolis le 31 mars 2015. La personne qui occupe un tel poste est réputée avoir reçu les avis prévus, selon le cas, aux articles 86, 92 et 94 du Règlement sur certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de services sociaux (chapitre S-4.2, r. 5.1) ou aux articles 92 et 94 du Règlement sur certaines conditions de travail applicables aux hors-cadres des agences et des établissements publics de santé et de services sociaux (chapitre S-4.2, r. 5.2) et les délais prévus par ces articles sont réputés expirés. Le contrat du président-directeur général d une agence prend fin le 31 mars 2015. Il est réputé avoir reçu les avis prévus à ses conditions de travail et les délais prévus sont réputés expirés. Toute personne visée par le présent article dont le poste est aboli n a alors droit à aucune autre indemnité que celles qui sont prévues à ses conditions de travail. Le

PAGE : 7 directeur général d un établissement qui opte pour le maintien de son contrat de travail peut bénéficier de cette mesure pour une période d au plus 12 mois. (mes soulignements) [15] Les délais dont il est question dans ce texte législatif sont ceux qui régissent normalement les abolitions de postes et qui s étendent habituellement sur plusieurs mois afin de permettre aux employés cadres et à leur association de réagir adéquatement à ce type de situation. 2- Les textes réglementaires [16] Les textes pertinents du Règlement se lisent quant à eux comme suit : CHAPITRE 5 MESURES DE STABILITÉ D EMPLOI SECTION 1 DISPOSITIONS GÉNÉRALES D. 1218-96, sec. 1; C.T. 196312, a. 56. 77. Le présent chapitre s applique à un cadre qui a terminé sa période de probation chez un employeur et qui, à la suite d une réorganisation administrative, est transféré chez un autre employeur ou dont le poste est aboli. 77.1. La décision d un employeur de procéder à une réorganisation administrative ne peut pas faire l objet d un recours. ( ) SECTION 6 DÉPART DU SECTEUR 1. Dispositions générales 115. Le cadre qui a choisi le départ du secteur peut opter pour l une des mesures suivantes: 1 une indemnité de fin d emploi; 2 un congé de préretraite et la retraite, s il est âgé d au moins 50 ans. 2. Indemnité de fin d emploi 116. Le cadre qui choisit l indemnité de fin d emploi reçoit une indemnité dont le montant équivaut à 4 mois de salaire par année de service continu, incluant le service à titre de syndiqué ou de syndicable non-syndiqué, chez un ou plusieurs employeurs du secteur public ou parapublic. Toutefois, le minimum de cette indemnité est de 6 mois de salaire et le maximum est de 12 mois de salaire. La base du calcul de cette indemnité est le salaire que le cadre recevait

PAGE : 8 à la date de l abolition de son poste ou de son changement de choix. Le cadre à temps partiel bénéficie de cette indemnité au prorata des heures de travail effectuées au cours des 12 derniers mois précédant la date de l abolition de son poste. Toutefois, l indemnité ne peut être inférieure au salaire versé pour la prestation régulière de travail prévue pour son poste. Dans le cas d un changement de choix, l indemnité de fin d emploi est réduite conformément à l article 102. Malgré l article 3, pour l application du premier alinéa, la notion de secteur parapublic comprend le ministère de la Santé et des Services sociaux, le Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux, le Secrétariat général du secteur de la santé et des services sociaux ainsi que les associations de hors-cadres, de cadres et d établissements du secteur. 117. L indemnité de fin d emploi ne comprend pas les vacances annuelles accumulées ni le remboursement de la caisse de congés maladie du cadre. 118. Lorsqu un cadre choisit l indemnité de fin d emploi, il y a rupture du lien d emploi entre le cadre et son employeur dès la date de l abolition de son poste ou, le cas échéant, de son changement de choix. Le cadre cesse alors de cotiser à son régime de retraite et de bénéficier des régimes d assurance collective. 119. Pour bénéficier d une indemnité de fin d emploi, un cadre doit s engager par écrit à ne pas occuper un poste de cadre, de hors-cadre, de syndiqué ou de syndicable nonsyndiqué dans les secteurs public et parapublic pendant une période 2 fois plus longue que la durée à laquelle correspond l indemnité de fin d emploi reçue et ce, à compter de la date de l abolition de son poste ou de son changement de choix. Un cadre ne peut recevoir une rémunération de la Régie de l assurance maladie du Québec pour une durée 2 fois plus longue à laquelle correspond l indemnité de fin d emploi et ce, à compter de la date de l abolition de son poste ou de son changement de choix. 119.1. Nonobstant l article 119, si un cadre est nommé à plus d un poste de cadre chez un même employeur ou chez des employeurs différents, il peut continuer à occuper ses autres postes tout en bénéficiant de l indemnité de fin d emploi reliée au poste qui fait l objet du départ. Dans ce cas, l indemnité est versée mensuellement par l employeur ou selon les modalités du système de paie à compter de la date de l abolition du poste.

PAGE : 9 Durant la période où le cadre bénéficie de l indemnité, l employeur chez qui le poste a été aboli modifie, sur présentation des pièces justificatives, le montant de l indemnité de fin d emploi si l une des circonstances suivantes survient: le cadre occupe un nouvel emploi dans le secteur public ou parapublic dont le nombre d heures correspond en partie ou en totalité au nombre d heures du poste qui fait l objet de l indemnité; le nombre d heures des autres postes qu il occupait au moment de l abolition de son poste est augmenté. Le montant modifié de l indemnité de fin d emploi est égal à la différence entre le nouveau salaire du cadre et le salaire dont il bénéficiait au moment de l abolition de son poste, et ce, jusqu à concurrence du total de l indemnité ou jusqu à ce que le nouveau salaire ait rejoint ou dépassé celui que le cadre recevait à la date de son départ. Le versement de l indemnité cesse si le cadre refuse une majoration de l horaire habituel de travail de l un des autres postes qu il occupait au moment de l abolition de son poste. 120. L indemnité de fin d emploi est versée selon les formes et la séquence suivantes: 1 une allocation de retraite qui correspond au montant maximum transférable dans un instrument de retraite selon les règles fiscales applicables et tenant compte des journées de maladie qui se qualifient à ce titre, s il y a lieu. Cette allocation est payable au plus tard dans les 30 jours de la date de départ du cadre; 2 une cotisation obligatoire de l employeur au régime de retraite du cadre pour compenser la réduction actuarielle qui lui est applicable lorsqu il est admissible à sa rente de retraite avec une telle réduction. Si cette cotisation de l employeur ne compense pas pleinement la réduction actuarielle, le cadre peut utiliser le montant de l allocation de retraite visé au paragraphe 1 pour la compenser en totalité ou en partie. Cette compensation est valable tant que le régime de retraite y pourvoit; 3 une allocation de retraite additionnelle, totalisant l excédent de l indemnité de fin d emploi à la fois sur l allocation de retraite transférable et sur la cotisation de l employeur, est payable au cadre en 2 versements égaux: le premier dans les 30 jours du départ du cadre et le deuxième, le 15 janvier de l année suivante. Toutefois, l employeur peut convenir avec le cadre de souscrire la totalité de cette allocation de retraite additionnelle au plus tard dans les 30 jours de son départ.

PAGE : 10 121. Le cadre qui a choisi la retraite précédée d un congé de préretraite peut retarder d au plus 12 mois la prise d effet du congé de préretraite. Dans ce cas, l employeur établit avec le cadre un plan d utilisation chez son employeur ou dans un autre organisme. 122. Le cadre qui a choisi un congé de préretraite, avec, le cas échéant, une indemnité de fin d emploi au moment où il prend sa retraite, ne peut pas occuper un autre poste dans les secteurs public et parapublic. S il le fait, le congé de préretraite prend fin. De plus, il s engage par écrit à ne pas occuper un autre poste dans le secteur public et parapublic pendant les 24 mois suivant la date de la prise de sa retraite. Nonobstant ce qui précède, si un cadre occupe plus d un poste de cadre, il peut continuer à occuper ses autres postes tout en bénéficiant d un congé de préretraite dont la durée est établie proportionnellement aux heures normalement travaillées en vertu du poste aboli. Si tel est le cas, les articles 123 à 128 s appliquent compte tenu des adaptations nécessaires. 123. Le congé de préretraite débute à la date de l abolition du poste du cadre, à la date déterminée en application de l article 121 ou à la date de son changement de choix conformément à l article 102 et se termine à la date à laquelle il choisit de prendre sa retraite conformément à son régime de retraite. Le cadre choisit la date de sa retraite et, par conséquent, la durée de son congé de préretraite. 124. Le montant total qui est versé, c est-à-dire la somme du salaire versé pendant son congé de préretraite et du montant versé en indemnité de fin d emploi, au moment où il prend sa retraite, au cadre qui a choisi le départ du secteur, équivaut à 12 mois du salaire qu il avait à la date de l abolition de son poste, redressé le cas échéant. Le cadre à temps partiel bénéficie des mêmes conditions au prorata des heures de travail effectuées au cours des 12 derniers mois précédant la date de l abolition de son poste. Toutefois, le montant versé ne peut être inférieur au salaire versé pour la prestation régulière de travail prévue pour son poste. Pour le cadre qui choisit le congé de préretraite et la retraite, après avoir passé un temps dans la voie du replacement, le montant total versé est réduit conformément à l article 102. L indemnité de fin d emploi prévue au premier alinéa est versée selon les critères et les conditions prévus à l article 120. La combinaison du montant prévu au premier alinéa et de celui qui équivaut au plus au 12 mois de salaire prévu à l article 121 ne peut dépasser l équivalent de 24 mois de

PAGE : 11 salaire du cadre à la date de l abolition de son poste, redressé le cas échéant. ( ) IV- PRÉTENTIONS DES PARTIES A- La position du plaignant [17] La position du plaignant a été présentée de façon claire et concise par Me Brunette. [18] Il a essentiellement expliqué que la Loi 10 prévoit l abolition des postes cadres, dont celui de François Berthiaume, le 31 mars 2015. À cette fin, il y est expressément prévu, à l article 189, que les délais habituels qui précèdent ce type de situation sont réputés être expirés et les avis requis avoir été donnés. [19] À cette date, le poste de François Berthiaume est donc aboli alors qu il est encore en poste et qu il a un statut de cadre intermédiaire visé par la Loi 10. Nonobstant sa décision de prendre sa retraite le 10 avril 2015, il peut profiter des modalités de cette Loi puisqu elle a préséance sur la Loi sur la santé et les services sociaux et la règlementation qui en découle, tel que le stipule son article 2. [20] Considérant qu il a fait part à l employeur de son choix de quitter son poste en date du 31 mars 2015 en contrepartie du versement d une indemnité de fin d emploi dans les délais requis, la Loi 10 doit trouver application et il doit pouvoir profiter des mesures de stabilité d emploi qu elle prévoit. Il s agit en quelque sorte, selon Me Brunette, d une créance au sens du Code civil du Québec, acquise par François Berthiaume le 31 mars 2015, et qu il peut opposer à l employeur afin de lui réclamer une indemnité de fin d emploi. [21] Il cite à cet égard deux décisions de jurisprudence. Dans la première, rendue par l arbitre Me Maureen Flynn, il est décidé que des salariés en période de préretraite sont régis par la convention collective conclue après leur décision de prendre une retraite graduelle et qu ils doivent se conformer aux nouvelles règles qui y sont exprimées. Il explique que, de la même façon, cela veut dire que François Berthiaume est régi par les règles mises en place par la Loi 10 bien qu il ait déjà annoncé sa retraite au moment de son adoption (Syndicat des employés de l Université du Québec à Montréal (SEUQAM) et UQAM, 10 novembre 2015). [22] Il cite également une décision de la Cour du Québec qui énonce que l obligation de l employeur de verser une indemnité de départ, dans ce cas celle prévue dans la Loi sur les normes du travail (L.R.Q., c. N-1.1), peut parfois paraître excessive, mais que le tribunal doit faire droit à la demande lorsque cette règle trouve son fondement dans une loi d ordre public (Choquette c. Grani-Calcaire inc., 15 avril 2014). [23] Me Brunette souligne finalement que l opinion émise dans le Guide d application cité par l employeur (pièce A-8) ne trouve appui sur aucun élément de la Loi 10 ou du Règlement et que rien dans ces textes législatifs et réglementaires n empêche un employé cadre de prendre sa retraite et de profiter

PAGE : 12 également d une indemnité de fin d emploi. Il réfère de façon particulière à cet égard aux situations visées par l article 124 du Règlement. B- La position de l employeur [24] L employeur a également exprimé son point de vue de façon nette et concise. [25] Me Pedneault exprime essentiellement l opinion que la décision de François Berthiaume de prendre sa retraite, exprimée le 11 décembre 2014 (pièce A-3), correspond à une démission et qu une telle décision, prise de façon libre et éclairée, comporte des conséquences juridiques incontournables. [26] Il explique de façon particulière qu une décision de prendre sa retraite ne peut en aucun temps être remise en question par le salarié, sauf avec le consentement de son employeur. [27] Me Pedneault a cité, à l égard de ces deux éléments de son argumentation, plusieurs décisions arbitrales : Syndicat de l enseignement de l Estrie et Fontaine (28 mars 2012, Me Lyse Tousignant); Dumont et CRT (18 décembre 2007, Cour supérieure); Syndicat des professionnels en soins infirmiers et cardiorespiratoires de l Hôpital Ste-Justine (CSN) c. Barrette (21 novembre 2012, Cour supérieure); Syndicat des travailleuses et travailleurs en réadaptation de la Montérégie Ouest (CSN) et CISSS de la Montérégie-Ouest (13 mai 2016, Me Pierre Laplante); Université de Sherbrooke et Syndicat des employées et employés de soutien de l Université de Sherbrooke, SCFP, section locale 7498 (25 octobre 2010, Me Serge Brault); Vidlak et Conseil du Trésor (6 octobre 2014, Margaret T. A. Shannon). [28] Il ajoute à cet effet que le droit à l indemnité de fin d emploi ou au replacement dans un autre poste implique d avoir accès aux mesures de stabilité d emploi, ce qui ne couvre manifestement pas celui qui a déjà fait un choix qui l en exclut en donnant sa démission. [29] De façon particulière, dans le cas de François Berthiaume, cela veut dire que sa décision de prendre sa retraite ayant été annoncée avant le 31 mars 2015, et son dossier ayant été dûment traité par la CARRA, il ne peut profiter des mesures de stabilité d emploi évoquées dans le Règlement puisqu elles ont comme but de protéger les conditions de travail des employés cadres dont le lien d emploi est incertain à cette date. De telles règles ne peuvent donc, sans être perverties, être appliquées à une personne qui a déjà pris la décision de quitter son emploi comme l a fait M. Berthiaume. [30] Cette réalité juridique incontournable explique selon Me Pedneault que la Loi 10 ne prévoit pas de façon particulière ce qu il en est de ce type de situation.

PAGE : 13 V- MOTIFS ET DÉCISION [31] Après avoir considéré avec attention les arguments des parties, je crois que la position mise de l avant par l employeur doit prévaloir. Je m explique. [32] Je suis d avis que la question qui m est soumise doit être résolue par l application des principes généraux d interprétation juridique. De fait, je crois qu en l espèce, c est l objectif visé par la section pertinente du Règlement qui permet de déterminer les droits qui sont conférés à François Berthiaume. [33] Dans ce contexte, il faut rappeler les impératifs qui sous-tendent à la fois la Loi 10 et le Règlement auquel elle réfère. La Loi 10 impose une restructuration générale de la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux qui passe en particulier par un remaniement des effectifs cadres des établissements en cause. L article 189 détermine notamment qu il y a abolition, en date du 31 mars 2015, de toutes les fonctions de cadres intermédiaires exerçant des fonctions administratives. Il réfère aux règles applicables à cet égard dans le Règlement en précisant que tous les délais et avis qui y sont contenus sont réputés avoir été accomplis. [34] L article 189 précise ensuite que tout employé cadre concerné par l application de ce texte n a droit qu aux indemnités prévues à ses conditions de travail, donc, en l espèce, celles énoncées au Règlement. [35] Le Règlement, quant à lui, s intéresse effectivement aux situations de réorganisation du travail. L article 93 prévoit qu en temps normal il doit y avoir consultation par l employeur auprès de l Association qui représente les employés cadres afin de discuter: ( ) sur les mesures à prendre pour procéder au réajustement de ses effectifs comme l adaptation, le recyclage, la promotion, la mutation, la rétrogradation, la réorientation professionnelle, la substitution d un cadre visé par l opération par un cadre non visé par l opération, chez le même employeur ou chez un autre employeur et le départ du secteur. ( ) [36] L article 94 du même Règlement explique ce qu il advient si le replacement n est pas possible dans ce contexte. Il énonce ce qui suit : 94. Si le cadre ne peut être replacé pendant cette période, l employeur l avise par écrit de l abolition de son poste. Cet avis est communiqué au cadre au moins 30 jours avant la date de l abolition de son poste. Une copie de cet avis est transmise à l agence et à l association de cadres concernée, le cas échéant. Sur réception de cet avis, le cadre choisit par écrit, avant la date de l abolition de son poste, l une des 2 options suivantes: 1 le replacement dans le secteur tel que prévu à la section 5 du présent chapitre;

PAGE : 14 2 le départ du secteur tel que prévu à la section 6 du présent chapitre. Le choix du cadre prend effet à compter de la date de l abolition de son poste. Le cadre qui n a pas transmis son choix à l employeur à la date de l abolition de son poste est réputé avoir choisi le replacement dans le secteur. L employeur transmet à l agence concernée le choix du cadre pris conformément aux deuxième et quatrième alinéas. Le choix du cadre invalide, en congé parental, en congé sans solde ou en congé à traitement différé s effectue et prend effet à la date de l expiration de la période d invalidité ou du congé. Le cadre dont le poste est aboli pendant une période d invalidité continue de bénéficier de son assurance-salaire tant qu il est invalide. La période cumulative pendant laquelle un cadre bénéficie des mesures de stabilité d emploi visées au deuxième alinéa ne peut excéder 36 mois. [37] C est alors que l article 115 du Règlement, déjà cité, prévoit que celui qui a choisi le départ du secteur peut bénéficier d une indemnité de fin d emploi ou, s il y est admissible, d un congé de préretraite et de la retraite. [38] Or, il m apparaît clair qu en toutes circonstances, ces modalités administratives ne s appliquent qu aux employés cadres qui sont unis à l employeur par un lien d emploi sans conditions. Elles sont en effet mises en place afin de permettre à l employé dont le lien d emploi est remis en question par l employeur, sans qu il ait manifesté quelque intention de quitter son travail, de profiter d une certaine sécurité d emploi ou d une compensation financière s il choisit de renoncer à son emploi. [39] Je ne vois pas comment ces règles peuvent recevoir application dans le cas d un salarié qui a déjà choisi de fixer les paramètres de la terminaison de son lien d emploi. Il ne peut, alors, être considéré avoir besoin de mesures de stabilité du travail puisqu il a de lui-même renoncé à ce lien d emploi. C est ce que Me Pedneault a souligné être l effet de la démission de François Berthiaume suite à la décision de prendre sa retraite à compter du 10 avril 2015. [40] Cette approche, qui fait appel au principe de l interprétation téléologique, est pour moi incontournable en l espèce. Bien que je comprenne que François Berthiaume était encore en poste chez l employeur le 31 mars 2015, je dois constater qu il y était sous condition suspensive puisque sa retraite devait survenir, sans possibilité d atermoiements, le 10 avril 2015. Il est donc clair qu il n avait pas besoin d une quelconque mesure de stabilité d emploi dans ce contexte et que, n ayant pas à considérer s il désirait ou non un replacement dans le réseau des affaires sociales en raison de son départ imminent, il ne pouvait avoir l occasion d opter pour le versement d une indemnité de fin d emploi.

PAGE : 15 [41] En fait, dans le cas de François Berthiaume, l absence de possibilité d un replacement en raison de la décision déjà annoncée de prendre sa retraite entraîne la négation du droit au versement d une indemnité de fin d emploi. [42] Cette interprétation ne va par ailleurs pas à l encontre des autorités jurisprudentielles citées par Me Brunette. De fait, dans la décision UQAM, précitée, Me Flynn a essentiellement déterminé que les employés engagés dans un processus de retraite graduelle mais encore liés à l employeur devaient être régis par les conditions de travail définies dans la nouvelle convention collective, même si elles étaient moins avantageuses. Il s agit là de l application du principe énoncé par la Cour suprême du Canada dans l arrêt Dayco Canada Ltée c. TCA Canada ([1993] 2 R.C.S. 230), selon lequel deux conventions collectives ne peuvent cohabiter à l égard d un groupe de salariés. Seuls les salariés ayant effectivement pris leur retraite en vertu d une convention collective donnée peuvent profiter de droits découlant de celle-ci, même si elle est périmée. Je ne vois pas là un principe qui soit exportable au cas de François Berthiaume. [43] Quant au jugement dans l affaire Grani-Calcaire inc., précitée, je ne vois pas non plus l analogie proposée par le procureur de M. Berthiaume. Je comprends bien que la Cour du Québec ait pu décider que l employeur est tenu de payer le préavis prévu par la Loi sur les normes du travail, précitée, s il choisit de congédier un employé pendant le préavis de démission donné par celui-ci. Cela découle en effet de la décision de l employeur de mettre fin à l emploi du salarié pendant cette période sans lui laisser le loisir d en profiter. Je ne crois toutefois pas que cela veuille dire que la Loi 10 doive permettre à François Berthiaume de profiter des règles de replacement prévues dans le Règlement parce qu elle détermine l abolition de son poste avant la date effective de sa retraite. Je suis plutôt d avis que, tout au plus, malgré l adoption de la Loi 10, M. Berthiaume avait le droit de recevoir son salaire jusqu au 10 avril 2015, ce qui fut le cas selon ma compréhension du dossier. La décision Grani-Calcaire inc ne lui est donc selon moi d aucun secours. [44] Je note par ailleurs que la question ne tient pas à l impossibilité pour un employé de bénéficier à la fois de la retraite et d une indemnité de fin d emploi. À cet égard, Me Brunette a raison de souligner que l article 124 du Règlement prévoit une telle avenue. Toutefois, le texte des articles 121 à 124 de ce Règlement précise bien que cette hypothèse existe dans le cas où le cadre décide de prendre sa retraite en raison des changements organisationnels annoncés par l employeur. Il ne s agit pas ici de telles circonstances. [45] La situation de François Berthiaume est en effet bien différente. On pourrait dire que sa décision de prendre sa retraite le 11 décembre 2014 a déclenché une séquence d évènements qui ne peut être affectée par quelque modification législative que ce soit. Il a choisi à ce moment de prendre sa retraite en date du 10 avril 2015 et c est ce qui devait advenir, peu importe les changements structurels déterminés par le gouvernement. Cela l empêche de bénéficier de l indemnité de fin d emploi qui aurait pu autrement lui être offerte.

PAGE : 16 [46] Finalement, la décision de l arbitre Margaret T. A. Shannon, citée par Me Pedneault, bien que rendue dans un contexte factuel qui n est pas le nôtre, n est pas sans rappeler ce type de raisonnement. Dans ce cas, l employé avait annoncé sa retraite à une date précise. Avant cette date, il avait commencé une absence maladie longue durée. L employeur a refusé sa demande de prolonger sa période d arrêt de travail et d ainsi reporter la date de sa retraite. L arbitre Shannon écrit ce qui suit à cet égard : Une retraite constitue une démission volontaire de la fonction publique qui est régie par la LEFP ( ). Le fonctionnaire a présenté, par courriel, son avis indiquant qu il prendrait sa retraite le 19 juillet 2012, ce qui a été accepté par la gestionnaire disposant du pouvoir délégué. Les autres mesures prises par le fonctionnaire permettent de confirmer son intention de prendre sa retraire à cette date. Aucun élément de preuve n a démontré que le fonctionnaire avait demandé que le sous-ministre adjoint reporte cette date; même s il l avait fait, le sous-ministre avait plein pouvoir de refuser. De même, il n existe aucun élément de preuve démontrant que le sous-ministre adjoint ait accepté de reporter la date de retraite du fonctionnaire jusqu à ce qu il ait épuisé ses congés de maladie ou qu un certificat indique qu il soit apte à reprendre le travail. Je conclus qu à partir du 19 juillet 2012, le fonctionnaire n était plus au service de la fonction publique. Par conséquent, il ne répondait pas au troisième critère requis pour être admissible au congé de maladie prévu à la clause 39.02 de la convention collective. En l absence de l obligation de l employeur de reporter la retraite du fonctionnaire jusqu à la fin de son congé de maladie, dont l existence n a pas été établie par le fonctionnaire, il n y a aucune violation de la convention collective. (paragraphe 37) [47] Je comprends très bien la frustration que peut représenter pour François Berthiaume la perte de la possibilité de bénéficier d une indemnité de fin d emploi substantielle en raison de sa décision de prendre sa retraite quelques mois trop tôt. Mais je ne peux pour ce motif décider de trancher en équité afin de lui octroyer le droit qu il réclame.

PAGE : 17 VI- CONCLUSIONS [48] Considérant la preuve présentée, l argumentation des parties et la jurisprudence déposée et après avoir sur le tout délibéré : - JE REJETTE la plainte de François Berthiaume; - CONFORMÉMENT à l article 130.24 du Règlement, les frais d arbitrage sont à la charge du plaignant; - JE CONSERVE juridiction à l égard de la partie de la plainte de François Berthiaume qui concerne l Arrêté ministériel n o 2015 003, tel que me l ont demandé les parties. Pour le syndicat : Me Jean-Philippe Brunette Pour l employeur : Me Jean-François Pedneault