Prévention du cancer colorectal

Documents pareils
Dépistage du cancer colorectal :

Informations sur le cancer de l intestin

Programme de dépistage du cancer colorectal : quelles recommandations pour quelle efficacité? Tour d'horizon de pays occidentaux.

PLACE DE L IRM DANS LE BILAN D EXTENSION DU CANCER DU RECTUM. Professeur Paul LEGMANN Radiologie A - Cochin Paris

Faut-il encore modifier nos pratiques en 2013?

Validation clinique des marqueurs prédictifs le point de vue du méthodologiste. Michel Cucherat UMR CNRS Lyon

Pierre OLIVIER - Médecine Nucléaire

HEL de Des maladies dépistées grâce aux examens préventifs

Virus de l hépatite B

INFORMATIONS AU PATIENT SUR LA COLOSCOPIE

Essais cliniques de phase 0 : état de la littérature

Rapport sur les nouveaux médicaments brevetés Iressa

Méthodes de recherche de sang occulte dans les selles

Revue de la littérature

INTERFERON Traitement adjuvant du mélanome à haut risque de récidive. Dr Ingrid KUPFER-BESSAGUET Dermatologue CH de quimper

Essai Inter-groupe : FFCD UNICANCER FRENCH - GERCOR

Le dépistage des cancers

L obésité et le diabète de type 2 en France : un défi pour la prochaine décennie. DANIEL RIGAUD CHU de Dijon

Essais précoces non comparatifs : principes et calcul du nombre de sujets nécessaire

M Cancer du colon et du rectum. Coordination : Pr Hahnloser

LES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS

INFORMATION À DESTINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ LE DON DU VIVANT

Cas clinique 2. Florence JOLY, Caen François IBORRA, Montpellier

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Effets sur la pression artérielle rielle des traitements non-médicamenteux

La recherche clinique au cœur du progrès thérapeutique

Programme AcSé. Accès Sécurisé aux Innovations Thérapeutiques Deux études pilotes : AcSé - crizotinib et AcSé - vémurafenib

Ischémie myocardique silencieuse (IMS) et Diabète.

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

ALK et cancers broncho-pulmonaires. Laurence Bigay-Gamé Unité d oncologie thoracique Hôpital Larrey, Toulouse

Les renseignements suivants sont destinés uniquement aux personnes qui ont reçu un diagnostic de cancer

1

Traitement médical de l incontinence SIFUD PP FMC

Y a-t-il une place pour un vaccin thérapeutique contre l hépatite B? H. Fontaine, Unité d Hépatologie Médicale, Hôpital Cochin

Diagnostic des Hépatites virales B et C. P. Trimoulet Laboratoire de Virologie, CHU de Bordeaux

NAVELBINE voie orale

Innovations thérapeutiques en transplantation

Artéfact en queue de comète à l échographie hépatique: un signe de maladie des voies biliaires intra-hépatiques

Comprendre la COLITE ULCÉREUSE

Les tests thyroïdiens

Le dépistage du cancer de la prostate. une décision qui VOUS appartient!

Quels sont les facteurs qui font augmenter les risques de cancer du rein?

Christian TREPO, MD, PhD

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

Infestation par Dipylidium caninum,

Janvier 2003 PLACE DE L ENDOSCOPIE DANS LES COLITES MICROSCOPIQUES RECOMMANDATIONS DE LA

Migraine et Abus de Médicaments

Place de l interféron dans le traitement de l hépatite B chez le patient co-infecté VIH

Montréal, 24 mars David Levine Président et chef de la direction DL Strategic Consulting. DL Consulting Strategies in Healthcare

Ordonnance du DFI sur les prestations dans l assurance obligatoire des soins en cas de maladie

I. Une nouvelle loi anti-discrimination

Traitement des hépatites virales B et C

Cancer bronchique primitif: données épidémiologiques récentes

Les soins infirmiers en oncologie : une carrière faite pour vous! Nom de la Présentatrice et section de l'acio

Traitement des calculs urinaires par fragmentation (Lithotripsie par ondes de choc extracorporelle)

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Anémie et maladie rénale chronique. Phases 1-4

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Traitements néoadjuvants des cancers du rectum. Pr. G. Portier CHU Purpan - Toulouse

Pour l'instant, les connaissances actuelles ne permettent pas d'empêcher un cancer du sein de survenir.

PRINCIPE ET FONCTIONNEMENT DES DÉFIBRILLATEURS AUTOMATIQUES IMPLANTABLES (DAI)

ANRS-FUNDED RESEARCH IN THE DEVELOPING WORLD

Qui et quand opérer. au cours du traitement de l EI?

TUMEURS DU BAS APPAREIL URINAIRE

Évaluation du risque cardiovasculaire dans le contexte de l hypertension artérielle et de son traitement

Vertiges et étourdissements :

Que représentent les Spondyloarthrites Axiales Non Radiographiques? Pascal Claudepierre CHU Mondor - Créteil

Programme «maladie» - Partie II «Objectifs / Résultats» Objectif n 2 : développer la prévention

Ville : Province : Code postal : Date de naissance : jour mois année Date de naissance : jour mois année

Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS)

Suivi Biologique des Nouveaux Anticoagulants

Le dropéridol n est pas un traitement à considérer pour le traitement de la migraine à l urgence

Peut-on ne pas reprendre des marges «insuffisantes» en cas de Carcinome canalaire infiltrant

INFORMATION & PRÉVENTION. Le cancer de la vessie

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 23 mai 2007

*smith&nephew IV3000 Pansement pour cathéters réactif à l'humidité. Le pansement idéal pour cathéters

La recto-colite hémorragique

GASTRO-ENTEROLOGIE. Variabilité. A des entrées. B des sites anatomiques. C inter-individuelle. D intra-individuelle

Anti-Inflammatoires Non stéroïdiens

Nouveautés dans Asthme & MPOC

Dépistage par mammographie : feuille d information

Info Sein BULLETIN. Bulletin numéro 8 Avril Contenu. Les 15 ans du PQDCS :

«Quelle information aux patients en recherche biomédicale? Quels enseignements en retirer pour la pratique quotidienne?»

Apport de la biologie moléculaire au diagnostic des parasitoses

MALADIES INFLAMMATOIRES DE L INTESTIN :

TRAITEMENT DE L HÉPATITE B

RÉSUMÉ DES CARACTÉRISTIQUES DU PRODUIT. Bisolax 5 mg comprimés enrobés contient 5 mg de bisacodyl par comprimé enrobé.

Faut-il encore traiter les cancers prostatiques?

Communiqué de presse. Direction Communication Externe/Interne Sylvie Nectoux TEL : sylvie.nectoux@boehringeringelheim.

Maladie de Hodgkin ou lymphome de Hodgkin

INSUFFISANCE CARDIAQUE «AU FIL DES ANNEES»

L INSUFFISANCE CARDIAQUE

Prise en charge de l embolie pulmonaire

ALTO : des outils d information sur les pathologies thromboemboliques veineuses ou artérielles et leur traitement

Livret des nouveaux anticoagulants oraux. Ce qu il faut savoir pour bien gérer leur utilisation

Les traitements du cancer du rein

Tuberculose bovine. Situation actuelle

Prise en charge des dysplasies et carcinomes in situ de la surface oculaire au CHT de Nouvelle-Calédonie

FORMULAIRE DE DECLARATION DU RISQUE PERTE DE PROFESSION INSTRUMENTISTE ARTISTE LYRIQUE LUTHIER

ABL and Evivar Medical for Strategic Partnership and Alliance in HIV and Hepatitis

Transcription:

le point sur Prévention du cancer colorectal Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1704-9 A. Dehlavi C. Nichita V. Kessler Brondolo D. Bertolini G. Dorta introduction Prevention of colorectal cancer Colorectal cancer (CRC) is a public health problem. It is one of the most common cancers and mortality rate is around 50%. This article reports on the various methods of primary prevention testing for the population at average risk of developing CRC. Given its slow evolution through pre-cancerous lesions, it is appropiate to identify patients at medium risk and monitore those at high risk. Current screening methods show very different efficiencies. The most efficient are invasive and limit public support. New non-invasive tests based on fecal and blood biomarkers are being developed and will probably help to improve CRC screening in the future in an attempt to lower mortality rate. Le cancer colorectal (CCR) constitue un problème important de santé publique. Il s agit d un des cancers les plus fréquents et sa mortalité avoisine les 50%. Cet article fait le point sur les différentes méthodes de prévention et de dépistage au niveau de la population à risque moyen de développer un CCR. Vu son évolution lente à travers des lésions précancéreuses, il est judicieux de dépister des sujets à risque moyen et de surveiller les sujets à risque élevé. Les méthodes de dépistage actuelles montrent des efficacités très variables. Les tests les plus performants sont invasifs et limitent l adhésion de la population. De nouveaux tests non invasifs, basés sur des biomarqueurs fécaux et sanguins sont en phase de développement et vont probablement contribuer à une amélioration du dépistage du CCR dans l espoir de baisser à l avenir son taux de mortalité. Le cancer colorectal (CCR) constitue un problème de santé publique majeur en Europe, en Amérique du Nord et en Océanie. L incidence de cette maladie est supérieure à 50 pour 100 000 habitants. On estime que 5 à 6% de la population générale présentera un cancer colorectal au cours de sa vie en Europe et aux Etats-Unis. En Suisse, on dénombre 4000 nouveaux cas par année et 1600 décès annuels dus au CCR. En conséquence, un dépistage au niveau de la population à risque moyen et une surveillance des sujets à risque représentent une tâche très importante. 1 L article que nous vous proposons cette année actualise les différentes mesures à prendre pour faire face à cette pathologie très fréquente et mortelle pour presque 50% des personnes atteintes. prévention primaire du cancer colorectal Pour les mesures de prévention telles que le régime alimentaire riche en fibres, la limitation de la consommation de viande rouge, de graisses animales et d alcool, la supplémentation en antioxydants (vitamines A, C, E, bêta-carotène et sélénium), la prise de statines ou d acide folique, l évidence d une diminution du risque relatif de carcinogenèse colorectale n est pas prouvée. Les seuls agents de chémoprévention ayant montré une diminution significative de ce risque dans des études avec une bonne évidence sont : l aspirine ; certains AINS (célécoxib, sulindac), le calcium associé à la vitamine D et la substitution hormonale. Concernant l aspirine, des diminutions de l ordre de 13 à 39% du risque relatif de carcinogenèse colorectale sont décrites. 2-4 Les hypothèses avancées sont une augmentation de l apoptose et une inhibition de la croissance cellulaire via la diminution du taux de prostaglandines. Son principal inconvénient est d augmenter le risque d hémorragie cérébrale. L efficacité des inhibiteurs sélectifs des COX-2 semble meilleure comparée à celle des autres AINS chez des patients avec polypose familiale. Des diminutions du nombre et de la taille des polypes ont été constatées avec cette classe de molécules. 5 Leur principal inconvénient est une toxicité sur 1704 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 septembre 2011

le plan cardiovasculaire. Concernant le calcium et la vitamine D, des diminutions de l ordre de 14 à 35% du risque relatif de carcinogenèse colorectale sont décrites au sein de la population générale. 6,7 Le calcium lie les sels biliaires secondaires, lesquels sont capables de causer une croissance cellulaire accélérée au niveau de l épithélium colorectal. Le calcium est aussi capable de réguler la prolifé ration, la différenciation et la mort cellulaire via une action directe sur la signalisation intracellulaire. La vitamine D est capable de moduler plus de 200 gènes impliqués notamment dans la régulation du cycle cellulaire, l adhésion cellulaire, la réparation de l ADN, l angiogenèse et la réponse immunitaire. Concernant la supplémentation hormonale, des réductions jusqu à 44% du risque relatif de carcinogenèse colorectale ont été décrites. 8 Les œstrogènes sont capables de diminuer la production de sels biliaires secondaires en diminuant notamment les taux de l insuline-like growth factor-1. Leur inconvénient est un risque augmenté de carcinogenèse du sein et une toxicité sur le plan cardiovasculaire. A l heure actuelle, aucune société de gastroentérologie des pays industrialisés n a émis de recommandations pour la prophylaxie primaire du CCR, en grande partie à cause des effets secondaires potentiellement néfastes des agents reconnus efficaces. méthodes de dépistage du ccr dans la population à risque moyen Ce chapitre s adresse à la population générale de plus de 50 ans sans symptômes et sans facteur de risque de CCR. Les données-clés avec les intervalles d examens se trouvent dans le tableau 1. Tests de dépistage disponible pour la recherche d un CCR Recherche de sang occulte dans les selles Le dépistage du CCR par recherche répétée de sang occulte dans les selles a démontré diminuer la mortalité du CCR de l ordre de 15 à 33% dans des études contrôlées randomisées si 50% de la population se soumettaient au test. 9 Rectosigmoïdoscopie La rectosigmoïdoscopie permet l exploration du côlon gauche sans préparation orale et sans sédation. Des études ont montré que cet examen est efficace pour réduire le risque de développer un CCR de l ordre de 50 à 60%. Cependant, elle ne dépiste pas les polypes et le cancer du côlon droit que l on retrouve plus fréquemment chez les femmes et les patients plus âgés (L 60 ans). 10-12 Colonoscopie Considéré comme l examen de référence pour la visualisation du côlon, il n existe, à ce jour, pas d études randomisées contrôlées pour montrer l efficacité du dépistage par colonoscopie. Deux grandes études en cours permettront de répondre à cette question. Il y a cependant plusieurs évidences indirectes pour démontrer que cet examen est efficace. Des études observationnelles et des cas contrôles ont estimé que la colonoscopie réduit la mortalité de CCR de 53 à 72% et son incidence de 31%. 10 La colonoscopie est le meilleur outil de dépistage à l heure actuelle. Cependant, l adhérence de la population reste faible en raison de son caractère invasif. 13 Colo-CT ou colonoscopie virtuelle Il s agit d un scanner abdominal avec une acquisition spécifique permettant la reconstruction d images en deux et trois dimensions de la paroi colique. Il nécessite une préparation (identique à la colonoscopie) et l insufflation d air pour distendre les parois du côlon. La sensibilité pour visualiser des cancers ou des adénomes de M 1 cm est de 90%, équivalente à la colonoscopie, mais sans données pour les polypes plans. 14 La spécificité est elle de 86% avec 14% de faux positifs, ceci en main de radiologues très spécialisés. Le manque relatif de spécificité par rapport à la colonoscopie amène dans un pourcentage non négligeable à des investigations supplémentaires. Lorsqu il s agit de lésion de plus petite taille (entre 6 et 10 mm), la sensibilité et la spécificité sont de 85 et 88% respectivement. Le colo-ct peut être recommandé chez les patients qui refusent une colonoscopie ou pour compléter une colonoscopie incomplète. méthodes de dépistage non invasives en cours de développement Les tests de screening actuels ont le désavantage d être soit invasifs (colonoscopie standard ou virtuelle), soit d avoir une précision insuffisante pour la détection des CCR (tests fécaux hemoccult). Le développement d un test simple, non invasif, fiable avec un bon rapport coût-efficacité est hau Tableau 1. Méthodes de dépistage du cancer colorectal Sang occulte Sigmoïdoscopie Colonoscopie Colo-CT Avantages Simple Sensible pour le côlon gauche Sensible Sensible pour polype L 1 cm Acceptation Pas de sédation Biopsie/polypectomie Non invasif Prix Désavantages Sensibilité faible pour les Ne dépiste pas les cancers et Invasive Colonoscopie si positif polypes polypes du côlon droit Acceptation Sensibilité non connue pour Nécessite une colonoscopie Préparation les polypes plans si positif Irradiation A répéter 1 x/an Préparation Coût Faible Intermédiaire Haut Haut Coût associé au bilan pour des lésions extra-coliques Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 septembre 2011 1705

tement souhaitable et il augmenterait, à travers une meilleure compliance et acceptabilité, le taux de participation à un dépistage du CCR. Ces dernières années plusieurs marqueurs génétiques dans l ADN tumoral ont été découverts, dont une partie a déjà été testée dans le sang ou dans les selles. Tests fécaux Le test le plus récent pour la détection de l ADN tumoral regroupe des mutations dans les gènes APC, K-ras, p53, BAT-26 et un marqueur pour l ADN long, en utilisant des techniques améliorées. 15-17 La sensibilité du test varie de 52 à 91% et la spécificité est de 93-97%. 15,16,18 Dans une cohorte de 2507 personnes à risque moyen, le test ADN fécal a été significativement plus sensible (52% vs 13%, p = 0,003) que le test Hemoccult II pour la détection du CCR. 19 Ce test détecte aussi trois fois plus d adénomes L 1 cm que le test Hemoccult Sensa. 20 Le test ADN fécal aurait un potentiel de screening important, mais le test idéal n est pas encore établi et le coût est élevé par rapport au test hemoccult. L intervalle entre les tests n est pas bien précisé, il faudrait probablement le répéter tous les trois à cinq ans. Tests sanguins Plusieurs tests sanguins ont été évalués. Han et coll. ont identifié une combinaison de biomarqueurs basée sur cinq gènes qui a diagnostiqué correctement 88% des CCR, mais la spécificité n est pas encore satisfaisante. 21 Grutzmann et coll. ont validé dans deux études contrôles un test qui identifie l ADN méthylé dans le plasma. Dans l étude-test, la Septin 9 méthylée était positive chez 73/126 CCR (58%) et chez 18/183 contrôles (10%). Après des modifications du test, la sensibilité globale était de 72% (90/125 CCR détectés) avec une spécificité de 10%. La sensibilité du test est bonne pour les stades avancés (90% pour le stade IV), mais seulement de 50% pour les stades I. 22 Nous sommes en train d évaluer, en collaboration avec une start-up à Epalinges, un test sanguin multigénique (COLOX) qui détecte des biomarqueurs de la réponse immunitaire de l hôte en présence d un CCR ou en cas de polypes. Dans l étude pilote portant sur 92 patients (41 contrôles, 30 patients avec polypes L 1 cm et 21 CCR stade I-IV), la sensibilité du test pour la détection des CCR a été de 67% avec une spécificité de 93%. Ce test a une haute spécificité pour les néoplasies colorectales. Un test sanguin similaire (groupant d autres biomarqueurs) a eu une sensibilité de 63%, avec une spécificité de 83% pour le dépistage des polypes L 1 cm. Ce qui est très encourageant pour le test COLOX en comparaison des autres tests sanguins, c est qu il peut détecter presque 8/10 polypes L 1 cm. Une étude multicentrique qui inclura plus de 1500 patients a été débutée dans le but de vérifier ces excellents résultats. Ces prochaines années, avec les technologies qui avancent ra Tableau 2. Recommandations de la Société suisse de gastroentérologie pour la surveillance endoscopique après polypectomie 23 Catégorie Caractéristiques des polypes Intervalle pour la Intervalle pour la de risque (histologie, critères additionnels) colonoscopie de colonoscopie de surveillance après suivi après colonoscopie résection d un polype sans polype I Adénome tubulaire 5 ans Arrêt de la surveillance 1-2 polypes et Taille m 1 cm et Aucune dysplasie sévère et anamnèse familiale négative II Adénome tubulaire 3 ans 5 ans L 2 polypes ou Taille L 1 cm ou Dysplasie de haut grade ou Anamnèse familiale positive (1 er degré de parenté) Adénome (tubulo-)villeux ou adénome dentelé Tout nombre ou toute taille Tout type de dysplasie III Carcinome au sein d un adénome (polype dit malin) m 3 mois pour le contrôle 5 ans Polypectomie endoscopique complète et du lieu de résection, Limite de résection histologiquement saine et puis à 3 ans Différenciation G1-2 et Aucune invasion des veines et des lymphatiques IV Carcinome au sein d un polype (polype dit malin) La résection chirurgicale est absolument indiquée Polypectomie endoscopique incomplète ou Limite de résection histologiquement maligne ou Différenciation G3 ou Invasion veineuse ou lymphatique manifeste Au niveau du rectosigmoïde et de taille m 1 cm Aucune surveillance Ces conditions sont valables uniquement lors d une colonoscopie complète avec préparation optimale et résection complète des polypes, récupération de ceux-ci et analyse histologique. En cas de résection par fragments ou de doute sur la résection totale de polypes sessiles, il est recommandé d effectuer une endoscopie de contrôle du site de résection dans les trois mois. Ces directives sont valables uniquement en l absence d indice en faveur d un syndrome héréditaire (FAP, HNPCC) ou autre situation majorant le risque de CCR (maladies inflammatoires de l intestin, acromégalie, etc.). 19 1706 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 septembre 2011

Tableau 3. Recommandations pour le suivi des CCR après opération curative 23 Pour les commentaires, voir le site www.sggssg.ch CEA : antigène carcino-embryonnaire. Mois postopératoires 6 12 18 24 36 48 60 Examen clinique et CEA Trimestriel la 1 re année Semestriel la 2 e et 3 e années + + Colonoscopie + + CT du thorax et de l abdomen + + + + + Pour le cancer rectal : + + + + sigmoïdoscopie et endosonographie pidement, un test non invasif basé sur des biomarqueurs sanguins ou fécaux remplacera le screening invasif du CCR. surveillance des sujets avec un risque élevé de développer un ccr Vingt-cinq pour cent de la population présente un risque élevé de développer un CCR en comparaison avec la population générale. Ce sont des patients avec des antécédents personnels de polypes coliques ou de CCR, avec une anamnèse familiale d adénome colorectal ou de CCR, de polypose familiale (FAP) ou de cancer héréditaire (HNPCC, Hereditary Nonpolyposis Colorectal Cancer), ou des patients atteints de maladie inflammatoire de l intestin (MICI). Ces patients ont besoin d une surveillance régulière par des coloscopies. Antécédents personnels de polypes colorectaux ou d un CCR La Société suisse de gastroentérologie 23 a formulé des directives pour le suivi des patients avec des polypes colorectaux (tableau 2) et des CCR (tableau 3). 23 Antécédents familiaux de CCR La présence de plusieurs parents de premier degré ou d un parent de premier degré avec un adénome ou un CCR diagnostiqué avant 60 ans, augmente de quatre fois le risque de développer un CCR comparé à la population à risque moyen. Les recommandations pour la surveillance de ces sujets figurent dans le tableau 4. 24 Polypose familiale La FAP est une maladie autosomale dominante associée à une mutation du gène APC (adenomatous polyposis coli) et caractérisée par le développement précoce entre l âge de 15 et de 30 ans de milliers de polypes, notamment au niveau du côlon. Il existe une forme atténuée (AFAP, FAP atténuée) qui se présente tardivement, avec moins de polypes et avec une corrélation plus faible avec la mutation APC (25%). Les recommandations de surveillance sont résumées dans le tableau 5. 25 CCR héréditaire : Syndrome de Lynch ou Hereditary Nonpolyposis Colorectal Cancer Cinq pour cent des CCR surviennent dans le cadre d un HNPCC. Causé par une mutation héréditaire autosomale Tableau 4. Recommandations de l American college of gastroenterology (ACG) pour le dépistage et la surveillance des patients avec anamnèse familiale positive pour un CCR et des polypes colorectaux 24 Anamnèse familiale Augmentation de CCR Recommandation du risque Un seul parent de 2 x par rapport Colonoscopie de dépistage premier degré avec à la population à 50 ans CCR ou adénome générale Surveillance par colonoscoà ou après 60 ans pie tous les 10 ans si colonoscopie négative Un seul parent de 4 x par rapport Colonoscopie de dépistage premier degré avec à la population au plus tard à 40 ans ou CCR ou adénome générale 10 ans avant l âge du avant 60 ans ou diagnostic chez le parent plusieurs parents de atteint premier degré avec Surveillance par colonosco- CCR ou adénome pie tous les 5 ans dominante à pénétrance variable (mismatch repair gen) qui induit des erreurs de réplication. Une colonoscopie est indiquée chez tout sujet qui remplit les critères d Amsterdam ou de Bethesda (tableau 6). L HNPCC est aussi associé à d autres tumeurs qui nécessitent un dépistage spécifique (tableau 7). 26 La surveillance par colonoscopie débute entre 20 et 25 ans (jusqu à 40 ans une colonoscopie tous les deux ans, puis annuellement). Le dépistage génétique est indiqué chez toutes les familles atteintes de FAP, AFAP et HNPCC. Le test génétique permet d identifier les sujets porteurs du gène et qui ont besoin d une surveillance endoscopique. En cas de HNPCC Tableau 5. Recommandations de surveillance endoscopique en cas de FAP ou AFAP 25 Type Age du début Intervalle d investigation des investigations FAP classique Sigmoïdoscopie* 10-12 ans 2 ans* FAP atténuée Colonoscopie 18-20 ans 2 ans* * Après détection d un adénome, une colonoscopie annuelle s impose jusqu à la proctocolectomie. CAVE : une colonoscopie complète doit être effectuée aussi chez tous les parents plus âgés du sujet atteint de FAP et poursuivie jusqu à 50 ans. Ensuite, en absence de polypose, on pourra suivre les recommandations de dépistage concernant la population générale. FAP : polypose familiale ; AFAP : FAP atténuée. Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 septembre 2011 1707

Tableau 6. Critères d Amsterdam II et guidelines de Bethesda révisés 26 FAP : polypose familiale. Critères d Amsterdam II Trois membres de la famille doivent être atteints de CCR ou avoir un cancer associé à un syndrome de Lynch : cancer de l endomètre, de l intestin grêle, de l uretère ou rénal Un membre de la famille doit être un parent de premier degré des deux autres Au moins 2 générations successives doivent être atteintes Au minimum une tumeur doit être diagnostiquée avant 50 ans En cas de CCR, une FAP doit être exclue Le CCR doit être confirmé histologiquement Guidelines de Bethesda révisés 1. CCR diagnostiqué avant 50 ans 2. Présence de CCR synchrone, métachrone ou d une tumeur associée au syndrome de Lynch, indépendamment de l âge 3. CRC avec instabilité microsatellite (MSI-H) diagnostiqué avant 60 ans 4. Patient avec CCR et parent de premier degré avec une tumeur associée au syndrome de Lynch dont une des tumeurs diagnostiquée avant 50 ans 5. Patient avec CCR avec minimum 2 parents de premier ou deuxième degré avec tumeur associée au syndrome de Lynch, indépendamment de l âge et un test génétique négatif, tous les membres d une famille qui remplissent les critères d Amsterdam ou de Bethesda doivent se soumettre à une surveillance endoscopique. 26 Maladies inflammatoires de l intestin (MICI) La probabilité cumulée de développer un CCR en cas de rectocolite ulcéro-hémorragique (RCUH) ou de maladie de Crohn colique est de 2% après deux ans de maladie, de 8% après 20 ans et 18% après 30 ans. Les facteurs de risque sont : la durée, l étendue, la sévérité de la maladie et l association avec une cholangite primaire sclérosante (CPS). Les recommandations de surveillance sont résumées dans le tableau 8. 27 Tableau 7. Risque global de développer un cancer en cas de HNPCC 26 au niveau d autres organes HNPCC : Hereditary Nonpolyposis Colorectal Cancer. Cancer Risque de développer Risque de développer un cancer lors un cancer dans la de HNPCC au population générale au cours de la vie (en %) cours de la vie (en %) CCR 80% 5-6% Endomètre 60% 2-3% Estomac 13% 1% Ovaires 12% 1-2% Intestin grêle 1-4% 0,01% Vessie 4% 1-3% Cerveau 4% 0,6% Reins 3% 1% Voies biliaires 2% 0,5% Tableau 8. Recommandations pour le dépistage du CCR en cas de maladie inflammatoire colique 27 Durée Pancolite dans Colite gauche dans la évolution la colite ulcéreuse colite ulcéreuse Colite dans la maladie de Crohn De 8 à 15 ans Tous les 2 ans De 15 à 20 ans Tous les 2 ans Tous les 2 ans L 20 ans Annuelle Annuelle CAVE : en cas de cholangite primaire sclérosante associée, un screening endoscopique annuel est indiqué. Tous les patients doivent être informés qu en présence de dysplasie, une colectomie est recommandée. En présence de dysplasie de haut grade, un cancer est retrouvé dans 42% des cas à l analyse de la pièce de colectomie, et dans 9% en cas de dysplasie de bas grade. politique de santé en matière de prévention du cancer colorectal Dans la plupart des pays de l Union européenne, des programmes de dépistage et de surveillance du cancer colorectal sont pris en charge par les caisses maladie. Malheureusement, en Suisse, aucun programme de dépistage officiel n est accepté sauf chez les personnes issues d une famille présentant des cancers héréditaires pour lesquelles le programme de surveillance est remboursé. Au vu de l absence de remboursement des examens de dépistage, des campagnes publicitaires à large échelle relatives au dépistage du cancer colorectal ne peuvent pas être effectuées. Au cours des derniers mois, un certain espoir concernant la mise en place d un programme de dépistage du cancer colorectal pour la population à risque moyen sur le plan suisse et dans le canton de Vaud se profile à l horizon. Le programme national vise un dépistage de la population générale asymptomatique âgée de plus de 50 ans, soit par une colonoscopie ou par des tests de recherche de sang dans les selles. Ce programme est encore dans sa phase initiale de conception. La Ligue suisse contre le cancer et la Société suisse de gastroentérologie se sont aussi engagées dans ce programme. Le canton de Vaud est en train d établir un programme similaire restreint sur deux régions du canton qui se concrétisera en 2012 ou 2013. Entre-temps, un dépistage opportuniste est en train de se développer dans toute la Suisse, mais qui se limite souvent aux sujets des couches sociales aisées. conclusion Avec les efforts nécessaires pour la prévention primaire, le dépistage et la surveillance des sujets à risque, l incidence et la mortalité due à un cancer colorectal pourraient être diminuées de manière significative. Les moyens de prévention sont connus, mais pas encore recommandés de manière générale en raison des effets secondaires de la chémoprévention. Les outils de dépistage sont à disposition mais malheureusement pas encore acceptés au niveau de la politique de santé publique. De nouveaux tests de dépistage sont actuellement en développement qui permettraient de faciliter et de rendre plus économique le dépistage du cancer colorectal au niveau de l ensemble de la population. 1708 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 septembre 2011

> > Implications pratiques Le cancer colorectal constitue le troisième cancer en termes de prévalence et le deuxième cancer en termes de mortalité dans les pays industrialisés Sachant que l intervalle de carcinogenèse est en moyenne de 10 à 15 ans, que sa prévalence est élevée et que son caractère est agressif, notre système de santé devrait encourager sa prévention et son dépistage en faisant notamment rembourser la colonoscopie par les caisses maladie, ce qui n est pas encore le cas actuellement Adresse Drs Ali Dehlavi, Cristina Nichita, Vera Kessler Brondolo, David Bertolini Pr Gian Dorta Service de gastroentérologie et hépatologie CHUV, 1011 Lausanne mohamed-ali.dehlavi@chuv.ch Cristina.Nichita@chuv.ch Vera.Kessler@chuv.ch David.Bertolini@chuv.ch Gian.Dorta@chuv.ch > > Les sujets à risque moyen (= population générale asymptomatique âgée de L 50 ans) devraient être dépistés, alors que les sujets à risque élevé (= personnes avec antécédents personnels ou familiaux d adénomes ou de CCR, etc.) devraient être surveillés En attendant l accessibilité à des tests de dépistage non invasifs, la colonoscopie représente à ce jour l outil de dépistage et de surveillance le plus efficace Bibliographie 1 ** Kahi CJ, Rex DK, Imperiale TF. Screening, surveillance, and primary prevention for colorectal cancer : A review of the recent literature. Gastroenterology 2008;135:380-99. 2 Chan AT, Giovanucci EL, Meyerhardt, et al. Longterm use of aspirin and nonsteroidal anti-inflammatory drugs and risk of colorectal cancer. JAMA 2005;294: 914-23. 3 Calonge N, Petitti DB, DeWitt TG, et al. Routine aspirin or nonsteroidal anti-inflammatory drugs for the primary prevention of colorectal cancer : U.S. preventive services task force recommendation statement. Ann Intern Med 2007;146:361-4. 4 Flossmann E, Rothwell PM. Effect of aspirin on long-term risk of colorectal cancer : Consistent evidence from randomised and observational studies. Lancet 2007;369:1603-13. 5 Bertagnolli MM, Eagle CJ, Zauber AG, et al. Celecoxib for the prevention of sporadic colorectal adenomas. N Engl J Med 2006;355:873-84. 6 Lappe JM, Travers-Gustafson D, Davies KM, et al. Vitamin D and calcium supplementation reduces cancer risk : Results of a randomised trial. Am J Clin Nutr 2007;85:1586-91. 7 Wactawski-Wende J, Kotchen JM, Anderson GL, et al. Calcium plus vitamin D supplementation and the risk of colorectal cancer. N Engl J Med 2006;354:684-96. 8 Rennert G, Rennert HS, Pinchev M, et al. Use of hormone replacement therapy and the risk of colorectal cancer. J Clin Oncol 2009;27:4542-7. 9 Christopher A, Lang MD, David F, et al. Fecal occult blood screening for colorectal cancer. JAMA 1994; 271:1011-3. 10 Lieberman D. Progress and challenges in colorectal cancer screening and surveillance. Gastroenterology 2010;138:2115-26. 11 Liberman D. Screening for colorectal cancer. N Engl J Med 2009;361:1179-87. 12 Soetikno RM, KAltenbach T, Rouse RV, et al. Prevalence of nonpolypoid (flat and depressed) colorectal neoplasms in asymptomatic adults. JAMA 2008;299: 1027-35. 13 Rex DK, Johnson DA, Anderson JC, et al. American college of gastroenterology guidelines for colorectal cancer screening 2009. Am J Gastroenterology 2009; 104:739. 14 Johnson CD, Chen MH, Toledano AY, et al. Accuracy of CT colonography for detection of large adenomas and cancers. N Engl J Med 2008;359:1207. 15 Ahlquist D, Skoletsky J, Boynton K, et al. Colorectal cancer screening by detection of altered human DNA in stool : Feasibility of a multitarget assay panel. Gastroenterology 2000;119:1219-27. 16 Tagore KS, Lawson MJ, Yucaitis JA, et al. Sensitivity and specificity of a stool DNA multitarget assay panel for the detection of advanced colorectal neoplasia. Clin Colorectal Cancer 2003;3:47-53. 17 Itzkowitz SH, Jandorf L, Brand R, et al. Improved fecal DNA test for colrectal cancer screening. Clin Gastroenterol Hepatol 2007;5:111-7. 18 Syngal S, Stoffel E, Chung D, et al. Detection of stool DNA mutations before and after treatment of colorectal neoplasia. Cancer 2006;106:277-83. 19 Imperiale TF, Ransohoff DF, Itzkowitz SH, et al. Fecal DNA versus fecal occult blood for colorectal-cancer screening in an average-risk population. N Engl J Med 2004;351:2704-14. 20 Ahlquist DA, Sargent DJ, Loprinzi CL, et al. Stool DNA and occult blood testing for screen detection of colorectal neoplasia. Ann Intern Med 2008;149:441-50. 21 Han M, Liew CT, Zhang HW, et al. Novel bloodbased, five-gene biomarker set for the detection of colorectal cancer. Clin Cancer Res 2008;14:455-60. 22 Grützmann R, Molnar B, Pilarsky C, et al. Sensitive detection of colorectal cancer in peripheral blood by Septin 9 DNA methylation assay. PloS ONE. 2008;3: e3759. 23 www.sggssg.ch/dokumente/merkblaetter/naso_ Polypekt_d.pdf 24 Dominic OG, McGarrity T, Dignan M, et al. American college of gastroenterology guidelines for colorectal cancer screening 2008. Am J Gastroenterol 2009; 104:2626-7. 25 Vasen HF, Möslein G, Alonso A, et al Guidelines for the clinical management of familial adenomatous polyposis (FAP). Gut 2008;57:704-13. 26 Vasen HF, Möslein G, Alonso A, et al Guidelines for the clinical management of Lynch syndrome (hereditary non-polyposis cancer). J Med Genet 2007;44: 353-62. 27 Bergeron V, Vienne A, Sokol H, et al. Risk factors for neoplasia in inflammatory bowel disease patients with pancolitis. Am J Gastroenterol 2010;105:2405-11. * à lire ** à lire absolument Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 7 septembre 2011 1709