APA. Un objectif de justice et d équité



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L utilisation de substances naturelles et l accès et le partage des avantages dans l industrie cosmétique APA ACCÈS ET PARTAGE DES AVANTAGES Un objectif de justice et d équité Le Protocole de Nagoya pose le principe d accès et de partage des avantages (APA) et vise à encadrer les relations entre un fournisseur de ressources génétiques et un utilisateur dans le cadre d activités de recherche et de développement. Son but est de s assurer que l accord obtenu va dans le sens d une conservation de la biodiversité et des connaissances traditionnelles, ainsi que d un partage juste et équitable des bénéfices et avantages qui peuvent découler de son usage. Ce protocole a étendu la notion de ressource génétique aux dérivés de ressources naturelles, comme les extraits végétaux qui peuvent en être issus et sont prisés par l industrie cosmétique. Si les pays fournisseurs ont de fortes attentes quant à ce dispositif, en particulier lorsqu il s agit d entreprises étrangères, l APA n a pas encore trouvé de déclinaison dans le droit national de tous les pays concernés. Durant cette période de transition juridique, et dans une recherche de transparence, LVMH s est penché sur le fonctionnement de ses filières d approvisionnement et a demandé à la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) de coordonner une analyse en mobilisant un groupe d experts pluridisciplinaire composé de spécialistes de l économie, du droit et du développement durable. Dans le but de tirer des enseignements généraux à partir de l étude de deux filières, ces experts ont proposé des pistes d actions s inspirant des pratiques déjà mises en place par LVMH, du cadre juridique en vigueur, ainsi que des principes généraux d éthique et de développement durable. Ce document présente succinctement les résultats de cette étude, et propose des recommandations pour l application de l APA, particulièrement en ce qui concerne les filières cosmétiques, lorsque les pays concernés n ont pas encore défini de cadre d application.

L étude de la FRB en partenariat avec LVMH La Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB), interface entre la recherche, la société et les politiques, a été choisie en 2009 par le Ministère de l écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL) pour coordonner une expertise multidisciplinaire et pluri acteurs sur l APA en outremer. La FRB a aussi produit un document d explication générale sur l APA dans sa série des «Clés pour comprendre la biodiversité» (décembre 2011). Avec cette expertise et en partenariat avec le Groupe LVMH, la FRB a mené une étude visant à mieux comprendre, à partir de deux exemples de filières d approvisionnement, la complexité des enjeux de l application du Protocole de Nagoya. Les experts réunis par la FRB pour cette étude ont rencontré le service LVMH Recherche Parfums & Cosmétiques, puis effectué des missions au Burkina Faso et à Madagascar pour y recueillir les informations auprès des acteurs de ces filières. L analyse et la synthèse de ces entretiens, complétées par leur expertise sur le cadre juridique en vigueur et les principes généraux de développement durable, leur ont permis de formuler des recommandations pour l application de l APA. L APA : contexte et définitions LE «PROTOCOLE DE NAGOYA» Le Protocole de Nagoya est une réglementation internationale adoptée en 2010 relative à l accès aux ressources génétiques* et aux connaissances traditionnelles associées et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (APA). Il répond au troisième objectif de la Convention sur la diversité biologique (CDB). Il s applique aux activités de recherche académique ou de recherche et développement, des structures publiques et privées, dès lors que ces recherches portent sur la composition génétique et/ou biochimique de ressources génétiques. Il vise à organiser les relations entre les utilisateurs et les pays fournisseurs de ces ressources et des connaissances traditionnelles qui leurs sont associées. Le consentement préalable en connaissance de cause du fournisseur est nécessaire pour assurer l accès. Les modalités de partage sont déterminées selon des conditions convenues d un commun accord et peuvent être soit monétaires soit non monétaires. Sous ses diverses formes, ce partage doit être dirigé vers la conservation et l utilisation durable de la biodiversité. * Selon la CDB et le Protocole de Nagoya, les ressources génétiques sont «le matériel génétique d origine végétale, animale, microbienne ou autre contenant des unités fonctionnelles de l hérédité et ayant une valeur effective ou potentielle». ÉTAT DE LA MISE EN ŒUVRE L APA s applique dès la phase de prospection et de collecte d échantillons. Tout nouveau type d utilisation d une ressource génétique requiert une nouvelle autorisation d accès et des mesures de partage des avantages appropriées, même si cette ressource avait déjà été échangée à d autres fins, par exemple alimentaires, médicinales ou pour préparer un colorant. L APA s applique dans les pays qui ont ratifié la CDB et le Protocole de Nagoya. Sa mise en œuvre au niveau européen a débuté en mai 2014 et produira tous ses effets un an plus tard. Les utilisateurs européens se doivent de déployer tous les moyens dont ils disposent pour respecter les mesures d APA nationales. En France, le projet de loi sur la biodiversité, soumis au Parlement en 2014, définira le régime national d accès et de partage des avantages qui s appliquera de la même façon aux utilisateurs français et étrangers. Certains territoires d outre-mer disposant de compétences environnementales spécifiques, ont d ores et déjà adopté leur propre dispositif législatif. Un objectif de justice et d équité Ni la CDB, ni le Protocole de Nagoya ne précisent les termes «juste» et «équitable» (fair and equitable). La notion de juste peut être appuyée par des notions de morale ou d éthique (Bachmann, 2011) en considérant que ce qui est juste est ce qui est moralement ou éthiquement acceptable par tous. Pour déterminer si l accord est équitable ou non, il s agit de s assurer que l e partage des avantages a été conclu de manière loyale. Ce qui compte, pour que l accord soit juridiquement valable, ce sont les conditions de conclusion de l accord afin d atteindre l objectif de justice et d équité : les parties doivent être autonomes, libres de décision, égales devant l information détenue et représentées de manière pertinente et appropriée.

Recommandations Les recommandations* ci-dessous visent à intégrer au mieux l APA lors de l utilisation des ressources génétiques par l industrie cosmétique et à assurer la transmission de l information entre l amont et l aval de la filière. Elles s appuient sur les bonnes pratiques déjà mises en place par LVMH Recherche Parfums & Cosmétiques. Elles visent à les compléter et à en faciliter la mise en œuvre et le partage. COMMENT APPLIQUER L APA À LA PHASE DE PROSPECTION? 1 Contacter et associer les institutions officielles et autorités nationales (recherche, environnement, eaux et forêt, APA, innovation) pour anticiper le futur partage des avantages. 2 S appuyer sur les capacités nationales (laboratoires, centres de recherche universitaires, herbiers) et sur les acteurs de la recherche implantés localement, et utiliser les outils qu ils ont développés (listes de contact, guides méthodologiques, etc.). 3 S assurer le cas échéant de l origine des connaissances locales associées aux plantes utilisées ; et du consentement des personnes interrogées pour une utilisation dans une recherche à but commercial en cosmétique (information complète, forme appropriée, sollicitation de leur accord). 4 Contribuer au renforcement de la recherche nationale (renforcement des capacités, contribution à l équipement de laboratoires et des collections, etc.) dans le cadre de la recherche menée sur la ressource. AU-DELÀ DE L APA, COMMENT ORGANISER LES FILIÈRES ET FAIRE PARTICIPER LES ACTEURS LOCAUX? 1 S inspirer des pratiques déjà encouragées localement. 2 Suivre les démarches réalisées par les intermédiaires et créer des cahiers de procédures (par exemple pour recueillir les formulaires administratifs nécessaires). 3 Mener des études spécifiques pour initier des projets de développement local qui soient les plus pertinents au regard de la biodiversité et des besoins des populations. 4 Réunir et diffuser les informations pertinentes : a) Étude socio-économique intégrant les aspects culturels et environnementaux. b) Cartes des lieux de collecte, d achat, de transformation des ressources collectées, les implantations des projets de développement local, etc. c) Information des partenaires locaux sur les normes en matière d organisation du travail que l entreprise utilisatrice s est engagée à respecter. 5 À toutes les étapes, informer et communiquer avec les populations dans la langue locale, faire traduire les conventions et accords, adapter la forme ; communiquer sur le circuit et la transformation de la ressource ; s entendre sur les prix et les salaires ; expliquer les principes généraux des brevets. QUE PRENDRE EN COMPTE DANS LES PROJETS LOCAUX MIS EN PLACE AVEC LES FILIÈRES? 1 Connaître le processus de développement du pays et les projets en cours ; analyser les modes de vie des populations. 2 Définir les contours du projet envisagé, ses objectifs et les populations bénéficiaires ; assurer une démarche participative, l adéquation du projet avec les besoins formulés par les populations et son insertion dans le fonctionnement local. 3 S appuyer sur l expertise et les ressources locales disponibles, rechercher l implication des ressources humaines locales en favorisant le transfert des connaissances, le renforcement des capacités et, éventuellement, des partenariats public/privé. 4 Établir une politique de communication claire et régulière avec les populations locales, ne pas créer de vaines expectatives. 5 Anticiper une stratégie de retrait ou de diversification et de fin de filière, permettant aux populations locales de prévoir des mesures d adaptation. COMMENT FAVORISER LA MISE EN ŒUVRE DE L APA DANS L ENTREPRISE? 1 Établir un manuel de procédure ou un guide de bonnes pratiques pour la mise en œuvre de l APA et la mise en place de projets locaux de développement durable. 2 Assurer une meilleure visibilité des financements alloués aux projets de développement durable et à la conformité APA en tant que telle (budgets distincts) pour répartir en interne les coûts associés. 3 Définir et adapter les responsabilités et les missions des partenaires à leurs domaines de compétences. 4 Sensibiliser les intermédiaires et les fournisseurs de matières premières à la parfaite traçabilité des matières et des documents APA qui leur sont associés. 5 Favoriser l organisation d événements avec les pays partenaires. * Basées sur l expertise des auteurs en matière de droit en vigueur et de principes généraux de développement durable, ces recommandations s inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre de l APA et n engagent que la responsabilité du groupe d experts. Elles ne représentent en aucun cas la position officielle du Groupe LVMH ni celle de la FRB.

L élaboration d un produit cosmétique basé sur une ressource naturelle est un processus de 7 à 10 années qui se décline en 5 phases principales. La prospection d une nouvelle ressource : son identification et sa caractérisation sur la base de données existantes L étude et l évaluation de la ressource pour en connaître le potentiel sur la base des travaux de la FEBEA L élaboration d un ingrédient cosmétique, dérivé de la substance naturelle, à travers le développement d un procédé d extraction ou de transformation L APA et la recherche en cosmétique Sur le terrain Le potentiel cosmétique d une ressource génétique est déterminé par des travaux scientifiques et/ou des savoirs traditionnels. Un produit cosmétique est composé de plusieurs dizaines d ingrédients, dont certains sont issus de ressources naturelles préalablement préparées afin d en optimiser les propriétés cosmétiques. Bien que l ingrédient naturel, présent comme actif majeur, soit en faible proportion dans la formule finale, ses propriétés ou son origine sont souvent utilisées pour la mise en valeur commerciale du produit. L analyse des deux filières africaines a permis aux experts de relever un certain nombre de points sensibles pour assurer la traçabilité entre les différents acteurs de la filière d approvisionnement, condition sine qua non à l application de l APA. Il est également apparu nécessaire de bien distinguer les mesures d APA d autres activités qui relèvent du développement durable. La décision de développer un ingrédient afin de l intégrer à une formule cosmétique dépend de la réussite des recherches sur son efficacité. D autres facteurs interviennent comme sa potentielle toxicité, sa stabilité dans la formule finale, la possibilité d un approvisionnement durable, ses coûts de transformation, etc. Conduire les recherches, nouer des partenariats durables avec les acteurs locaux pour établir la filière d approvisionnement sont des processus longs. La mise en œuvre effective de l APA s appuie sur une bonne traçabilité tout au long de la filière cosmétique. Différents acteurs interviennent dans ces filières : collecteurs, intermédiaires locaux, grossistes, fournisseurs d ingrédients et entreprises conduisant des activités de R&D. Chaque acteur doit acquérir une connaissance des étapes en amont (provenance de la ressource) et en aval (utilisation) pour que la responsabilité de la traçabilité soit partagée par tous. Les 5 étapes de la filière d approvisionnement Commande de la matière première et prévision des besoins en ressource naturelle (végétal) brute correspondant. 1 Collecte de la ressource naturelle par la communauté locale. 2 Opérations de préparation de la ressource naturelle (lavage, séchage, ), voire éventuellement 1re transformation, sur place. 3 4 Exportation vers la France. Transformation de la ressource naturelle en matière première cosmétique. 5 DÉFINIR LE RÔLE DES INTERMÉDIAIRES AU CŒUR DE LA FILIÈRE D APPROVISIONNEMENT locales. Cette transparence doit s accompagner d un respect des contraintes de confidentialité inhérentes au secteur de la cosmétique. Un intermédiaire local, souvent identifié en amont par LVMH Recherche Parfums & Cosmétiques pour sa connaissance des plantes et des communautés, orchestre les opérations. Intervenant à toutes les étapes, de l identification de la plante à l établissement de la filière, il est à la fois le relais de l entreprise cosmétique et un partenaire de recherche potentiel. Il fait le lien avec les autres acteurs impliqués (communautés locales, autorités administratives et coutumières, etc.) et suit les procédures administratives pour la collecte et l envoi des échantillons puis des plantes collectées. Malgré sa place centrale dans la chaîne, lien privilégié entre collecteurs et utilisateurs, l intermédiaire n a pas de responsabilités clairement définies en matière d APA. Le respect du droit national et des principes d APA requiert de l entreprise une totale transparence d information sur l utilisation envisagée tant vis-à-vis de son intermédiaire que des autorités ASSURER UNE CONTINUITÉ DE L INFORMATION ENTRE ACTEURS DE LA FILIÈRE Une bonne traçabilité est essentielle pour témoigner du respect de l APA aux différents points de contrôle. Malgré les initiatives de LVMH dans l organisation d ateliers et de forums, les acteurs successifs n ont pas tous le niveau d information suffisant pour assurer cette continuité entre l aval et l amont de la filière. Le développement d une formule cosmétique définitive intégrant l ingrédient dans une texture adaptée et son évaluation La création d un produit cosmétique à partir de la formule, intégrant notamment un conditionnement, une communication, etc. Conclusion Projets d accompagnement des filières d approvisionnement IDENTIFIER LES SOURCES QUI ONT ORIENTÉ LES RECHERCHES INITIALES L intégration des principes de l APA dans l activité cosmétique suppose la compréhension des spécif icités et des enjeux de ce secteur. Ce sont bien tous les acteurs de la filière cosmétique qui sont visés par les principes de l APA tant au niveau de la traçabilité des ressources qu au niveau de la conformité réglementaire. Pour que les projets locaux atteignent leurs objectifs, les principes de développement durable doivent être pris en compte. Cela implique de connaître les modes de vie des populations et les projets en cours dans la zone, de communiquer régulièrement avec les partenaires, etc. Les actions menées sont diverses : contribution à la préservation des ressources, appui à la formation, financement d infrastructures, aide à la création d associations locales, etc. Il peut s agir de savoirs traditionnels, d usages répandus ou spécifiques, d usages anciens recensés (études, thèses, récits de voyageurs ) ou actuels ou bien de savoirs partagés par l ensemble de la population, par des tradipraticiens, etc. Le cas échéant, ces connaissances, lorsqu elles ont été utilisées par la recherche, donnent lieu à un partage des avantages. À l initiative de LVMH Recherche Parfums & Cosmétiques, depuis 2004, les Forums Afrique et Beauté soutiennent la recherche universitaire burkinabée et réunissent au Burkina Faso les chercheurs, villageois, autorités publiques et fournisseurs d ingrédients impliqués dans la valorisation de ressources naturelles africaines. ÉVITER LA CONFUSION ENTRE PARTAGE DES AVANTAGES ET ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE Les entreprises utilisatrices, avec le concours d autres acteurs, initient le plus souvent de projets de développement local en accompagnement des filières. Ils peuvent être sources d activités et de rémunération ponctuelles pour les populations (travail de collecte et de transformation par exemple). Anogei ssus leio ca r En l absence de règles nationales d APA, il s agit de bien distinguer dans quel contexte ces actions s inscrivent : obligations relevant de dispositifs juridiques ou bonnes pratiques que se fixent les entreprises (type responsabilité sociétale de l entreprise, choix du commerce équitable, ). L enjeu actuel pour les acteurs de la filière cosmétique est d intégrer les principes de l APA dans l activité de recherche et de développement, même en l absence de règles locales spécifiques, dès la phase de prospection de la biodiversité et/ ou du recueil de connaissances associées. Af ra m om um ang ustif olium Les filières LVMH Deux filières d approvisionnement de LVMH, l Aframomum angustifolium (ou longoza) de Madagascar et l Anogeissus leiocarpus du Burkina Faso, décrites ci-contre, ont été établies après l entrée en vigueur de la CDB mais avant l adoption du Protocole de Nagoya et en l absence de dispositif d APA dans ces deux pays fournisseurs. Burkina Faso : Madagascar : Anogeissus leiocarpus Aframomum angustifolium Appelé longoza à Madagascar, de la famille des Zingiberacées ; plante herbacée vivace quasi-envahissante et non endémique. Recherches initiées par LVMH en 1995, lancement de la gamme cosmétique dans lequel il est intégré en 2006 (ingrédient actif anti-âge). Filière d approvisionnement mise en place dans la zone des premiers prélèvements. Signataire du Protocole de Nagoya, Madagascar n a pas encore adopté de cadre d APA. La conservation de la biodiversité, l accès aux ressources et le partage des avantages relèvent du Ministère de l environnement et des forêts. Usages : consommation alimentaire, cuisine, matériau de construction, médecine traditionnelle. D autres organismes sont impliqués (Service d appui à la gestion de l environnement, Office national pour l environnement, Parcs Nationaux de Madagascar). La collecte et l envoi d échantillons à l étranger, puis l organisation de la filière d approvisionnement nécessitent des autorisations administratives. Aussi appelé bouleau africain, de la famille des Combretacées, l Anogeissus leiocarpus est un arbre de 15 à 20 mètres de haut, non menacé, surtout présent au sud ouest du Burkina Faso (et au Sénégal, Erythrée, Ethiopie, République démocratique du Congo). Filière d approvisionnement mise en place dans la zone des premiers prélèvements. Usages : teinture, tannage des peaux, médecine traditionnelle (l écorce est notamment utilisée pour traiter blessures, eczéma et ulcères). Recherches initiées par LVMH en 1997 et toujours en cours, avec le lancement d une première gamme cosmétique en 2004 et la poursuite des recherches pour de nouvelles applications. Le Burkina Faso, qui a ratifié le Protocole de Nagoya en janvier 2014, n a pas encore de cadre national d APA. Le Ministère de l environnement et du cadre de vie est le point focal national. Pour ne pas surexploiter la ressource, les collecteurs ont reçu une formation de bonnes pratiques de récoltes par les agents de l Antenne régionale des semences forestières. pu s À ce jour, seuls quelques pays ont transposé dans leur droit national les dispositions de l APA. Les principes de l APA sont complexes à mettre en œuvre au regard de tous les domaines qu ils recouvrent : économiques, sociaux, cul tu re ls, p o li ti qu e s, é thi qu e s e t juridiques. Ils seront mis en place pro- gressivement, puisqu à terme, il s agit d intégrer directement ces principes au cœur des métiers. C est dans ce contexte que la communauté internationale, et notamment l Union européenne, prépare l insertion des mécanismes de l APA dans les cadres juridiques nationaux. Au delà d un cadre juridique l APA se doit d être un outil favorisant la conservation et l utilisation durable de la biodiversité, la recherche, l innovation, la valorisation économique ainsi que la préservation des connaissances traditionnelles associées et le développement d activités locales.

Avec le soutien de Lauréat depuis 2012 de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité, membre du Conseil d orientation stratégique de la FRB LVMH s est engagé dans une démarche volontaire de maîtrise des risques environnementaux, de contribution à la protection de l environnement et de responsabilité sociale depuis plusieurs années : signataire du Pacte Mondial de l ONU dès 2003, le groupe a aussi mis en place une série de cadres internes tels qu une Charte Environnement, un Code de conduite, un Code de conduite Fournisseurs et une Charte Hommes & Nature. Groupe d experts de l étude : V. Boisvert, I. Doussan, I. Forge Crédit photos : I. Doussan, I. Forge, C. Joucan ; LVMH Recherche : G. Restoux, P. Tournaire ; IRD : Y. Boulvert, F. Boyer, J. Charmes, M. Grouzis, D. Rechner ; IRD/CIRAD : A. Rival Rédaction : S. Aubertie, C. Joucan Mise en page : www.sebastienbocquillon.com Coordination, direction artistique et maquette : E. Paymal, M. Letard Relecture : B. Livoreil Les auteurs de l étude remercient vivement toutes les personnes rencontrées ou contactées dans le cadre de l étude. Contact : FRB - 195, rue Saint Jacques 75005 Paris contact@fondationbiodiversite.fr www.fondationbiodiversite.fr Autres documents FRB : Clé pour comprendre la biodiversité : L APA dans tous ses états - décembre 2011 et 2 nde édition : mars 2014 www.fondationbiodiversite.fr/images/stories/ telechargement/fiche_cles_apa_web.pdf Étude : Dispositif d accès et de partage des avantages en Outre-mer : Pertinence et faisabilité www.fondationbiodiversite.fr/les-programmes-frb/ apa-en-outre-mer 2014 FRB Les membres fondateurs de la FRB :