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Transcription:

La culture numérique La culture numérique est un point essentiel. Ce sont les femmes et les hommes qui vont bâtir l entreprise numérique. La culture numérique, c est avant tout une nouvelle culture d entreprise. On imagine mal nos entreprises embrasser le numérique avec des organisations très traditionnelles, très hiérarchisées, avec des structures lourdes. Le facteur humain fera la différence Pour cette culture numérique, les systèmes d information sont un facteur de cohérence et de diffusion. En tant que construction sociale de l entreprise, la culture influence les individus et leur niveau de performance et d innovation. On voit d ailleurs que les organisations dotées d une culture d entreprise sont relativement plus performantes que les autres, notamment dans le domaine numérique. 104

L entreprise organique plutôt que hiérarchique Nous avons devant nous, en termes de modes de fonctionnement, un potentiel extraordinaire avec le développement facilité de l autonomie au niveau des acteurs de l entreprise, et ce souhait de fonctionner plus en entreprise organique qu en entreprise hiérarchique. Les conclusions de l ouvrage «Cyberstructures» publié en 2010 indiquent la voie en parlant de «bio-systèmes». Qu est ce qui caractérise ce fonctionnement organique? Trois éléments sont fondamentaux. D abord, le fait que les groupes décident de leurs propres règles de fonctionnement. On le voit par exemple avec les communautés d experts, qui fonctionnent sur ce principe. Elles constituent de nouvelles entités organisationnelles moins formelles, plus souples en termes de règles et de rôles, donc beaucoup moins circonscrites structurellement que les entités comprises dans la pyramide traditionnelle des organisations. Deuxième élément : les réseaux collaboratifs se font et se défont selon les besoins de l entreprise. C est le principe d agilité qui prévaut, avec des alliances nouées et dénouées en fonction des opportunités de marché ou de temps de gestion d un projet. 105

Enfin, l entreprise organique valorise les compétences et l expertise, alors que l entreprise hiérarchique privilégie la place dans l organisation et le statut. Selon une étude BVA sur les «Digitals Natives» : «dans son environnement professionnel, le digital native respecte la compétence, mais pas l autorité liée à la hiérarchie ou à l âge et n a que faire des dimensions statutaires ( ). Dans ce contexte, les promesses d évolution de carrière sont considérées avec beaucoup de détachement, à la fois en regard des incertitudes qui pèsent sur l environnement économique, mais aussi en conséquence d une perte de confiance dans l entreprise, phénomène qui n est pas propre à cette génération, mais à une époque. Dans l entreprise, cette génération Y perçoit de manière très détachée les multiples exigences de reporting, les cadres horaires trop rigides et les processus décisionnels peu transparents. La génération numérique attache plutôt une importance au travail comme lien social, relié à un fort sentiment d appartenance, un respect de l individu et une valorisation des capacités individuelles». Le management par le sens et les valeurs La complexité des organisations nécessite de nouveaux modèles d organisation et de nouveaux leaders, surtout en période de crise et face à une surproduction d informations, à une exigence de performance, à tous les niveaux. 106

Les structures hiérarchiques pilotées par le sommet ne sont plus en mesure de définir et d'exécuter une stratégie réussie dans le contexte économique d'aujourd'hui, mondial, diversifié et multiple, notamment en nombre d'environnements culturels et de valeurs. Une voie possible est le développement d'organisations ouvertes qui permettent à des équipes autonomes de réussir en partageant un système de valeurs spécifiques. Ces entreprises ouvertes sont bâties sur une bonne compréhension et maîtrise de nouvelles pratiques sociales, développées avec l'usage des nouvelles technologies de l'information. Les savoir-faire et savoir-être de l entreprise numérique On se rend bien compte que l entreprise de demain va être très différente. Pour évoquer ici un auteur du monde de l Open Source, Eric Raymond : ce ne sera pas une cathédrale, ce sera probablement un ensemble de bazars. Cette organisation va faire appel à un leadership différent, nouveau, beaucoup plus axé sur le sens et les valeurs que sur la déclinaison d ordres qui vont cascader, qui vont être exécutés à tous les niveaux de l entreprise. Cela suppose un intense et permanent partage des informations et des connaissances. 107

L écoute, l incitation à contribuer, l autonomie, sont les pivots de l entreprise numérique. Les entreprises qui ont développé les technologies du Web 2.0 l ont bien compris. L intégration des cultures numériques régionales Les technologies numériques ne nivellent pas les cultures ni les usages. On peut d ailleurs s en réjouir, une telle uniformisation irait à l encontre de ses objectifs. Car le numérique se nourrit des spécificités des cultures des individus et des entreprises et s enrichit de la diversité des usages. Les technologies numériques sont toutefois universelles et acquièrent une dimension internationale, même si elles demeurent toujours modelées par des valeurs éthiques et sociales, des normes de comportement et des connaissances propres à chaque pays et zones géographiques. Les flux de transactions de connaissances s entrecroisent, l innovation devient ouverte. Comme le commerce des produits et services est en train de basculer d un modèle centré sur le fournisseur vers un modèle centré sur l utilisateur, les réseaux omniprésents (possibilité de connecter chaque personne et chaque objet) vont transformer la société en la faisant passer d un modèle homogène à un modèle hétérogène. On peut également prévoir l apparition d approches et de services plus créatifs, ainsi que de nouveaux systèmes et de nouvelles valeurs sociales. 108

L entreprise doit comprendre et maîtriser ces éléments. C est essentiel à la fois pour la performance de ses propres ressources, notamment humaines, mais également pour soutenir la diffusion de ses produits et services. Cet enjeu est d autant plus crucial car la gestion des aspects multiculturels et le partage des connaissances au sein des organisations et des réseaux demandent des efforts spécifiques. L échange de différents types de connaissance entre individus, organisations, domaines ou milieux est en effet un processus extrêmement complexe. L impact des nouvelles technologies de communication n est pas dépourvu d ambiguïté : ce qui est technologiquement possible n est pas nécessairement socialement acceptable dans certains pays. L entreprise numérique doit contribuer à réduire ce fossé. Dans leur ouvrage «Plaidoyer pour l entreprise», Bertrand Collomb et Michel Drancourt montrent que l'entreprise française est en général plus ouverte sur les autres cultures : cette ouverture constitue un levier essentiel pour l entreprise numérique. Faire de la culture managériale française un atout Les cultures d entreprise et les cultures managériales ne seront jamais uniformes. On observe des différences régionales relativement marquées dans la façon d exercer les métiers et de manager des organisations. 109

La culture anglo-saxonne, dans un environnement très concurrentiel, privilégie le travail en équipe, valorise davantage la performance et les compétences que le diplôme. La culture anglo-saxonne est plutôt basée sur l'interaction, la contractualisation et la codification des relations. Le leadership, organisé sur un mode top-down y est peu contesté, la communication est explicite et largement diffusée, avec une formalisation de la prise de décision et une délégation de responsabilités. Dans la culture asiatique, c est la hiérarchie qui prévaut. D où un mode de management relativement autoritaire, peu de contestation des décisions, ainsi qu une importance particulière accordée aux plus âgés et à ceux qui ont des positions hiérarchiques et sociales élevées. La culture managériale française, pour sa part, autorise l implicite, accorde une importance particulière au diplôme et laisse une relative autonomie aux individus. Les spécificités de la culture managériale française peuvent constituer un atout pour l entreprise numérique. La qualité reconnue de nos écoles d ingénieurs favorise l expertise de haut niveau et la créativité, en témoigne le succès mondial de l industrie française des jeux vidéo. De même, la qualité de nos écoles de commerce a été plébiscitée dans le dernier classement 2010 du quotidien économique Financial Times : cinq écoles françaises font partie du Top 10 mondial pour les formations en 110

management. Nos universités forment des chercheurs qui figurent parmi les meilleurs au monde. Le prestigieux Prix Turing, l équivalent du prix Nobel pour l informatique, a été décerné en 2007 à Joseph Sifakis, directeur de recherches au CNRS et fondateur du laboratoire Verimag, l un des premiers laboratoires de recherche dans le domaine des systèmes embarqués critiques. Plus récemment, ce sont deux jeunes mathématiciens français qui ont reçu la non moins prestigieuse Médaille Fields : Ngô Bao Châu, professeur au laboratoire d Orsay, et Cédric Villani, Directeur de l'institut Henri Poincaré à Paris. Créativité, expertise, qualité du management : ces éléments sont fondamentaux pour l entreprise numérique. On ne peut en effet imaginer que l entreprise numérique naisse, vive et se transforme selon des schémas organisationnels trop rigides, dans lesquels la collaboration entre les individus, élément fondamental de l entreprise numérique, se sclérose dans des processus décisionnels imposés par le haut. On ne peut également imaginer que la qualité de l expertise, la profondeur des connaissances et la pertinence des savoirs qui font la force des entreprises françaises, ne constituent pas des éléments réellement différenciateurs sur le marché mondial. 111