Utilisation des anticoagulants à l EHPAD de Marchenoir : Docteur Naudin Patrice. DIU de formation à la fonction de médecin coordonnateur :



Documents pareils
Point d information Avril Les nouveaux anticoagulants oraux (dabigatran et rivaroxaban) dans la fibrillation auriculaire : ce qu il faut savoir

1 - Que faut-il retenir sur les anticoagulants oraux?

Fibrillation atriale chez le sujet âgé

Pharmacologie des «nouveaux» anticoagulants oraux

UTILISATION DES C.C.P DANS LES HEMORRAGIES SOUS AVK ET SOUS NACO : RECOMMANDATIONS DE L HAS COPACAMU 2014

27 ème JOURNEE SPORT ET MEDECINE Dr Roukos ABI KHALIL Digne Les Bains 23 novembre 2013

Les nouveaux anticoagulants oraux : quelles interactions médicamenteuses?

Livret des nouveaux anticoagulants oraux. Ce qu il faut savoir pour bien gérer leur utilisation

Informations sur le rivaroxaban (Xarelto md ) et l apixaban (Eliquis md )

Les nouveaux anticoagulants oraux, FA et AVC. Docteur Thalie TRAISSAC Hôpital Saint André CAPCV 15 février 2014

Les nouveaux anticoagulants dans la Fibrillation atriale en pratique

Une forte dynamique des prescriptions de ces nouveaux anti-coagulants oraux

Observation. Merci à l équipe de pharmaciens FormUtip iatro pour ce cas

Plan. Introduction. Les Nouveaux Anticoagulants Oraux et le sujet âgé. Audit de prescription au Centre Hospitalier Geriatrique du Mont d Or

Les nouveaux anticoagulants oraux sont arrivé! Faut il une surveillance biologique?

Les nouveaux anticoagulants oraux (NAC)

LES ANTICOAGULANTS ORAUX

Nouveaux AntiCoagulants par Voie Orale. Dr. François PAPON 27 juin 2013

Les nouveaux anticoagulants ont ils une place aux Urgences?

PRINTEMPS MEDICAL DE BOURGOGNE ASSOCIATIONS ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS : INDICATIONS ET CONTRE INDICATIONS

XARELTO (RIVAROXABAN) 2,5 MG - 15 MG - 20 MG, COMPRIMÉS PELLICULÉS GUIDE DE PRESCRIPTION

Programme de prise en charge et de suivi en anticoagulothérapie

Aspects pratiques du traitement de la MTEV

Les Nouveaux Anticoagulants Oraux (NAC) Société STAGO -HOTEL MERCURE 22 Novembre Troyes

Hémostase et Endocardite Surveillance des anticoagulants. Docteur Christine BOITEUX

Les Nouveaux AntiCoagulants Oraux

SYNOPSIS INFORMATIONS GÉNÉRALES

Dabigatran, rivaroxaban et apixaban: le point sur les nouveaux anticoagulants oraux

Nouveaux Anti-thrombotiques. Prof. Emmanuel OGER Pharmacovigilance Pharmaco-épidémiologie Faculté de Médecine Université de Rennes 1

sur le bon usage des médicaments antivitamine K (AVK)

En considérant que l effet anticoagulant du dabigatran débute dans les 2 heures suivant la prise du médicament :

SÉCURISATION DE LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS TRAITÉS PAR DABIGATRAN ET RIVAROXABAN AU CH DE HAGUENAU

Nouveaux anticoagulants oraux : aspects pratiques

Infospot. Les nouveaux anticoagulants oraux (NACOs) Octobre - Novembre - Decembre 2014

MEDICAMENTS en CARDIOLOGIE. ANTICOAGULANTS (2h)

E04a - Héparines de bas poids moléculaire

UNIVERSITE DE NANTES

Les nouveaux anticoagulants en 2012

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 10 mars 2010

Système cardiovasculaire - CV CV111 CV110. aliskirène Rasilez

Prise en charge de l embolie pulmonaire

journées chalonnaises de la thrombose

Les anticoagulants oraux directs

Item 182 : Accidents des anticoagulants

Nouveaux anticoagulants oraux (NOAC)

Gestion périopératoire et des évènements hémorragiques sous nouveaux anticoagulants oraux

Accidents des anticoagulants

Programme pour les patients traités par les nouveaux anti-coagulants oraux.

MONOGRAPHIE DE PRODUIT

NACO dans la FA non Valvulaire

Les anticoagulants. PM Garcia Sam Hamati. sofomec 2008

28/06/13. Mardi 12 Mars 2013 Pascal Schlesser et Pierre Webert Cardiologues à Saint- Avold

Pharmacovigilance des nouveaux anticoagulants oraux

Après la prévention veineuse

ORDONNANCE COLLECTIVE

{ Introduction. Proposition GIHP 05/12/2014

E03 - Héparines non fractionnées (HNF)

La fibrillation auriculaire

Phlébites: les pièges et ses nouveaux traitements Chris8ne Jurus Charles Nédey

Deux nouveaux anticoagulants oraux : Dabigatran et Rivaroxaban

VERGRIETE Laurence/ les médicaments de l'hémostase. PGI2 cellule endothéliale, effet VD et antiagrégante Protéine C plasmatique L antithrombine III

VOUS et VOTRE NOUVEAU TRAITEMENT anticoagulant Eliquis, Pradaxa, Xarelto

Nouveaux anticoagulants Evolution ou innovation? 10 Février 2011

S o m m a i r e 1. Sémiologie 2. Thérapeutique

Le RIVAROXABAN (XARELTO ) dans l embolie pulmonaire

Antiagrégants plaquettaires Anticoagulants

Fibrillation auriculaire non valvulaire Du bon usage des anticoagulants oraux directs en médecine générale PHILIPPE VORILHON DMG CLERMONT-FERRAND

Nouveaux Anticoagulants. Dr JF Lambert Service d hématologie CHUV

Item 175 : Prescription et surveillance des antithrombotiques

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 14 mars 2012

CAPACITE DE GERONTOLOGIE MANIEMENT DES ANTICOAGULANTS

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 29 février 2012

Le rapport bénéfice-risque des anticoagulants dans la fibrillation atriale. la vision Evidence Baseddu médecin généraliste Dr François Liard

Cibles Nouveaux ACO AVK. Fondaparinux HBPM HNF. Xarelto. Eliquis Lixiana. Pradaxa PARENTERAL INDIRECT ORAL DIRECT. FT / VIIa.

Médecine Physique Prévention de la maladie thrombo-embolique veineuse. Pr Philippe NGUYEN Vendredi 17 Décembre 2010

Les NOACs en situation de crise

Étude NACORA-BR du projet NACORA (nouveaux anticoagulants oraux et risques associés)

Faut-il encore modifier nos pratiques en 2013?

LES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS

Anticoagulation chez le sujet âgé cancéreux en traitement. PE Morange Lab.Hématologie Inserm U1062 CHU Timone Marseille

Compte-rendu du Comité technique de Pharmacovigilance CT Séance du 12 novembre 2013

Vous et votre traitement anticoagulant par AVK (antivitamine K)

Données de Pharmacovigilance et les NOACs. Haleh Bagheri

PLACE DES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS ORAUX CHEZ LE SUJET AGE

Rapport thématique. Les anticoagulants en France en 2012 : Etat des lieux et surveillance

Saignement sous dabigatran, rivaroxaban ou apixaban

CONFERENCE MENSUELLE DE L AMPPU (section de Metz) LES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS

DES NOUVELLES DU COMITÉ DE PHARMACOLOGIE

Hémorragies cérébrales et nouveaux anticoagulants

Épidémiologie des accidents hémorragiques dus aux anticoagulants oraux

Cas clinique n 1. Y-a-t-il plusieurs diagnostics possibles? Son HTA a t elle favorisé ce problème?

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 14 mars 2012

RIVAROXABAN ET TESTS DE BIOLOGIE MEDICALE

Les nouveaux anticoagulants oraux anti IIa, anti Xa

NOUVEAUX ANTICOAGULANTS ORAUX : LE POINT DE VUE DU CARDIOLOGUE?

Les anticoagulants oraux: des AVK aux «NOACs» NOACs ou NACOs? Bandes des rues de Mexico responsables d incivilités permanentes

MEET - Nice Dimanche 8 Juin Christian BRETON Nancy (France) 1

Cas clinique n 1. Nouveaux anticoagulants. IIa. Nouveaux anticoagulants Comment s y retrouver? fibrine. Facteur tissulaire VIIa

dabigatran ou rivaroxaban, au long cours présentant une hémorragie ou nécessitant une chirurgie urgente

Le rivaroxaban contre la fibrillation auriculaire lorsque la warfarine ne va pas?

Transcription:

Université Paris V Faculté Cochin Port Royal Utilisation des anticoagulants à l EHPAD de Marchenoir : Vers une modification du livret thérapeutique intégrant les nouveaux anticoagulants? Docteur Naudin Patrice DIU de formation à la fonction de médecin coordonnateur : Année universitaire 2012-2013 Directeur de mémoire : Dr REINGEWIRTZ Serge

Remerciements Au Docteur REINGEWIRTZ Serge pour son soutient Au Docteur FRIOCOURT qui nous a conseillé dans ce travail A Corinne pour sa patience En mémoire de mon oncle Camille

Plan Introduction... 1 1 La cascade de la coagulation et les points d action des anticoagulants oraux... 2 2 Les anti vitamines K... 3 2.1 Mécanisme d action et facteurs génétiques... 3 2.2 Indications... 3 2.3 INR cible... 4 2.4 Mode d introduction du traitement... 5 2.4.1 Pour la Coumadine (Warfarine) :... 6 2.4.2 Pour le Préviscan (Fluindione) :... 7 2.4.3 Equivalence Préviscan (Fluindione) Coumadine (Warfarine)... 8 2.5 Surveillance du traitement... 9 2.6 Facteurs d instabilité... 10 2.6.1 Les interactions médicamenteuses... 10 2.6.2 Interactions avec l alimentation... 12 2.6.2.1 Avec l alcool... 12 2.6.2.2 L apport exogène de vitamine K... 12 2.6.2.3 Les autres aliments, la phytothérapie... 12 2.6.3 La fixation protéique... 12 2.6.4 La fonction rénale... 12 2.7 Conduite à tenir en cas de surdosage ou de situation d urgence... 13 2.7.1 En cas de surdosage sans hémorragie... 13 2.7.2 En cas d hémorragie grave... 13 2.7.3 En cas d hémorragie non grave... 14 2.7.4 En cas de traumatisme... 14 2.7.5 Réintroduction des antivitamines K après une hémorragie grave... 14 2.7.6 Dans les autres cas d hémorragies graves... 14 2.8 Relais des antivitamines K par les nouveaux anticoagulants oraux... 15 3 Les anticoagulants d action spécifique... 15 3.1.1 Fibrillation atriale non valvulaire... 15

3.1.2 Thromboses veineuses et embolie pulmonaire... 16 3.2 Pradaxa... 16 3.2.1 Prévention des accidents thromboemboliques dans la fibrillation atriale non valvulaire... 16 3.2.2 Contre-indications... 16 3.2.3 Précautions d emploi... 17 3.2.4 Interactions médicamenteuses... 17 3.2.5 Relais Pradaxa par un antivitamine K... 18 3.3 Rivoxaban... 18 3.3.1 Schémas posologiques... 18 3.3.1.1 Prévention des accidents thrombo-emboliques dans la fibrillation atriale non valvulaire... 18 3.3.1.2 Traitement des thromboses veineuses profondes et de l embolie pulmonaire 19 3.3.2 Contre-indications... 19 3.3.3 Précautions d emploi... 19 3.3.4 Interactions médicamenteuses... 20 3.3.5 Relais Xarelto par un antivitamine K... 20 3.4 Apixaban... 20 3.4.1 Prévention des accidents thromboemboliques dans la fibrillation atriale non valvulaire... 21 3.4.2 Contre-indications... 21 3.4.3 Précautions d emploi... 21 3.4.4 Interactions médicamenteuses... 22 3.4.5 Relais par un antivitamine K... 22 3.5 Précautions d emploi des nouveaux anticoagulants oraux... 22 3.5.1 L observance thérapeutique... 22 3.5.2 La fonction rénale... 22 3.6 Conduite à tenir en cas d hémorragie avec les nouveaux anticoagulants... 23 3.6.1 Le risque hémorragique... 23 3.6.2 Les tests de coagulation... 23 3.6.3 Prise en charge... 23 4 Usage des anticoagulants oraux à l EHPAD de Marchenoir en 2011-2012... 24 4.1 Caractéristiques générales... 24

4.2 Population de référence... 24 4.3 Etude clinique... 24 4.4 Les anticoagulants oraux utilisés... 25 4.5 Les indications... 26 4.6 Efficacité du traitement par anticoagulant oral... 26 4.6.1 Temps à l INR cible... 27 4.6.1.1 Temps à l INR cible supérieur à 70 %... 27 4.6.1.2 Temps à l INR cible inférieur à 70 %... 27 4.7 Les interactions médicamenteuses... 28 4.7.1 Dans l échantillon total... 28 4.7.2 Dans les dossiers avec complications hémorragiques... 29 4.8 Les accidents hémorragiques... 29 4.8.1 Les accidents hémorragiques avec surdosage en antivitamines K... 29 4.8.2 Les accidents hémorragiques sans surdosage en antivitamines K... 29 4.8.2.1 Les décès par accidents hémorragiques... 29 4.8.2.2 Les accidents hémorragiques majeurs... 30 4.8.2.3 Les autres accidents hémorragiques... 30 4.8.2.4 L apport des score de risque hémorragique... 31 4.8.3 Le nombre total de décès dans la cohorte... 32 4.9 Commentaires... 33 4.9.1 Répartition des INR et temps dans la zone cible... 33 4.9.2 Accidents hémorragiques... 33 5 Population potentiellement éligible à un traitement par un nouvel anticoagulant par voie orale... 34 6 Retentissement budgétaire... 35 6.1 Coût des antivitamines K... 35 6.1.1 Coût médicamenteux... 35 6.1.2 Surveillance biologique par INR... 35 6.1.3 Coût infirmier... 35 6.1.4 Coût médical... 35 6.1.5 Coût total pour les antivitamines K... 36 6.2 Coût de l introduction des nouveaux anticoagulants oraux... 37 6.2.1 Coût médicamenteux des nouveaux anticoagulants... 37

6.2.2 Surveillance de la fonction rénale... 37 6.2.3 Coût infirmier... 37 6.2.4 Coût médical... 37 6.2.5 Coût total pour les nouveaux anticoagulants... 37 6.3 Récapitulatif... 38 Conclusion.... 39 7 Annexes... 40 7.1 Score CHA2DS2-VASC... 40 7.2 Les scores d évaluation du risque hémorragique... 41 7.2.1 HAS-BLED Score... 41 7.2.2 Le score HEMMORR2HAGES... 43 7.2.3 Le score Atria... 44 7.2.4 Le score d OBRI... 45 7.2.5 Commentaire... 45 7.3 Cas cliniques... 46 7.3.1 Dossier n 1... 46 7.3.2 Dossier n 2... 48 7.3.3 Dossier n 3... 50 7.3.4 Dossier n 4... 52 7.3.5 Dossier n 5... 54 7.3.6 Dossier n 6... 56 7.3.7 Dossier n 7... 58 7.3.8 Dossier 8... 60 7.3.9 Dossier n 9... 62 7.3.10 Dossier n 10... 64 7.3.11 Dossier n 11... 66 7.3.12 Dossier n 12... 68 7.3.13 Dossier n 13... 70 7.3.14 Dossier n 14... 72 7.3.15 Dossier n 15... 74 7.3.16 Dossier n 16... 76 7.3.17 Dossier n 17... 78 7.3.18 Dossier n 18... 80

7.3.19 Dossier n 19... 82 7.3.20 Dossier n 20... 84 Conclusion... 86 Bibliographie... 88

Introduction L article D312-158 du Code de l'action sociale et des familles définit les missions du médecin coordonnateur. Parmi elles, figure sa contribution à la bonne adaptation de la prescription médicamenteuse aux impératifs gériatriques. A cette fin, le médecin coordonateur doit élaborer une liste de médicaments à utiliser préférentiellement en collaboration avec les autres médecins intervenant dans l établissement et le pharmacien gérant de la pharmacie à usage intérieur 1. Dans l article L. 313-12 du code de l action sociale et des familles 2 traitant des conventions tripartites, il est précisé que le médecin coordonnateur est associé à l élaboration et à la mise en œuvre de réseaux de professionnels dont les engagements peuvent porter sur l évaluation et l amélioration des pratiques professionnelles et la maitrise médicalisée des dépenses (article L.183-1-1 du code de la sécurité sociale 3 ) La fibrillation atriale, dont la prévalence est supérieure à 10 % de la population au-delà de 80 ans, avec un risque d accident vasculaire embolique multiplié par 5, est un problème de santé publique 4. Si les antivitamines K ont démontré leur efficacité dans la prévention primaire et secondaire de ces accidents vasculaires et bien que leur consommation ait doublé depuis l an 2000, ils restent sous utilisés dans la population gériatrique dans la crainte des risques hémorragiques 5 6. Ces dernières années ont vu le développement d une nouvelle classe d anticoagulants oraux validés dans la fibrillation atriale non valvulaire. Quelle doit être l attitude d un médecin coordonnateur face à l évolution des connaissances dans ce domaine : les nouveaux anticoagulants oraux peuvent-ils être intégrés au livret thérapeutique d un EHPAD? Après avoir abordé les principales modalités de prescription des anticoagulants oraux en gériatrie, nous étudierons l utilisation des antivitamines K dans notre EHPAD et les répercussions budgétaires d une éventuelle introduction des nouveaux anticoagulants oraux au livret du médicament. 1

1 La cascade de la coagulation et les points d action des anticoagulants oraux 7 Voie intrinsèque Voie extrinsèque AVK AVK Eliquis, Xarelto AVK AVK Pradaxa Voie commune Protéine C activée Protéine S Protéine C + Thrombomoduline Le Pradaxa (Dabigatran étexilate) est un inhibiteur de la prothrombine ou facteur II. L Eliquis (apixaban) est un inhibiteur du facteur Stuart-Prower ou facteur X, comme le Xarelto (Rivoxaban). Les antivitamines K agissent à plusieurs niveaux de la chaine de la coagulation : Les antivitamines K agissent comme inhibiteurs d activation de plusieurs facteurs de coagulation : facteur II, facteur VII (Proconvertine), facteur IX (Facteur Christmas ou facteur antihémophile B) et facteur X. 2

2 Les anti vitamines K 2.1 Mécanisme d action et facteurs génétiques D après M.-A. Loriot, P. Beaune Les antivitamines K bloquent le cycle de la vitamine K, cofacteur des facteurs II, VII, IX et X. Il existe plusieurs type de la vitamine K époxyde réductase dépendant d allèles différent du gène VKORC1. Ces variants entraînent une modification de l activité de l antivitamine K pouvant aller jusqu à 25 % de l efficacité thérapeutique 8. Par ailleurs, les antivitamines K sont métabolisés au niveau hépatique par la fraction CYP2C9 du cytochrome P450 dont il existe plusieurs formes d activité biologique différente 9 entrainant, là aussi, une variabilité de l action de l antivitamine K. 2.2 Indications Les antivitamines K sont indiqués en cas : - de prothèses valvulaires - d infarctus du myocarde - de thromboses veineuses profondes et de l embolie pulmonaire, et la prévention de leurs récidives, 3

- de cardiopathies emboligènes (fibrillations atriale, flutter, tachycardie atriale) associé à un score CHA2DS-VASC supérieur à 2 après évaluation du rapport bénéfice/risque par HAS-BLED Score (recommandé par la Société Européenne de Cardiologie 10 ) ou par le score HEMORR2AGES (recommandé par un consensus d expert de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie et de la Société Française de Cardiologie 11 ). 2.3 INR cible La mise en place et le suivi du traitement par AVK reposent sur l INR (International Normalized Ratio). Le niveau d INR cible et la durée de traitement varient en fonction des indications 12 Indication INR cible Durée de traitement Troubles du rythme supraventriculaire (fibrillation atriale et flutter auriculaire) et CHADS2VASC supérieur à 2 après évaluation du rapport bénéfice/risque. Valvulopathies mitrales avec dilatation de l oreillette gauche et/ou thrombus intra-auriculaire gauche à l échocardiographie. Prothèses mécaniques en position mitrale. Prothèses mécaniques en position aortique avec dysfonction ventriculaire gauche ou de première génération. Prothèses mécaniques en position aortique sans autre facteur de risque ou de 2ème génération. 2 à 3 A long terme. 3 à 4,5 A long terme. 3 à 4,5 A long terme. 3 à 4,5 A long terme. 2 à 3 A long terme. 4

Prothèses mécaniques en position tricuspide. 2 à 3 A long terme. Prothèses biologiques 2 à 3 3 mois. Prévention des complications thromboemboliques des infarctus du myocarde compliqués (thrombus mural, dysfonction ventriculaire gauche sévère, dyskinésie emboligène). Prévention de la récidive d infarctus du myocarde en cas d intolérance à l aspirine. Thromboses veineuses profondes et de l embolie pulmonaire, ainsi que la prévention de leurs récidives, en relais de l héparine. 2 à 3 Au moins 3 mois. 2 à 3 A long terme. 2 à 3 Au moins 3 mois, Voir à long terme en cas de persistance du risque thromboembolique (certaines anomalies constitutionnelles ou acquises de la coagulation, cancer en évolution) ou de thromboses récidivantes sans facteur de risque identifié 13. 2.4 Mode d introduction du traitement Un dosage de l INR avant l instauration du traitement permet de dépister un trouble de coagulation préexistant. La dose initiale est toujours probatoire en raison d une variabilité interindividuelle importante. Le traitement est administré le soir ce qui permet de recevoir le dosage de l INR réalisé le matin (8h) pour adapter la posologie. Des schémas d introduction et d adaptation des doses ont été proposés, afin d éviter un surdosage important, à la phase initiale du traitement. Ils intègrent la réalisation de deux INR lors de la première semaine de traitement. Ce mode de surveillance est plus efficient que la recherche des variants VKORC1/CYP2C9 14 pour prévenir un surdosage en début de traitement. 5

2.4.1 Pour la Coumadine (Warfarine) : Coumadine comprimé bissécable à 2mg ou 5 mg 15 Jour INR Posologie Coumadine mg (cp) J0 J1 J2 J3 Coumadine 4 mg (2 cp à 2mg) Coumadine 4 mg (2 cp à 2mg) Coumadine 4 mg (2 cp à 2mg) Coumadine 4 mg (2 cp à 2mg) J4 INR < 1,3 Coumadine 5 mg (2+1/2 cp à 2mg) 1,3 INR < 1,5 Coumadine 4 mg (2 cp à 2mg) 1,5 INR < 1,7 Coumadine 3 mg (1+1/2 cp à 2mg) 1,7 INR < 1,9 Coumadine 2 mg (1 cp à 2mg) 1,9 INR < 2,5 Coumadine 1 mg (1 /2 cp à 2mg) 2,5 INR Arrêt jusqu à INR inférieur à 2,5 puis reprendre à Coumadine 1 mg (1 /2 cp à 2mg) J7 - INR 1,6 Augmenter de 1 mg (+ 1/2 cp de Coumadine à 2 mg) 1,6 INR < 2,5 Maintien de la même posologie 2,5 INR < 3,5 Diminuer de 1 mg (- 1/2 cp de Coumadine à 2 mg) 3,5 INR Surdosage, arrêt de la Coumadine jusqu à un INR 3 puis reprise à une une posologie inférieure A partir de 2,5 mg, l utilisation de 1/2 comprimé de Coumadine 5mg, permet un ajustement plus fin de la posologie 6

2.4.2 Pour le Préviscan (Fluindione) 16 : - comprimé quadrissécable à 20 mg - - Jour INR Posologie Préviscan mg (cp) - J0 INR < 1,2-20 mg (1cp) - J1 - - 20 mg (1cp) - J2 INR < 1,2-30 mg (1+1/2 cp) jusqu à J6 Dosage 40h après la première prise 1,2 INR < 1,5-25 mg (1+1/4 cp) jusqu à J6 1,5 INR < 2-20 mg (1 cp) jusqu à J6 2 INR < 2-15 mg (3/4 cp) jusqu à J6 2,2 INR < 3-10 mg (1/2 cp) jusqu à J6 3 < INR Arrêt jusqu à INR inférieur à 2,5 puis reprendre à 5 mg (1/4 cp) - J6 INR < 2 Augmenter de 5 mg (+ 1/4 cp) 2 INR < 3 Maintien de la même posologie 3 < INR Diminuer de 5 mg (- 1/4 cp) 7

2.4.3 Equivalence Préviscan (Fluindione) Coumadine (Warfarine) Si la Coumadine est l antivitamine K de référence, le Préviscan reste la molécule la plus utilisée en France. Dans le cas d un équilibre de l INR difficile à obtenir avec le Préviscan, il nous apparait légitime de la remplacer par la Coumadine en se basant le nomogramme suivant 17 : Posologie en Rythme Posologie en Rythme Fluindione : en mg d administration Warfarine : en mg d administration (cp) (Coumadine cp 2 mg) 5-0-0 (1/4-0-0) Alternance sur 3 jours 1-2 (1/2-1) Alternance sur 2 jours 5-0 (1/4-0) Alternance sur 2 jours 2 (1) Tous les jours 5 (1/4) Tous les jours 2-3 (1-1+1/2) Alternance sur 2 jours 5-10 (1/4-1/2) Alternance sur 2 jours 10 (1/2) Tous les jours 3 (1+1/2) Tous les jours 10-15 (1/2-3/4) Alternance sur 2 jours 3-4 (1+1/2-2) Alternance sur 2 jours 15 (3/4) Tous les jours 4 (2) Tous les jours 15-20 (3/4-1) Alternance sur 2 jours 4-5 (2-2+1/2) Alternance sur 2 jours 20 (1) Tous les jours 20-25 (1-1+1/4) Alternance sur 2 jours 5 (2+1/2) Tous les jours 25 (1+1/4) Tous les jours 5-6 (2+1/2-3) Alternance sur 2 jours 25-30 (1+1/4-1+1/2) Alternance sur 2 jours 30 (1+1/2) Tous les jours 6 (3) Tous les jours 30-35 (1+1/2-1+3/4) Alternance sur 2 jours 6-7 (3-3+1/2) Alternance sur 2 jours 35 (1+3/4) Tous les jours 7 (3+1/2) Tous les jours 35-40 (1+3/4-2) Alternance sur 2 jours 7-8 (3+1/2-4) Alternance sur 2 jours 40 (2) Tous les jours 8

2.5 Surveillance du traitement Le premier INR doit être réalisé à J2 ou à J3, suivant la première prise afin de dépister une hypersensibilité individuelle : un INR supérieur à 2 annonce un surdosage à la phase d équilibre et doit faire diminuer la posologie 18. La dose d équilibre est diminuée chez le sujet âgé 19 (entre ½ et ¾ de la dose usuelle), en cas de poids inférieur à 50 kg et chez l insuffisant hépatique. Le contrôle de l INR doit être réalisé tous les 2 à 4 jours en phase de stabilisation. Les contrôles sont ensuite espacés progressivement jusqu à un intervalle maximum de 3 semaines. Le risque hémorragique est plus élevé dans les 3 premiers mois de traitement 20. En cas de syndrome fébrile, de déshydratation ou de toute situation clinique pouvant modifier la fonction rénale les contrôles doivent être rapprochés comme à la phase d équilibration jusqu à obtention de l INR cible. Il en est de même en cas d introduction d une nouvelle thérapeutique, un changement de régime alimentaire. Parfois la cause n est pas identifiée. Dans tous les cas, un contrôle régulier de l INR devra être réalisé jusqu au retour dans la zone cible. Le sous-dosage expose à des complications thrombotiques et doit être rapidement corrigé sous couvert d un contrôle rapproché de l INR. Le surdosage expose au risque hémorragique. En dehors d un INR supérieur à 6 ou d une hémorragie, les mesures correctrices doivent être progressives pour ne pas provoquer un risque thrombotique. 9

2.6 Facteurs d instabilité 2.6.1 Les interactions médicamenteuses Les interactions médicamenteuses avec les antivitamines K sont nombreuses 21 contre- Association indiquées Associations déconseillées Associations avec précautions d emploi Augmentation de l effet anticoagulation Acide acétylsalicylique : aux doses antalgiques, antipyrétiques et antiinflammatoires en cas d antécédent d ulcère gastroduodénal AINS pyrazolés : toutes formes y compris locales Miconazole (voie générale et gel buccal) Acide acétylsalicylique : aux doses antalgiques, antipyrétiques et antiinflammatoires en l absence d ulcère gastro-duodénal Et anti agrégante en cas d antécédent d ulcère gastro-duodénal AINS non pyrazolés 5 fluoro-uracile, Tégafur et Capecitabine Allopurinol Amiodarone 22 Androgènes Anticonvulsivant (rarement) Phénytoïne Antidépresseurs inhibiteur de la recapture de la sérotonine Benzbromarone Céphalosporines Cimétidine par diminution du métabolisme hépatique Diminution de l effet coagulant : risque de surdosage à l arrêt Millepertuis : par effet inducteur enzymatique Aminogluthétimide (warfarine et acénocoumarol) par augmentation du métabolisme hépatique Anticonvulsivant inducteurs enzymatiques : Carbamazépine, fosphénytoïne, phénobarbital, phénitoïne, primidone par augmentation du métabolisme hépatique de l AVK Aprepitant Azathioprine Bosentan 10

Associations précautions d emploi avec Cisapride Clopidogrel Colchicine Cotrimoxazole Cyclines Danazol Econazole quelle que soit la voie d administration 23 par inhibition compétitive au niveau du cytochrome CYP2C9 entrainant une diminution du catabolisme de l AVK Fibrates Fluconazole, itraconazole,voriconazole Fluoroquinolones Glucocorticoïdes sauf hydrocortisone en traitement substitutif Héparines de bas poids moléculaires et apparentés, héparines non fractionnées Hormones thyroïdiennes Inhibiteurs de l HMG CoAréductases (statines) Macrolides 24 Nitro-5-imidazolés Orlistat Paracétamol en cas de prise à 4g/j pendant au moins 4 jours Pentoxifylline Proguanil Propafénone Sulfaméthoxazole, sulfafurazole, sulfaméthizol Tamoxifène Tibolone Tramadol Viloxazine Vitamine E au-delà de 500 mg/j Alphatocophérol Colestyramine Griséofulvine Mercaptopurine Névirapine,Efavirenz Rifampicine Ritonavir Sucralfate : diminition de l absorption de l AVK prise à distance ( plus de 2h) 11

2.6.2 Interactions avec l alimentation 2.6.2.1 Avec l alcool Si une consommation modeste, chez un patient ayant une fonction hépatique normale n a pas de retentissement, une intoxication aigüe peut provoquer un surdosage de l antivitamine K. Une intoxication chronique peut voir une diminution de l effet des anticoagulants par induction enzymatique ou une augmentation en cas de cirrhose. 2.6.2.2 L apport exogène de vitamine K Elle diminue l effet des antivitamines K par effet de compétition. Les aliments les plus riches en vitamines K sont de manière générale les légumes verts (choux, brocolis, épinards, laitue, asperges ) Il est plus simple d avoir une consommation régulière que de réaliser un régime d éviction. L apport régulier de vitamine K prévient une instabilité de l INR. Un apport par voie orale de 100 à 200 µg/j de vitamine K est possible (recommandation grade IIb) en cas d INR l instable sans autre cause retrouvée 25. 2.6.2.3 Les autres aliments, la phytothérapie Des accidents de surdosage ont été décrits avec le pamplemousse, le cranberry, les omégas 3. Au contraire, le millepertuis diminue l action anticoagulante par induction enzymatique 26. 2.6.3 La fixation protéique Les antivitamines K sont fortement liées à l albumine. Seule la fraction libre est active et métabolisée. L état nutritionnel et particulièrement un taux d albumine bas influe sur la stabilité de l INR. 2.6.4 La fonction rénale L élimination des antivitamines K se fait par voie urinaire prépondérante d où un risque d accumulation et de surdosage en cas d insuffisance rénale. 12

2.7 Conduite à tenir en cas de surdosage ou de situation d urgence La conduite à tenir en cas de surdosage ou de situation d urgence, intervention chirurgicale non programmée est bien codifiée 27 2.7.1 En cas de surdosage sans hémorragie INR mesuré INR cible entre 2 et 3 INR < 4 Diminution de la posologie Pas de saut de prise Pas d apport de vitamine K 4 INR 6 Saut d une prise Pas d apport de vitamine K 6 INR < 10 Arrêt du traitement par antivitamine K Vitamine K per os : 1 à 2 mg INR 10 Arrêt du traitement par antivitamine K Vitamine K per os 5 mg Dans tous les cas, l INR doit être contrôlé le lendemain et le schéma thérapeutique précédent est répété en cas de persistance des troubles ; la surveillance ultérieure doit être menée comme lors de l instauration du traitement. 2.7.2 En cas d hémorragie grave L hémorragie grave est définie par : - une hémorragie extériorisée non contrôlable ou avec instabilité hémodynamique - la nécessité d un geste hémostatique urgent ou d une transfusion de concentré globulaire - une localisation menaçant le pronostic vital ou fonctionnel. Il peut s agir d une hémorragie intracrânienne ou intraspinale, d une hémorragie intraoculaire ou rétroorbitaire, d un hémothorax, d un hémopéritoine ou d un hémorétropéritoine, d un hémopéricarde, d un hématome musculaire profond ou d un syndrome de loge, d une hémorragie digestive aigue ou d une hémarthrose. L hospitalisation du patient est, dans tous les cas, nécessaire. La prise en charge pré hospitalière permet la médicalisation précoce et une coordination des moyens hospitaliers par 13

la régulation du SAMU. Elle permet la restauration de l hémodynamique du patient, une éventuelle transfusion de concentré globulaire et la correction de l INR (apport de vitamine K et/ou de PPSB). Un geste d hémostase chirurgical, endoscopique ou endovasculaire permet de traiter la cause de l hémorragie après correction de l INR. 2.7.3 En cas d hémorragie non grave Il s agit d une hémorragie, sans retentissement hémodynamique ni menace du pronostic vital ou d un pronostic fonctionnel. Le contrôle de l INR doit être réalisé en urgence. La vitamine K est indiquée si elle est associée à un surdosage. Une hémorragie non contrôlable par des moyens thérapeutiques simples doit conduire à l hospitalisation. 2.7.4 En cas de traumatisme En cas de traumatisme cérébral, thoracique ou abdominal, il est recommandé d hospitaliser le patient et de réaliser un scanner cérébral. 2.7.5 Réintroduction des antivitamines K après une hémorragie grave Dans le cas d une hémorragie intracrânienne : - Chez un patient porteur d une prothèse valvulaire mécanique, la reprise d une anticoagulation au long cours s impose après une fenêtre thérapeutique de normocoagulation de 1 à 2 semaines - Chez un patient ayant une arythmie complète par fibrillation atriale non valvulaire, l arrêt définitif du traitement anticoagulant, en cas de localisation hémorragique hémisphérique, est recommandé. - Chez un patient ayant une maladie thromboembolique veineuse, une fenêtre thérapeutique de normocoagulation de 1 à 2 semaines est proposée. En cas de pathologie thromboembolique datant de moins de 1 mois, la mise en place d un filtre cave peut être discutée. 2.7.6 Dans les autres cas d hémorragies graves Une fenêtre thérapeutique de 48 à 72 heures, à moduler en fonction du risque thromboembolique, est proposée. La reprise de l anticoagulation est d autant plus précoce qu un geste hémostatique a été réalisé et garantit une faible probabilité de récidive. 14

2.8 Relais des antivitamines K par les nouveaux anticoagulants oraux L antivitamine K étant arrêté, o Le Pradaxa peut être introduit lorsque l INR est inférieur à 2 o Le Xarelto peut être introduit lorsque l INR est égal ou inférieur à 3 si l indication est la prévention des accidents thrombo-emboliques dans le cadre d une fibrillation atriale non valvulaire, ou inférieur à 2,5 s il s agit du traitement des thromboses veineuses ou d une embolie pulmonaire. o Le traitement par Eliquis est commencé quand l INR est inférieur 2. 3 Les anticoagulants d action spécifique Pour la Haute Autorité de Santé, ils sont une alternative face à une instabilité de l INR, d une mauvaise tolérance du traitement par antivitamine K ou de la surveillance de l INR 28 ; le traitement par antivitamine K restant le traitement de référence. Les indications sont différentes en fonction du contexte clinique et de l anticoagulant et de son dosage 29. Nous n aborderons pas le traitement préventif des thromboses post opératoire après prothèse totale de hanche et genou 30 31 32. 3.1.1 Fibrillation atriale non valvulaire Pour l European Society of Cardiologie, les nouveaux anticoagulants sont indiqués en première intention dans la fibrillation atriale non valvulaire associée à un score de score CHA2DS-VASC supérieur à 2 (recommandation grade IA, de niveau B), et après évaluation du rapport bénéfice/risque par le HAS-BLED Score (grade IIa, niveau B), Un groupe d expert de la Société Française de Cardiologie et la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie a élaboré un consensus sur la prise en charge de la fibrillation atriale chez le sujet âgé, qui précise la nécessité de respecter une contre-indication en cas de clearance de créatinine, évaluée par la formule de Gault et Cockcroft, inférieure à 30 ml/mn et préconise d évaluer les risque hémorragique en utilisant le score HEMORR2AGES. L indication pour le traitement préventif des complications thrombo-emboliques de la fibrillation atriale non valvulaire avec facteurs de risque a été retenu pour le Pradaxa 150 et 110 33, le Xarelto 20 et 15 34 et l Eliquis 5 et Eliquis 2,5 35. 15

3.1.2 Thromboses veineuses et embolie pulmonaire Le Xarelto 20 et le Xarelto 15 36 ont également l AMM dans le traitement des thromboses veineuses profondes et de l embolie pulmonaire. 3.2 Pradaxa 37 Le Pradaxa est une pro-drogue : le dabigatran étexilate est métabolisé en dabigatran substrat de la protéine P 38. Il est éliminé sous forme inchangée par voie urinaire 39. Sa fixation protéique est faible 3.2.1 Prévention des accidents thromboemboliques dans la fibrillation atriale non valvulaire 40 Posologie usuelle Pradaxa 150 mg 2 x / j Pradaxa 110 mg 2 x / j Insuffisance rénale modérée : clearance de la créatinine entre 30 et 50 ml/mn par la formule de Cockcroft sans autre facteur de risque A partir de 2 facteurs de risque: -Age de 75 ans à 80 ans -Insuffisance rénale modérée : clearance de la créatinine par la formule de Cockcroft entre 30 et 50 ml/mn - Gastrite, oesophagite ou reflux gastro-oesophagien - Quinidine - Amiodarone - Clarithromycine, Erythromycine Age > 80 ans Risque hémorragique élevé, HAS-BLED score 3 Association au Vérapamil 3.2.2 Contre-indications Insuffisance rénale avec une clearance de la créatinine, évaluée par la formule de Gault et Cockcroft, inférieure à 30 ml/mn Saignements, troubles de l hémostase ou lésions susceptibles de saigner, Interventions neurochirurgicales ou ophtalmologiques récentes Atteintes hépatiques avec coagulopathie 16

3.2.3 Précautions d emploi Antécédent d ulcère gastro-duodénal Chimiothérapie Poids inférieur à 50 kg HAS-BLED score 3 Clearance de la créatinine par la formule de Gault et Cockcroft entre 30 et 50 ml/mn 3.2.4 Interactions médicamenteuses 41 Contre-indications associations recommandées ou non Augmentation du risque hémorragique impliquant une diminution de la posologie : Pradaxa 110 Diminution de la posologie en cas de présence d autres facteurs de risque Pradaxa 110 Augmentation du risque hémorragique Anti agrégants plaquettaires Anticoagulants Anti inflammatoire IRS, IRSNA Anti inflammatoiress : tous y compris les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 Aspirine quelle que soit la dose et l indication Antifongiques : kétoconazole, voriconazole Dronédarone itraconazole, posaconazole, Immunosuppresseur : cyclosporine, tacrolimus Inhibiteurs des protéases : ritonavir Vérapamil Amiodarone Quinidine Macrolides : érythromycine clarithromycine, Efficacité insuffisante avec risque de thrombose Anti convulsivants inducteurs enzymatiques 42 : carbamazépine, fosphénytoïne, pénytoïne phénobarbital, primidone Millepertuis (Hypericum perforatum ou St John s Wort) Rifampicine 17

3.2.5 Relais Pradaxa par un antivitamine K L antivitamine K est introduit - 3 jours avant l arrêt du Pradaxa si la clearance de la créatinine est supérieure ou égale à 50 ml/mn - 2 jours avant l arrêt du Pradaxa si la clearance de la créatinine est comprise entre 30 et 50 ml/mn Dans les 48 h suivant la dernière prise de Pradaxa, l INR n est pas fiable. 3.3 Rivoxaban 43 Le rivoxaban est métabolisé au niveau du cytochrome P450 44 par les isoenzymes CYP 3A4 et CYP 2J2. C est également un substrat de la glycoprotéine P. Il est excrété au niveau rénal sous forme inchangée. Les médicaments diminuant la filtration rénale (AINS, IEC, sartans, Aliskirène) exposent à un risque de surdosage et d accident hémorragique. 45 Les inhibiteurs de la glycoprotéine P augmentent la concentration plasmatique des nouveaux anticoagulants (antifongiques azolés, inhibiteurs calciques, amiodarone, quinidiniques, statine) Les inhibiteurs de l isoenzyme CYP3A4 diminuent le métabolisme du rivoxanban : amiodarone, diltiazem, vérapamil Sa fixation protéique est élévée (supérieure à 90 %), essentiellement avec l albumine sérique. 3.3.1 Schémas posologiques 3.3.1.1 Prévention des accidents thrombo-emboliques dans la fibrillation atriale non valvulaire 46 Posologie usuelle Xarelto 20 mg Xarelto 15 mg Xarelto 20 mg 1 prise par j Xarelto 15 mg 1 prise par j Insuffisance rénale modérée à sévère : clearance de la créatinine par la formule de Cockcroft entre 30 et 49 ml/mn 18

3.3.1.2 Traitement des thromboses veineuses profondes et de l embolie pulmonaire 47 Posologie usuelle Clearance de la créatinine supérieure ou égale à 60 ml/mn: Clearance de la créatinine par la formule de Cockcroft entre 30 et 49 ml/mn Xarelto 15 1 cp matin et soir pendant 3 semaines - puis Xarelto 20 mg en 1 cp par jour Xarelto 15 mg matin et soir pendant 3 semaines - puis Xarelto 15 1 cp par jour 3.3.2 Contre-indications Insuffisance rénale avec une clearance de la créatinine, évaluée par la formule de Gault et Cockcroft, inférieure à 30 ml/mn Saignements, troubles de l hémostase dont thrombopénie Interventions neurochirurgicales ou ophtalmologiques récentes Atteintes hépatiques avec coagulopathie, cirrhose hépatique avec score de Child Pugh classe B ou C 3.3.3 Précautions d emploi Antécédent d ulcère gastro-duodénal Chimiothérapie Poids inférieur à 50 kg HAS-BLED score 3 19

3.3.4 Interactions médicamenteuses Contre-indications ou associations déconseillées Diminution de la posologie si association à d autres facteurs de risque (cf précautions d emploi) Augmentation du risque hémorragique Anti agrégants plaquettaires Anticoagulants Anti inflammatoire IRS, IRSNA Antifongiques : itraconazole, kétoconazole, posaconazole, voriconazole Immunosupresseurs : cyclosporine, tacrolimus Dronédarone Inhibiteurs de la protéase du VIH : ritonavir Inhibiteurs du CYP3A4 : amiodarone, diltiazem, vérapamil Amiodarone Fluconazole Macrolides : clarithromycine, érythromycine, télithomycine Quinidine Efficacité insuffisante avec risque de thrombose Anti convulsivants inducteurs enzymatiques : carbamazépine, fosphénytoïne, pénytoïne phénobarbital, primidone Millepertuis (Hypericum perforatum ou St John s Wort) Rifampicine 3.3.5 Relais Xarelto par un antivitamine K Le Xarelto est donné conjointement à l antivitamine K à dose standard jusqu à un INR est supérieur ou égal à 2 puis le Xarelto est arrêté. L INR est fiable 24h après la dernière prise de Xarelto. 3.4 Apixaban 48 L Apixan est un inhibiteur de l anti Xa. Les voies d élimination de l'apixaban sont multiples. Environ 25% de la dose administrée chez l homme est retrouvée sous forme de métabolites, la majorité étant retrouvée dans les selles. L Apixaban est métabolisé principalement par le CYP3A4/5 ; c est un substrat de la P- gp. Sa fixation protéique est élevée ( 87 %). 20

3.4.1 Prévention des accidents thromboemboliques dans la fibrillation atriale non valvulaire 49 Posologie usuelle Eliquis 5 mg Eliquis 2,5 mg 2 x / j Eliquis 5 mg 2 x / j A partir de 2 facteurs de risque: -Âge supérieur à 80 ans -Créatinine sérique supérieure ou égale à 1,5 mg/dl ou 133 µmoles/l sauf si la clearance de la créatinine est inférieure à 30 ml/mn (cf contre indications) Poids inférieur ou égal à 60 kg 3.4.2 Contre-indications Insuffisance rénale avec une clearance de la créatinine, évaluée par la formule de Gault et Cockcroft, inférieure à 30 ml/mn Saignements, troubles de l hémostase ou lésions susceptibles de saigner, Interventions neurochirurgicales ou ophtalmologiques récentes Atteintes hépatiques avec coagulopathie, varices oesophagiennes, Affection maligne avec risque de saignement 3.4.3 Précautions d emploi Antécédent d ulcère gastro-duodénal, cirrhose non compliquée (Child Pugh A ou B 50, 51 ), bilan hépatique perturbé 21

3.4.4 Interactions médicamenteuses Contre-indications associations recommandées ou non Augmentation du risque hémorragique Anti agrégants plaquettaires Anticoagulants Anti inflammatoire IRS, IRSNA Anti inflammatoiress : tous y compris les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 Aspirine quelle que soit la dose et l indication Antifongiques azolés : itraconazole, kétoconazole, posaconazole, voriconazole Efficacité insuffisante avec risque de thrombose Anti convulsivants inducteurs enzymatiques 52 : carbamazépine, fosphénytoïne, pénytoïne phénobarbital, primidone Diltiazem Millepertuis (Hypericum perforatum ou St John s Wort) Inhibiteurs de protéase du VIH : ritonavir Rifampicine 3.4.5 Relais par un antivitamine K L antivitamine K est introduit pendant 2 jours Le contrôle de l INR est fait avant la prise suivante d Eliquis. Le traitement par Eliquis est interrompu quand l INR est supérieur ou égal à 2. 3.5 Précautions d emploi des nouveaux anticoagulants oraux 3.5.1 L observance thérapeutique Les nouveaux anticoagulants ont une demi-vie courte ce qui, en cas de mauvaise observance, entraine une inefficacité du traitement et un risque thrombo-embolique. 3.5.2 La fonction rénale Un des facteurs de risque d hémorragie étant l insuffisance rénale, il convient de doser la créatinine et de calculer la clearance de la créatinine avec la formule de Gault et Cockcroft avant d initier le traitement, puis 22

- au moins une fois par an si la clearance de la créatinine est supérieure à 60 ml/mn ; - au moins deux fois par an si la clearance est comprise entre 30 et 60 ml/mn et chez les patients âgés de plus de 75 ans ou dont le poids est inférieur à 60 kg. Un contrôle est également nécessaire lors de tout épisode pouvant influer sur la fonction rénale : déshydratation, infection 3.6 Conduite à tenir en cas d hémorragie avec les nouveaux anticoagulants Les nouveaux anticoagulants comme les antivitamines K sont à l origine d hémorragies pouvant engager le pronostic vital 53. 3.6.1 Le risque hémorragique Il est globalement similaire à celui des antivitamines k avec : - un risque d hémorragies gastro-intestinales plus élevé et, - un risque d hémorragies intracrâniennes moins élevé. 3.6.2 Les tests de coagulation Il n existe pas de test de la coagulation disponible en routine. Le temps de thrombine (TT) est extrêmement sensible au Pradaxa : une valeur normale permettrait d'exclure sa présence dans le plasma. De même, un test anti-xa normal, permettrait d'exclure la présence de Xarelto ou d Eliquis dans le plasma. A l opposé, un résultat élevé ne permet pas de préjuger du niveau d anticoagulation. 3.6.3 Prise en charge En cas d hémorragie majeure, il n existe pas d antidote spécifique. Il convient d arrêter le traitement par anticoagulant oral, d orienter rapidement le patient vers un service spécialisé. L utilisation de charbon activé peut être utile. La dialyse peut être proposée en cas d hémorragie majeure sous Dabigatran Le PPSB est proposé en cas d urgence vitale et d hémorragie ne réagissant pas aux mesures de correction de l hémodynamique et de transfusion. 23

4 Usage des anticoagulants oraux à l EHPAD de Marchenoir en 2011-2012 Il s agit d une étude rétrospective concernant les patients traités pendant au moins 3 mois par antivitamine K entre janvier 2011 et décembre 2012. Cette population a été suivie jusqu à la fin mars 2013. 4.1 Caractéristiques générales 4.2 Population de référence La population totale comprend 113 résidents ; la moyenne d âge globale est de 86 ans. Elle comprend : à 98 ans) et 105 ans - 41 hommes (36 % du total) avec une moyenne d âge 84 ans et des extrêmes de 63 ans - 72 femmes (64 % du total) avec une moyenne d âge 87 ans et des extrêmes de 63 à 4.3 Etude clinique Le traitement par antivitamine K concerne 20 résidents soit 18 % de la population totale avec une moyenne d âge de 88,4 ans +/- de 7,4 des valeurs extrêmes de 71 à 105 ans. Elle comprend : - 6 hommes (43 % du total) et une moyenne d âge de 88,7 ans +/- 9,2, médiane 89 et des extrêmes de 71 à 98 ans et - et 14 femmes (57 % du total) et une moyenne d âge de 89 +/- 6,8, médiane 89 ans et des extrêmes de 79 à 105 ans. Nous observons une surreprésentation des hommes par rapport à la population de référence et des moyennes d âge plus élevées tant chez les femmes que chez les hommes 24

5 4 3 2 1 0 6 hommes âge moyen : 86,8 ans Ecart type : 9,2 ans 70 à 74 ans 75 à 79 ans Répartition par sexe et par classe d'âge 80 à 84 ans 3 3 1 1 1 1 85 à 89 ans 2 5 90 à 94 ans 1 95 à 99 ans 14 femmes âge moyen : 89 ans écart type 6,8 ans 1 1 plus de 100 ans hommes femmes Seul n a pas été inclus le dossier d un patient hémodialysé en fibrillation auriculaire, dont le suivi est assuré par l équipe de néphrologues qui l a en charge. Répartition par GIR et proportion de patient traité par groupe iso-ressource GIR Population totale Groupe AVK GIR 1 35 (31 % de la population totale) 1 (5 % de la population traitée) GIR 2 35 (31 % de la population totale) 8 (40 % de la population traitée) GIR 3 19 (17 % de la population totale) 4 (20 % de la population traitée) GIR 4 13 (11 % de la population totale) 4 (20 % de la population traitée) GIR 5 5 (4 % de la population totale) 2 (10 % de la population traitée) GIR 6 6 (5 % de la population totale) 1 (5 % de la population traitée) Total 113 20 (18 % de la population totale) Les GIR 2, 4, et 5 sont surreprésentés dans la population traitée par rapport à la population totale 4.4 Les anticoagulants oraux utilisés Actuellement, seuls les antivitamines K sont utilisés à l EHPAD de Marchenoir. La Fluindione est l antivitamine K le plus souvent représenté : 14 dossiers soit 70 % des prescriptions La Warfarine a été introduite fin 2011 au livret thérapeutique. Elle est utilisée - lorsque l équilibrage de l INR est difficile à obtenir sous Fluindione 54, 3 dossiers, 25

- ou, dès l instauration du taitement, 3 dossiers ; soit au total 30 % des prescriptions d antivitamine K. L acétocoumarol est d utilisation ponctuelle. Il concerne, un seul patient hémodialysé, dont le traitement est géré directement par nos confrères néphrologues. Ce patient au profil particulier, n a pas été inclus dans notre étude. 4.5 Les indications Les indications du traitement anticoagulant sont - une fibrillation atriale dans 17 cas soit 85 % des cas (15 % de la population totale), - une thrombose veineuse du membre inférieur dans 2 cas, - une embolie pulmonaire dans 2 cas, soit 15 % des cas pour les indications thromboemboliques (4 % de la population totale). Le total est de 21 pour 20 dossiers, une résidente ayant présenté une phlébite puis une embolie pulmonaire en deux épisodes distincts. 4.6 Efficacité du traitement par anticoagulant oral 55 La répartition des INR par tranche montre, qu au cours de la période étudiée, 165 INR ont été supérieur à 3 soit 13,6 % des dosages 10 INR; 1; 0% 6 INR < 10; 4; 0% 4 INR < 6; 21; 2% 3,2 < INR < 4; 72; 6% Répartition des INR : nombre total d'inr 1 209 INR < 1,8; 246; 20% 1,8 INR < 2; 148; 12% 3 < INR 3,2; 67; 6% 2 INR 3; 650; 54% Seuls 2 résidents (10 %) n ont pas eu de surdosage, l INR restant durant la durée de l étude, inférieur à 3. 26