Quelques réflexions et propositions sur l entreprise française du 21 ème siècle



Documents pareils
Réponse de la MAIF à la consultation de la Commission européenne sur son Livre vert «Le cadre de la gouvernance d entreprise dans l UE».

Contexte de la présentation

TREETOP ASSET MANAGEMENT S.A. - INFORMATIONS RÉGLEMENTAIRES LA SOCIÉTÉ TREETOP ASSET MANAGEMENT S.A. FORME JURIDIQUE

Atelier 2 L e-commerce

amplifier le financement des entreprises et structures de l Économie sociale et solidaire

ACTIONS ET OBLIGATIONS Les placements financiers en quelques mots

CHARTE RESPONSABILITE SOCIALE DE L ENTREPRISE MAJ : 2013

CHAPITRE I ER NÉGOCIATION DE BRANCHE

la pauvreté 33 ses lutte contre territorial. création.cette n ne doit pas d insertion. 1. UNE Accompagner la Participation travaux sont évidemment

CHARTE ETHIQUE DE WENDEL

REGLEMENT DE DEONTOLOGIE SPECIFIQUE AUX SOCIETES DE GESTION D OPCVM D EPARGNE SALARIALE (FCPE ET SICAVAS)

Edition Nomenclatures d activités et de produits françaises NAF rév. 2 - CPF rév. 2.1 Section K Division 64

Étude Pré-salon auprès des investisseurs décideurs actifs

Comment influer sur la vie d une entreprise?

Communiqué de presse

Document d information n o 1 sur les pensions

Le présent règlement intérieur complète et éclaire les statuts de Sud Chimie. Il s impose aux sections syndicales.

LES MINI-GUIDES BANCAIRES. Repère n 20. Épargne éthique & Épargne solidaire FEDERATION BANCAIRE FRANCAISE

POLITIQUE EN MATIERE DE CONFLITS D INTERÊTS 2. IDENTIFICATION DES CAS DE CONFLITS D INTERÊTS POTENTIELS ET POLITIQUE DE GESTION DE NOTRE BUREAU

FICHE DE FONCTION - 04

SPECIFICATION DE BESOIN FORMATION - ACTIONNARIAT SALARIE - - EPARGNE SALARIALE -

Veille sociale au 12 septembre 2014

Copropriété. Syndical en. Je veux entrer au Conseil Syndical

Les sociétés sont accusées

Refondation du Mali et refondation de l aide internationale

CorDial 2010 Gouvernement d entreprise. Constat / Propositions

Règlement intérieur du Conseil de surveillance

HSBC Global Asset Management (France) Politique de vote - Mars 2015

Que pensez-vous des formes atypiques d emploi, notamment du portage salarial et de l auto-entreprenariat

FINANCEMENT D ENTREPRISES ET FUSIONS ET ACQUISITIONS

Actu Juridique & Sociale Dynamique Entreprise Avril 2015

Le SPPMM œuvre dans le secteur

TOUR DE FRANCE NOUVEAU DIALOGUE FORUM-DEBAT POITIERS

La lettre semestrielle ISR de MACIF Gestion - n 15 Mars 2010

LE GROUPE MACIF ET LA RSE

PRIORITÉS POUR LE BUDGET FÉDÉRAL DE 2012

Son Organisation, son Fonctionnement et ses Risques

Procès-Verbal de l Assemblée Générale extraordinaire du 19 décembre 2013

Guichet entreprises Petit déjeuner des start-up

La démocratie sociale et la participation des syndicats et des représentants des salariés aux décisions économiques en France

Etre societaire, pour vivre la banque autrement.

Gestion et contrôle de l entreprise

REGLEMENT INTERIEUR ARTICLE 1 : ADMISSION DES MEMBRES ARTICLE 2 : DEMISSION-RADIATION

N 1619 ASSEMBLÉE NATIONALE PROJET DE LOI

Réduire l effet de levier des banques, un impact néfaste sur notre économie? (2/2)

COMMUNICATION PREPAREE PAR M. BRUNO ROBINE AU NOM DE LA COMMISSION DE L EMPLOI ET DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Services en ligne : Leader du conseil SICAV & FCP sur internet, Compte-titres, Assurance-vie

particuliers professionnels ENTREPRISES Face à face argumenté de vente

L affectation du résultat

Options en matière de réforme des systèmes financiers

GUIDE DU CONSEIL DE SURVEILLANCE

FICHE PRATIQUE La généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé

Enquête APM sur le Gouvernement d entreprise dans les PME-PMI : quelques résultats et commentaires

Un résumé de la Fondation Hans-Böckler

OPCVM. Organisation, Risques et Responsabilités

Collectif Fédéral Formation Syndicale

B*capital. Accompagner chacun de vos investissements. Partager notre passion

Tout ce qu il faut savoir pour débuter en bourse. Tutorial crée par le webmaster du site

Charte Investissement Responsable des acteurs de la Place de Paris: Actions menées par les signataires pour répondre à leurs engagements

POLITIQUE DE VOTE DU FONDS CCR ACTIONS ENGAGEMENT DURABLE CCR ASSET MANAGEMENT

Tout ce qu il faut savoir pour débuter en bourse. Tutorial crée par le webmaster du site

RAPPORT DU PRESIDENT DU CONSEIL D ADMINISTRATION SUR LE CONTRÔLE INTERNE (article L du Code de Commerce)

CHARTE DU COLLEGE SERVICES ET INGENIERIE

Convention de «management fees»: qu en est-il aujourd hui?

Gérard Huguenin Gagner de l argent en Bourse

Copropriété JE SUIS COPROPRIETAIRE QU EST-CE QUE LE CONSEIL SYNDICAL?

SUR LES RETRAITES PAR REPARTITION DU SECTEUR PRIVE ET LES FONDS DE PENSION

Conseil régional. Plan d action régional Outaouais

Juillet Réponse de la MGEN et de la MS Consultation sur la gouvernance d entreprise 1

Un profil singulier. écoute, performance et innovation, Des réponses adaptées. Un peu d histoire pour éclairer le présent

Aperçu des 37 principes directeurs

LOI FÉDÉRALE SUR LES PLACEMENTS COLLECTIFS DE CAPITAUX (LPCC) DU 23 JUIN 2006

Commentaire. Décision n QPC du 3 février M. Franck S. (Désignation du représentant syndical au comité d entreprise)

Notre expertise au service des personnes morales

Glossaire des Instruments Financiers

Une association à un seul membre? Est-on vraiment sérieux?

10 Savoir investir en Bourse avec Internet

ÉVALUATION DES CONSEILS D ADMINISTRATION/SURVEILLANCE : UN RETOUR D EXPÉRIENCE TRÈS POSITIF DES ADMINISTRATEURS

LA VERSION ELECTRONIQUE FAIT FOI

actionnariat salarié

Comment investir en sicav?

CIRCULAIRE CDG90 COMITE TECHNIQUE COMITE D HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL COMMISSION ADMINISTRATIVE PARITAIRE

TRADING ELECTRONIQUE SUPPORT OPERATIONNEL WEB ADRESSE

FAIRE APPEL À UN EXPERT

EOVI MANAGER À CHACUN SA PARTITION À CHACUN SES SOLUTIONS

CM-CIC Actions ISR. CM-CIC Actions ISR Code de Transparence AFG / FIR / EuroSif. 1. Données générales

STATUTS.

Guide d information sur les OPCVM

Evaluation du Conseil d administration, de ses Comités et de ses administrateurs individuels Autres rémunérations

Part des salaires dans la valeur ajoutée

Loïc Blondiaux Le Nouvel Esprit de la démocratie Actualité de la démocratie participative Le Seuil, coll. «La République des Idées», 2008

C O M M U N I Q U É D E P R E S S E

GUIDE PRATIQUE DE L ACTIONNAIRE RENAULT ÉDITION AVRIL 2015 GROUPE RENAULT

LE DECRET STATUTAIRE RELATIF AUX ENSEIGNANTS-CHERCHEURS (par le bureau du Collectif pour la Défense de l Université)

POLITIQUE DE COMMUNICATION CDC MRC DE L ASSOMPTION

educationsolidarite.org

Rapport d audit interne

TAFTA: Une attaque camouflée sur la démocratie et les normes de règlementation

Introduction à la comptabilité financière

Transcription:

Fondation Charles Léopold Mayer Quelques réflexions et propositions sur l entreprise française du 21 ème siècle Yves de Bretagne Date de rédaction : 17/01/00 Mise à jour : Mots-clé : ENTREPRISE ; RESPONSABILITE ; ORGANISATION ; TRAVAIL Résumé : N BIP : 411 Nomenclature : AVE23 Chemin et nom informatique : entrep proposit 99.doc Zones géographiques citées : FRANCE Les devoirs et responsabilités des entreprises, développés dans le document «principes pour la conduite des entreprises» impliquent un changement de structure et d organisation des entreprises. Il faut ainsi développer les liens entre capital et travail, repenser les modalités de contrôle et de management ainsi que de représentation du personnel. 1

Dans le document «Principes pour la conduite des entreprises», cinq domaines des devoirs et responsabilités des entreprises sont proposés ; leur pertinence peut dépendre de la spécificité de chaque entreprise multinationale, PME-PMI, entreprise de production ou de service, pays d origine. De toutes façons, que l on soit complètement d accord avec ces principes ou réservé sur l un ou l autre, leur mise en œuvre demandera des changements de structure et d organisation de l entreprise du XXI siècle. Ces changements ne pourront être réalisés que s il existe un certain consensus entre les différents acteurs qui forment aujourd hui l entreprise c est à dire le management, les salariés et les actionnaires ou propriétaires ; les clients et les fournisseurs sont aussi des acteurs très importants mais en général en tant qu entreprise eux-mêmes ont une structure identique à la précédente. Ce consensus entre les acteurs sur le rôle, le fonctionnement et les responsabilités de l entreprise est aujourd hui minimum sinon inexistant et ce pour de multiples raisons, la principale étant une rémanence de la lutte des classes : par définition l actionnaire et le salarié ont toujours considéré que leurs intérêts étaient opposés. En conséquence, atteindre un certain niveau de consensus entre les acteurs prendra du temps et ne se fera qu après de profondes modifications de structures et de modes de fonctionnement en place aujourd hui dans les entreprises. Sont donc exposées ci-après quelques pistes de réflexions et propositions sur l actionnariat, les organes de contrôle et de management de l entreprise et la représentativité des salariés ; certaines sont assez faciles à mettre en œuvre, d autres s attaquent à des sujets tabous, mais il est toujours permis d espérer pour le très long terme Actionnariat «Prêter de l argent à une entreprise pour sa création ou son développement et en tirer à terme un bénéfice en cas de succès», tel était au départ la fonction de l actionnaire ; il y avait donc au départ un lien d appartenance associé à une démarche financière. Aujourd hui ce lien a presque complètement disparu du fait de l internationalisation et de la sophistication des produits boursiers : SICAV, FCP, warrant, etc. Cette évolution qui, depuis quelques décades a pu être financièrement bénéfique pour les actionnaires et les entreprises, a conduit aujourd hui à d importantes dérives, éthiquement et socialement inacceptables et de surcroît dangereuses pour la pérennité du système. En effet la spéculation conduit à une volatilité de la valeur de l action qui de ce fait ne représente plus la santé financière réelle de l entreprise à un instant T, ce qui n est pas économiquement sain. D autre part, ces possibilités de spéculation favorisent énormément les gros investisseurs au détriment des petits ce qui est éthiquement condamnable. Enfin le management des entreprises peut être enclin à favoriser de façon démesurée les résultats à court terme au détriment du long terme, ce qui peut amener à des décisions socialement inacceptables. Comment recréer ou augmenter ce lien d appartenance des actionnaires ou au moins d une partie d entre eux avec l entreprise? Pour tisser un lien entre capital et travail il paraît essentiel que tous les salariés soient obligatoirement partie prenante dans le capital de leur entreprise. A ce jour les expériences sont très limitées et souvent ne concernent qu une partie des salariés ; on n étudiera pas ici les méthodes pour généraliser le concept qui dépendent de la nature, de la taille et d autres multiples caractéristiques de l entreprise. Pour que cette participation au capital soit significative et représente un certain poids vis à vis du management et des actionnaires extérieurs, il faudrait que les droits de vote des salariés soient au moins supérieurs à 10% du capital et supérieur dans les petites entreprises familiales. 2

Ce concept qui refait quelque peu surface demandera du temps et des changements de mentalité avant de pouvoir être généralisé par la loi. De même pour resserrer les liens entre l entreprise et ses actionnaires individuels ou institutionnels, il est nécessaire de complètement repenser la forme, la fréquence et le contenu des assemblées générales avec comme objectif de fidéliser l actionnaire. De plus afin de diminuer la spéculation, au moins à court terme, le versement de dividende représentant une part significative du résultat de l entreprise devrait être rendu obligatoire. On pourrait aussi imaginer de pénaliser fortement les transactions trop rapprochées sur une même action. Organes de contrôle et de management de l entreprise. La façon dont sont élus aujourd hui les administrateurs fait que le conseil d administration n est plus représentatif de la volonté des actionnaires ; il est anormal de pouvoir croiser les fonctions de président et d administrateur entre deux entreprises ; le nombre de mandats d administrateurs devrait aussi être très limité ; par ailleurs les administrateurs devraient être élus et révoqués par l assemblée des actionnaires suivant de nouvelles modalités de vote ; leur rôle consiste d une part grâce à leur compétence à définir avec le Président les grands axes stratégiques de l entreprise et d autre part à établir et strictement contrôler la rémunération et autres avantages accordés au Président. Toutes informations concernant les rémunérations du Président et des administrateurs doivent être connues des actionnaires. Ainsi pour renforcer les liens entre le conseil d administration et les actionnaires les assemblées générales auraient besoin d être plus nombreuses dans l année, plus informatives, plus transparentes, finalement plus démocratiques. La représentativité du personnel de l entreprise La représentativité du personnel telle qu elle existe aujourd hui particulièrement en France, ne correspond plus aux besoins et aux attentes des salariés Sans nier les apports fondamentaux qu ont pu apporter les luttes syndicales au monde ouvrier pendant tout le vingtième siècle, le système actuel est figé, peu représentatif et peu démocratique. Il y a aujourd hui confusion, superposition et surenchère dans les rôles respectifs du comité d entreprise et des délégués syndicaux. Il serait plus efficace et plus démocratique qu il n y ait qu un seul organe représentatif élu par tous les salariés qui deviendrait une nouvelle entité syndicale avec des prérogatives élargies. Cette dernière devrait appartenir à une organisation régionale ou nationale structurée par grande branche d activité en charge de négocier des accords de branche avec leur homologue patronal, qui serait lui-même organisé suivant des structures identiques dans l entreprise. D autre part les PME-PMI jusqu à 10 salariés devraient obligatoirement appartenir à une structure syndicale patronale et salariale. 3

De cette nouvelle organisation de représentativité, le salarié aurait à sa disposition trois canaux de dialogue : Les assemblées générales en tant qu actionnaire. Une représentativité syndicale pour ses revendications. La hiérarchie interne de l entreprise pour son travail quotidien ; mais dans ce domaine beaucoup de travail reste à faire pour modifier les comportements hiérarchiques et améliorer la démocratie dans l entreprise. Comme il a été mentionné dans le titre, ces réflexions et propositions concernent essentiellement la France. Il est certain que la dimension de plus en plus internationale des entreprises d une part, et l utilisation des nouvelles technologies de l information et de la communication d autre part, auront,sur la structure des entreprises, des impacts importants dont il faudra tenir compte dans le futur. 4

Fondation Charles Léopold Mayer, Pierre Calame http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/deed.fr