MÉMOIRE SUR LA GESTION DES MÉDICAMENTS



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Transcription:

MÉMOIRE SUR LA GESTION DES MÉDICAMENTS PRÉSENTÉ PAR M. CHRISTOPHER CAMPBELL-DURUFLÉ Présentation 1 Le ministre propose de réduire les dépenses publiques en santé par le biais des coûts des médicaments. En effet, le poids des médicaments relativement aux dépenses publiques québécoises dépasse les 15% 2 et leur tendance est à l augmentation 3. Parmi les facteurs à l origine de cet accroissement, notons le vieillissement de la population, l augmentation du nombre de médicaments présents sur le marché et l augmentation du coût moyen des médicaments en raison de leur fabrication plus coûteuse 4. Les pratiques de prescription des médecins doivent également être considérées, la médication préventive, le traitement des maladies chroniques par les médicaments et la tendance à la surmédication pouvant expliquer en partie cette hausse 5. Or cet accroissement des dépenses en santé doit être considéré dans un contexte où le financement et la qualité des services de santé au Québec sont reconnus comme insuffisants. La Cour Suprême du Canada notait en 2005 que l attente à laquelle sont soumis certains patients peut entraîner des souffrances et la dégradation de leur état d une marnière incompatible avec leur droit à la vie et à la sécurité, protégés par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne 6. De multiples acteurs sont impliqués dans la gestion des coûts des médicaments, dont les professionnels de la santé, les compagnies pharmaceutiques et les patients. Les compagnies pharmaceutiques sont habituellement des sociétés par actions cotées en bourse. Leurs actions peuvent être librement vendues et les directeurs de ces sociétés répondent de leurs actions à l assemblée des actionnaires. On note sur le marché québécois la présence de nombreux groupes multinationaux, dont une part importante est enregistrée aux États-Unis 7. Ces groupes sont 1 Notez que l emploi du genre masculin comme générique est utilisé dans le seul but d alléger le texte. 2 Cette proportion atteignait 16,9% en 2000, soit trois fois plus qu en 1980. St-Onge, J.-Claude, Les dérives de l industrie de la santé, Petit abécédaire, Éditions Écosociété, Montréal, 2006, p. 30. 3 De 1997-1998 à 2005-2006, le coût total des médicaments achetés par les assurés du régime public a connu une croissance annuelle moyenne de 12,5 p. 100 : il est passé ainsi de 1,164 milliard à 2,996 milliards de dollars. Le régime public a donc connu une hausse du coût annuel des médicaments de 6,1 p. 100 au terme de l exercice 2005-2006. La politique du médicament, Ministère de la santé et des services sociaux, Gouvernement du Québec, 2007, p. 5. 4 Selon une étude réalisée par le Conseil d examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB), l augmentation des dépenses en médicaments au Canada tient principalement à deux facteurs : les volumes plus élevés de consommation de médicaments existants et l arrivée de nouveaux médicaments brevetés sur le marché. Stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques, p. 25. 5 Certains auteurs considèrent que le public québécois est trop peu informé sur les alternatives thérapeutiques qui s offrent à lui pour apprécier la qualité du service qu il reçoit et imposer des correctifs à l activité des médecins, qui doivent alors provenir d autres sources. Bélanger, Gérard, L économique de la santé et l État providence, Les éditions varia, 2005, p. 33-45. 6 Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791. 7 20 des 25 médicaments les plus vendus au Canada sont d origine américaine. St-Onge, p. 35. 1/10

principalement critiqués pour les profits importants qu ils réalisent, alors que les coûts des médicaments pourraient être réduits ou que de plus amples recherches pourraient être réalisées 8. Finalement, deux catégories de médicaments peuvent être distinguées : les médicaments brevetés et les médicaments génériques. En vertu d accords internationaux sur la protection de la propriété intellectuelle, la durée des brevets couvre les 20 premières années suivant l enregistrement d un nouveau médicament 9. Pendant cette période et sauf exception, nul autre que le titulaire du brevet ne pourra fabriquer ou vendre le médicament. À l expiration du brevet, il devient permis à quiconque de produire la molécule contenue dans un médicament jusqu alors breveté pour le revendre sous forme générique, en concurrence avec le vendeur initial. Le défi de ce type d instrument est donc de stimuler la recherche en protégeant les droits d une personne ayant découvert un nouveau médicament tout en rendant les fruits de cette recherche raisonnablement accessibles au public. Origine du régime québécois actuel Depuis le 1 er novembre 1970, toute personne établie ou en séjour au Québec doit être couverte par la Régie de l assurance maladie du Québec (RAMQ). Ce régime assume les coûts de certains services de santé fournis par des professionnels de la santé. 10 Avant l adoption de la Loi sur l assurance médicaments en 1996 toutefois, quelques 17% des Québécois n avaient accès à aucune assurance pour couvrir le coût de leurs médicaments. L adoption de la Loi sur l assurance médicaments visait à garantir l accès à la thérapie médicamenteuse. La loi vise à fournir un «accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes», tout en tenant compte de leur situation économique. 11 Le Régime général d assurance médicaments (RGAM) fut donc créé en 1997, pour être administré par la RAMQ. Le RGAM offre «une protection de base pour les médicaments», entre autres aux personnes qui ne bénéficient pas de régime d assurance médicament privé, aux personnes de 65 ans et plus et aux prestataires de l'aide sociale. 12 Les individus doivent obligatoirement adhérer au régime privé auquel ils ont accès, notamment dans leurs contrats d emploi. Une prime est versée annuellement lors de la déclaration de revenu pour participer au régime. Son montant peut atteindre 557 $, selon la situation et le revenu. À l achat d un médicament en pharmacie, les participants au régime public paient une portion du coût du médicament, appelée contribution. Celle-ci peut être 8 Pfizer réalisait des profits de 7,8 milliards de dollars canadiens en 2001, et produit au moins 10 médicaments dits blockbusters pour lesquels le chiffre d affaires dépasse 1 milliard par année. L auteur suggère un lien entre l accroissement des profits de ces compagnies et de ceux des coûts de la santé. St-Onge, p. 29-30. 9 Accord de l'omc sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), art. 33. 10 Loi sur l'assurance maladie, L.R.Q., chapitre A-29, art. 3. 11 Loi sur l'assurance médicaments, L.R.Q., chapitre A-29.01, art. 2. 12 RAMQ, Assurance médicaments, Le régime public, http://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/citoyens/assurancemedicaments/regimepublic/regimepublic.shtml (consultée le 8 octobre 2007.) 2/10

fixe ou relative 13, et présente le risque que les ordonnances d un médecin ne soient pas respectées. Le reste est assumé par la RAMQ. Le 31 mars 2002, environ 1,8 millions de personnes participaient au régime public; aujourd hui ce chiffre atteint 3,2 millions. 14 Fonctionnement du régime québécois actuel Le Conseil du médicament (Conseil) fut également constitué en vertu de la Loi sur l assurance médicament 15. Composé d experts de la santé et de l industrie pharmaceutique, sa fonction est d'assister le ministre de la santé et des services sociaux dans la mise à jour de la liste de médicaments remboursés par la RGAM 16. Dans cette tâche, le conseil doit se faire le médiateur d intérêts divergents. Premièrement, les contribuables exigent une gestion efficace des fonds publics. Deuxièmement, il est nécessaire que la population ait accès au plus large éventail possible de médicaments reconnus comme efficaces et sécuritaires. Troisièmement, les problèmes de santé particuliers demandent des traitements plus complexes, plus rares et donc plus coûteux. 17 Seuls les quelques 5000 médicaments inscrits à la Liste des médicaments (Liste) sont couverts 18. Les autres peuvent toutefois être achetés, une fois leur non-toxicité reconnue, mais le volume de leurs ventes demeure naturellement plus bas. En vertu de la méthode du «prix réel d acquisition», les pharmaciens se voient remboursés par la RAMQ les médicaments qu ils distribuent au prix fixé par la Liste 19. La méthode du «prix le plus bas» permet de fixer l unique prix de remboursement à la valeur du moins cher de ceux proposés par plusieurs fabricants du même médicament. Cependant, cette méthode ne s applique aujourd hui qu à certains médicaments présents sur la liste depuis quinze ans ou plus 20. La Liste permet également de prévoir des plafonds aux prix des médicaments et aux marges bénéficiaires des grossistes 21. La Loi modifiant la Loi sur l assurance médicaments et d autres dispositions législatives 22 permit la mise en oeuvre de l actuelle Politique du médicament 23 (Politique). En plus de veiller à l usage optimal des médicaments, ce 13 Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., chapitre S-4.2, art. 11 et ss. 14 Régime général d assurance médicaments, Rapport d activités, 2001-2002, p. 79 et Politique du médicament 2007, p. 5. 15 Art. 53 et ss. 16 La Liste des médicaments assurés, dressée par le ministre de la Santé et des Services sociaux en vertu de l'article 60 de la Loi sur l'assurance médicaments, L.R.Q. c. A-29.01., est celle qui apparaît à l'annexe 1 du Règlement concernant la liste des médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments, R.Q. c. A-29.01, r.1.2. 17 Conseil du médicament, Le choix des médicaments assurés au Québec : une démarche responsable et transparente, Information sur la démarche d évaluation scientifique des médicaments, février 2007, p. 1. 18 Un établissement ne peut fournir que des médicaments qui apparaissent sur la liste dressée à cette fin par le ministre. ( ) Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., chapitre S-4.2, art. 116. 19 Règlement concernant la liste des médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments, R.Q. c. A-29.01, r.1.2, art. 2.1. 20 Idem, art. 2.2. 21 Idem, art. 2.3 et 2.4. 22 Loi modifiant la Loi sur l assurance médicaments et d autres dispositions législatives, 2005, chaptire 40. Nous vous recommandons la consultation des mémoires déposées à la Commission des affaires sociales à l occasion de son adoption (Projet de loi no 130). http://www.assnat.qc.ca/fra/37legislature2/commissions/cas/depot-acces.html. 3/10

qui compare les avantages et les coûts qu entraîne chaque médicament globalement, la Politique vise maintenant à fixer un prix «juste et raisonnable» pour chacun. En ce sens, elle prévoit pour les médicaments génériques un prix plafond à 60% du prix du médicament innovateur, une considération du potentiel d économie dans les critères d évaluation d ajout à la Liste, et une limite la marge bénéficiaire des grossistes à un maximum de 7% ou 28 $ pour les médicaments de 400 $ et plus. 24 Expériences hors-québec a) Autres provinces canadiennes La Commission sur l avenir des soins de santé au Canada 25 mentionne que certaines provinces canadiennes appliquent des politiques autorisant ou obligeant les pharmaciens à substituer un médicament générique équivalent sur le plan thérapeutique à un produit de marque déposée plus cher lorsqu ils exécutent les ordonnances des médecins. Une province a fait également appel au gel des prix en vue de limiter les coûts 26. De plus, le Groupe de travail ministériel fédéral/provincial/territorial, composé de représentants de tous les gouvernements à l exception du Québec, élabore la Stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques. Ses conclusions en matière de stratégie d achat et de fixation des prix soulignent l importance de cette question pour viabilité des régimes publics d assurance. Elles notent que le coût des médicaments non-brevetés au pays est actuellement de 21% à 51% au-dessus des prix internationaux médians et suggèrent d atteindre la parité. De plus, quelques 40% d économies supplémentaires pourraient être réalisées sur le prix des médicaments génériques si les pratiques d influence des pharmaceutiques sur les pharmaciens étaient davantage transparentes et contrôlées. 27 b) Le modèle néo-zélandais Pharmac (Parmaceutical Management Agency) est une société d État qui, en plus de gérer une liste des médicaments remboursés, procède à l achat des médicaments pour l ensemble des hôpitaux du pays. Sa politique de fixation des prix emploie trois principes de réduction des coûts : 1) les «prix de référence», qui permettent le remboursement de tous les médicaments d une même catégorie (molécules différentes) au prix du moins cher de 23 Politique du médicament, p. 3. 24 La politique du médicament, p. 7 et 35. 25 Commission sur l avenir des soins de santé au Canada, Guidé par nos valeurs, L avenir des soins de santé au Canada, Roy J. Romanow, novembre 2002, p. 219. 26 Le 19 juin 2006, l Ontario a adopté le projet de loi 102, intitulé Loi sur un régime de médicaments transparent pour les patients. La Comobie-Britannique dispose quant à elle d un programme de «prix de référence» rembourse les médicaments au prix le plus bas. Pharmacare, Low Cost Alternative (LCA) Program, http://www.health.gov.bc.ca/pharme/lca/whatislca.html (consulté le 8 octobre 2007). 4/10

tous, 2) l appel d offres, qui permet la négociation avec les soumissionnaires pour un contrat d approvisionnement exclusif de trois ans (environ le tiers des 2 600 molécules listées sont achetées ainsi), et 3) les plafonds de coûts établis par contrat (dépenses maximales), au delà desquels les compagnies pharmaceutiques remboursent Pharmac même si un plus grand volume de médicament qu attendu est vendu. 28 Cette dernière approche rend la publicité et l incitation à la consommation inutile. Ce système permet également la négociation croisée (cross-dealing), par laquelle les prix de plusieurs médicaments peuvent être négociés en bloc. Finalement, Pharmac fait la promotion d une consommation responsable de médicaments et finance la recherche sur les soins de santé. Certains auteurs considèrent ce régime comme un succès : sa liste du médicament est deux fois plus courte que la nôtre, la croissance de ses dépenses en médicament n a pas dépassé les 3% (contre environ 12% au Québec tel que mentionné plus haut) et ses médicaments sont de 50% à 90% moins dispendieux. 29 c) Autres 30 D autres territoires ont recours aux «prix de référence», tels que le Royaume-Uni 31 et le Danemark 32, ou à des montants forfaitaires de remboursement par médicament, telle la France 33. Les Pays-Bas et l Allemagne on également essayé des systèmes de prix moyens parmi tous les vendeurs d un même médicament 34. Projet proposé par le ministre pour corriger la situation problématique a) Description du projet Le projet de loi vise à garantir un accès universel, égal et gratuit aux personnes inscrites à la RAMQ. L État renoncerait donc aux primes et contributions payées par les citoyens. À l inverse, il diminuerait ses dépenses en achetant les médicaments génériques à un prix inférieur au prix actuel en procédant par appel d offre pour ne retenir qu un fabricant par médicament. De plus, le rachat de certains fabricants et la production étatisée pourrait permettre 27 Stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques, juin 2006. p. 47-48. http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pharma/npssnpp/index_f.html (consulté le 8 octobre 2007) 28 About Pharmac, http://www.pharmac.govt.nz/funding_applications.asp, (consulté le 8 octobre 2007). Voir aussi le New Zealand Public Health & Disability Act, arts. 46-53, créant Pharmac. 29 St-Onge, p. 122-125. 30 Voir aussi : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/assurance-maladie-europe/systemes-assurance.shtml. 31 Pharmaceutical Price Regulation Scheme, http://www.dh.gov.uk/en/policyandguidance/medicinespharmacyandindustry/pharmaceuticalpriceregulationscheme/index.htm (consulté le 8 octobre 2007). 32 World Health Organisation, Regional Office for Europe, Denmark, Pharmaceuticals, (consulté le 11 novembre 2007). http://www.euro.who.int/pharmaceuticals/topics/overview/20020430_1 33 Une nouvelle politique du médicament : donner la priorité à l'innovation, Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, France, http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/medicament/medic3.htm (consulté le 11 novembre 2007). 34 La gestion des coûts des médicaments au Québec, Rehault, Sylvie, avril 1998, p. 58-60. 5/10

de réduire les coûts des médicaments en limitant les dépenses de mise en marché et de publicité. Médi-Québec pourrait de plus négocier plusieurs médicaments et produits non-pharmacologiques à la fois avec un producteur («cross-dealing») et en approvisionner directement les établissements publics de santé. Enfin, Médi-Québec favoriserait la recherche pharmaceutique dans des domaines délaissés par le public en la finançant et en favorisant la complémentarité entre institutions. 35 b) Enjeux a. Le projet du ministre réduit-il l accessibilité des molécules pour le public québécois? La production d un seul médicament par molécule, produit par une entreprise ou Médi-Québec, serait autorisée sur le territoire québécois. Une clause de garantie de disponibilité obligerait un fabricant à honorer son engagement. De plus, les allergies et intolérances médicamenteuses seraient considérées lors de la formation de ces contrats. Cependant, devant un tel monopole, on peut se demander ce qu il adviendrait si un fabricant ou Médi- Québec venaient à faire défaut et quels seraient les coûts d un tel défaut. b. Provoquera-t-on l accroissement de la consommation de médicaments? Le projet élimine la contribution financière des patients et donne une importance symbolique supplémentaire au traitement médicamenteux par la création de la Régie du médicament. Bien que la contribution présente le risque que les patients ne respectent pas leur ordonnance pour des raisons financières 36, elle limite peut-être aussi les comportements abusifs. Devant le constat et la controverse que soulève l accroissement de la médicalisation 37, il peut être à craindre que les médecins privilégient davantage ce type de traitement. c. Le projet nuira-t-il à l industrie pharmaceutique et à l économe du Québec? L industrie biopharmaceutique représente des occasions d emplois de qualité et bien rémunérés 38. Pour cette raison, l actuelle Politique prévoit des avantages fiscaux à l industrie 39, une méthode de «prix le plus bas» différée de quinze ans 40 et l absence de méthode de «prix de référence» par catégorie de médicaments 41. Le fait de faire 35 En plus de rappeler l expérience néo-zélandaise, un tel modèle s apparente à la proposition de Québec-Solidaire formulée dans le Mémoire de Québec Solidaire pour la consultation portant sur la proposition du ministre Couillard : Garantir l accès : un défi d efficacité, d efficience et de qualité, Présenté à la Commission des affaires sociales de l Assemblée nationale, 31 mars 2006, p. 10. 36 Bélanger, p. 95-97. 37 Québec sur ordonnance - De troublantes questions sur un Québec très médicamenté, Louise-Maude Rioux Soucy, Le Devoir, le mardi 2 octobre 2007, http://www.ledevoir.com/2007/10/02/159107.html (consulté le 12 novembre 2007). 38 L industrie pharmaceutique au Québec représente 2,3 milliards de dollars du PIB québécois. Discours prononcé par André Marcheterre à la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain, Président, Merck Frosst, Le 14 mars 2006, http://www.merckfrosst.ca/mfcl/fr/corporate/newsroom/executive_speeches/worldleader_210306.html. 39 Politique du médicament, p. 64-65. 40 «[S]elon nos estimations, l abolition de la «règle des 15 ans» entraînerait le déplacement de 150 millions de dollars de stock de capital du Québec vers le reste du Canada, ce qui, combiné à une réduction du prix moyen des produits pharmaceutiques, affecterait négativement l économie québécoise.» Les impacts économiques de la «règle des 15 ans» appliquée au remboursement des médicaments innovateurs au Québec, Ministère des finances, Gouvernement du Québec, 2005, p. 19. 6/10

chuter significativement le coût des médicaments génériques pourrait «mettre en péril» les PME et grandes sociétés de fabrication 42. Le projet de loi prévoit la possibilité du rachat d entreprises par Médi-Québec, qui pourrait permettre de conserver ces emplois, et l investissement en recherche universitaire. Il semble donc que la viabilité de ce projet dépende absolument de son impact économique global. Conclusion Le projet de loi pose comme donnée que le système de santé québécois actuel est menacé par l accroissement des coûts des médicaments. Plusieurs moyens complémentaires ou alternatifs à ceux déployés par le projet sont également envisageables pour diminuer le prix des médicaments génériques. L imposition de la vente des génériques par le pharmacien lorsque possible, l instauration de plafonds pour les prix, d une politique du «prix le plus bas» ou de «prix de référence» et la réglementation des dépenses en publicité des compagnies pharmaceutiques sont des possibilités exclues par le ministre. La réduction de la durée et de la valeur des brevets des nouveaux médicaments et l encadrement des médecins pour favoriser les thérapies non-médicamenteuses ont également été délaissés. La députation aura donc non seulement à choisir si le principe de réduction des coûts des médicaments générique est désirable, mais également si les moyens proposés par le ministre justifient les risques d impacts négatifs qui leurs sont inhérents. 41 Pour une critique du modèle de prix de référence, voir: The Fantasy of Reference Pricing and the Promise of Choice in BC s Pharmacare, John R. Graham, Fraser Institute Occasional Paper, no. 66, November 2002. http://www.fraserinstitute.org/commerce.web/product_files/graham.pdf (consulté le 11 novembre 2007). 42 Hausse du coût des assurances médicaments: le contrôle des prix n'est pas la solution, 1 er octobre 2005, Michel Kelly-Gagnon président de l Institut économique de Montréal, Textes d opinion, http://www.iedm.org/main/show_editorials_fr.php?editorials_id=338. 7/10

Bibliographie et lectures préparatoires 43 Note : Nous vous recommandons fortement la consultation des mémoires déposées à la Commission des affaires sociales de l Assemblée nationale à l occasion de l adoption du Projet de loi no 130, devenu la Loi modifiant la Loi sur l assurance médicaments et d autres dispositions législatives : http://www.assnat.qc.ca/fra/37legislature2/commissions/cas/depot-acces.html. o Publications officielles disponibles en ligne 1. Conseil du médicament, Le choix des médicaments assurés au Québec : une démarche responsable et transparente, Information sur la démarche d évaluation scientifique des médicaments, février 2007. 2. Conseil du médicament, Rapport annuel de gestion 2006-2007, Gouvernement du Québec, 2007. 3. Politique du médicament, Ministère de la santé et des services sociaux, Gouvernement du Québec, 2007. 4. Régime général d assurance médicaments, Rapport d activités, 2002-2003. 5. Les impacts économiques de la «règle des 15 ans» appliquée au remboursement des médicaments innovateurs au Québec, Ministère des finances, Gouvernement du Québec, 2005. 6. Stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques, juin 2006. http://www.hc-sc.gc.ca/hcssss/pharma/nps-snpp/index_f.html (consulté le 8 octobre 2007) 7. Rehault, Sylvie, La gestion des coûts des médicaments au Québec, Évaluation des interventions gouvernementales québécoises et canadiennes, Direction de la Recherche et de l Évaluation, Gouvernement du Québec, avril 1998. 8. Commission sur l avenir des soins de santé au Canada, Guidé par nos valeurs, L avenir des soins de santé au Canada, Roy J. Romanow, novembre 2002. 9. Une nouvelle politique du médicament : donner la priorité à l'innovation, Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, France, http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/medicament/medic3.htm (consulté le 11 novembre 2007). o Sites internet 10. RAMQ, Assurance médicaments, Le régime public, http://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/citoyens/assurancemedicaments/regimepublic/regimepublic.shtml (consulté le 8 octobre 2007.) 43 Les lectures recommandées apparaissent en gras. 8/10

11. Pharmacare, Low Cost Alternative (LCA) Program, http://www.health.gov.bc.ca/pharme/lca/whatislca.html (consulté le 8 octobre 2007). 12. About Pharmac, http://www.pharmac.govt.nz/funding_applications.asp, (consulté le 8 octobre 2007). Voir aussi le New Zealand Public Health & Disability Act, arts. 46-53, créant Pharmac. 13. Pharmaceutical Price Regulation Scheme, http://www.dh.gov.uk/en/policyandguidance/medicinespharmacyandindustry/pharmaceuticalpriceregulations cheme/index.htm (consulté le 8 octobre 2007). 14. World Health Organisation, Regional Office for Europe, Denmark, Pharmaceuticals, http://www.euro.who.int/pharmaceuticals/topics/overview/20020430_1, (consulté le 11 novembre 2007). 15. La documentation française, Les systèmes d'assurance maladie, (consulté le 11 novembre 2007) http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/assurance-maladie-europe/systemes-assurance.shtml. 16. Coalition Solidarité Santé, http://www.solidaritesante.qc.ca/francais/index.html, (consulté le 11 novembre 2007) 17. Institut canadien d information sur la santé, (consulté le 11 novembre 2007), http://secure.cihi.ca/cihiweb/disppage.jsp?cw_page=media_05apr2005_f 18. Médecine pour le peuple (Belgique) http://www.gvhv.be/fr/, (consulté le 11 novembre 2007) o Monographies, articles et mémoires 19. St-Onge, J.-Claude, L envers de la pilule, Les dessous de l industrie pharmaceutique, Éditions Écosociété, Montréal, 2004. 20. St-Onge, J.-Claude, Les dérives de l industrie de la santé, Petit abécédaire, Éditions Écosociété, Montréal, 2006. 21. Bélanger, Gérard, L économique de la santé et l État providence, Les éditions varia, 2005, p. 33-45. 22. One Country, Four Systems: Comparing Changing Health Policies in New Zealand, Robin Gauld, International Political Science Review (2003), Vol 24, No. 2, 199 218. 23. Discours prononcé par André Marcheterre à la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain, Président, Merck Frosst, Le 14 mars 2006, http://www.merckfrosst.ca/mfcl/fr/corporate/newsroom/executive_speeches/worldleader_210306.html. 24. The Fantasy of Reference Pricing and the Promise of Choice in BC s Pharmacare, John R. Graham, Fraser Institute Occasional Paper, no. 66, November 2002. 9/10

http://www.fraserinstitute.org/commerce.web/product_files/graham.pdf (consulté le 11 novembre 2007). 25. Hausse du coût des assurances médicaments: le contrôle des prix n'est pas la solution, 1er octobre 2005, Michel Kelly-Gagnon président de l Institut économique de Montréal, Textes d opinion, http://www.iedm.org/main/show_editorials_fr.php?editorials_id=338. 26. Mémoire de Québec Solidaire pour la consultation portant sur la proposition du ministre Couillard : Garantir l accès : un défi d efficacité, d efficience et de qualité, Présenté à la Commission des affaires sociales de l Assemblée nationale, 31 mars 2006. 27. Québec sur ordonnance - De troublantes questions sur un Québec très médicamenté, Louise-Maude Rioux Soucy, Le Devoir, le mardi 2 octobre 2007, http://www.ledevoir.com/2007/10/02/159107.html o Lois, règlements et décisions 28. Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791. 29. Accord de l'omc sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). 30. Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., chapitre S-4.2. 31. Loi sur l'assurance maladie, L.R.Q., chapitre A-29, art. 3. 32. Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., chapitre S-4.2. 33. Loi sur l'assurance médicaments, L.R.Q., chapitre A-29.01. 34. Loi modifiant la Loi sur l assurance médicaments et d autres dispositions législatives, 2005, chaptire 40. 35. Règlement concernant la liste des médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments, R.Q. c. A-29.01, r.1.2 (incluant la Liste des médicaments) 36. Règlement sur les conditions de reconnaissance d un fabricant de médicaments et d un grossiste en médicaments, L.R.Q., chapitre A-29.01, r.1.). 10/10