THOUX CHRONIQUE SOMMAIRE 1. INTRODUCTION 2. ETIOLOGIE 3. COMPLICATIONS 4. STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE 5. STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE 6.



Documents pareils
Tout sur la toux! La toux est une des principales causes de. La classification de la toux. Les caractéristiques de la toux selon son étiologie

La toux chronique de l adulte, démarche diagnostique

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

Module digestif. II. Prévention du reflux gastro-œsophagien :

Patho Med Cours 5. Maladie Pulmonaires Obstructives BPCO Asthme

Les fiches repères d INTEGRANS sont réalisées par ARIS Franche-Comté dans le cadre du programme INTEGRANS. Plus d infos sur

Association lymphome malin-traitement par Interféron-α- sarcoïdose

Mieux informé sur la maladie de reflux

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

La prise en charge de votre insuffisance cardiaque

recommandations pour les médecins de famille

Manifestations extradigestives du reflux gastro-œsophagien chez l adulte

ÉVALUATION DE LA PERSONNE ATTEINTE D HYPERTENSION ARTÉRIELLE

La Broncho-Pneumopathie chronique obstructive (BPCO)

Brûlures d estomac. Mieux les comprendre pour mieux les soulager

Service des Maladies Respiratoires Hôpital Ibn Rochd CHU Ibn Rochd Casablanca

GUIDE INFO-ASTHME.

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

TRAITEMENT DE LA MPOC. Présenté par : Gilles Côté, M.D.

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Migraine et Abus de Médicaments

Nouveautés dans Asthme & MPOC

RECOMMANDATION POUR LA PRATIQUE CLINIQUE LA TOUX CHRONIQUE CHEZ L ADULTE

Docteur, j ai pris froid!

La migraine : une maladie qui se traite

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Erosions dentaires chez l enfant et l adolescent: arrière-plans gastroentérolo

Gestion des épidémies en FAM et MAS. 2 ère réunion annuelle FAM/MAS 20 mars 2015


Note de synthèse Assurance Maladie. Information des professionnels de santé sur les produits de santé mars 2011

Avis 29 mai XYZALL 5 mg, comprimé B/14 (CIP : ) B/28 (CIP : ) Laboratoire UCB PHARMA SA.

S o m m a i r e 1. Sémiologie 2. Thérapeutique

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)

Céphalées. 1- Mise au point sur la migraine 2- Quand s inquiéter face à une céphalée. APP du DENAISIS

Questionnaire santé et soins médicaux pour les moins de 16 ans


DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 1 er octobre 2008

LE REFLUX ACIDE ET LE RGO

QUI PEUT CONTRACTER LA FA?

«Les lombalgies chroniques communes à la consultation de rhumatologie du CHU de Fès»

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

DOSSIER - AEROSOLTHERAPIE PAR NEBULISATION

Point d Information. Le PRAC a recommandé que le RCP soit modifié afin d inclure les informations suivantes:

INSUFFISANCE CARDIAQUE DROITE Dr Dassier HEGP

Céphalées de tension. Hélène Massiou Hôpital Lariboisière, Paris

Guide du parcours de soins Titre GUIDE DU PARCOURS DE SOINS. Bronchopneumopathie chronique obstructive

L'œsophage L'œsophage est un tube musculaire qui traverse de la bouche à l'estomac. Causes

MIGRAINES. Diagnostic. A rechercher aussi. Critères IHS de la migraine. Type d aura. Particularités chez l enfant. Paraclinique.

Comment ça va? Quand ça ne va pas. 4 comment ça va?

dmt Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et travail Introduction État des connaissances Paris, 21 décembre 2007 notes de congrès

Actualités s cancérologiques : pneumologie

BPCO * La maladie respiratoire qui tue à petit feu. En France, 3,5 millions de personnes touchées dont 2/3 l ignorent morts chaque année...

Service d Urologie - Hôpital de la Conception - APHM. 2. Service de Gynécologie Obstétrique - Hôpital de la Conception - APHM. 3

PRISE EN CHARGE DES PRE ECLAMPSIES. Jérôme KOUTSOULIS. IADE DAR CHU Kremlin-Bicêtre. 94 Gérard CORSIA. PH DAR CHU Pitié-Salpétrière.

Maladies neuromusculaires

Mieux vivre avec votre asthme

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Grossesse et HTA. J Potin. Service de Gynécologie-Obstétrique B Centre Olympe de Gouges CHU de Tours

PROGRESSEZ EN SPORT ET EN SANTÉ. Mieux vivre avec ma maladie chronique, Me soigner par l activité physique Programmes Santé

Groupe 1 somnovni 12/12/14

Thérapeutique anti-vhc et travail maritime. O. Farret HIA Bégin

SURVEILLANCE DES SALARIES MANIPULANT DES DENREES ALIMENTAIRES

Traitement chirurgical du reflux gastro-œsophagien et de la hernie hiatale

Ville : Province : Code postal : Date de naissance : jour mois année Date de naissance : jour mois année

Un environnement sans fumée pour vos enfants. Comment y parvenir?

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

EVALUATION DES TECHNOLOGIES DE SANTÉ ANALYSE MÉDICO-ÉCONOMIQUE. Efficacité et efficience des hypolipémiants Une analyse centrée sur les statines

Observation. Merci à l équipe de pharmaciens FormUtip iatro pour ce cas

GASTRO-ENTEROLOGIE. Variabilité. A des entrées. B des sites anatomiques. C inter-individuelle. D intra-individuelle

.( /.*!0) %1 2"+ %#(3004) 05' 203 .(.*0"+ ) '!2"+ %#(30+ 0!"%) 4!%2) 3 '!%2"+ %#(30! &' 4!!% .+.*0%!!'!(!%2" !

Le traitement du paludisme d importation de l enfant est une urgence

PROGRAMME D ACTIONS SUR LES PARCOURS DE

B06 - CAT devant une ischémie aiguë des membres inférieurs

Contrôle difficile non prévu des voies aériennes: photographie des pratiques

Livret des nouveaux anticoagulants oraux. Ce qu il faut savoir pour bien gérer leur utilisation

Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports. Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins

Leucémies de l enfant et de l adolescent

RECOMMANDATIONS SUR LA MPOC MISE À JOUR DE 2007

Cancer et dyspnée: comment peut-on soulager? Dr Lise Tremblay 10 mai 2010

Fonctions non ventilatoires

Les différentes maladies du coeur

Contenu de la formation PSE1et PSE2 (Horaires à titre indicatif)

Comment traiter le reflux gastro-oesophagien?

PLAC E DE L AN ALYS E TOXIC OLOG IQUE EN URGE NCE HOSP ITALI ERE

DU BON USAGE DES TRIPTANS DANS LA MIGRAINE

DYSKINESIE CILIAIRE PRIMITIVE BROCHURE D INFORMATION DESTINEE AUX PATIENTS ET LEUR FAMILLE QU EST-CE QUE LA DYSKINESIE CILIAIRE PRIMITIVE?

HERNIE DISCALE LOMBAIRE

Algorithme d utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

LANCEMENT DE IPRAALOX, 20 mg Pantoprazole

EXEMPLE DE LETTRE DE PLAINTE

Session Diagnostic. organisme gestionnaire du développement professionnel continu.

QUE SAVOIR SUR LA CHIRURGIE de FISTULE ANALE A LA CLINIQUE SAINT-PIERRE?

Tom Smiley, B.Sc. Phm., Pharm. D.

Prise en charge de l embolie pulmonaire

La ventilation non invasive aux soins intensifs

Information professionnelle du Compendium Suisse des Médicaments. Aridol TRIMEDAL

Céphalées vues aux Urgences. Dominique VALADE Centre d Urgence des Céphalées Hôpital Lariboisière PARIS

Transcription:

Département de médecine communautaire de premier recours et des urgences Service de médecine de premier recours THOUX CHRONIQUE SOMMAIRE 1. INTRODUCTION 2. ETIOLOGIE 3. COMPLICATIONS 4. STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE 5. STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE 6. MESSAGES CLÉS 7. RÉFÉRENCES

TOUX CHRONIQUE 1 INTRODUCTION La toux chronique est un motif relativement fréquent de consultation, constituant entre 3 et 10% des consultations d un médecin de premier recours. La toux est classifiée en 3 catégories selon sa durée : la toux aiguë (moins de 3 semaines), la toux subaiguë (entre 3 et 8 semaines) et la toux chronique (plus de 2 mois). 1,2 Seule la toux chronique est abordée dans cette stratégie, et uniquement chez les adultes immunocompétents. 2 ETIOLOGIE La toux est un phénomène reflexe complexe de protection des voies aériennes déclenché par la stimulation de récepteurs mécaniques et chimiques situés dans le système respiratoire (trachée, bronches, plèvre), mais également dans la sphère ORL (nez, sinus, pharynx, larynx, canal auditif, tympan) et digestive (œsophage, estomac). 3 Toutes ces localisations doivent être considérées dans le diagnostic différentiel de la toux chronique. Chez l adulte immunocompétent consultant pour une toux chronique, 3 diagnostics se partagent environ 90% des étiologies (syndrome de toux des voies aériennes supérieurs (VRS), asthme et reflux gastro-œsophagien). 4 Si l on ajoute 4 autres diagnostics, plus de 95% des étiologies de toux chroniques sont recouvertes (cf. tableau 1). 5 La BPCO occupe une place particulière dans cette liste, car elle est probablement la cause la plus fréquente de toux chronique, mais n engendre que rarement une consultation pour ce motif. Les causes plus rares de toux chroniques sont listées dans le tableau 2. A noter que la toux d origine psychogène est rare et reste un diagnostic d exclusion. CAVE : Il est à souligner que les étiologies multiples sont très fréquentes. Ainsi, on peut retrouver 2 causes ou plus de toux chronique chez 25% à 40% des patients. Cette notion a une grande importance dans la démarche diagnostique et thérapeutique (cf. infra). - Syndrome de toux des voies respiratoires supérieures (anciennement «écoulement nasal postérieur») (8-58%) - Asthme (6-59%) - Reflux gastro-œsophagien (5-40%) - Bronchite à éosinophiles (11-13%) - BPCO - Bronchiectasies (4%) - Inhibiteur de l enzyme de conversion de l angiotensine (IEC) Tableau 1. Etiologies les plus fréquentes (>95% des toux chroniques) HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 2

- Médicaments (autres qu IEC) - Pneumopathies interstitielles - Carcinome broncho-pulmonaire (<2%) - Corps étranger trachéobronchique - Insuffisance cardiaque occulte - Irritation du conduit auditif externe (bouchon de cerumen, corps étranger) - Trachéobronchomalacie - Diverticule trachéal - Toux psychogène Tableau 2. Etiologies plus rares (par ordre décroissant de fréquence) 3 COMPLICATIONS A cause des pressions intrathoraciques élevées qu elle génère, la toux peut entraîner de multiples complications, qui n ont le plus souvent pas de rapport avec sa cause. 3 Ces complications sont certes peu fréquentes, mais peuvent être sérieuses. Les principales sont résumées dans le tableau 3. Respiratoire Neurologique Cardiovasculaire Musculosquelettique Autres - trouble du rythme - hypotension artérielle - ruptures des veines conjonctivale s anales, nasales - déplacement de cathéters centraux - pneumothorax - pneumomédiastin - trauma laryngé - syncope - céphalées - épilepsie - dissection des artères vertébrales - rupture d anévrysme - fracture de côtes - hernie discale - rupture de plaies chirurgicales ou des muscles grands droits - purpura, pétéchies - incontinence urinaire - pneumopéritoine - hernie inguinale - rupture splénique - altération de la qualité de vie Tableau 3. Complications de la toux 4 STRATEGIE DIAGNOSTIQUE En présence d une toux chronique chez un patient immunocompétent, la démarche cidessous peut être proposée (cf. algorithme en annexe). Celle-ci vise essentiellement à identifier les causes les plus fréquentes de toux chronique, ce qui permet de traiter avec succès l immense majorité des patients. Pour rappel, cette démarche ne concerne pas la toux subaiguë (entre 3 et 8 semaines), qui est le plus souvent post-infectieuse avec un début coïncidant avec des symptômes d IVRS. Une des difficultés dans la prise en charge de la toux chronique est que les diagnostics à l origine de la toux sont parfois difficiles à établir de façon claire et que leur responsabilité dans la toux ne peut pas être démontrée par un test diagnostique. Les traitements d épreuve ont donc une place essentielle dans la stratégie diagnostique. HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 3

4.1 Anamnèse dirigée : o Symptômes pulmonaires ou ORL associés? o Symptômes de RGO? o Tabac? o Inhibiteurs de l enzyme de conversion (IEC)? 4.2 Examen clinique : Cardio-pulmonaire, ORL (y compris conduit auditif externe) et digestif. 4.3 Radiographie du thorax : La radiographie du thorax fait partie du bilan initial de toute toux chronique et ne doit en aucun cas être oubliée. Lors de son interprétation, on cherchera particulièrement des bronchiectasies, une néoplasie, une pneumopathie interstitielle ou un corps étranger. Il faut toutefois noter que la sensibilité de la radiographie pour détecter des formes discrètes de ces pathologies est médiocre. En cas d échec de la stratégie de prise en charge décrite ci-dessous, la réalisation d un scanner thoracique à coupes fines est donc de mise. 4.4 Stop tabac Si le patient est fumeur, il semble peu raisonnable de pousser la prise en charge de la toux chronique avant l interruption du tabagisme. 4.5 Eliminer les IEC La toux sur les IEC concerne environ 15% des patients traités et n est pas dosedépendante. 6 Elle commence le plus souvent durant la 1ère semaine de traitement, mais peut survenir jusqu à 6 mois après. Le traitement consiste en l interruption du médicament. La disparition de la toux prend généralement entre 1 à 4 semaines après l arrêt de l IEC, voire jusqu à 3 mois. L IEC peut être remplacé par un antagoniste du récepteur de l angiotensine II (ARAII). En effet, bien que les ARAII s associent à une toux chez environ 3% des patients, cette incidence semble similaire à celle des médicaments contrôles. La toux récidive généralement en cas de réintroduction d un IEC, qu il soit identique ou différent du médicament incriminé. 4.6 Chercher et/ou traiter les 4 étiologies les plus fréquentes de la toux : syndrome de toux des VRS, asthme, bronchite à éosinophiles et RGO. La toux peut être l unique symptôme dans ces 4 diagnostics. L absence de symptômes ORL, de dyspnée, de reflux/pyrosis ne permettent donc pas de les exclure Aucune caractéristique de la toux n est réellement contributive pour faire suspecter ou exclure l un de ces 4 diagnostics (toux grasse/sèche ; avec/sans expectorations ; matinale/nocturne/constante, etc. ) En cas de symptômes associés évocateurs d un des 4 diagnostics, on commencera par investiguer et/ou traiter ce diagnostic. Dans le cas contraire, on cherchera et/ou traitera les 4 étiologies successivement selon l ordre de prévalence ci-dessous. Vu la fréquence des étiologies multiples, tout traitement partiellement efficace doit absolument être maintenu pendant que d autres traitements sont séquentiellement ajoutés. HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 4

4.7 Particularités cliniques et physiopathologiques des 4 étiologies les plus fréquentes : 4.7.1 Le syndrome de toux des voies respiratoires supérieures (Upper Airways Cough Syndrome) Il peut se manifester soit par une toux chronique isolée, soit en association avec des symptômes ORL non spécifiques (rhinorrhée, congestion nasale, sensation d écoulement nasal postérieur, éternuements, hemmage). 7 Ces symptômes n ont une valeur prédictive positive que dans 50% des cas. Au status ORL, on peut observer des sécrétions mucopurulentes ou une hypertrophie des cordons lymphoïdes au niveau du naso- et de l oropharynx (aspect en pavé). Le diagnostic est difficile et sous-estimé, car il n y a pas de test diagnostique spécifique (à l exception du CT des sinus pour la sinusite chronique). Seule une réponse au traitement empirique (cf. stratégie thérapeutique) permettra de retenir définitivement le diagnostic. Aucune investigation complémentaire n est donc nécessaire. Les causes de ce syndrome sont résumées dans le tableau 4. Rhinite (saisonnière perannuelle) allergique ou Très fréquente, jusqu à 20% des patients Rhinite non allergique perannuelle (rhinite vasomotrice et rhinite non allergique avec éosinophilie (NARES)) Rhinite post-infectieuse Rhinite vasomotrice : sécrétions aqueuses abondantes, souvent en réponse à un stimulus (odeur, changement de température ou d humidité ) La toux peut durer plus de 8 semaines suite à infection des voies respiratoires supérieures. Fréquente après une infection à Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, ou Bordetella pertussis. Sinusite bactérienne Rhinite sur anomalie anatomique obstructive Rhinite irritative (irritants physiques ou chimiques) Rhinite médicamenteuse Staphylocoque doré, Staphylocoque coagulase négatif, anaérobes, Haemophilus influenzae, Moraxella catarrhalis. Déviation septale, polypes, etc. L obstruction favorise accessoirement les sinusites bactériennes secondaires Froid, fumées, agents industriels, etc. usage prolongé d alpha-agonistes topiques, cocaïne Tableau 4. Etiologies du syndrome de toux des voies respiratoires supérieures 4.7.2 L asthme La toux est un symptôme classique de l asthme. 8 Afin de déceler un asthme méconnu, il est utile de réaliser une spirométrie avec test de réversibilité, un test à la méthacholine et/ou un suivi des Peak Flow (= débit de pointe expiratoire). 9 Pour ce dernier, on demandera au patient de relever la meilleure de 3 valeurs 2x/j pendant 1 à 2 semaines. La variation des Peak Flow peut être évaluée ainsi : valeur maximale valeur minimale HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 5

divisée par la valeur minimale. Par exemple, un Peak Flow variant entre 400 et 340 L/min sur 1 semaine présente une variation de 60/340=18%. Un asthme est suspecté à partir d une variation > 10% des valeurs de Peak Flow et diagnostiqué par une variation > 20%. Bien que la place du NO exhalé dans le diagnostic de l asthme n ait pas encore été évaluée prospectivement, une valeur élevée est certainement utile pour suspecter un asthme. Un traitement d épreuve par stéroïdes inhalés est une alternative tout à fait raisonnable aux tests susmentionnés. La spirométrie reste cependant indispensable en cas de dyspnée associée. En dehors de la toux chronique associé à l asthme de présentation classique, il existe une variante de l asthme (cough variant asthma) qui se présente uniquement par une toux, sans variation journalière du Peak Flow, ni syndrome obstructif à la spirométrie. Le test à la méthacholine est positif. En effet, ce test a une excellente sensibilité (~100%) pour exclure une variante d asthme ne se manifestant que par une toux. Par contre, ce test est peu spécifique (60-88%). 4.7.3 La bronchite à éosinophiles La bronchite à éosinophiles est une cause souvent mal connue de toux chronique, que l on ne différencie de l asthme que depuis récemment. 10 Il s agit d une inflammation éosinophilique chronique des bronches d origine peu claire. Elle se manifeste par une toux isolée. La spirométrie est normale et il n y a pas de variations diurnes du Peak Flow. Contrairement à l asthme, le test à la méthacholine est normal. Le diagnostic peut être confirmé soit par la présence de plus de 3% d éosinophiles dans les expectorations induites ou le lavage bronchiolo-alvéolaire, soit par une amélioration clinique sous un traitement empirique par corticostéroïdes inhalés. 4.7.4 Le reflux gastro-œsophagien (RGO) La physiopathologie liant le RGO à la toux reste peu claire. 11 Trois mécanismes semblent impliqués : des microaspirations de liquide gastrique (cave : l acidité n est pas l unique irritant qu il contient), une stimulation directe des récepteurs à la toux qui existent au niveau du 1/3 distal de l œsophage et des troubles de la motilité œsophagienne causant un réflexe de toux. 75% des reflux gastro-œsophagiens sont asymptomatiques. L absence de symptômes associés ne permet donc pas d exclure un RGO comme cause d une toux chronique. La présence d une symptomatologie évocatrice (dyspepsie, pyrosis, accentuation de la toux en postprandial ou en position couchée) n a qu une valeur prédictive positive de 40%. Les examens complémentaires potentiellement utiles sont la ph-métrie de 24 heures (sensibilité 90%, VPP 70%), l impédance-métrie œsophagienne (seule technique permettant de mesurer les reflux non acides), voire l oeso-gastro-duodénoscopie (OGD), qui est à la fois peu sensible et peu spécifique. Un traitement d épreuve d emblée par inhibiteurs de la pompe à protons est une alternative tout à fait raisonnable, sous réserve qu ils ne traiteront pas d éventuels reflux non acides. A noter que l effet du traitement sur la toux peut prendre jusqu à 3 mois. HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 6

5 STRATEGIE THERAPEUTIQUE 5.1 Traitements spécifiques Etant donné la prévalence importante du syndrome de toux des VRS, de l asthme, de la bronchite à éosinophiles et du RGO, et étant donné que ces diagnostics peuvent ne se manifester que par une toux isolée, une tentative de traitement spécifique de ces 4 diagnostics s impose systématiquement en cas de toux réfractaire. 1,5,12,13 Il n est pas nécessaire que ces diagnostics soient établis formellement avant d en introduire un traitement spécifique, la réponse à un traitement d épreuve étant en soi un argument diagnostique important. Par contre, ces traitements ne devraient s envisager uniquement en l absence de tabagisme actif, en l absence d IEC et avec une radiographie du thorax normale. En cas de symptômes évocateurs d un ou deux diagnostics à l origine de la toux chronique, on commencera par traiter spécifiquement ce ou ces diagnostics. Dans le cas contraire, on traitera successivement les 4 diagnostics ci-dessous dans l ordre, en raison de leur prévalence décroissante. Chaque tentative de traitement devra être de durée suffisante en raison de réponses tardives fréquentes (2 à 3 mois pour le RGO et l asthme ; 2 à 4 semaines pour le syndrome de toux des VRS). En cas de réponse partielle à un traitement, celui-ci sera poursuivi pendant que les autres traitements spécifiques seront introduits séquentiellement (étiologies multiples fréquentes). Une stratégie alternative consiste à traiter simultanément les 4 diagnostics (spray nasal de corticoïdes, stéroïdes inhalés et IPP) et à retirer chaque médicament séquentiellement en cas de succès. Cette stratégie peut se justifier pour des patients qui préfèrent multiplier le nombre de traitements pour tenter d accélérer la réponse thérapeutique. 5.1.1 Syndrome de toux des voies respiratoires supérieures Le traitement du syndrome de toux des VRS est résumé dans le tableau 5. 14,15 En l absence de diagnostic rhinologique établi, le 1 e choix de traitement est un spray nasal de stéroïdes, suivi éventuellement par un anticholinergique nasal (ex : bromure d ipratropium : Rhinovent 0.03%, 2 push/narine 3x/j) ou un spray nasal d azelastine, un antihistaminique dont l efficacité a été établie par plusieurs essais randomisé contrôlés (ex : Otrivin rhume des foins, 2 push/narine 2x/j). HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 7

Rhinite allergique Rhinite allergique post- Rhinite infectieuse Sinusite bactérienne Rhinite anomalies anatomiques non sur Rhinite médicamenteuse Mesures d éviction Stéroïde nasal (ex : Avamys, Nasonex ) Anti-H 1 oral (ex : Cetallerg, Aerius ) Stéroïde nasal x 3 mois Anticholinergique nasal (ex : Rhinovent ) ou Anti H 1 nasal (ex : Otrivin rhume des foins ) pdt 3 sem., éventuellement relayé par stéroïde nasal x 3 mois Anti-H 1 /décongestionnant per os (ex : Rhinopront ) Anticholinergique nasal (ex : Rhinovent ) Anti-H 1 /décongestionnant per os (ex : Rhinopront ) Si hyperréactivité bronchique: anticholinergique (ex : Atrovent ) AB controversés, minimum 3 semaines Anti-H 1 /décongestionnant per os x 3 semaines Vasoconstricteur nasal pdt 5 j relayé par stéroïde nasal pdt 3 mois Si échec du ttt, considérer chirurgie endoscopique des sinus Chirurgie nasale Interrompre les gouttes vasoconstrictrices Anticholinergique nasal (ex : Rhinovent ) Stéroïde nasal x 3 semaines Tableau 5. Traitements du syndrome de toux des VRS. Anti-H1= antihistaminique 5.1.2 Asthme Le traitement du cough variant asthma est identique à celui de l asthme classique et repose essentiellement sur les corticostéroïdes inhalés (cf. stratégie dédiée à l asthme). Un enseignement correct et répété de la technique d inhalation est indispensable, bien que souvent oublié. 5.1.3 Bronchite à éosinophiles Le traitement principal de la bronchite à éosinophiles consiste en des corticostéroïdes inhalés. Si le diagnostic est bien établi et que la toux résiste à ce traitement, une cure de stéroïdes oraux peut être envisagée. 5.1.4 Reflux gastro-œsophagien La prise en charge du RGO comprend : 1. Diète : éviter graisses, alcool, café, thé, soda, chocolat, menthe, citron et tomates 2. Hygiène de vie : stop tabac, augmenter l exercice physique, repas <2h avant coucher 3. Traiter l obésité 4. Inhibiteurs de la pompe à protons (ex : oméprazole 40mg, 1 à 2x/j). La fréquence d administration n est pas clairement établie (1 versus 2x/j) : la prise 2x/j semble mieux contrôler le ph gastrique, mais s associe à plus d effets secondaires (surtout intolérances digestives). Ces effets secondaires et la lenteur d apparition de l effet sur la toux expliquent une fréquence non négligeable d interruption de traitement. Il est donc utile de revoir les patients en cours de traitement pour s assurer que celui-ci n est pas abandonné en cours de route. 5. Eventuellement procinétique (ex : métoclopramide 10 mg 3x/jour) HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 8

En cas d échec d un traitement médical empirique de 3 mois, il peut être utile de pratiquer des examens complémentaires, tels que ph-métrie et impédance-métrie. En effet, en cas de confirmation du diagnostic de RGO, un traitement chirurgical peut être proposé, même si le taux de succès de celui-ci semble mitigé. 5.2 En cas de persistance de la toux sous traitement Evaluer l observance thérapeutique Envisager une mauvaise technique d utilisation des inhalateurs et des sprays nasaux Prolonger les traitements : il faut parfois attendre 2 à 3 mois de traitement continu pour obtenir l effet d un traitement sur la toux. Or, il arrive fréquemment que les patients interrompent précocement leur traitement d IPP ou de stéroïdes inhalés à cause de leur absence d effet. Optimiser le traitement de chaque diagnostic (cf. stratégie thérapeutique) Réaliser un CT thoracique à coupes fines afin de déceler une pathologie non perçue à la radiographie du thorax, telle que des bronchiectasies, une pneumopathie interstitielle, une néoplasie ou un corps étranger. Référer le patient à un pneumologue 5.3 Traitements non spécifiques Il existe plusieurs formes de traitement non spécifique de la toux, avec des mécanismes physiopathologiques différents. Parmi les molécules pour lesquelles quelques évidences de bénéfice ont pu être montrées dans la toux chronique, on peut citer la codéine (30-50mg), la morphine 5-10 mg 2x/j (cave addiction!) et le dextrométhorphane (20-30mg ; ex : Bexine, Pulmofor, Pretuval, Vicks Toux ). Leur utilité reste faible, car leur efficacité est limitée et le traitement spécifique des étiologies sous-jacentes a un excellent taux de succès (84-98%). L introduction d un traitement non spécifique ne doit donc en aucun cas différer la stratégie diagnostique et les traitements spécifiques. 6 MESSAGES CLES La prise en charge d une toux chronique comprend systématiquement l arrêt du tabagisme, le retrait des IEC et une radiographie du thorax. Chez le patient non fumeur, sans IEC et avec une radiographie du thorax normale, la toux chronique est due dans plus de 90% des cas à 4 diagnostics : le syndrome de toux des VRS, l asthme, la bronchite à éosinophiles et le RGO. Ces 4 diagnostics peuvent se manifester uniquement par une toux chronique isolée, sans aucun symptôme associé. En cas de toux persistante, leur traitement systématique est donc justifié. Il est fréquent que plusieurs étiologies coexistent chez le même patient (>25% des cas). Ainsi, il ne faut pas arrêter un traitement partiellement efficace, mais y ajouter séquentiellement d autres traitements. Il faut parfois 2 à 3 mois pour avoir une réponse clinique à un traitement. Les antitussifs non spécifiques sont nettement moins efficaces que le traitement causal spécifique de la toux chronique et ne sont donc à utiliser uniquement lors d échec d une approche thérapeutique systématique des causes sous-jacentes de la toux. HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 9

7 REFERENCES 1. Irwin, R.S. et al. Diagnosis and management of cough executive summary: ACCP evidence-based clinical practice guidelines. Chest 129, 1S-23S (2006). 2. Albert, R.K., FRCP, S.G.S.B.M. & MD, J.R.J. Clinical Respiratory Medicine: Expert Consult - Online and Print. (Mosby: 2008). 3. Silvestri, R.C. Evaluation of subacute and chronic cough in adults. UpToDate (2010). 4. Pratter, M.R. Overview of common causes of chronic cough: ACCP evidence-based clinical practice guidelines. Chest 129, 59S-62S (2006). 5. Irwin, R.S. & Madison, J.M. The diagnosis and treatment of cough. N. Engl. J. Med 343, 1715-1721 (2000). 6. Dicpinigaitis, P.V. Angiotensin-converting enzyme inhibitor-induced cough: ACCP evidence-based clinical practice guidelines. Chest 129, 169S-173S (2006). 7. Pratter, M.R. Chronic upper airway cough syndrome secondary to rhinosinus diseases (previously referred to as postnasal drip syndrome): ACCP evidence-based clinical practice guidelines. Chest 129, 63S-71S (2006). 8. Dicpinigaitis, P.V. Chronic cough due to asthma: ACCP evidence-based clinical practice guidelines. Chest 129, 75S-79S (2006). 9. Global Strategy for Asthma Management and Prevention, Global Initiative for Asthma (GINA). (2009).à <http://www.ginasthma.org> 10. Brightling, C.E. Chronic cough due to nonasthmatic eosinophilic bronchitis: ACCP evidence-based clinical practice guidelines. Chest 129, 116S-121S (2006). 11. Irwin, R.S. Chronic cough due to gastroesophageal reflux disease: ACCP evidencebased clinical practice guidelines. Chest 129, 80S-94S (2006). 12. Morice, A.H. Recommendations for the management of cough in adults. Thorax 61, i1-i24 (2006). 13. Weinberger, S.E. Treatment of subacute and chronic cough in adults. UpToDate (2010). 14. Liebermann, P.L. Chronic nonallergic rhinitis. UpToDate (2010). 15. DeShazo, R.D. Pharmacotherapy of allergic rhinitis. UpToDate (2010). Première version : été 2010 L. Gex, G. Gex, J-P Janssens Pour tout renseignement, commentaire ou question : marie-christine.cansell@hcuge.ch HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 10

Algorithme TOUX CHRONIQUE Investiguer et/ou traiter Etiologie suspectée Anamnèse Status Tabagisme Stopper Réponse insuffisante à ttt optimal Chercher et/ou traiter dans cet ordre : Syndrome de toux des VRS Ttt empirique (Avamys, Rhinovent, Rhinopront, ) Asthme Idéalement évaluer (spirométrie avec réversibilité, test à la méthacholine) Ou traitement empirique (stéroïdes inhalés) Bronchite à éosinophiles Idéalement chercher éosinophiles dans les expectorations Ou ttt empirique (stéroïdes inhalés) Reflux gastro-œsophagien Ttt empirique (diète, hygiène de vie, IPP) Pas de réponse Réponse insuffisante au tttt optimal - Contrôler la compliance - Contrôler les techniques d inhalation - Maintenir les ttt partiellement efficaces et rajouter séquentiellement les autres ttt - Prolonger les ttt minimum 2 à 3 mois Considérer : - ph-métrie/impédance-métrie - OGD ou vidéofloroscopie - CT sinus - CT thoracique - Echocardiographie - Suivi pneumologique HUG DMCPRU Service de médecine de premier recours Page 11