Haiel ALCHAAR Neurologue Évaluation et Traitement de la Douleur et des Céphalées
PHYSIOPATHOLOGIE DE LA MIGRAINE 1. Migraine sans aura CASCADE PHYSIOPATHOLOGIQUE DE LA CRISE DE MIGRAINE Facteurs déclenchants (stress, état hormonal, alimentation ) sur seuil migrainogène abaissé Libération de CGRP, SP, NO Vasodilatation Extravasation Dégranulation mastocytaire Inflammation neurogène stérile Excitation des voies trigéminales Locus coerulus (noradrénaline) Noyau raphé magnus (sérotonine) Thalamus Cortex Douleur Excitation du complexe dorso-vagal du bulbe Nausées, vomissements, signes végétatifs
PHYSIOPATHOLOGIE DE LA MIGRAINE 2. Migraine avec aura Mécanisme hypothétique : dépression corticale propagée Stimulus x => onde de dépolarisation neuronale (3 mm/mn) => suppression de l activité électrique du neurone Hypoperfusion
PREVALENCE DE LA MIGRAINE Chez l adulte, de 18 à 65 ans 12 15 % selon les études et les critères 3 femmes pour 1 homme
1. Diagnostic Crises de migraine sans aura typiques répondant aux critères IHS : Migraine sans aura (90 % des cas) Céphalées survenant par crises durant 4 à 72 h Au moins 2 des caractéristiques suivantes: unilatéralité pulsatilité intensité modérée à sévère aggravation par les activités physiques La céphalée est associée à l un des signes suivants : nausées et/ou vomissements photophobie, phonophobie.
Autres facteurs déclenchants : divers et variés : psychologiques : contrariétés, émotions, stress alimentaires : chocolat, alcool, œufs, fritures... climatiques : vent, variations de pression sensoriels : lumière, bruit, odeurs modifications du rythme de vie, de sommeil vie hormonale de la femme : puberté, cycles, contraception orale, grossesse, ménopause souvent plusieurs par migraineux souvent les mêmes pour un patient donné à rechercher car 1ère étape de la prise en charge parfois inconnus
2. Examens complémentaires Examens complémentaires : inutiles et coûteux : le diagnostic de la migraine est clinique Pas de relation entre migraine et yeux, oreilles, sinus, dents, foie, rachis => explorations ORL, ophtalmologique, échographie foie, radiographies du rachis, analyses sanguines, panoramique dentaire inutiles TDM cérébrale ou IRM cérébrale inutile en général ; ne sera réalisée que dans de rares cas : Céphalée totalement inhabituelle chez un migraineux connu (apparition brutale) Aggravation rapide des crises migraineuses (avec aura) en fréquence, durée, intensité Anomalie à l examen neurologique
3. Stratégie thérapeutique L HAS recommande d interroger le patient sur son traitement habituel et sur le soulagement éventuel à l aide de 4 questions simples : 1- Êtes-vous soulagé de manière significative 2 heures après la prise? 2- Votre traitement est-il bien toléré? 3- Utilisez-vous une seule prise médicamenteuse? 4- La prise de votre traitement vous permet-elle une reprise normale et rapide de vos activités sociales, familiales et professionnelles? Si réponse = OUI à ces 4 questions, il est recommandé de ne pas changer de traitement
4. Traitement Si réponse = NON à au moins 1 des 4 questions, il est recommandé de prescrire en traitement de crise sur la même ordonnance un AINS et un triptan, en lui expliquant de commencer d emblée par l AINS et de garder le triptan en secours si elle n a pas été soulagée 2 h après la prise de l AINS
TRIPTANS Respect des contre-indications cardiovasculaires : Pathologies cardiovasculaires ischémiques ou spastiques HTA légère non contrôlée ou HTA modérée à sévère Syndrome de Wolff-Parkinson-White Ne pas associer à l ergotamine, la dihydroergotamine ou au méthysergide ; aux autres agonistes des récepteurs 5-HT1D, IMAO non sélectifs (iproniazide), sélectifs A et sélectifs B (sélégine) Association possible au propranolol (respect des doses)
Bien expliquer les modalités de prise : 1 prise 2 heures après la prise de l AINS si soulagement insuffisant (prise d emblée si AINS inefficace ou mal toléré, ou encore chez les patients ayant des crises sévères et/ou une maladie migraineuse handicapante) (1) 2 ème comprimé si récurrence (respecter un intervalle d'au moins 2 heures entre les 2 prises) Inefficacité sur une crise ne veut pas dire inefficacité sur d autres Prévenir d éventuels effets indésirables, généralement mineurs et transitoires : Sensation de chaleur ou de pression thoracique Picotements des extrêmités Fatigue, somnolence, faiblesse musculaire Sensations vertigineuses Sécheresse de la bouche Nausée
Quelles sont les réticences à manipuler ces traitements? Produits dangereux? Peur des effets secondaires? Réservés aux spécialistes? En dernière intention? L existence sur le marché de plusieurs triptans permet d essayer les différentes molécules en cas d échec de l une ou l autre, et d utiliser les différentes formes galéniques. Un patient non répondeur à un triptan peut répondre à un autre triptan (accord professionnel, ANAES 2002).
Les TRAITEMENTS DE FOND Objectifs principaux : réduire la fréquence des crises d au-moins 50% (pas 100%) améliorer la qualité de vie ; éviter la surconsommation de médicaments de crise bénéfice à moyen terme sur l intensité des crises Quand les proposer? si crises fréquentes (au-moins 3/ mois) s il existe un handicap familial, social, professionnel si consommation de 6 à 8 prises de traitement de crise/mois depuis 3 mois
Comment les utiliser? Introduction et arrêt progressifs Jamais moins de 3 mois ; plutôt 6 à 12 mois Observance +++ Nécessité d essayer les molécules les unes après les autres avant de trouver la plus appropriée Recul de 2 à 3 mois avant toute modification (effet retardé) Calendrier des crises
Le diagnostic de migraine avec aura selon les critères de l IHS : A. Au moins 2 crises répondant aux critères B et C B. Au moins 3 des 4 caractéristiques suivantes : un ou plusieurs symptômes de l aura, totalement réversibles le symptôme de l aura se développe progressivement sur plus de 4 minutes et si plusieurs symptômes sont associés, ils surviennent successivement la durée de chaque symptôme n excède pas 60 minutes la céphalée suit l aura après un intervalle libre maximum de 60 minutes mais parfois commence avant ou pendant l aura C. Examen clinique normal entre les crises. En cas de doute, éliminer un désordre organique par des investigations complémentaires appropriées
AURA VISUELLE (exemple)
Examens complémentaires Bilan par TDM ou IRM cérébral à prescrire seulement : En cas de céphalée d'apparition brutale (céphalée dite "en coup de tonnerre") Si les circonstances de survenue sont inhabituelles En cas d'anomalie à l'examen clinique
Traitement Traitement de la crise : Le même que celui de la crise sans aura En cas d utilisation des triptans, il est impératif d expliquer au patient de ne les utiliser qu après la fin de l aura (sinon, risque d aggravation de l aura)
Critères diagnostiques IHS de la céphalée de tension chronique : A. Céphalée présente en moyenne plus de 15j/mois (180j/an) depuis au-moins 6 mois et répondant aux critères B,C,D B. Céphalée ayant au moins 2 des caractéristiques suivantes : non pulsatile d intensité mineure à modérée, n empêchant pas les activités quotidiennes bilatérales sans aggravation par la montée ou la descente des escaliers ou une activité physique équivalente C. Céphalée ayant les 2 caractères suivants: pas de vomissements associés pas plus d un des caractères suivants associés: nausées, photophobie, phonophobie D. Céphalée présentant au moins un des éléments suivants : l histoire, l examen clinique ne suggèrent pas une affection secondaire ou bien celles-ci ont été écartées par les investigations complémentaires
Fréquence des céphalées de tension : 2 à 4% de la population (forme chronique) 2 fois plus souvent les hommes que les femmes Physiopathologie multifactorielle : Hypersensibilité des muscles péricrâniens ; Comorbidité céphalées de tension / troubles psychiques bien démontrée mais agissant dans les 2 sens
Traitement Traitement des céphalées de tension épisodiques : Automédication très fréquente Peu d études scientifiques thérapeutiques Antalgiques banals type aspirine ou paracétamol (500 mg à 1g) + caféine ou + sédatifs ou tranquillisants AINS : ibuprofène 400 mg, kétoprofène 25 mg, naproxène 275 mg Pas de myorelaxants Attention : Aux antalgiques combinés A l escalade thérapeutique : risque de dépendance, abus médicamenteux, chronicisation de la céphalée.
Traitement des céphalées de tension chroniques : Antidépresseurs tricycliques : les plus utilisés mais peu d études contrôlées ; effet antalgique indépendant de l effet antidépresseur (augmentation de la sérotonine, libération d endorphines ou inhibition des récepteurs NMDA) posologie initiale faible: 10 à 25 mg/j ; posologie moyenne 75mg/j ; décroissance posologique progressive après amélioration Antidépresseurs IRS : efficacité non prouvée Traitements comportementaux de relaxation musculaire et/ou de biofeedback; techniques cognitivo-comportementales, massages : efficaces Adapter le traitement en fonction de chaque patient en combinant approches pharmacologiques et comportementales
1. Diagnostic Examens complémentaires Céphalées chroniques quotidiennes (CCQ) ou «migraine chronique» avec abus médicamenteux L histoire de cette patiente est caractéristique : Recrudescence des crises de migraine associées à des céphalées de tension => médicaments de crise pris de plus en plus fréquemment et précocement par crainte de voir ses activités sociales et professionnelles altérées par ses maux de tête. Consommation abusive de traitement de crise => accoutumance : doses et cocktails, réapparition de la douleur en quelques heures (céphalée de sevrage) installation d un véritable cercle vicieux Examens complémentaires inutiles dans cette observation caractéristique.
Critères diagnostiques de la migraine chronique : Céphalée chronique quotidienne (>15 j/mois) depuis plus d 1 mois Durée quotidienne moyenne de céphalée > 4h sans traitement Céphalée présentant au moins un des caractères suivants: ATCD de migraines selon les critères IHS histoire clinique attestant d une augmentation de la fréquence de la céphalée s associant à une diminution de la sévérité des caractéristiques sémiologiques migraineuses depuis < 3 mois céphalée actuelle répondant aux critères diagnostiques de la migraine selon l IHS, hormis la durée Au moins un des éléments suivants: l histoire, l examen clinique ne suggèrent pas une céphalée secondaire ou bien celle-ci a été éliminée par des investigations complémentaires Ces critères diagnostiques permettent de bien individualiser les CCQ par migraine chronique des CCQ par céphalée de tension chronique
La majorité des CCQ primitives surviennent chez des patients présentant initialement une maladie migraineuse caractéristique Présentation clinique : accès migraineux typiques avec céphalées intercalaires répondant aux critères diagnostiques de céphalées de tension, céphalée continue avec présence de signes sémiologiques typiquement migraineux (pulsatilité, hyperesthésie sensorielle) Autres causes de CCQ primitives : céphalée de tension chronique céphalée quotidienne chronique de novo hémicrânie continue Prévalence des CCQ : 2,95%, soit près de 2 millions de Français
Au plan individuel, gravité des CCQ et plus particulièrement de la migraine chronique liée au handicap et à l altération de la qualité de vie. Sur un plan économique => coûts indirects par : de productivité professionnelle + coûts directs car consultations examens complémentaires et consommation médicamenteuse Comorbidité psychiatrique et psycho-comportementale importante nécessitant une prise en charge.
Abus médicamenteux : 50 à 80% des patients souffrant de CCQ abusent des antalgiques Concerne tous les traitements de crise (antalgiques, AINS, ergotamine, triptans) mais plus difficile à contrôler si traitements en automédication Recommandations de l ANAES soulignent le risque d abus, voire de comportement addictif, avec les associations à base de caféine et les opioïdes (codéine, tramadol, dextropropoxyphène, morphine et opioïdes forts)
Traitement Arrêt de l intoxication avec sevrage médicamenteux, en ambulatoire ou lors d une hospitalisation de 8 à 15 j (éventuellement sous couvert de perfusions d amitryptiline 75 à 150 mg/j) Meilleur traitement = préventif : améliorer la prise en charge de la migraine épisodique : Eviter l utilisation impropre des antalgiques et prévenir l automédication anarchique et excessive Débuter un traitement de fond dès que le patient consomme 6 à 8 prises/mois de traitement de crise depuis 3 mois Repérer les facteurs psychologiques délétères qui participent à la transformation d une migraine épisodique en migraine chronique.
Algie Vasculaire de la Face Homme jeune. Céphalée UNILATERALE périorbitaire TRES violente. Quotidienne pendant 4 à 8 semaines. A horaires fixes; 2 à 3 crises par jour, chaque accès dure 15 à 180 mn. Périodicité annuelle (souvent automne, printemps). Signes vasomoteurs unilatéraux (larmoiement, rougeur conjonctivale, écoulement nasal, ptosis )
Que faire? Pas d examens complémentaires car le cas est typique Traitement de crise : Imiject (sumatriptan) en s/c (ordonnances pour médicaments d exception) : 1 ampoule/crise, max 2 ampoules/24h O2 nasal (hors AMM) si contre-indication ou trop de crises quotidiennes ou effets indésirables du sumatriptan Traitement de fond: Courte cure de cortisone* à dose dégressive à partir de 1mg/kg pdt 10j environ et introduction simultanée d Isoptine * (vérapamil, on peut monter jusqu à 720 mg) Si échec de l isoptine on peut utiliser le Désernil (méthysergide ; attention l imiject est contre-indiqué avec le Désernil ). Lithium* pour les formes chroniques. *Traitements hors AMM mais utilisés de façon usuelle par les neurologues
ordonnance Isoptine * (vérapamil) 120 mg et 240 mg en augmentant progressivement la dose : Effets indésirables : le traitement peut être poursuivi malgré certains effets indésirable s ils sont supportés par le patient. (ex : jambes lourdes, OMI, constipation). Cortancyl ou Solupred * *Traitements hors AMM mais utilisés de façon usuelle par les neurologues
ordonnance (suite) Imiject 6mg (sumatriptan) : ampoules pour auto injections s/c. 1 amp en s/c à chaque crise d algie vasculaire ; max 2 /24h.
ordonnance (suite) Prescription d un obus d O 2 nasal avec tubulure et masque nasal : En cas de crise, inhaler l O 2 au masque à 7-8 l/mn pdt 20mn.