Bulletin Droit des affaires Mai 2003 Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. Conservation et archivage des documents votre entreprise s est-elle dotée d une politique en la matière? Vancouver Yellowknife Toronto Montreal Québec New York Londres www.fasken.com Les récents événements entourant la débâcle d Enron-Andersen ont incité les entreprises à prendre davantage conscience des conséquences juridiques rattachées à la conservation et à la destruction des documents. Les entreprises canadiennes se demandent actuellement si elles sont obligées de conserver tous leurs documents, y compris les lettres et les courriels, et craignent que l omission de procéder ainsi pourrait être perçue comme un acte fautif et même engager leur responsabilité. En raison de la quantité impressionnante de données de toutes sortes que produisent les entreprises de nos jours, il serait inefficace d adopter comme politique générale de conserver tous les documents en permanence. La solution réside plutôt dans l adoption d une bonne politique en matière de conservation des documents qui soit suffisamment détaillée et que l on applique de façon constante. Le fait pour une entreprise de posséder une politique de conservation des documents lui permet de gérer efficacement les documents papier, notes personnelles, courriels et autres données stockées sur un support technologique. Un des avantages immédiats d une telle politique est constitué par les économies que permet de réaliser la destruction de données inutiles et périmées. Le second avantage, à long terme cette fois-ci, est d assurer que la destruction soit conforme aux lois applicables. La première étape de la rédaction d une politique de conservation des documents consiste à définir les besoins de l entreprise ainsi que les catégories de documents à conserver, lesquelles varieront selon le secteur dans lequel celle-ci exerce ses activités. Par exemple, la plupart des entreprises devraient posséder une catégorie de documents «ressources humaines», sans nécessairement avoir besoin d une catégorie propre aux substances et déchets dangereux si leurs activités ne concernent pas de telles substances. Une fois les catégories pertinentes de documents établies, il sera possible de déterminer le type de documents qui en feront partie. Après qu auront été définis les besoins de l entreprise ainsi que les catégories et types de documents à conserver, la prochaine étape consiste à identifier les lois et règlements pertinents touchant les activités de l entreprise. Au Canada, certaines lois prévoient des périodes de conservation prédéterminées à l égard de catégories précises de documents, par exemple :
Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. Bulletin Droit des affaires 2 CATÉGORIE PÉRIODE DE CONSERVATION LOI Livres comptables des sociétés Documents relatifs à l importation de marchandises commerciales Registres aux fins de l impôt Livres des procès-verbaux, registres des actions et des transferts, grands livres généraux et accords ou contrats des sociétés Six ans suivant la fin de l exercice auquel les livres se rapportent Six ans après l importation Six années suivant la fin de la dernière année d imposition à laquelle les documents se rapportent Deux années après la dissolution de la société Loi canadienne sur les sociétés par actions Loi sur les douanes Loi de l impôt sur le revenu (Canada) Loi de l impôt sur le revenu (Canada) Renseignements personnels Jusqu à ce que l objet du dossier soit accompli Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (Québec) Droit civil Périodes de prescription prévues par la loi de un à dix ans Code civil du Québec, articles 2875 à 2933 Un des grands défis auxquels les entreprises doivent faire face concerne les lettres, notes personnelles et courriels. Les entreprises font souvent peu de cas de ces documents, ce qui fait que leur conservation et leur destruction varient d une succursale à l autre ou même selon les employés. La gestion des courriels devrait faire l objet d une attention particulière. En effet, les gens sont souvent tentés de s exprimer de façon plus informelle dans les courriels que dans une note officielle. Malheureusement, une telle attitude peut avoir des conséquences négatives. De plus, le fait que la transmission de courriels reçus est une opération simple et fréquente, il devient alors facile de perdre la trace des destinataires d un courriel donné. Qui plus est, bon nombre d entreprises conservent leurs courriels sans faire de distinctions et sans suivre de règles précises, certains courriels étant archivés pendant de longues périodes alors que d autres sont immédiatement supprimés. Il n est pas avisé de conserver ces documents de façon désordonnée et l adoption d une politique de conservation des documents assure que cette catégorie de documents reçoive un traitement adéquat. En résumé, une politique de conservation des documents bien conçue devrait tenir compte des éléments suivants : Procédures de mise en œuvre et d exécution simples, claires et bien documentées Les catégories de documents à détruire devraient être évidentes et clairement identifiées, et les lieux et les périodes de conservation devraient être les plus uniformes possible. La politique devrait traiter de la gestion des données tant sur support physique que sur support électronique. Exigences légales L identification des lois et des règlements prévoyant des périodes particulières de conservation des documents, y compris les périodes applicables aux entreprises exerçant leurs activités dans plusieurs provinces canadiennes ou à l extérieur du Canada, permettra d assurer que les documents ne seront pas détruits par inadvertance ou de façon prématurée. Il faut également tenir compte des lois en matière de vie privée et de protection des renseignements personnels puisque les périodes de conservation précitées pourraient entrer en conflit avec les périodes de conservation prévues par ces lois.
Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. Bulletin Droit des affaires 3 Application constante dans le cours normal des affaires Le fait pour une entreprise de veiller au respect strict de sa politique de conservation des documents rend très difficile pour les tiers de percevoir la destruction des documents comme un geste de mauvaise foi. Désignation d un superviseur La nomination d employés responsables, que ce soit par succursale ou catégories de documents, de même qu un superviseur chargé de centraliser le contrôle, assure une conformité constante et une surveillance de cette conformité; elle permet aussi d aviser les personnes appropriées en cas de litiges en instance ou prévisibles nécessitant des mesures spéciales de conservation. Le superviseur devrait également être responsable de la formation des nouveaux employés. Souplesse face aux obligations éventuelles de conservation L identification des documents qui doivent être conservés en raison d un litige en instance ou prévisible ou en raison d exigences contractuelles ou légales. Des conventions peuvent exiger des parties contractantes qu elles retournent ou détruisent des documents après la survenance d un certain événement, tel que dans le contexte de clauses de confidentialité. Les entreprises doivent respecter ces obligations de la même manière que toute autre obligation prévue aux termes de conventions. Adoption et mise en application de bonne foi L importance d indiquer expressément que l on ne peut utiliser la politique aux fins de se départir de preuves potentiellement incriminantes, mais que celle-ci constitue plutôt un outil nécessaire à la gestion des documents de l entreprise. Une fois la politique de conservation des documents adoptée, il est essentiel de tenir compte en tout temps des enquêtes ou des litiges en instance ou éventuels. Lorsque l entreprise est sous enquête ou partie à un litige ou qu une telle éventualité est prévisible, il est important de repérer les documents pertinents afin d en empêcher la destruction. La destruction de ces documents pendant que l entreprise fait l objet d une enquête ou est partie à un litige ou lorsqu elle a reçu des indications qu un litige est en cours pourrait être perçue comme un geste de mauvaise foi ou un acte fautif même si la politique existante de conservation des documents de l entreprise en permettait la destruction. Dans certains cas, la destruction est même interdite jusqu à ce que le tribunal ait rendu son jugement. De nos jours, il n existe à peu près pas de relations commerciales qui soient immunisées contre les litiges et, à ce titre, aucune entreprise ne devrait être empêchée de mettre en œuvre sa politique de conservation des documents. Sauf si une entreprise reçoit des indications claires qu un litige aura lieu, elle devrait appliquer de façon constante sa politique de conservation des documents et aucun document ne devrait être sélectivement soustrait à l application de cette politique. Il est intéressant de souligner que les règles de preuve permettent souvent à une partie à un litige de recourir à une preuve secondaire afin d établir le contenu d un écrit lorsqu elle ne peut, de bonne foi, produire l original. Le Parlement a récemment adopté des dispositions législatives qui pourraient avoir une incidence importante sur l application de ces règles de preuve en cas d utilisation de documents électroniques ou de stockage de documents papier sur support électronique, ainsi que des conséquences importantes sur l adoption d une politique de conservation des documents. Les entreprises pourraient craindre que l application d une politique de conservation des documents puisse entraîner la destruction de documents pouvant un jour être requis ou même s avérer utiles dans un litige ultérieur. Toutefois, il est important de noter qu une politique de conservation des documents peut également permettre d éviter que l entreprise ait à
Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. Bulletin Droit des affaires 4 produire des documents, dont la production au tribunal est exigée par subpœna, plusieurs années après leur création, et qu ils soient interprétés hors contexte au détriment de l entreprise. De surcroît, dans les cas où les documents dont la production est exigée par subpœna ont été détruits, l existence d une politique de conservation des documents claire et appliquée de façon cohérente démontrera au tribunal que la destruction s est faite de bonne foi et non dans l intention de cacher des renseignements. D après un jugement récent de la Cour suprême du Canada, il est possible de déduire que la destruction de documents faite suivant une politique établie ne sera pas interprétée de façon négative par le tribunal pour autant que cette politique soit appliquée de façon cohérente et qu elle ne vise pas uniquement des documents pouvant être requis dans le cadre de poursuites en justice ultérieures. L importance d une politique de conservation des documents ne se résume pas à la gestion de l information. Ces politiques permettent notamment d éviter les graves répercussions que pourrait entraîner la destruction inappropriée de documents. Les États-Unis par exemple ont adopté une nouvelle loi visant la protection des investisseurs (la Sarbanes-Oxley Act of 2002) qui s applique également aux sociétés canadiennes inscrites à la cote de bourses américaines. Cette loi élargit la portée des sanctions criminelles existantes et les renforce, et elle prévoit notamment l imposition d amendes et de peines d emprisonnement pouvant aller jusqu à 20 ans en cas de modification, de destruction, de mutilation ou de dissimulation de tout registre ou document dans l intention d entraver ou d influencer la bonne administration de toute question relevant d un département ou d une agence des États-Unis. Bien que cette loi ne s applique qu aux sociétés canadiennes inscrites à la cote d une bourse aux États-Unis, on pourrait la considérer comme un présage de ce que nous réserve l univers législatif canadien de demain. À la lumière des récents événements, il est temps pour les entreprises de voir à ce que leurs conseillers juridiques revoient leurs politiques de conservation en vigueur ou de concevoir pour elles une politique de conservation adéquate. Il est tout aussi important de rappeler souvent aux employés actuels l existence d une telle politique et d en informer les nouveaux employés ainsi que de veiller au respect constant de cette politique. Il est important pour une entreprise d élaborer une politique de conservation des documents et, à notre époque où les communications ont pris une ampleur considérable, aucune entreprise ne saurait se passer d une telle politique. Pour de plus amples informations sur ce sujet, veuillez communiquer avec un membre du groupe Conservation et archivage des documents.
Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. Bulletin Droit des affaires 5 Montréal Notre groupe Conservation et archivage des documents Daniel Picotte 514 397 7527 dpicotte@mtl.fasken.com Karl Delwaide 514 397 7563 kdelwaide@mtl.fasken.com Claude Marseille 514 397 4337 cmarseille@mtl.fasken.com Nathalie Y. Provost 514 397 4346 nprovost@mtl.fasken.com Jean-François Steen-Hébert 514 397 4338 jfhebert@mtl.fasken.com Lori Seidman 514 397 5127 lseidman@mtl.fasken.com Ce bulletin se veut un outil d information à l intention de nos clients sur les récents développements en droit des affaires. Ce bulletin ne constitue pas des opinions juridiques et aucun geste de nature juridique ne devrait être posé sur la base de ces articles sans consulter auparavant un avocat qui saura analyser la situation donnée et fournir les conseils appropriés. 2003 Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. Vancouver 604 631 3131 info@van.fasken.com Yellowknife 867 766 6400 info@nwt.fasken.com Toronto 416 366 8381 info@tor.fasken.com Montréal 514 397 7400 info@mtl.fasken.com Québec 418 640 2000 info@qc.fasken.com New York 212 935 3203 info@nyc.fasken.com Londres 44 20 7929 2894 info@lon.fasken.com