Note méthodologique sur les produits issus de la recherche Distinctions terminologiques entre les notions de «résultats», d «extrants» et de «retombées». Ce document a été réalisé par Mme Geneviève Petitpierre, Professeure de Pédagogie spécialisée (Département de pédagogie spécialisée, Université de Fribourg, Suisse). Il illustre l'articulation entre trois types de produits issus de la recherche : les résultats, les extrants (ou livrables) et les retombées. L'intérêt particulier de ce document réside dans l'explication sémantique de chacun de ces termes, en mettant en lumière le rôle central que jouent les extrants (livrables) dans le transfert entre les connaissances produites par les résultats de la recherche et les retombées véritables sur le «terrain». Il positionne clairement ces extrants (livrables) comme une étape indispensable à la recherche appliquée. En s adressant directement aux personnes handicapées, aux familles, aux professionnels qui les accompagnent et aux décideurs politiques, ils deviennent des outils concrets et opérationnels au service de la qualité de vie et la participation sociale des personnes handicapées. Il est utile de distinguer, à l issue d un travail de recherche, trois types de «produits» (Figure 1), à savoir les résultats, les extrants (livrables) et les retombées. Ces produits s articulent de façon successive. Résultats Extrants Retombées Figure 1. Distinction entre trois types de produits issus de la recherche On peut définir les résultats comme «les constats ou connaissances nouvelles générées par la recherche». Le RRSPQ (Réseau de recherche en santé des populations du Québec) les définit aussi comme «le produit de la démarche scientifique suivie par les chercheurs pour tenter d atteindre leurs objectifs» (2008, p.3). Les résultats découlant d une recherche sont rarement communicables en l état car ils se présentent sous une forme brute. Un travail de synthèse et d adaptation est nécessaire pour les rendre utiles et/ou utilisables. Exemple : Dans une recherche conduite entre 2011 et 2014 sur le contenu des projets personnalisés rédigés pour les personnes ayant un polyhandicap (Petitpierre & Gyger, 2013), nous avons notamment observé que le nombre d objectifs présents est statistiquement plus faible dans les projets rédigés à l intention des adultes en comparaison de ceux rédigés à l intention des adolescents. Qu espérer de ce résultat? A vrai dire rien ou du moins aucune retombée spontanée. En effet, la valeur d usage d un résultat comme celui-ci exige de mener encore un travail de mise en perspective (interprétation, mise en sens), de communication, voire aussi d aménagements concrets.
On qualifie d extrants, de productions ou de livrables, les produits issus des activités de transfert et de partage des connaissances (RRSPQ, 2008). Les extrants sont de diverses natures (Godin, 2013) et se présentent sous des formes ayant une valeur d usage plus ou moins forte pour le terrain. Ils servent à produire les retombées (RRSPQ, 2008). Exemple (suite) : Les résultats obtenus suite à la recherche mentionnée dans l exemple précédent ont d abord été débattus et analysés. Plusieurs interprétations ont été proposées pour expliquer l écart entre le nombre d objectifs présents dans les projets personnalisés des personnes adultes vs dans ceux des adolescents. Les explications étaient les suivantes : Explication 1 : Les résultats obtenus ne sont pas le reflet fidèle du contenu des prestations réelles. Certaines prestations proposées dans la réalité ne figurent pas explicitement dans le projet personnalisé. La variation du nombre d objectifs constatée dépend de l importance variable accordée à l écrit professionnel selon les contextes (scolaire vs socio-éducatif). Explication 2 : Les résultats obtenus sont le reflet fidèle du contenu des prestations d accompagnement. Il y a lieu de s inquiéter et de chercher à comprendre et à agir sur les causes éventuelles du faible nombre d objectifs dans les projets des personnes adultes. En effet, il est nécessaire de veiller à ce que la couverture de l'ensemble des besoins reste assurée pour toutes et tous à tous les âges de la vie. Au fil des discussions et des échanges et suite à l analyse de la littérature, nous en sommes arrivés à la conclusion que la deuxième hypothèse ne pouvait pas être exclue. Dans les faits, le passage à l âge adulte représente souvent encore une cassure pour les personnes concernées et leur entourage. Ce dernier exprime un rétrécissement de perspectives dans les politiques sociales et les ressources à disposition des terrains (Mansell, 2010). Suite à cette réflexion, un travail a été entrepris avec les équipes des établissements partenaires. Il a donné lieu, entre autres, à la création d un inventaire d objectifs socioéducatifs destinés à faciliter la rédaction des projets personnalisés à l intention des personnes adultes avec un polyhandicap. La recherche a également donné lieu à d autres formes d extrants : Extrants/productions technologiques : mise en ligne de deux livres numériques interactifs portant sur des domaines de fonctionnement de la personne polyhandicapée jusqu alors peu documentés ; publication des résultats dans un revue professionnelle ; présentation orale des résultats sur le terrain destinée à attirer l attention sur l importance du projet personnalisé pour guider l action professionnelle Extrants/produits scientifiques : trois conférences dans des congrès scientifiques Sont encore agendés : un article dans une revue à comité de lecture ; une journée de formation à l intention des professionnels Voir Annexe 1
La notion de retombées (que l on peut aussi qualifier d impacts) renvoie aux «effets prévus ou imprévus, pouvant résulter directement ou indirectement de la production de nouvelles connaissances par des chercheurs et leur diffusion» (Berthelette et al., 2008, p. 3). Les retombées sur le terrain peuvent être appréhendées en tentant de répondre à la question suivante: L étude a-t-elle produit un aménagement des pratiques ou des adaptations du dispositif? Cet aménagement a-t-il été repris ailleurs ou suscité un intérêt et des consultations de la part d autres acteurs du secteur et/ou de la région? Godin rappelle que les retombées restent souvent le «point aveugle» de la recherche, dans la mesure où elles sont souvent difficilement mesurables directement ou que leur mesure se limite à des critères quantitatifs. Exemple : Dans la recherche précédemment mentionnée, les retombées des produits et des connaissances générées ne sont pas encore connues. Répliquer la recherche initiale représenterait un bon moyen de vérifier l effet de l introduction du matériel créé sur les pratiques. Voir Annexe 2
Inventaire d extrants ANNEXE 1 - Inventaire d extrants ou livrables (adapté d après Berthelette et al., 2008 ; Institut de recherche en santé du Canada, 2014 1 ). des publications dans des revues scientifiques ; des publications dans des revues professionnelles ; des publications grand public ; des présentations à des congrès scientifiques ; des cours académiques ; des activités de formation ; des séances d'information ; la création d'outils/supports/matériaux à destination des terrains; o guides, canevas (de discussion), brochures o procédures o programmes éducatifs validés o programmes de politique publique validés o questionnaires standardisés o trames d entretiens o etc. des recommandations pour les décideurs politiques la répercussion des résultats de recherche par les médias. ect 1 http://www.cihr-irsc.gc.ca/f/39033.html#dissemination
Annexe 2 - Inventaire de retombées pour le terrain Source : Berthelette et al., 2008, pp. 17-19
Annexe 3 - Références bibliographiques Berthelette, D., Bilodeau, H., Chagnon, F., Desnoyers, L., Lafond, J., Lévesque, G., Saint-Charles, J. (2008). Rapport du groupe de travail sur les retombées de la recherche sur la santé. Institut Santé et Société, Université du Québec à Montréal. Montréal. Récupéré de https://iss.uqam.ca/upload/files/retombeesiss.pdf (en juin 2014). Godin, B. (2013). Mesurer la science : une histoire à raconter. In O. Glassey (Ed.). La valeur d usage de la science (pp. 19-36). Paris : Editions des archives contemporaines. Réseau de recherche en santé des populations du Québec RSPQ. (2008). Repenser l appréciation des retombées de la recherche. Carnet synthèse, 6. Récupéré de http://www.santepop.qc.ca/fichier.php/376/carnetsynthese6_fr_vf.pdf (en décembre 2013) Petitpierre, G. & Gyger, J. (2013). Quelles priorités dans l'accompagnement des personnes polyhandicapées adultes? Analyse du contenu des projets personnalisés. Revue suisse de Pédagogie spécialisée, 3, 6-14. Petitpierre, G. & Gyger, J. (2014). Mallette socio-pédagogique pour l accompagnement des personnes adultes avec un polyhandicap ou une déficience intellectuelle sévère. Lausanne, Fribourg et Genève : Fondation Eben-Hézer & Université de Fribourg et Genève. Pour se procurer la brochure : commande@eben-hezer.ch