AÉRONAUTIQUE La chaîne se tend et s étend



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Transcription:

E n q u ê t e AÉRONAUTIQUE La chaîne se tend et s étend Airbus China 2008 54 Culturellement habitué à placer la qualité au dessus de tout, le secteur aéronautique est désormais confronté à une pression sur les coûts qui l oblige en plus à revoir ses process à tous les niveaux de la filière (conception, approvisionnement, production, mise à disposition de pièces de rechange, etc.) pour en améliorer la performance et les délais. Un travail de longue haleine afin de travailler de manière plus collaborative entre fonctions, mais aussi avec les clients, les fournisseurs et les partenaires, et ce dans un contexte de plus en plus international. A méthodes près s être largement focalisé sur la production et sur sa capacité à fabriquer des piè - ces et des appareils irréprocha bles puisqu on leur confie des vies, l industrie aéronautique tâche à présent de raisonner plus processus et d améliorer leur performance et leur délai, tout en réduisant les coûts. Cela se traduit par de nouvelles tendances majeures comme le fait de s inspirer des et pratiques du secteur automobile, de collaborer davantage avec les clients et les fournisseurs, ou encore de revoir les réseaux de distribution des pièces de rechange. S inspirer de l automobile L assemblage reste le cœur d activité de l aéronautique. «Récemment, Boeing l a révolutionné en créant une chaîne de montage où son Boeing 787 Dreamliner se déplaçait sur un convoyeur avec des flux d appro - visionnement synchronisés. Mais le programme de fabrication a pris 18 mois de retard en raison de défaillances fournisseur, raconte Olivier Dréan, Directeur des partenariats pour l Europe chez Apriso. L aéronautique a 10 à 15 ans de retard sur le modèle automobile, estime-t-il. Ils sont encore plus focalisés sur la qualité des pièces, qui doivent être zéro défaut, que sur le contrôle des processus (ex : heure d arrivée des pièces en atelier ou N 34 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2009

Boeing Dreamliner chez le client). Et de poursuivre : Nous recevons des cahiers des charges liés au perfectionnement des postes, mais ces derniers sont aussi impactés par la capacité à être bien approvisionnés.» En termes de cahiers des charges, Apriso reçoit des demandes de constructeurs d hélicoptères, de satellites, de missiles et d équipementiers. «Ils apprécient que nous travaillions avec de grands noms de l automobile. Intel lec - tuellement séduits par les démar ches, ils doutent néanmoins qu elles puissent être mises en œuvre chez eux.» De fait, si l aéronautique subit une pression sur ses coûts qui l amène à réfléchir à des optimisations comme dans l automobile, elle ne dispose pas d organisme de standardisation de type Odette/Galia. «Je n ai pas encore vu d association qui aide les acteurs de l aéronautique à mettre en place une réflexion stratégique sur de grands processus communs, qui standardise les échanges électroniques, les étiquettes, etc., déplore Olivier Dréan. Or c est vraiment les standards qui permettent d intégrer rapidement de nouveaux acteurs en donnant des règles du jeu communes à tous. Dans l aéronautique, les grands donneurs d ordre comme Boeing ou Airbus se contentent de donner des directives (ex : Je veux moins 20 %). Mais la réflexion n est pas organisée, d où des démarches d améliorations localisées, en ordre dispersé et qui ne se focalisent pas sur l essentiel», observe-t-il. Depuis juin 2007, toutefois, plusieurs grandes entreprises du secteur aéronautique, à l initiative d Airbus, travaillent ensemble au sein de l association Space (Supply Chain Progress towards Aeronautical Com - munity Excellence), qui vise à aider ses membres à améliorer leurs processus par la formation (MGCM) et la mise à disposition d experts indépendants (audit, benchmark, plans d amélioration). Un bon début Mieux collaborer avec ses fournisseurs «Nous observons un très fort développement du processus collaboratif avec les fournisseurs, analyse Bernard Ouriou, Co-fondateur du cabinet Kepler, notamment l apprentissage de la démarche automobile en s adressant à de grands fournisseurs de rang 1 impliqués dans la conception par une mise sur plateau (au lieu que le donneur d ordre fasse luimême la conception puis lance une demande de prix).» Jean-François Michel, PDG et Fondateur de Freelog, constate lui aussi cette tendance à développer des fournisseurs de rang 1, chez Airbus notamment, à travers le plan Power 8. «Airbus a de nombreux prestataires sur différentes zones géographiques (ex : ISS, DHL, Daher pour Toulouse, Daher et Sofrastock à St Nazaire, K+N en Allemagne, etc.). Il était d autant plus difficile de rationaliser les approvisionnements de ces prestataires logis- 55 MAI 2009 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N 34

E n q u ê t e Olivier Dréan, Directeur des partenariats pour l Europe chez Apriso Apriso Bernard Ouriou, Co-Fondateur du cabinet Kepler Kepler Jean-François Michel, PDG et fondateur de Freelog DR 56 tiques, hétérogènes par leur management, leurs pratiques et leurs mécanismes de décisions, qu ils étaient effectués par site. Pour transformer sa logistique, Airbus, sur les conseils de Capgemini et IBM, a voulu globaliser par métier plutôt que par pays. Cette globalisation permettant de mettre en place des mécanismes d apprentissage transposables. C est ainsi que K+N s est vu confier la logistique, DHL, le transport, etc. A partir du savoir faire de K+N, l objectif est de migrer vers une Supply Chain plus étendue vers les fournisseurs (K+N s appuie en effet sur des prestataires locaux à qui il soustraite)». Côté équipementiers, on note aussi la volonté de certains comme Daher ou Soflog Telis, à travers leur communication et leurs acquisitions, de devenir des interlocuteurs privilégiés des grands donneurs d ordres. Des chefs de file vigilants Mais contribuer au développement de certains fournisseurs pour gérer l ensemble de la chaîne amont de certains sous-ensembles comporte des risques : «Le risque pour les donneurs d ordre, en externalisant aux équipementiers de rang 1, est de perdre le contrôle des équipementiers de rang 2 et 3», prévient Bernard Ouriou. Gilles Lauga, Associé et Fondateur du cabinet Delos, complète cette analyse : «Il ne faut pas chercher seulement à faire grossir les fournisseurs de rang 1, mais à mieux maîtriser l ensemble de la chaîne amont, car sinon on risque de se débarrasser des problèmes sur les équipementiers de premier rang.» Et de poursuivre : «On est aux limites techniques. Certains défauts sont découverts plus tard, ou des dysfonctionnements surviennent dans les processus de fabrication très complexes (ex : des micro fissures dans des pièces forgées), si bien que l on peut être en rupture de pièces pendant trois mois. Comme on n a aucune visibilité, c est toute la chaîne qui est bloquée. Et lorsque c est le cas, rétablir le flux prend plusieurs semaines car chaque fournisseur à son niveau consomme son stock de sécurité et il faut le temps à chacun ensuite de le rétablir.» La solution pour Gilles Lauga est d avoir une sorte de «tour de contrôle» de la chaîne amont qui anticipe les difficultés : «Un chef de file doit avoir vu qu un problème va survenir et que le fournisseur de 3 e niveau ne va pas tenir la cadence». Pour ce faire, il recommande de mettre en place des capteurs sur les pièces à risque. «Cette façon de travailler donne une visibilité globale et mutualisée des stocks de sécurité», indique-t-il. Si cette démarche séduit les gens du terrain, la mettre en œuvre se heurte néanmoins encore aux habitudes établies Collaboration accrue dans la conception L aéronautique est un des pionnier de l utilisation des logiciels de PLM (Product Life Cycle Management ou gestion du cycle de vie du produit). Ils sont à présent utilisés de manière plus collaborative et intégrée. «Les compagnies aériennes ont besoin d intégrer et de synchroniser l intégralité de leur entreprise étendue (clients, partenaires, fournisseurs et organisations de services) à travers le cycle de vie complet en standardisant les processus à la fois en interne et en externe, en créant une source unique de savoir pour chaque nouveau système/plateforme principale qui contiennent les définitions techniques complètes et courantes (incluant les images 3D de tous les systèmes pour effectuer des maquettes numériques et des simulations de process complets) et de maintenir des archives numériques mémorisant les meil leures pratiques et leçons apprises afin de renforcer le savoir des opérateurs et d accélérer les nouvelles générations de produits», résume Tim Nichols, Director, Global Aeros pace and Defense Marketing chez Siemens PLM Soft ware. Ces outils facilitent la collaboration en permettant aux partenaires distants d un projet de partager leurs connaissances en continu à travers des process pré établis. Les solutions de Siemens (Teamcenter) sont notamment utilisées chez Boeing (dans les programmes clefs et tout nouveau projet), Snecma (plateforme collaborative virtuelle jusqu à 2.000 utilisateurs) ou Sukhoï (lancement et construction d une nouvelle famille commerciale de jets régionaux incluant des partenaires clefs en Europe et aux Etats-Unis). N 34 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2009

Delos Gilles Lauga, Associé et Fondateur du cabinet Delos Siemens Tim Nichols, Director, Global Aerospace and Defense Marketing chez Siemens PLM Software Kepler Pierre Rougier, Co-Fondateur du cabinet Kepler «Une autre tendance de l aéronautique est d intégrer l engineering et la production», remarque Olivier Dréan. En effet, passer du prototype à la phase industrielle s est avéré parfois ardu, d où des coûts de développement très élevés. Décision est donc prise, pour mieux s appuyer sur les données d exécution, d intégrer les outils logiciels de PLM (Life Cycle Manage - ment) qui gèrent la conception des produits avec ceux de MES (Manu - facturing Execution System) qui suivent l activité en atelier. Des partenariats sont d ailleurs en cours entre les principaux éditeurs de PLM et de MES. Une internationalisation accrue «De plus en plus d acteurs en Inde, en Chine ou au Maroc sont impliqués, d où une complexité qui allonge les délais de conception. A moins d entamer une démarche de Lean Design», recommande Pierre Rougier, Co-Fon - dateur du cabinet Kepler. Il observe également une internationalisation des achats : «C est une démarche qui arrive en masse dans l aéronautique, mais est encore en devenir». «Dans l aéronautique, les fournisseurs s éloignent du fait de la mondialisation, explique Gilles Lauga. La logique dans l aéronautique est d abord de se couvrir par rapport au taux de change dollar/euro. Ils n ont donc pas cherché à produire à bas coût dans des pays lointains mais plutôt à trouver des marchés de compensation. Dans un second temps, l idée est de s allier avec d autres entreprises pour réduire les coûts de développement et d investir sur le long terme afin d accéder à de nouveaux marchés (Inde, Chine, Russie ).» Tout cela supposant aussi une internationalisation accrue des spécifications, du suivi des performances, de l approvisionnement des pièces, des réparations Optimisation de l activité maintenance réparation Activité fortement contributive de la marge, la maintenance/réparation voit fleurir les projets d optimisation (cf Eurocopter page 58). «Il y a trois/ - quatre ans, une évolution s est produite au niveau des prestations de maintenance avec l arrivée d une pratique qui se répand dans l industrie : le Price by Hour. Les compagnies payent à l heure de vol, de sorte que moins l avion est immobilisé pour cause de pannes, plus le fournisseur est rémunéré. D où la nécessité de revoir les processus, explique Pierre Rougier. Une réflexion stratégique est à mener pour savoir comment se structurer pour avoir les bonnes pièces disponibles partout dans le monde, comment s interfacer avec les fournisseurs, etc. sachant qu une distinction est à opérer entre les pièces de rechange et la maintenance d équipements qui suppose de bien dimensionner le pool d équipements disponibles chez les clients pour échange immédiat et de bien gérer le TAT (Turn Around Time, i.e le délai de mise à disposition des équipements réparés pour retour dans le pool client).» Même analyse de la part de Jean- François Michel : «On observe une prise de conscience que le Customer Service est un centre de profit et que le capital client est important. Des études sont à mener pour optimiser les flux de distribution et Reverse des pièces de rechange aux niveaux stratégique, tactique et d exécution» Selon lui, une vague d installation d outils tactiques d optimisation des niveaux de stocks de pièces de rechange (Servigistics chez Euro - copter, MCA chez Dassault ) est en train de se terminer. «En fonction des segmentations pratiquées, ces solutions complètent les éléments stratégiques visant à développer des services différenciateurs, établissent des règles de prévisions pour dimensionner quantitativement les stocks et aident à arbitrer entre un positionnement central ou local», expose le PDG de Freelog. Ensuite, il reste encore à déployer ces stocks sachant que des problèmes douaniers et fiscaux viennent encore se greffer : «Un échange standard au Brésil implique par exemple de payer deux fois les droits de douane : à l import et à l export ce qui peut aussi impacter sur les choix stratégiques du type Dois-je opter pour du Door to Door ou de l échange standard?» Décidément, rien n est jamais simple dans l aéronautique! Cathy Polge 57 MAI 2009 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N 34

E n q u ê t e Eurocopter améliore la disponibilité de ses pièces de rechange 58 En 2006, Eurocopter a lancé le projet RIPART pour améliorer le délai de mise à disposition de ses pièces de rechange. En cours de déploiement dans ses filiales, ce projet lui a déjà permis de tenir à 95 % ses engagements par rapport aux dates annoncées et de travailler dans un mode plus collaboratif avec ses clients et ses fournisseurs. Né en 1992, le groupe francogermano-espagnol Eurocopter est détenu à 100 % par le groupe EADS. Présent sur les cinq continents à travers une vingtaine de filiales et diverses participations, Euro - copter emploie environ 15.600 personnes. Son chiffre d affaires, en constante progression (4,5 Md en 2008) se répartit comme suit : 55 % pour la production d hélicoptères, 32 % pour les services (en croissance) et 13 % pour le reste. Au niveau logistique des pièces de rechange, Eurocopter gère 300.000 réfé rences «procurables» pour la France et l Allemagne, dont 75 % sont erratiques (i.e. commandées moins de trois fois dans les cinq dernières années!). Eurocopter Spares & Logistics Ser - vices livre environ 40.000 lignes de commandes par mois. Elle dispose de deux stocks centraux (un en France et un en Allemagne) et de trois hubs (un à Roissy pour l Europe, un à Dallas pour l Amérique du Nord et un à Hong Kong pour l Asie). Anticiper le besoin En 2006, dans un contexte de forte croissance de la production d appareils, Eurocopter lance le projet RIPART (the RIght Part At the Right Time). «Nos besoins étaient d améliorer la satisfaction clients de la gamme Eurocopter, et plus précisément de tenir nos engagements en termes de délais, précise Géraldine Thiercelin, Responsable des projets d amélioration dans les Spares & Logistics Services d Eurocopter. Le but était d être capables de tenir les délais de livraison et d améliorer la disponibilité des pièces de rechange, ce que nous avons décliné en trois axes, poursuit-elle : l anticipation des besoins, la fiabilité de la chaîne de distribution et la maîtrise des fournisseurs pour les approvisionnements.» Pour mieux anticiper les besoins, le département Spares & Logistics Ser - vices a installé la solution de Servi - gistics, couplée à SAP. Elle collecte les données de consommation mondiale de pièces de rechange d Euro - copter et établit des prévisions. Par ailleurs, afin de mieux alimenter l outil, Eurocopter a créé un nouveau métier : des Logistics Field Represen - tatives. Proches du client, ils captent les besoins locaux le plus précisément possible. Grâce à cette nouvelle organisation, le nombre de références qui font l objet d une prévision a augmenté de 50 % (150.000 références contre 90.000 auparavant). Par ailleurs, 70 % des besoins d un client sont à présent livrés depuis le hub le plus proche et Eurocopter est entré dans un mode collaboratif avec ses clients. Fiabiliser la chaîne de distribution Le second axe du projet Ripart visait à fiabiliser la chaîne de distribution. «Nous avons intégré l ensemble de N 34 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MAI 2009

la chaîne de distribution, des gens de la prise de commande, des magasins centraux et des hubs aux transporteurs, dans un flux tiré par les besoins du client, explique Géral - dine Thier celin. L idée était de s organiser en cellules dédiées aux clients ou aux régions clients pour que chacun travaille selon les plannings pré établis et de se doter d un outil partagé pour tenir les jalons.» Ainsi, vers les Etats-Unis, il faut être prêt à 16h pour le vol de 20h et livrer le lendemain. Un outil de workflow développé en interne et commun à l administration des ventes, aux magasins, aux hubs et aux transporteurs gère des alertes afin d aider chacun à tenir les jalons fixés en fonction du client et d améliorer la réactivité par rapport aux problèmes détectés. «Nous avons réduit les temps de traitement de 30 %», commente la Responsable de projets. Une nouvelle fonction a également été créée : celle de Customer Logis - tics Manager. Interface commerciale du client, il pilote la performance de la cellule et entre dans le plan d amélioration continue. «Il était important de les doter d outils de mesure de la performance», ajoute Géraldine Thiercelin. Sur la base d une discussion avec le club clients, ont été ajoutés des indicateurs clefs à l Advisory Board commun aux différentes entités d Euro copter : l OTD (On Time Delivery), i.e. les commandes livrées dans les délais promis par Eurocopter, et le retard client. «Nous tenons nos engagements à 95 % par rapport à la date de livraison annoncée et nos retards clients ont diminué de 50 %, se réjouit Géraldine Thiercelin. L objec tif pour 2009 est d améliorer notre On Time Request, c est-à-dire notre délai de livraison par rapport à la date demandée par le client.» Deux nouveaux services sont désormais proposés : le T12 en Europe (toute commande reçue avant 15h est livrée le lendemain matin avant 13h) et le T24 pour le monde. Enfin, une interface des systèmes d information via un portail et de l EDI (commande, facturation, traçabilité) est en cours de déploiement avec les filiales et les clients (catalogue et aide au choix des pièces, prise et suivi de commande, traçabilité des pièces, etc.). Maîtriser la chaîne d approvisionnement Pour améliorer la visibilité des industriels en amont et les aider à mettre leurs capacités industrielles en adéquation avec les fluctuations des besoins, Eurocopter leur transmet des prévisions sur un horizon de trois à cinq ans. «Nous donnons à chaque fournisseur une vision consolidée des besoins support et assemblage le concernant sur la base des appareils à supporter en vol (environ 10.000 hélicoptères en tout) et des prévisions de ventes», indique Michel Macia, Vice Pré - sident Spares & Logistics Services d Eurocopter. D autre part, Euro - copter a mis en place des indicateurs à chaque niveau de la Supply Chain, depuis les fournisseurs jusqu aux clients finaux. «C est nous qui mesurons les capacités de nos 2.000 fournisseurs. Et de poursuivre : pour le moment, les maisons mères en France, Allemagne et Espagne sont concernées par le projet RIPART, et nous avons 22 chantiers dans les filiales à divers niveaux d avancement, chez qui nous sommes en train de déployer les mêmes principes, process, expertises, organisations, mesu res de la performance, KPI, S.I., etc. A raison de trois à quatre filiales par an, l horizon du projet est de quatre ans», prévoit Michel Macia, qui se félicite par ailleurs «d avoir maintenu ou baissé les stocks tout en augmentant l activité» CP 59 MAI 2009 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - N 34