Droit fiscal Décision du 23 juin 26 de la CCR, X. c. SCC - CCR 19/23 Imposition dans le temps; taxation des revenus extraordinaires; salaire de l'actionnaire unique - Dispositions légales applicables à la taxation des revenus extraordinaires des personnes physiques et des bénéfices extraordinaires des personnes morales lors du passage de l'imposition praenumerando à l'imposition postnumerando (consid. 2 a- d); - Conditions auxquelles l'augmentation du salaire de l'actionnaire unique est assimilable à un revenu extraordinaire (consid. 2d1 et d2). - Ces règles sont identiques pour l'ifd et pour l'impôt cantonal et communal (consid. 3). Zeitliche Bemessung; Veranlagung ausserordentlicher Einkünfte; Lohn des Alleinaktionärs - Anwendbare gesetzliche Bestimmungen für die Veranlagung ausserordentlicher Einkünfte natürlicher Personen und aussergewöhnlicher Gewinne juristischer Personen beim Wechsel von der Prä- zur Postnumerandobesteuerung (E. 2a-d). - Voraussetzungen unter denen die Lohnerhöhung eines Alleinaktionärs vergleichbar ist mit einer ausserordentlichen Einkunft (E. 2d1 und d2). - Diese Bestimmungen gelten sowohl für die direkte Bundessteuer als auch für die Kantons- und Gemeindesteuern (E. 3). Faits 1. X., domicilié à Y., est actionnaire et salarié de la société anonyme à responsabilité limitée "A.", de siège social à Y. Cette société a été fondée en 1995 et est active dans le domaine de l'informatique. 2. Le volume d'activité de la société s'est développé de manière notable avec les années, ainsi qu'il ressort des données suivantes : 1998 1999 2 21 22 23 CA 4951 7371 1187 1397 16299 2284323 5 % 49% 5% 18% 24% 4% Charges 27 324 597 871571 1456422 25948 salariales % 57% 84% 46% 67% 41% Bénéfice 329 1857 246883 36-68 221 % 464% 33% 24% -122% -425% 3. Les salaires attribués à X., pour les années 1999 à 23, ont été les suivants :
1999 fr. 52'396 fr. 2 fr. 66'51 fr. 21 fr. 12'257 fr. 22 fr. 13'81 fr. 23 fr. 137'8 fr. 4. Informée de cette situation, la Commission d'impôt de district pour la commune de Y. a considéré qu'une partie des salaires touchés par X. durant les années 21 et 22 présentait un caractère extraordinaire, et a, en conséquence, entrepris de soumettre cette partie à l'imposition des revenus extraordinaires en matière d'impôts cantonaux et communaux et d'impôt fédéral direct, sur la base des articles 218 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD) et 247ss de la loi fiscale du 1 mars 1976. Le montant des revenus imposables était fixé à 66'38 fr. pour 21, et à 76'925 fr. pour 22. Ces montants représentaient la différence entre les salaires touchés et la moyenne des salaires versés durant les quatre années précédant l'année 21, savoir 53'875 fr. 5. Contre ces taxations, notifiées par bordereaux du 2 juin 23, le contribuable éleva réclamation le 18 juillet 23, en concluant à l'annulation pure et simple de l'imposition. 6. Par décision du 28 octobre 23, la CID accepta partiellement la réclamation, en ramenant les montants imposables à 54'7 fr. pour 21, et à 48'9 fr. pour 22. Cette réduction tenait compte d'une adaptation annuelle des salaires de 25% par rapport au salaire de 52'396 fr. touché en 1999. 7. Contre ce prononcé, le contribuable interjeta recours auprès de la Cour de céans le 25 novembre 23, en reprenant les conclusions de sa réclamation. A l'appui de ses conclusions, il exposait essentiellement que les salaires touchés durant les années 21 et 22 ne présentaient aucunement un caractère extraordinaire; qu'ils correspondaient au contraire à l'évolution des affaires de la société anonyme; qu'auparavant, par souci de prudence, les actionnaires salariés s'étaient par contre contentés de salaires plus restreints, ce dans l'attente du développement des affaires et du renforcement de la situation financière de la société; que, d'autre part, selon la brochure du service cantonal des contributions, l'on ne pouvait parler de revenus extraordinaires si l'augmentation de salaire était la continuation d'une progression constante des années avant et après les années 21 et 22; et qu'enfin, la marge d'augmentation de 25% admise par l'autorité inférieure présentait un caractère arbitraire. 8. Par détermination du 24 février 26, le Service cantonal des contributions conclut à l'admission du recours, en exposant que les augmentations de salaire paraissaient tout à fait en rapport avec le développement des affaires de la société. Droit (.) Impôt fédéral direct
2. a) Les articles 4 et 43 LIFD prévoient le principe d'une taxation bisannuelle fondée sur le résultat des deux années qui précèdent. L'article 41 LIFD prévoit toutefois que les cantons sont libres en dérogation à l'article 4 de fixer pour l'imposition dans le temps une période fiscale annuelle correspondant à une année civile, et de prendre comme base de calcul cette même année civile. Dans ce cas, sont alors applicables les dispositions prévues aux articles 28 à 22 LIFD. Parmi ces dispositions, figure notamment l'article 218 LIFD dont les trois premiers alinéas traitant principalement de l'imposition des revenus extraordinaires posent ce qui suit : "1 Pour la première période fiscale (n) suivant la modification mentionnée à l art. 41, la taxation relative à l impôt sur le revenu des personnes physiques est régie par le nouveau droit. 2 Les revenus extraordinaires réalisés durant les années n-1 et n-2 ou lors d un exercice clos au cours de ces années sont soumis à un impôt annuel entier pour l année fiscale où ils ont été acquis, au taux correspondant à ces seuls revenus; les art. 37 et 38 sont réservés. Les déductions sociales prévues à l art. 35 ne sont pas autorisées. Les charges qui sont en rapport immédiat avec l acquisition des revenus extraordinaires peuvent être déduites. 3 Sont en particulier considérés comme des revenus extraordinaires les prestations en capital, les revenus de fortune non périodiques, les gains de loterie et, par analogie avec l art. 26, al. 3, les revenus extraordinaires provenant d une activité lucrative indépendante." Quant à l'article 26, alinéa 3 LIFD, traitant de la modification de l'imposition dans le temps pour les personnes morales, il prévoit que "les bénéfices extraordinaires comprennent les bénéfices en capital réalisés, les réévaluations comptables d éléments de fortune, les provisions dissoutes, ainsi que les amortissements et provisions justifiés par l usage commercial qui ont été omis." b) L'article 218 LIFD a fait l'objet de la circulaire no 6 de l'afc du 2 août 1999 (Archives 68, p. 4ss). En ce qui concerne les revenus extraordinaires, cette circulaire pose notamment ce qui suit : "Dans le contexte d'une modification du système de l'imposition dans le temps, le caractère extraordinaire d'un revenu peut résulter: - soit du caractère unique d'une prestation En principe tout revenu unique est un revenu extraordinaire au sens de l art. 218 LIFD. Il peut remplacer, ou non, des prestations périodiques. Exemples: gain de loterie, indemnité obtenue lors de la renonciation ou de la cessation d'une activité, revenu de fortune non périodique, bénéfice de liquidation. - soit du caractère extraordinaire d un revenu par nature périodique L'attribution de ce revenu au cours des années n-2 et n-1 est exceptionnelle, sort de l'ordinaire. Exemples: dividende nettement supérieur aux dividendes des exercices précédents, indemnité pour prestations spéciales, gratification d'un montant exceptionnel. - soit d un changement dans l'aménagement de la source du revenu Exemples: provision dissoute ensuite du changement de méthode de comptabilisation, omission d'amortissements et de provisions justifiés par l'usage commercial, modification des conditions de rémunération d'une activité salariée. Ces divers critères peuvent être combinés. Dans le cadre de la qualification d'un revenu en tant que revenu extraordinaire, il peut être tenu compte du fait que le contribuable est à même d'influer sur les modalités d attribution d un revenu et de mettre ainsi à profit la brèche de calcul. Suivant les cas, un tel agissement peut aussi être examiné sous l angle de l évasion, voire de la soustraction fiscale."
c) Faisant usage de la faculté offerte par l'article 41 LIFD, le canton du Valais a opté pour le passage à la taxation annuelle, avec effet au 1 er janvier 23. Cela étant, l'on peut ainsi constater que l'article 218 LIFD est effectivement applicable en ce qui concerne l'imposition des revenus réalisés durant les années 21 et 22 tombant dans la brèche de calcul. d) Le présent litige porte essentiellement sur les questions de savoir si les salaires touchés par le recourant de la part de la société anonyme, dont il est lui-même actionnaire, constituent en tout ou partie des revenus extraordinaires au sens de l'article 218, alinéas 2 et 3 LIFD. Cette question appelle les réflexions suivantes : d1) L'article 218, alinéas 2 et 3 LIFD ne donne pas une définition du concept de "revenus extraordinaires", ce qui est quelque peu regrettable. Selon son acceptation usuelle, le qualificatif de "extraordinaire" signifie "qui n'est pas selon l'usage ordinaire, selon l'ordre commun" et il a comme synonyme des termes tels que "anormal", "exceptionnel", "inhabituel", "insolite". Son contraire est le vocable "ordinaire". Dans un document d'octobre 22 intitulé "informations relatives au passage à la taxation annuelle postnumerando des personnes physiques", le service des contributions cite comme exemple de revenus extraordinaires, notamment "les dividendes ou gratifications exceptionnels, le rattrapage d'heures supplémentaires". S'agissant plus spécialement de la question du salaire de l'actionnaire unique, ce document précisait ce qui suit : "Si l'augmentation de salaire en question est la continuation d'une progression constante des années avant et après 21/22, alors il n'y a pas de raison de considérer l'augmentation 21 et 22 comme revenu extraordinaire. Si l'augmentation de salaire n'est par contre décidée que pour 21 et 22 (le salaire 23 retombe au niveau de celui de 2), alors il s'agit sans aucun doute d'un revenu extraordinaire." Les explications précitées du service cantonal des contributions sont, à première vue, tout à fait fondées. Il convient toutefois de relever que, selon une jurisprudence récente du Tribunal fédéral (RDAF 23 p. 22ss), l'on ne peut, en principe, pas prendre en considération la situation des années postérieures aux deux années tombant dans la brèche de calcul. d2) Au vu des salaires indiqués plus haut dans la partie "Faits", l'on doit constater qu'est effectivement intervenue une augmentation importante des salaires durant les années 21 et 22 par rapport aux années antérieures. En effet, le salaire 21 est de 12'257 fr. et celui de 22 de 13'81 fr., alors que le salaire 2 ascendait à 66'51 fr., et que la moyenne des quatre salaires annuels 1997 à 2 était de 53'875 fr. Une telle augmentation ne présente toutefois pas en elle-même un caractère extraordinaire, et elle peut être qualifiée d'ordinaire si elle est justifiée au vu de l'ensemble des circonstances. A l'examen, tel s'avère être le cas au vu des éléments suivants : L'examen du chiffre d'affaires et du bénéfice de la société au long des années permet de constater une augmentation notable du chiffre d'affaires durant les années 1998 à 22, puisque celui-ci a passé de 4,9 millions en 1998 à plus de 16 millions en 22. Le bénéfice de la société a également connu une importante évolution puisqu'il a passé de 32'9 fr. en 1998 à 36' fr. en 21, étant relevé toutefois que l'année 22 s'est soldée par une perte de 68' fr. Deuxièmement, les explications du recourant selon lesquelles les salaires versés durant les premières années aux actionnaires-directeurs étaient relativement bas pour permettre à la société d'asseoir sa situation financière sont tout à fait crédibles.
Troisièmement, et comme relevé également par le service cantonal des contributions dans sa détermination, le montant des salaires versés en 21 et 22 ne présente en lui-même aucun caractère excessif ou inhabituel par rapport aux caractéristiques de la fonction du recourant et de la société. D'autre part, la CID ne fonde pas sa décision sur un éventuel caractère excessif des salaires versés en 21 et 22, mais expose que la société aurait déjà pu verser auparavant, et notamment durant les années 1999 et 2, des salaires plus importants. Un tel raisonnement n'est guère soutenable. En effet, même si la société avait effectivement les moyens de verser antérieurement des salaires plus importants, cela ne confère pas encore aux salaires versés en 21 et 22 un caractère extraordinaire. De plus, il a été vu ci-dessus que les salaires plus bas versés durant les années antérieures reposaient sur un motif objectif, soit le souci d'asseoir la situation financière de la nouvelle société. Enfin, et même si aux yeux du Tribunal fédéral un tel élément n'est, en principe, pas relevant, il n'est tout de même pas inintéressant de constater que les salaires ont continué de croître après 22, puisqu'ils se sont élevés à 137'8 fr. pour 23 et à 187'923 fr. pour l'année 24. Au vu de ces éléments, le recours doit être admis en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct. Impôts cantonaux et communaux 3. Hormis des différences irrelevantes en l'espèce, l'article 247 LF pose les mêmes règles que l'article 218 LIFD. Cela étant, le raisonnement développé ci-dessus en matière d'impôt fédéral direct doit être repris ici, et le recours, admis également en tant qu'il concerne les impôts cantonaux et communaux.