Qu apprend on avec les réseaux socionumériques? Réseaux socionumériques et médias sociaux : Panorama, pratiques et enjeux Thomas STENGER Maître de Conférences, Université de Poitiers, IAE et CEPE, Chercheur au laboratoire CEREGE et à l ISC (CNRS) @thomasstenger MSHS Université de Poitiers, le 17 septembre 2011
Deux internautes sur trois Facebook, TwitterLinkedIn, Viadeo, Google+, Xing, Orkut, Hi5, Bebo,, MySpace, Pinterest, Skyrock, Copains d avant, Lexode, Netlog, 4 milliards de vidéos / jour sur YouTube 1 milliard d utilisateurs actifs sur Facebook ; La moitié des utilisateurs connectés quotidiennement 81% (hors USA et Canada) Twitter : USA, Brésil, Japon (France: 1,4%) : #C2E2012 LinkedIn, Viadeo Skyrock.com 2
Des médias (a)sociaux? Intérêt : évoque instantanément un ensemble de sites web où la participation des internautes est encouragée et organisée une dynamique sociale particulière (?) Risques : confusion ; amalgame Ex. réseau social et réseau socionumérique Ex. réseau communautaire Clarification indispensable
4
1. A l origine des social media Origines du côté des consultants et des journalistes américains en 2004 (?) Pas de «paternité officielle» comme c est le cas pour le Web 2.0 Pas d article dans Wikipedia mais un essai, une ébauche
Premières définitions et classifications MS : «un groupe d applications en ligne qui se fondent sur l idéologie et la technologie du Web 2.0 et permettent la création et l échange du contenu généré par les utilisateurs» (Wikipedia, Kaplan et Haenlein, 2010) six types de médias sociaux : les projets collaboratifs, les blogs et micro blogs, les communautés de contenu, les sites de réseaux sociaux, les mondes de jeux virtuels et les mondes sociaux virtuels (idem)
Web 2.0 Web 2.0 : série de principes plutôt qu un standard (O Reilly, 2005) : le Web en tant que plateforme de services facilement intégrables l intelligence collective l importance des données utilisateurs des mises àjour de plus en plus régulières des modèles de programmation légers l extension des outils qui interagissent avec les applications Web l enrichissement des interfaces utilisateurs les sites partageant une partie de ces principes sont qualifiés de 2.0
Principe UGC Le principe central : UGC pour User Generated Content (contenu généré par les utilisateurs) Un modèle économique autour de sites web dont le contenu et parfois mêmes les outils sont essentiellement produits par les internautes Plus grande fidélité des utilisateurs, d autant plus attachés au site qu ils ont contribué à son contenu
if you are not paying for something online, you are not the customer: you are the product being sold. Eli Pariser, The filter bubble, 2011 9
Médias sociaux et SHS Immense popularité de ces dispositifs Une culture expressive (Allard, Blondeau, 2007 ; Cardon, 2008) aboutissant àune mise en visibilité très forte des individus par la production de traces numériques (Hermès, 53) et àson exploitation (O Reilly, Batelle, 2009) dans le cadre d un commerce du moi ou d une économie du profilage (Douplitzky, 2009) et de l attention (Goldhaber, 1997)
2. Résultats de recherche et propositions Projet Rsn et consommation (Stenger et al., 2008 2009) Laboratoire CEREGE, IRIT, La Poste Projet Identic : identité numérique (Stenger et al., 2009 2011) Laboratoire CEREGE, IRIT, LASELDI, CEREFIGE; La Poste financé par secrétariat àl EN ; appel Web innovant Deux projets de recherche pluridisciplinaires Médias sociaux, identité numérique Consommation, identité et participation
Caractéristiques premières des MS (Stenger, Coutant, 2011) 1) les internautes utilisateurs produisent l essentiel du contenu de sites de médias sociaux (principe UGC) ; 2) n importe quel internaute peut participer (outils et applications d une grande simplicité d usage) ; 3) le coût de participation est (quasi)nul pour les internautes mais il a un prix (Douplitzky, 2009) ou peut être considéré comme un contrat (Benavent, 2010) qui implique en contrepartie le traçage, le profilage et l exploitation des données publiées ;
6 caractéristiques (suite) 4) un contenu évoluant en permanence, dans une logique de flux, constitué de témoignages (badins, sérieux, ordinaires ), commentaires (en réaction aux précédents contenus), d appréciations/jugements (évaluations, notations ) et de partage de documents/ressources (image, texte, son, vidéo ) ; 5) la rencontre de l usage, de la technique, de stratégies économiques et de leurs co constructions progressives ; 6) les MS constituent le support de pratiques et de normes sociales très variées nécessité de voir plus clair parmi l ensemble des médias sociaux. (Stenger, Coutant, 2011)
3. Panorama et typologies des médias sociaux Typologies fondées sur une logique fonctionnaliste Typologies fondées sur une logique de l usage unique Typologie des plateformes du Web 2.0 «typologie des plateformes relationnelles du web 2.0 qui s organise autour des différentes dimensions de l identité numérique et du type de visibilité que chaque plateforme confère au profil de ses membres» (Cardon, 2008)
The Digital Youth Project MacArthur Foundation Digital Youth Project dirigé par Mizuko Ito (2006 2008): «the most extensive U.S. study of youth media use» Analyse ethnographique ; usages des nouveaux médias chez les jeunes nord américains ; apprentissage et relations sociales 28 chercheurs pendant trois ans ; observation en ligne ; plus de 800 jeunes interrogés http://digitalyouth.ischool.berkeley.edu Focalisée sur les activités en ligne
Distinction entre : activités centrées sur un intérêt (interest driven online activity) activités relevant de la sociabilité/amitié (friendship driven online activity)
Vie sociale en ligne : amitié / intérêt «la participation axée sur l amitié correspond à ce que la plupart des jeunes font en ligne : passer du temps avec leurs amis, s amuser, flirter et se comparer par l intermédiaire des sites sociaux comme MySpace ou Facebook» «La participation axée sur les centres d intérêt, elle, renvoie àdes pratiques plus créatives ou plus technophiles, où les jeunes se connectent en ligne avec d autres autour de passions ou d intérêts partagés tels que les jeux ou la production créative» (Ito, 2009)
Participation et apprentissage sur les Rsn : Hanging out (passer du bon temps traîner ensemble), sur Facebook ou MySpace pour se retrouver et discuter avec ses amis (rôle de la messagerie instantanée)
5. Une cartographie des médias sociaux Pour une analyse sociotechnique qui considère àla fois les «affordances» et les «arts de faire», la façon dont les organisations et les utilisateurs «font avec» les plateformes
Une cartographie des médias sociaux (Stenger, Coutant, 2011 b) 1 er axe : activités : participation centrée sur un intérêt ou sur l amitié (Ito et al. 2009) 2 e axe : visibilité : ce qui est partagé et rendu visible ; deux finalités : une démarche de «présentation de soi» une démarche de «publication de contenu»
Cartographie des médias sociaux (Stenger, Coutant, 2011 b)
Cartographie des médias sociaux (Stenger, Coutant, 2011 b)
1 er axe : activités guidées par l amitié / par un intérêt précis réseaux socionumériques communautés en ligne Ex. Facebook Basketsession.com réseaux socionumériques sites de réseautage networking : un intérêt précis sites de réseautage (LinkedIn,Viadeo ) : entre réseaux socionumériques et communautés en ligne proches des premiers techniquement mais plus proches des seconds en terme d usage proches des sites de rencontres comme Meetic ou Match.com
Cartographie des médias sociaux (Stenger, Coutant, 2011 b)
2 e axe : Visibilité de soi / de contenu «Présentation/promotion de soi»: données, traces concernant l individu et son identité : Soi, goûts et préférences, compétences, expériences individuelle et professionnelle, données biographiques etc. «Publication de contenu»: contenu tiers, réalisé le plus souvent par agrégation de données multimédia, de liens hypertextes, provenant de sources multiples et quelque soit la technologie employée Ce deuxième axe oppose ainsi la mise en visibilité de soi àla mise en visibilité de contenus (souvent issus du web)
Médias sociaux : des configurations variées Blogs Filiation difficile ; Weblog (déc. 1997) ; issus du journalisme et de l informatique (Le Cam, 2010) Microblogging : une pratique particulière et des contraintes techniques spécifiques (ex. Twitter) Deux grandes démarches pour les organisations : créer et animer un blog ex. http://blogs.univ poitiers.fr identifier et collaborer avec des bloggers «influents» Blogosphère et «culture blog»
Communautés en ligne / virtuelles RSn communautés en ligne Dispositifs les plus étudiés en SHS (cf. Proulx, Poissant et Sénécal, 2006) Nombreuses déclinaisons et applications (depuis Rheingold, 1993) «communautés» : groupes sociaux spécifiques (et non un type de site web aux caractéristiques techniques précises) ; oublier Tönnies (volonté organique / réfléchie) ; société des supports multiples ; le forum reste fondamental Un site communautaire peut donc héberger des blogs, des forums spécialisés, des articles, des wikis, des profils tous dédiés au thème (intérêt, pratique) de cette communauté
Wikis une logique d intelligence collective et de collaboration universelle pour la production commune de savoirs «Computation sociale» (Lévy) Marketing prohibé (le plus souvent) Wikis et entreprise : Wikinomics (Tapscott et Williams, 2006) ex. Wikipedia Wookipedia ; Wikiberal ; Hoopedia ; InnoCentive Autres sites de «partage de contenu*» vidéo (Dailymotion, YouTube), photos (flickr), de liens (delicious) We are not a social platform, we are a video centric platform (Chad Hurley, co founder and CEO, Youtube @LeWeb09)
Sites de réseautage ou networking Très proches des réseaux socionumériques, mais focalisées sur un intérêt : Ex. LinkedIn, Viadeo : àfinalités professionnelles (recrutement, prospection commerciale, e marketing, GRC, KM ) Réseaux socionumériques Cf. dernière partie de cette présentation Yes we c@n : Barack Obama 2008
6. Pratiques et spécificités des Rsn Une définition : les Rsn sont «des sites web qui fondent leur attractivité essentiellement sur l opportunité de retrouver ses «amis», d interagir avec eux par le biais de profils, listes de contacts et applications àtravers une grande variété d activités» (Stenger et Coutant, 2011)
Travaux pionniers (Boyd ; Boyd et Ellison) Les «sites de réseaux sociaux» sont : des «espaces publics en réseau» aux propriétés spécifiques des lieux où les adolescents marquent leur identité et socialisent avec leurs semblables Activités quotidiennes : bavarder, flirter, plaisanter, partager de l information, passer le temps ensemble Trois pratiques : la représentation de soi, la sociabilité et la négociation avec la société des adultes Trois caractéristiques : les audiences (invisibles en particulier), l effondrement des contextes et la confusion entre public et privé 31
Projet Rsn et consommation (laboratoire CEREGE et IRIT, La Poste : Stenger et al.) Observation participante sur Facebook, MySpace, Skyrock, Lexode, Netlog et Viadeo Simulation avec de «faux profils» Questionnaire en ligne (635 répondants) Monographies de Facebook, MySpace, Skyrock et Viadeo Entretiens individuels et de groupe auprès de 65 jeunes âgés de 13 à27 ans Analyse systématique de profils Analyse sémantique et analyse réseau de 7041 profils sur Facebook
Des applications marketing : ex. Whopper Sacrifice «You like your friends, but you love the Whopper» Course aux amis tournée en dérision 1 Whopper offert pour dix amis sacrifiés 233 906 amis sacrifiés
Les Jeunes français et les RSn (cf. bibliographie) RSn : un espace où traîner ensemble un espace non marchand Culture RSn : Ludique, fun, second degré Partage Activités ordinaires Profil : présentation de soi et identité ; privacy Activités : multiplicité ; ordinaires ; no line Amis : typologie des «amis» 34
Analyze your network (Tchuente et al., 2011) 80 utilisateurs volontaires Accès et analyse de 7041 profils 35
Analyse sémantique Commentaires (analyse de textes libres) Nuage de mots issu des activités et centres d intérêts (Tchuente et al., 2011) Les principales thématiques : o Jeux et distractions o Sociabilité 36
Centres d intérêts et activités préférées des utilisateurs (analyse de textes libres) Les principales thématiques : o Sports o Jeux et distractions o Sociabilité o Technologies 37
Illustration : Analyse structurale (extraction d un sous graphe) 1 2 3 38
Open Graph : «système de prescription généralisée» (Stenger, 2011) «c est la plus importante transformation que nous avons apportée au web» (Zuckerberg, 21 avril 2010) Les boutons «j aime», permettent, depuis des sites web partenaires, de partager et rediffuser des liens, vidéos, articles ainsi que des fiches de produits, des sites marchands auprès de ses amis socionumériques Hégémonie des médias sociaux : au delà des plateformes
Open Graph : au delà des plateformes socionumériques Interaction Facebook site web externe Double enjeu : favoriser la prescription entre amis collecter des données comportementales : cartographie des sur l ensemble du Web (Stenger, 2011) Web to Rsn (et du profil vers ses amis)
En guise de conclusion Variété des médias sociaux variété des modalités de participation et d intervention RSn : culture du ludique, du fun, du second degré Les activités sur les RSN : menées par «amitié»(et non par intérêt) conduites par la prescription Open Graph : au delà des médias sociaux Défi pour les organisations : exister et interagir au milieu de flux sans intérêts précis (social flow) Evolution des dispositifs sociotechniques et du cadre législatif
Pour aller plus loin : E marketing & e commerce, Management Sup, Dunod 2011 Chapitre «Web 2.0 et médias sociaux Ces réseaux numériques dits sociaux, Hermès, n 59, 2011 @thomasstenger http://thomasstenger.kiubi web.com