Repenser les procédures d expulsion des coopératives d habitation Rapport du Conseil de l Ontario sur la résolution N R3 de l assemblée membres de l Ontario Avril 2003 Fédération de l habitation coopérative du Canada Région de l Ontario
Introduction Quand vous lirez la résolution n o R3, Revoir le système des expulsions des coopératives d habitation, lisez aussi ce document. Il fournit de l information plus détaillée pour aider les délégué(e)s à mieux comprendre la résolution et à prendre une décision éclairée. Dans ce document, nous abordons trois éléments : comment les coopératives procèdent actuellement aux expulsions en Ontario, les défauts du système actuel, et d autres moyens que les coopératives peuvent employer pour procéder à des expulsions. Nous présentons la résolution n o R3 parce que certaines coopératives nous ont signalé que la procédure utilisée en Ontario pour expulser des membres posait des problèmes. Nous pensons que le moment est venu d envisager d autres approches qui seraient moins coûteuses et plus équitables pour tout le monde. Le mouvement de l habitation coopérative s attend à ce que son système d expulsion permette de faire trois choses : protéger les droits des membres, aider les coopératives à appliquer les règlements que les membres ont adoptés pour assurer le bon fonctionnement de leur communauté, et qu il soit moins coûteux et plus efficient que le système actuel. Le système que nous avons actuellement ne permet pas de faire toutes ces choses. Les procédures d expulsion actuelles dans les coopératives de l Ontario En 1997, le gouvernement de l Ontario a mis sur pied le Tribunal du logement locatif et a retiré les logements locatifs privés et sans but lucratif de la compétence des tribunaux conventionnels. En faisant ce virage, l Ontario suivait une tendance générale dans le droit à l échelle du pays. De plus en plus, les législateurs essayaient de trouver des façons de garder les cas de droit civil (comme le divorce) en dehors des tribunaux. La médiation et l arbitrage s inscrivaient dans cette approche. L Ontario s est inspirée de l exemple de la Régie du logement au Québec, qui a bien réussi à garder les expulsions à l extérieur des tribunaux conventionnels depuis plusieurs années. Les coopératives d habitation ont été exclues de ce changement. Elles ont dû continuer de recourir aux tribunaux conventionnels pour les expulsions.
Il existe une deuxième différence majeure dans la façon dont les coopératives et les logements locatifs appliquent les processus décisionnels internes avant de s adresser aux tribunaux. Le mouvement coopératif a choisi d appliquer un processus interne complet avant de prendre une décision d expulsion. Certaines des règles concernant ce processus interne sont prévues dans la Loi sur les coopératives. D autres se trouvent dans les règlements de chaque coopérative. Dans les coopératives Pour une coopérative, l expulsion est le dernier recours lorsqu elle éprouve de graves problèmes avec un ménage membre. Ce ménage pourrait ne pas payer son loyer à la date d échéance ou endommager la coopérative ou encore rendre la vie difficile à d autres membres en adoptant un comportement menaçant. Avant d envisager l expulsion, la plupart des coopératives s en remettent à un organisme sectoriel ou à leur avocat pour trouver des solutions. Elles peuvent essayer la médiation ou des objectifs de rendement, par exemple. Si cela ne fonctionne pas, elles appliquent les étapes suivantes : Étape 1 Un(e) représentant(e) de la coopérative donne au membre un avis lui demandant de se présenter devant le conseil d administration. (Ce membre peut d abord consulter l avocat de la coopérative.) Après avoir rencontré le membre et pris la décision de l expulser, le conseil avise le membre et lui donne le choix d en appeler à l ensemble des membres. Étape 2 Si le membre décide d en appeler, la coopérative doit envoyer un avis à tous les membres et ensuite tenir une assemblée des membres pour entendre la demande. La demande en appel peut aussi être inscrite à l ordre du jour d une assemblée ordinaire des membres. Si les membres confirment la décision du conseil, la coopérative remet le dossier d expulsion entre les mains de l avocat de la coopérative. Pour la réunion du conseil et l assemblée des membres, la Loi sur les coopératives prévoit des procédures strictes que la coopérative doit respecter rigoureusement, sinon elle risque de devoir tout recommencer. Devant les tribunaux L avocat de la coopérative prépare et dépose une requête au tribunal. Si le membre décide de s opposer à l expulsion, une audience aura lieu devant le tribunal, peut-être après un ou plusieurs changements de date de dernière minute. Certains juges pensent que la question devrait être confiée au conseil d administration de la coopérative et qu ils n auraient qu à s assurer que la coopérative a bien suivi toutes les procédures. D autres juges pensent au contraire qu ils devraient recommencer depuis le début pour déterminer si l expulsion est la bonne solution pour la situation. Ainsi, même si la coopérative a respecté toutes les règles, la procédure d expulsion peut échouer. Peu importe la décision du juge, le perdant peut en appeler peut-être plus d une fois. 2
Les points à régler Aujourd hui, les expulsions dans les coopératives d habitation peuvent représenter un problème de diverses façons. La plupart sont : coûteuses Beaucoup d éléments s ajoutent au coût des expulsions dans le système des coopératives : la coopérative peut appeler son avocat plusieurs fois à l étape interne, bien avant de s adresser aux tribunaux, et ces consultations nécessaires font augmenter le coût de l expulsion; dans les cas difficiles, la coopérative peut devoir demander à l avocat de préparer les documents internes et peut-être assister à la réunion du conseil; lorsque la coopérative ira devant les tribunaux, la cause peut exiger beaucoup de temps de l avocat. L historique du cas peut être très long. Il faut toujours préparer les témoins pour les aider à témoigner. Le temps passé au tribunal peut être long; les retards et les ajournements sont fréquents; et si le membre qui conteste l expulsion a également déposé une demande en appel à la Commission des droits de la personne, les coûts peuvent augmenter considérablement. L avocat de la coopérative devra déposer beaucoup de nouveaux documents et pourrait avoir à défendre la décision de la coopérative devant une commission d enquête. Même des cas d expulsion simples pour cause d arrérages peuvent coûter jusqu à 2 000 $ à 3 000 $, soit jusqu à cinq fois plus cher pour les coopératives que le même genre d expulsion dans des ensembles de logements sans but lucratif. La plupart des cas d expulsion complexes pour des motifs de comportement, et parfois ceux concernant les arrérages, ont souvent coûté aux coopératives jusqu à 40 000 $ ou 50 000 $ et, dans certains cas, beaucoup plus. complexes Le système actuel comporte plusieurs étapes - et elles doivent toutes être faites de la bonne façon, sinon l expulsion échouera. La Loi sur la réforme du logement social rendra les expulsions beaucoup plus complexes pour les coopératives des programmes de l Ontario. incertaines Les coopératives doivent décider si un problème est assez grave pour risquer une expulsion alors qu il est si difficile de bien faire tout ce qu il y a à faire avec le système actuel, et qu il est certain qu il leur en coûtera de l argent. Elles peuvent endurer longtemps des arrérages ou un mauvais comportement (bruit, dérangement, violence ou harcèlement) là où un fournisseur de logements sans but lucratif aurait rapidement recours à l expulsion. Malheureusement, cette patience entraîne une hausse des arrérages et une période de conflit plus longue au sein de la coopérative. 3
lentes Une fois que le conseil d administration décide d envisager l expulsion, le système de l Ontario pour les coopératives d habitation procède méticuleusement, une étape à la fois, augmentant les coûts et obligeant la coopérative à vivre avec des arrérages en hausse ou des problèmes continus. difficiles pour le conseil d administration, y compris les personnes expulsées Les expulsions rendent la vie difficile, non seulement au ménage confronté à l expulsion, mais également au conseil d administration et aux autres membres de la coopérative. Des voisins peuvent être à couteaux tirés et les rancunes peuvent durer pendant des années. Une décision plus rapide permettrait à la communauté de commencer le processus de guérison beaucoup plus tôt. Que pouvons-nous faire? Nous avons plusieurs choix 1. Ne rien faire Nous savons que nous courrons un risque si nous demandons des modifications à la Loi sur les coopératives. Nous pourrions convaincre le gouvernement d apporter un changement, mais nous retrouver avec un nouveau système qui n est pas notre premier choix. 2. Améliorer le système actuel Nous pourrions essayer de faire modifier la Loi sur les coopératives pour mieux faire fonctionner le système actuel. Par exemple, Nous pourrions simplifier le processus interne de la coopérative en apportant des changements comme ceux-ci : o obtenir des procédures d expulsion détaillées dans la Loi sur les coopératives, et demander aux coopératives de s en charger avec leurs règlements à la place o laisser les coopératives appliquer leurs règlements ou limiter ou mettre fin aux droits d appel des membres en situation d arrérages o réduire le nombre de règles strictes et complexes auxquelles les coopératives doivent se conformer dans un processus d expulsion. Nous pourrions éclaircir le rôle des tribunaux en ajoutant un ou deux éléments dans la Loi sur les coopératives : o que le juge recommence à zéro et prenne la décision d expulser en fonction d un examen des faits et des règlements de la coopérative, et s il ou elle pense que l expulsion est appropriée dans la situation, o ou demander au juge de vérifier seulement si la coopérative a respecté toutes les procédures pour prendre sa décision et s il n y a pas d injustice évidente. À l heure actuelle, certains juges adoptent la première approche, d autres la seconde. L avocat de la coopérative doit se préparer pour les deux. 4
3. Essayer un nouveau système Nous avons cherché à l échelle de la province et du pays et nous avons trouvé d autres moyens de régler les expulsions. La Loi sur les coopératives devrait être modifiée pour permettre l une ou l autre de ces approches. a. Arbitrage au sein du mouvement Les coopératives du Manitoba ont un système d expulsion qui est encore relativement nouveau. Chaque coopérative dans la province est supposée nommer deux membres qui seront en disponibilité pour décider des demandes en appel à la suite d un avis d expulsion. Lorsque le conseil d administration d une coopérative vote en faveur de l expulsion (par une majorité des deux tiers), le ménage expulsé peut en appeler à un responsable provincial. La demande d appel est examinée par un petit tribunal composé de membres de la coopérative choisis par le responsable. Si le tribunal approuve l expulsion, la coopérative présente ensuite une demande de bref de mise en possession à la Commission de location résidentielle, qui examine seulement la procédure. Des délais très stricts s appliquent. Les coopératives du Manitoba éprouvent toutefois certains problèmes avec ce système. Beaucoup de coopératives ne désignent pas leurs deux bénévoles. Il y a eu des cas de conflits d intérêts. Les membres de chaque tribunal d appel sont informés, mais reçoivent peu de formation pour assumer cette tâche importante. Il serait difficile de maintenir un système semblable en Ontario, compte tenu du très grand nombre de coopératives d habitation. Nous pensons également qu il serait difficile de convaincre le gouvernement de l Ontario que ce système serait efficace avec le temps. b. Arbitrage obligatoire Le mouvement coopératif pourrait demander que les coopératives soient autorisées à recourir à l arbitrage obligatoire au lieu de s adresser aux tribunaux. Nous pourrions établir un système d arbitrage privé en utilisant des arbitres experts qui ont reçu une formation spécialisée dans les coopératives d habitation. Après avoir appliqué la procédure interne simplifiée dans la coopérative, la décision finale serait prise par un arbitre. Le bref de mise en possession serait encore émis par les tribunaux, mais les seules questions qui pourraient être soulevées seraient associées à un défaut de procédure dans l arbitrage. L échelle des honoraires pour les arbitres qualifiés pourrait rendre ce système plus coûteux que le tribunal du genre décrit ci-après, mais il serait plus rapide et moins coûteux que le système actuel. c. Un tribunal des coopératives d habitation Les coopératives d habitation pourraient demander d avoir quelque chose comme le Tribunal du logement locatif dont nous avons parlé plus haut. Un tribunal des coopératives d habitation pourrait être autonome ou être une division à l intérieur d un tribunal du logement locatif plus grand. 5
Les coopératives pourraient s attendre à retirer plusieurs avantages de cette approche, comparativement au recours aux tribunaux conventionnels. Un système de tribunal pour les coopératives d habitation bien conçu serait simple, facile à comprendre, rapide et peu coûteux tous les bons éléments pour les ménages qui risquent l expulsion, ainsi que pour les coopératives. Ce système comporterait un volet de médiation, qui permettrait aux coopératives d habitation de faire un meilleur usage des objectifs de rendement qu elles ne le font maintenant. Grâce à des formulaires disponibles du tribunal ou sur le site Web, du personnel expérimenté de coopératives pourrait déposer une demande d expulsion standard, aller au tribunal et conclure l expulsion sans avoir à recourir à un avocat, comme le personnel le fait dans un immeuble de logements sans but lucratif ou locatifs. d. Le Tribunal du logement locatif Nous pourrions également recourir au Tribunal du logement locatif actuel pour décider des expulsions dans une coopérative, comme pour les bailleurs et les locataires. Le mouvement coopératif pourrait également exiger que les commissaires qui décident des expulsions dans les coopératives d habitation reçoivent une formation spéciale. La procédure d expulsion simple du Tribunal ne coûte habituellement pas plus de 500 $ à 1 000 $ pour les propriétaires privés et sans but lucratif. Nous savons que le Tribunal du logement locatif a une mauvaise réputation auprès de certaines personnes, mais nous pensons qu il pourrait fonctionner mieux pour les coopératives et leurs membres que pour les locataires. Les coopératives pourraient s adresser au Tribunal seulement après avoir décidé de l expulsion après un processus interne. Les règlements des coopératives pourraient faire en sorte que, par souci d équité, les coopératives donnent de l information au sujet du Tribunal aux ménages qui font face à l expulsion. La Région de l Ontario veut savoir si ses membres appuient la réforme de la Loi pour retirer les expulsions du système des tribunaux conventionnels. Si nos membres sont d accord, nous aimerions examiner très attentivement diverses approches possibles aux modifications législatives avant de nous engager envers une de ces solutions ou une combinaison de ces solutions. Si les membres sont d accord, le Conseil examinera les possibilités, amorcera des discussions avec le gouvernement et présentera à nos membres l an prochain l orientation que nous recommandons pour modifier notre procédure pour les expulsions. 6