Résultats à long terme des reconstructions mammaires par grand dorsal et prothèse



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UNIVERSITE PARIS 7 DENIS DIDEROT FACULTE DE MEDECINE Année 2007 N THESE Pour le DOCTORAT EN MEDECINE (Diplôme d Etat) Discipline : Chirurgie générale Par Yaël BERDAH-BENJOAR Né le 23 août 1978 à PARIS (75017) Présentée et soutenue publiquement le 23 octobre 2007 Résultats à long terme des reconstructions mammaires par grand dorsal et prothèse DIRECTEUR DE THESE : Docteur Jean MASSON PRESIDENT DU JURY: Professeur Jean-Marie SERVANT MEMBRES DU JURY : Professeur Marc REVOL Professeur Laurent LANTIERI Docteur Sonia GAUCHER 1

REMERCIEMENTS À Monsieur le Professeur Jean-Marie SERVANT Je vous remercie de m accorder l honneur de présider cette thèse. Les mois passés à vos côtés ont été riches d enseignements qui guideront toute ma vie de chirurgienne. Veuillez trouver dans ce travail le témoignage de ma profonde reconnaissance et de ma plus grande admiration. À Monsieur le Professeur Marc REVOL Je vous remercie de m accorder l honneur de participer à ce jury. J ai eu la chance, au cours de cette dernière année, de bénéficier de vos qualités de chirurgien et d enseignant. Veuillez trouver ici l expression de ma profonde gratitude. À Monsieur le Professeur Laurent LANTIERI Je vous remercie de m accorder l honneur de participer à ce jury. Veuillez trouver ici l expression de mon grand respect. À Madame le Docteur Sonia GAUCHER Vous me faite l honneur de juger ce travail. Je vous remercie pour votre enseignement et vos qualités humaines. Veuillez trouver ici, le témoignage de ma sincère reconnaissance. À Monsieur le Docteur Jean MASSON Merci pour votre enseignement, votre disponibilité et votre investissement dans ce travail. 2

À mes maîtres d internat, Monsieur le Docteur JANNOT Monsieur le Docteur KOLB Monsieur le Professeur AUGEREAU Monsieur le Docteur MASMEJEAN Monsieur le Docteur MITZ Monsieur le Docteur LEYDER Monsieur le Professeur BETHOUX Monsieur le Professeur BOUILLOT Monsieur le Professeur CHAINE Monsieur le Professeur LAROCHE Monsieur le Professeur HERSON Madame le Docteur PEYTRAL 3

À toute l équipe de chirurgie plastique de l hôpital Saint Louis. À mes chefs de clinique qui m ont tant appris, Yohann, Eric, Natalie, Stéphane, Michel, Moncef, Fabien et Sylvia. À mes collègues internes. 4

Résultats à long terme des reconstructions mammaires par lambeau de grand dorsal et prothèse RESUME La reconstruction mammaire fait aujourd hui partie intégrante du traitement du cancer du sein. Le lambeau de grand dorsal associé à une prothèse est une technique réalisée depuis près de 30 ans. Il s agit d un procédé fiable et reproductible entraînant des résultats cosmétiques satisfaisants à court et moyen termes. Cependant peu de publications étudient le devenir à long terme de ces reconstructions. Notre étude rétrospective présente une série de 47 reconstructions par lambeau de grand dorsal et prothèse, réalisées à l hôpital Saint-Louis, avec un suivi minimum de 5 ans. Il apparaît au terme de ce travail que d une part, les séquelles de prélèvement ne sont pas négligeables, et que d autre part, le nombre de complications et de réinterventions liées aux implants est important. Le vieillissement du sein reconstruit diffère de celui du sein natif et une symétrie durable est difficile à obtenir. Nous nous orientons actuellement vers l utilisation de techniques de reconstruction mammaire n utilisant que les tissus de la patientes. Ces procédés semblent apporter des résultats plus stables dans le temps, mais il nous paraît nécessaire de leur appliquer la même évaluation de que celle réalisée dans cette étude avant d étendre leur application. MOTS-CLES Cancer du sein - Reconstruction mammaire - Grand dorsal - Prothèse - Complications - Long terme 5

TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS...2 RESUME...5 TABLE DES MATIERES...6 1 INTRODUCTION...9 2 LE LAMBEAU DE GRAND DORSAL EN RECONSTRUCTION MAMMAIRE... 10 2.1 Anatomie du lambeau de grand dorsal... 10 2.1.1 Anatomie descriptive... 10 2.1.2 Fonction... 11 2.1.3 Innervation... 11 2.1.4 Vascularisation... 11 2.1.5 Arc de rotation... 13 2.2 Utilisation du lambeau de grand dorsal en reconstruction mammaire... 14 2.2.1 Historique... 14 2.2.2 Technique chirurgicale... 14 2.2.2.1 Technique classique... 14 2.2.2.1.1 Première installation... 15 2.2.2.1.2 Deuxième installation... 15 2.2.2.1.3 Troisième installation... 16 2.2.2.2 Variantes chirurgicales... 17 2.2.2.2.1 Position de la palette... 17 2.2.2.2.2 Section du nerf du grand dorsal... 17 2.2.2.2.3 Grand dorsal expansé... 17 2.2.2.2.4 Grand dorsal sans prothèse (5, 6)... 17 2.3 Autres techniques de reconstruction mammaire... 19 2.3.1 Reconstruction prothétique... 19 6

2.3.2 Reconstructions mammaires n utilisant que les tissus de la patiente... 20 2.3.2.1 Lambeaux pédiculés... 20 2.3.2.1.1 Lambeau de grand droit de l abdomen (TRAM)... 20 2.3.2.2 Lambeaux libres... 21 2.3.2.2.1 Lambeau Deep Inferior Epigastric Perforator (DIEP)... 21 2.3.2.2.2 Lambeau de muscle grand fessier... 21 2.4 Interventions secondaires... 22 2.4.1 Symétrisation du sein controlatéral... 22 2.4.2 Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire... 22 2.4.2.1 Aréole... 22 2.4.2.2 Mamelon... 22 2.5 Indications... 23 2.5.1 Reconstruction mammaire immédiate... 23 2.5.2 Reconstruction mammaire secondaire... 24 3 MATERIEL ET MÉTHODE... 25 3.1 Sélection des patientes... 25 3.2 Méthode... 25 3.2.1 Questionnaire... 26 3.2.2 Examen Clinique... 26 3.2.3 Séance photographique... 26 3.2.4 Notation et statistiques... 27 4 RÉSULTATS... 28 4.1 Revue des dossiers médicaux... 28 4.2 Questionnaire... 30 4.3 Examen clinique... 32 4.4 Evaluation photographique... 34 4.5 Cas cliniques... 36 7

4.5.1 Cas n 1... 36 4.5.2 Cas n 2... 38 4.5.3 Cas n 3... 39 4.5.4 Cas n 4... 40 4.5.5 Cas n 5... 41 4.5.6 Cas n 6... 42 5 DISCUSSION... 43 6 CONCLUSION... 51 7 BIBLIOGRAPHIE... 52 8 ANNEXES... 58 8.1 Classification de Mathes et Nahai... 58 8.2 Classification de Baker... 58 8.3 Les six zones graisseuses du lambeau de grand dorsal sans prothèse d après Delay... 59 8

1 INTRODUCTION La reconstruction mammaire fait aujourd hui partie intégrante du traitement du cancer du sein. Elle permet aux femmes dont le sein a été amputé, de retrouver leur intégrité corporelle et de diminuer l impact psychologique de la maladie. Les procédés de reconstruction se sont affinés ces dernières années et il existe actuellement un large éventail de techniques chirurgicales. Lorsque les téguments sont de bonne qualité, la méthode la plus simple est l utilisation d un implant prothétique seul. Lorsque cela n est pas possible, en particulier lorsque la peau n est pas de qualité ou en quantité suffisante, les méthodes de reconstruction font appel aux lambeaux, pédiculés ou libres. La technique de transposition antérieure du grand dorsal associé à un implant, fait partie de l arsenal thérapeutique des reconstructions mammaire depuis la fin des années 70. Il s agit d une procédure fréquente, fiable, dont les complications à court et moyen termes sont bien connues. Cependant, peu d articles étudient le devenir ultérieur de ces reconstructions. L objectif de ce travail est d évaluer les résultats à long terme des reconstructions mammaires par lambeau de grand dorsal et prothèse, sur une série de 47 patientes opérées dans le service de chirurgie plastique de l hôpital Saint-Louis, entre 1997 et 2002, avec un suivi minimum de 5 ans. Nous étudierons la morbidité liée à cette technique, l incidence des réinterventions et leurs indications. Par ailleurs, notre jugement concernant la qualité de la reconstruction, celui des patientes et celui de non professionnels seront analysés et comparés. À la lumière de ces résultats, nous discuterons de la place que doit occuper cette technique en reconstruction mammaire, notamment en la comparant aux procédés n utilisant que les tissus de la patiente. 9

2 LE LAMBEAU DE GRAND DORSAL EN RECONSTRUCTION MAMMAIRE 2.1 Anatomie du lambeau de grand dorsal 2.1.1 Anatomie descriptive Le muscle grand dorsal (m. latissimus dorsi) est un muscle très large, aplati et mince (figure 1). Il s insère en bas, d une part sur la face externe des 4 dernières côtes par 4 languettes qui s engrènent avec les digitations correspondantes du grand oblique, d autre part sur l aponévrose lombaire triangulaire, tendue entre les apophyses épineuses des 6 dernières vertèbres dorsales, des 5 vertèbres lombaires, des vertèbres sacrées, des ligaments interépineux correspondants et sur le tiers postérieur de la crête iliaque. Le muscle recouvre l angle inférieur de l omoplate d où se détache parfois un faisceau accessoire. Il contourne ensuite le bord inférieur du grand rond, avec lequel il forme la paroi postérieure du creux axillaire. Il se termine au fond de la coulisse bicipitale de l humérus, entre le tendon du grand pectoral en dehors et celui du grand rond en dedans. Figure 1. Schéma du muscle grand dorsal. 10

2.1.2 Fonction Il sert à l adduction, la rétro pulsion et la rotation interne du bras. Il soulève le tronc si l humérus est fixe. Il est donc important si le patient doit marcher avec des béquilles. 2.1.3 Innervation Le muscle grand dorsal est innervé par le nerf du grand dorsal qui naît du tronc secondaire postérieur. Ses fibres proviennent surtout de C7, mais aussi de C5, C6, et C8. À son origine à la partie haute du creux axillaire, il forme un triangle à base supérieure avec le pédicule vasculaire qui se trouve, en moyenne, 3 cm plus externe. Nerf et pédicule se rejoignent à une distance variable avant de pénétrer dans le muscle et de s y ramifier. Dans 10% des cas, quand l artère subscapulaire naît de façon plus médiale que la veine, le nerf est retrouvé dans l espace triangulaire formé par ces 2 vaisseaux. 2.1.4 Vascularisation La vascularisation du grand dorsal est du type V de Mathes et Nahai (annexe 1). Le pédicule dominant est l artère thoraco-dorsale, issue de l artère sous-scapulaire, née ellemême de l artère axillaire (1). Quelques centimètres après son origine, l artère sous-scapulaire se bifurque en artère circonflexe scapulaire (destinée au muscle sous-scapulaire et à la peau des lambeaux scapulaire et para scapulaire) et en artère thoraco-dorsale, qui pénètre dans le muscle grand dorsal de 6 à 16 cm (en moyenne 9 cm) après l origine de la sous-scapulaire et 1 à 4 cm en arrière du bord antérieur du muscle. Auparavant, elle donne une (54%), deux (44%), ou trois (2%) branches thoraciques pour le muscle grand dentelé. En abordant le muscle grand dorsal, le pédicule vasculo-nerveux se divise. Dans neuf cas sur dix, il s agit d une bifurcation en un pédicule externe, parallèle au bord antérieur du muscle qu il suit de 1 11

à 4 cm en arrière, et un pédicule interne, qui s en détache à 45 et suit le bord supérieur du muscle. Dans un cas sur dix environ, le pédicule se divise en trois ou quatre branches. Finalement, quel que soit le mode division, il faut remarquer d une part la constance du pédicule vasculo-nerveux satellite du bord antérieur du muscle et d autre part la possibilité de fragmenter le muscle en autant d unités fonctionnelles qu il y a de pédicules vasculo-nerveux indépendants. Dans neuf cas sur dix, l artère et la veine sous-scapulaire naissent au même niveau des vaisseaux axillaires. Mais dans un cas sur dix environ, l artère naît de façon plus proximale que la veine, de 4 centimètres en moyenne et rejoint la veine au niveau de l origine des vaisseaux circonflexes scapulaires, ou même plus bas. Le muscle grand dorsal possède, en outre, des pédicules accessoires : - 4 à 6 perforantes naissant des artères lombaires près de l insertion du muscle sur les vertèbres lombaires. - 4 à 6 perforantes naissant des vaisseaux intercostaux et destinées à la partie moyenne du muscle. Certaines de ces perforantes sont à destinée musculaire prédominante et d autre à destinée cutanée prédominante. 12

Figure 2. Schéma du pédicule vasculaire du grand dorsal. 2.1.5 Arc de rotation C est le lambeau à pédicule proximal (dominant) qui est utilisé en reconstruction mammaire. Le point pivot est situé au sommet de l aisselle, à l origine des vaisseaux sous-scapulaires. Le lambeau couvre toute la région thoracique homolatérale et peut dépasser la ligne médiane. Le territoire cutané de ce lambeau est très vaste. L extension en avant du bord antérieur du muscle permet de lever des palettes faisant jusqu à 35 cm de long sur 25 cm de large. Il est conseillé de ne pas descendre à moins de 5 cm de la crête iliaque. La largeur maximale de la palette cutanée autorisant une fermeture directe de la zone donneuse est de 10 à 12 cm. Au-delà, cette zone donneuse est rétrécie par des points à appui dermique, et greffée secondairement. 13

2.2 Utilisation du lambeau de grand dorsal en reconstruction mammaire 2.2.1 Historique Le lambeau de grand dorsal a été initialement décrit par Tansini en 1906 (2) dans le cadre de couvertures de pertes de substances thoraciques consécutives à une mastectomie. Oubliée jusqu à la fin des années 70, cette technique fut redécouverte par Olivari (3) en 1976. En 1977, McCraw décrivit le lambeau musculo-cutané en îlot puis Muhlbauer et Olbrisch (1977) l associèrent à un implant. Bostwick (4), en 1979, publia la première grande série rapportant son expérience de 52 cas sur 2 ans. Il permit, ainsi, de populariser la technique. Par la suite, les progrès de la chirurgie plastique et l évolution des concepts en oncologie, amenèrent de nombreux auteurs à décrire leur expérience et à proposer des modifications des procédés chirurgicaux. 2.2.2 Technique chirurgicale 2.2.2.1 Technique classique On réalise le tracé prévisionnel du lambeau avant l anesthésie, sur un patiente debout, mains sur les hanches. Par la palpation, est repéré et marqué le bord antérieur du muscle grand dorsal. Le bord antérieur réel du muscle est à 3 ou 4 cm en avant de ce bord palpé. L origine du pédicule sous-scapulaire est repérée au sommet du creux axillaire par une croix. Dès lors, tous les dessins et les mesures de l arc de rotation sont faits en demandant à la patiente de relever le bras. Pour réaliser un lambeau vertical en reconstruction mammaire, théoriquement trois installations chirurgicales différentes sont préconisées pour harmoniser, au mieux, le dessin de la palette au volume de la prothèse. 14

2.2.2.1.1 Première installation La patiente est installée en position demi-assise, bras le long du corps. La cicatrice de mastectomie est reprise sur toute sa longueur ou excisée et adressée pour examen anatomopathologique. La loge prothétique rétromusculaire est décollée. La prothèse est positionnée et adaptée au volume souhaité. Un calque précis de la perte de substance est réalisé sur un papier stérile. Il correspond à la dimension du lambeau de grand dorsal à prélever en tenant compte de la fermeture de la zone donneuse. La prothèse est ensuite retirée, et conservée sur la table dans une solution antiseptique. 2.2.2.1.2 Deuxième installation La patiente est allongée en décubitus dorsal, avec un coussin le long de la colonne vertébrale pour surélever légèrement de la table l hémithorax correspondant. Le membre supérieur badigeonné est en abduction sur une table à bras. Le calque du lambeau de grand dorsal est apposé verticalement sur la zone donneuse et peut parfois se superposer au tracé prévisionnel réalisé sur la patiente debout. Par une incision cutanée qui suit le bord antérieur du dessin de la palette cutanée, on recherche le bord antérieur du muscle grand dorsal à la partie moyenne de la verticale. Le grand dorsal est séparé du grand dentelé. On repère le pédicule vasculonerveux, 2 ou 3 cm en arrière du bord antérieur. Les insertions costales du grand dorsal sont sectionnées en bas. Les perforantes intercostales sont liées. La dissection remonte le long du pédicule, en liant au besoin toutes les branches rencontrées jusqu aux vaisseaux axillaires (en particulier thoraciques et circonflexes scapulaires) pour bénéficier du plus long pédicule et du plus gros calibre vasculaire possible. 15

On termine l incision de la palette cutanée en arrière, on sectionne le muscle le long de ses fibres en emportant avec lui le pédicule principal du bord antérieur. Il est conseillé de prendre un débord musculaire en arrière de la palette cutanée, de façon à obtenir une couverture la plus large possible de la prothèse. La section musculaire remonte jusqu au tendon, qui est au besoin sectionné pour mettre le lambeau en îlot vasculaire pur et augmenter ainsi au maximum son arc de rotation. Il faut bien distinguer les fibres du grand dorsal de celles du grand rond. La zone donneuse est suturée sur drains aspiratifs. Le lambeau est passé à travers un tunnel sous-cutané en avant du tendon du muscle grand pectoral et fixé avec deux points d attente au niveau de la perte de substance pariétale thoracique. Le lambeau doit s étaler sans aucune tension. 2.2.2.1.3 Troisième installation La patiente est remise en position demi-assise, bras le long du corps. La prothèse est repositionnée sous le lambeau de grand dorsal. Le décollement externe et inférieur peut être adapté prothèse en place. Le grand dorsal et le grand pectoral sont suturés l un à l autre. Si le débord musculaire interne est insuffisant, la partie distale du lambeau est désépidermisée et enfouie, ce qui permet de minimiser le risque d exposition de la prothèse, fréquent à ce niveau. Le lambeau est suturé ensuite en deux plans sur un drain aspiratif dans le décollement inférieur. 16

2.2.2.2 Variantes chirurgicales 2.2.2.2.1 Position de la palette Elle peut être dessinée horizontalement ou oblique en bas en avant ; le deuxième temps opératoire est alors réalisé en décubitus latéral. 2.2.2.2.2 Section du nerf du grand dorsal Il peut être respecté ou sectionné lors de la levée du lambeau. En cas de palette horizontale ou oblique, son repérage peut être réalisé par une contre-incision au niveau du creux axillaire donnant accès aux différents éléments du pédicule. 2.2.2.2.3 Grand dorsal expansé L expansion cutanée permet théoriquement de prélever une palette de plus grande taille, autofermante, dont le galbe facilite la mise en place de la prothèse. 2.2.2.2.4 Grand dorsal sans prothèse (5, 6) Cette technique consiste à prélever une palette plus ou moins désépidermisée avec une partie du tissu graisseux dorsal situé sous le fascia superficialis. Cela permet d apporter un volume théorique immédiat d environ 200 ml. Ce lambeau est intéressant dans les cas où l on peut enfouir de façon totale ou subtotale la palette cutanée désépidermisée, éventuellement associée à un lambeau graisseux d avancement abdominal. 17

a. b. c. d. e. f. Figure 3. Technique chirurgicale du lambeau de grand dorsal et prothèse (palette cutanée à grand axe oblique en bas en avant). a. Dessin de la palette cutanée b. et c. Levée du lambeau d. Positionnement du lambeau e. et f. Aspect post-opératoire immédiat 18

2.3 Autres techniques de reconstruction mammaire 2.3.1 Reconstruction prothétique L utilisation isolée d une prothèse est une façon simple d apporter un volume. La peau thoracique doit être souple et la laxité suffisante pour permettre la mise en place du volume désiré. Les prothèses actuellement utilisées sont de deux types : soit gonflables au sérum physiologique, soit pré-remplies de gel de silicone (7). Ces dernières ont l avantage d être plus souples, ce qui leur donne un aspect plus naturel à la palpation. Interdites en France à partir de mai 1994, elles sont de nouveau autorisées depuis janvier 2001. En effet, aucune étude épidémiologique n a pu, à ce jour, établir de façon formelle une relation de cause à effet entre le gel de silicone et la découverte d une pathologie auto-immune (8, 9). Les parois des implants sont en élastomère de silicone et peuvent être lisses ou texturées (7). La forme peut être peut être ronde ou «anatomique». Afin de s adapter au mieux à la morphologie des patientes, il existe plusieurs volumes de prothèse avec des hauteurs, largeurs et projections différentes. Quel que soit le type de prothèse, la possibilité d apparition de capsules périprothétiques et le vieillissement de l implant peuvent imposer, à plus ou moins long terme, un changement prothétique. 19

2.3.2 Reconstructions mammaires n utilisant que les tissus de la patiente 2.3.2.1 Lambeaux pédiculés 2.3.2.1.1 Lambeau de grand droit de l abdomen (TRAM) Décrit par Hartrampf (10) en 1982, le lambeau musculocutané de grand droit de l abdomen permet de reconstruire un volume mammaire sans prothèse à partir des tissus cutanéograisseux sous-ombilicaux. La palette cutanée, orientée transversalement, est vascularisée par les perforantes musculaires du muscle grand droit. La vascularisation d un muscle droit de l abdomen est assurée par deux pédicules dominants (type III de la classification de Mathes et Nahai ) : en haut, l artère épigastrique supérieure, d un calibre de 1,6 mm, branche terminale de division de l artère mammaire interne ; en bas, l artère épigastrique inférieure profonde, d un calibre de 3,4 mm, branche de l iliaque externe. Ces deux pédicules s anastomosent dans la région susombilicale à la partie profonde du muscle. Le lambeau de Hartrampf utilise le pédicule épigastrique supérieur. Il est tunnellisé sous la paroi abdominale restante et la palette est transposée dans la région mammaire. Le TRAM a pour inconvénient d être un lambeau fragile avec taux global de complications qui s échelonne de 14,5 à 58,5% selon les auteurs (11, 12). Plusieurs facteurs de risque sont à prendre en considération: tabagisme, âge supérieur à 65 ans, diabète, obésité, cicatrices abdominales et irradiations thoraciques, pédicule épigastrique supérieur profond inclus ou proche du champ d irradiation. 20

2.3.2.2 Lambeaux libres 2.3.2.2.1 Lambeau Deep Inferior Epigastric Perforator (DIEP) Les progrès des techniques microchirurgicales et le souci de préserver le muscle grand droit et son aponévrose ont conduit au développement du DIEP. Décrit initialement par Koshima et Soeda (13) en 1989, le DIEP est un lambeau cutanéograisseux perforant, vascularisé par le pédicule épigastrique inférieur profond, n emportant pas de muscle grand droit ni d aponévrose antérieure. Par rapport au TRAM, le DIEP présente une moindre morbidité abdominale. Il permet une diminution du risque d éventration et ne nécessite pas de plaque de renforcement pariétal. En outre, il présente une meilleure vascularisation, diminuant le risque de nécrose (11). Actuellement, afin d optimiser la fiabilité du lambeau, certaines équipes choisissent de convertir le DIEP, selon les cas, en TRAM libre en y incluant un îlot musculaire et de fascia (Free Muscle-sparing TRAM) (14-16) alors que d autres équipes évaluent les DIEP incluant les deux pédicules. 2.3.2.2.2 Lambeau de muscle grand fessier La région fessière peut fournir deux types de lambeaux libres utilisables en reconstruction mammaire, ceux pédiculés sur l artère glutéale supérieure et ceux pédiculés sur l artère glutéale inférieure, toutes deux branches de l artère iliaque interne. Le lambeau fessier supérieur a été décrit pour la première fois par Fujino en 1975 (17). Ses principaux inconvénients sont la brièveté du pédicule, l insuffisance de volume chez les patientes minces et l aspect de la cicatrice fessière en coup de hache. Le Quang (18) en 1978, propose le lambeau fessier inférieur. Le pédicule est plus long et permet le plus souvent une anastomose au niveau du creux axillaire, évitant l abord plus 21

difficile du pédicule mammaire interne. La cicatrice de la zone donneuse peut être placée dans le sillon sous-fessier. Ces lambeaux, idéalement proposés chez les femmes possédant un excédent cutanéograisseux dans la région fessière, peuvent êtres indiqués en cas de contre-indication aux techniques sus citées. 2.4 Interventions secondaires 2.4.1 Symétrisation du sein controlatéral Le geste effectué sur le sein controlatéral est variable en fonction de son volume, de son degré de ptôse et de la technique de reconstruction utilisée pour le sein amputé. Une mammographie et une échographie préopératoires sont systématiques. Un examen anatomopathologique des exérèses glandulaires est toujours réalisé. Environ 3 à 5 % de cancers occultes sont découverts lors de la symétrisation du sein controlatéral (19). 2.4.2 Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire 2.4.2.1 Aréole La reconstruction de l aréole peut être obtenue par greffe de peau totale prélevée au niveau du sillon génito-crural ou par tatouage. 2.4.2.2 Mamelon Le relief mamelonnaire peut être obtenu par : - une greffe de mamelon controlatéral si celui-ci est de volume suffisant - un lambeau local ; la technique la plus souvent utilisée étant celle du «Skate Flap» de Little (20). Le principal inconvénient de ce lambeau est son affaissement dans le temps. 22

2.5 Indications Les modalités de la reconstruction dépendent de plusieurs facteurs : morphologie de la patiente, morphologie du sein controlatéral, séquelles éventuelles d un traitement antérieur, interférence avec un traitement complémentaire et désir de la patiente. On distingue les reconstructions mammaires immédiates, dans le même temps opératoire que la mastectomie, et les reconstructions mammaires secondaires. 2.5.1 Reconstruction mammaire immédiate Les indications de reconstruction mammaire immédiate ont nettement augmenté ces 20 dernières années. Si les indications sont plus larges aux Etats-Unis, l attitude communément acceptée en France est de les restreindre à trois contextes assez différents : - les mastectomies prophylactiques après conseil génétique (21) - les cancers in situ étendus et les tumeurs phyllodes de grades élevés et récidivantes - les récidives après traitement conservateur En effet, dans ces différents cas, aucun traitement adjuvant n est en général envisagé. La reconstruction prothétique est utilisée en première intention, en raison de sa simplicité et de sa faible morbidité. Dans les situations de récidive après traitement conservateur, une reconstruction par lambeau est souvent indiquée du fait de la mauvaise la qualité des téguments. Le choix de ce dernier dépend de la morphologie de la patiente (volume des seins et des sites donneurs) : - Si la patiente présente des seins assez volumineux et un excès cutanéo-graisseux sousombilical, c est l indication classique d un lambeau abdominal, en l absence de contreindications. 23

- S il existe un excédent dorsal et des seins de petit volume, c est l indication idéale d un lambeau de grand dorsal qui peut être complété par une prothèse. 2.5.2 Reconstruction mammaire secondaire La reconstruction a lieu dans ce cas après le traitement complémentaire, en général après un délai de 6 mois à 1 an. Lorsque la peau présente une laxité suffisante et qu il existe un plan musculaire intact, la reconstruction prothétique est la méthode la plus simple. En cas de radiodystrophie, de radionécrose ou d exérèse pariétale, les lambeaux sont indiqués. Le lambeau de grand droit pédiculé ou idéalement les lambeaux libres perforants (DIEP ou muscle sparing TRAM) sont réservés aux patientes en bon état général, avec une morphologie abdominale favorable et des seins volumineux à base large. Le lambeau de grand dorsal reste plutôt indiqué dans les seins de petit ou moyen volume. 24

3 MATERIEL ET MÉTHODE 3.1 Sélection des patientes Dans cette étude rétrospective, nous avons inclus toutes les patientes ayant eu une reconstruction mammaire par lambeau de grand dorsal et prothèse dans le service de chirurgie plastique de l hôpital Saint-Louis, entre 1997 et 2002, avec un suivi minimum de 5 ans. Ces reconstructions faisaient suite à une mastectomie pour cancer ou tumeur phyllode récidivante. Nous avons identifié 116 patientes répondant à nos critères. Sur ces 116 patientes, 60 furent perdues de vue. 56 patientes ont été contactées pour participer à cette étude, 47 ont accepté de répondre au questionnaire, et 32 se sont présentées pour un examen clinique et une séance photographique. Il s agissait, pour ces 47 patientes, de reconstructions mammaires unilatérales réalisées par 8 chirurgiens différents. L âge moyen des patientes à l inclusion était de 58 ans (avec des extrêmes de 41 à 75 ans). 3.2 Méthode Nous avons convoqué les patientes pour un interrogatoire, un examen clinique et une séance photographique. 25

3.2.1 Questionnaire Nous avons envoyé un questionnaire par courrier à chaque patiente. Les paramètres étudiés comprenaient le degré de satisfaction concernant la forme, la taille, la consistance, l aspect des cicatrices, la conformité par rapport aux espérances et le retentissement de la reconstruction sur leur vie de couple. Les séquelles liées à la prise du lambeau ont aussi été abordées : perte de force, inconfort, limitation des mouvements de l épaule, disgrâce de la cicatrice dorsale, retentissement sur la vie quotidienne et l activité sportive. Les patientes ont répondu en utilisant une notation de 1 à 5 pour chacun des items. 3.2.2 Examen Clinique Nous avons pratiqué, pour chacune des patientes, une analyses de la forme, de la position, de la symétrie et de la consistance du sein reconstruit. La présence d une capsule périprothétique a été évaluée et cotée selon la classification de Baker (annexe 2). Enfin, nous avons effectué des mesures comparant sein natif et reconstruit ont été effectuées, patientes debout, épaules droites, mains placées sur les crêtes iliaques. Nous avons retenu 3 mesures : du point claviculaire (défini à 5 cm de la ligne médiane) au sommet du sein du point claviculaire au sillon sous-mammaire du sommet du sein à la ligne médiane 3.2.3 Séance photographique Des photographies standardisées des 32 patientes ont été réalisées par les deux photographes professionnels du service. Les clichés comprenaient une vue de face, une vue oblique à 30 droit et à 30 gauche et une vue postérieure. 26

Ces photographies ont été par la suite soumises au jugement de quatre non professionnels (deux femmes, deux hommes) concernant la forme et la symétrie de la reconstruction. 3.2.4 Notation et statistiques Comme il a été mentionné, nous avons utilisé pour cette étude une notation allant de 1 à 5 pour chacun des items. Pour notre analyse statistique nous avons considéré une note de 1 comme «très mauvais», une note de 2 comme «mauvais», une note de 3 comme «moyen», une note de 4 comme «bon» et une note de 5 comme «excellent». Pour évaluer la survie des implants posés lors de l intervention initiale nous avons réalisé une analyse de Kaplan-Meier. Les influences des traitements adjuvants (chimiothérapie, hormonothérapie et radiothérapie) sur la survie de l implant ont été calculées par Fisher s Exact Test. 27

4 RÉSULTATS 4.1 Revue des dossiers médicaux Le suivi moyen de nos 47 patientes était de 7,1 ans (extrêmes de 5 à 11 ans). Il s agissait principalement de mastectomie pour cancer du sein (46 cas). Il existait un cas de mastectomie pour tumeur phyllode récidivante. Chez les 46 patientes ayant présenté un cancer du sein, 35 avaient reçu un traitement par chimiothérapie, 14 avaient reçu un traitement hormonal adjuvant et 34 avaient eu une radiothérapie adjuvante. Le délai moyen entre la mastectomie et la reconstruction était de 1,7 ans (0 à 5 ans). Deux patientes ont bénéficié d une une reconstruction mammaire immédiate. Il s agissait dans tous les cas de reconstruction mammaire unilatérale. Dans 8 cas soit 17% des patientes, cette technique avait été pratiquée après échec d une reconstruction par prothèse avec exposition secondaire. Concernant la technique chirurgicale réalisée, 51% des patientes ont eu un lambeau à palette verticale, 25,5% ont eu un lambeau à palette horizontale et 23,5% des patientes ont eu un lambeau à palette oblique en bas et en avant. Dans 89% des cas le nerf du grand dorsal a été préservé. Il s agissait pour l ensemble des patientes d implants en sérum physiologique. Chez 19 patientes (41%), une ou plusieurs réinterventions ont été nécessaires : 6 patientes ont eu une reprise de cicatrice ou un modelage du lambeau 28

17 patientes ont eu un premier changement prothèse : o 1 pour exposition o 1 pour malposition o 3 pour dégonflement o 4 pour modification de volume o 4 pour remplacement par une prothèse en silicone o 4 pour coque périprothétique grade III ou IV selon la classification de Baker 7 patientes ont eu un deuxième changement de prothèse : o 1 pour dégonflement o 2 pour coque périprothétique o 3 pour modification de volume o 1 pour remplacement par une prothèse en silicone Figure 4. Analyse de Kaplan-Meier concernant la survie des prothèses posées lors de l intervention initiale 29

Il apparaît que ni la chimiothérapie (p = 0,49), ni l hormonothérapie (p = 0,53), ni la radiothérapie (p = 0,74), n ont eu d incidence sur la survie des implants. Enfin, chez 30 patientes soit 63% des cas, une chirurgie de symétrisation du sein controlatéral a été pratiquée. 4.2 Questionnaire Les réponses obtenues au questionnaire concernant les séquelles liées à la prise du lambeau sont présentées tableau 1 et figure 4. Tableau 1. Questionnaire patient relatif aux séquelles liées à la prise du lambeau Question Aucun (%) Minime (%) Moyen (%) Important (%) Très important (%) Perte de force 36,2 29,8 14,9 19,1 0,0 Limitation des mouvements de l'épaule 44,7 31,9 17,0 4,3 2,1 Inconfort 25,5 29,8 36,2 6,4 2,1 Disgrâce de la cicatrice dorsale 21,3 23,4 19,1 21,3 14,9 Retentissement sur la vie quotidienne 38,3 25,5 25,5 8,5 2,1 Retentissement sur l'activité sportive 34,0 27,7 23,4 6,4 8,5 30

Les réponses obtenues au questionnaire concernant la qualité de la reconstruction sont présentées tableau 2 et figure 5. Tableau 2. Questionnaire patient relatif à la qualité de la reconstruction Question Excellent (%) Bon (%) Moyen (%) Mauvais (%) Très mauvais (%) Forme 12,8 42,6 29,8 8,5 6,4 Taille 17,0 51,1 23,4 6,4 2,1 Symétrie 4,3 25,5 46,8 14,9 8,5 Consistance 14,9 34,0 34,0 10,6 6,4 Aspect des cicatrices sur le sein 6,4 36,2 34,0 14,9 8,5 Retentissement sur la vie de couple 18,2 22,7 38,6 13,6 6,8 Conformité par rapport aux espérances 13,0 34,8 28,3 17,4 6,5 31

La qualité de l information dispensée en préopératoire était jugée comme «bonne» ou «très bonne» par 66% des patientes, 23% la jugeaient «moyenne» et 11% la jugeaient «mauvaise» ou «très mauvaise». Enfin, la satisfaction globale liée à la reconstruction mammaire était considérée comme «très bonne» dans 19% des cas, «bonne» dans 51 % des cas, «moyenne» dans 15,5% des cas et «mauvaise» ou «très mauvaise» dans 14,5% des cas. 81% des patientes interrogées recommandaient cette intervention à d autres patientes. 4.3 Examen clinique A propos des 32 patientes qui se sont présentés à l examen clinique, les données concernant la forme, la symétrie et la consistance du sein reconstruit sont présentées tableau 3 et figure 6. Tableau 3. Résultats de l'examen clinique Examen concernant Excellent (%) Bon (%) Moyen (%) Mauvais (%) Très mauvais (%) Forme 3,1 46,9 37,5 9,4 3,1 Symétrie 3,1 34,4 40,6 15,6 6,3 Consistance 3,1 56,3 18,8 21,9 0,0 32

La présence d une capsule périprothétique grade I ou II de la classification de Baker a été retrouvée dans 90% des cas (grade I : 56%, grade II : 34%), un grade III a été retrouvé dans 3 cas soit 10% des patientes. Aucune patiente ne présentait de capsule grade IV. Concernant les mesures de points fixes comparant le sein natif et le sein reconstruit, les résultats obtenus sont présentés dans le tableau suivant : Tableau 4. Résultats des mesures réalisées lors de l'examen clinique Mesures! 1 cm (%) Entre 1 cm et 2 cm (%)! 2 cm (%) Point claviculaire-sommet du sein 65,6 9,4 25,0 Point claviculaire-sillon sous-mammaire 68,8 12,5 18,8 Sommet du sein-ligne médiane 65,6 18,8 15,6 33

Afin de nous conformer aux données de la littérature, nous avons défini comme satisfaisant un intervalle de plus ou moins 1cm entre les mesures des deux seins. Ainsi, la position du sein reconstruit apparaissait comme trop craniale dans 34,4% des cas. Il n existait aucun cas de reconstruction où la ptose était plus importante que du coté natif. Dans 34,4 % des cas, la position du sein reconstruit apparaissait comme trop latérale. Il n existait aucun cas de reconstruction trop interne. Enfin, concernant l innervation du grand dorsal, nous avons retrouvé un muscle très contractile lors des mouvements de l épaule chez 6 patientes soit 19% des cas. 4.4 Evaluation photographique Les résultats de l évaluation des reconstructions mammaires sur photographie par quatre non professionnels (deux femmes, deux hommes) sont résumés figure 7. 34

Les femmes ont jugé la forme et la symétrie comme «excellente» dans seulement 13% des cas. Dans 48% des cas, elles ont considéré le résultat comme «mauvais» ou «très mauvais». Les observateurs de sexe masculin ont été encore plus critiques. Ainsi, ils ont jugé la forme et la symétrie comme «excellente» dans un seul cas. Ils ont considéré le résultat comme «mauvais» ou «très mauvais» dans 67% des cas. Chez les 32 patientes qui se sont présentées à l examen clinique, nous avons comparé, pour la forme et la symétrie, le résultat de l examen clinique, de l évaluation des patientes et de l évaluation photographique des non professionnels hommes et femmes. Ainsi, il apparaît que les patientes jugent la forme du sein de manière plus favorable que le praticien et que les examinateurs extérieurs. Concernant la symétrie, l ordre s inverse entre patiente et praticien, mais leurs jugements restent plus positifs que celui des non professionnels. Ces résultats sont résumés figure 8 : 35

4.5 Cas cliniques 4.5.1 Cas n 1 Patiente de 57 ans ayant eu une mastectomie droite pour carcinome canalaire infiltrant en septembre 1996 avec radiothérapie adjuvante. La reconstruction par lambeau de grand dorsal et prothèse a été réalisée en novembre 1998. Depuis lors, aucune intervention chirurgicale n a été pratiquée. Figure 9. Résultats à 5 ans (mai 2003) Figure 10. Résultats à 7 ans (avril 2005) 36

Figure 11. Résultats à 11 ans (mars 2007) 37

4.5.2 Cas n 2 Patiente de 71 ans ayant eu une mastectomie gauche pour carcinome canalaire infiltrant en juin 1996 avec radiothérapie adjuvante. La reconstruction par lambeau de grand dorsal et prothèse a été réalisée en juin 1997. Une plastie mammaire de symétrisation selon la technique Saint-Louis a été pratiquée en juin 1998. Figure 12. Résultats à 10 ans (mars 2007) 38

4.5.3 Cas n 3 Patiente de 69 ans ayant eu une mastectomie gauche pour carcinome intracanalaire multifocal en septembre 2000. La reconstruction par lambeau de grand dorsal et prothèse a été réalisée en avril 2002. Une plastie mammaire de symétrisation selon la technique Saint Louis a été pratiquée en novembre 2002. Figure 13. Résultats à 2 ans, avant symétrisation (novembre 2002) Figure 14. Résultats à 7 ans (mars 2007) 39

4.5.4 Cas n 4 Patiente de 43 ans ayant eu une mastectomie droite avec conservation de l étui cutané en mai 2000 pour tumeur phyllode récidivante. Une reconstruction mammaire immédiate a été réalisée par lambeau de grand dorsal. En avril 2002, cette patiente a bénéficié d une pose de prothèses mammaires bilatérales. Depuis lors, aucune intervention chirurgicale n a été réalisée. Figure 17. Résultats à 7 ans (mars 2007) 40

4.5.5 Cas n 5 Patiente de 45 ans ayant eu une mastectomie gauche pour carcinome intracanalaire multifocal en janvier 1998. Une reconstruction mammaire par prothèse été réalisée en novembre 2000 avec dépose secondaire pour exposition. La reconstruction par lambeau de grand dorsal et prothèse a été réalisée en Janvier 2002, avec symétrisation par technique de Pitanguy 6 mois plus tard. En mai 2004, l implant en sérum physiologique a été remplacé par un implant en silicone. Cette patiente présente actuellement une ptose et un déroulement du segment III du sein symétrisé. Figure 15. Résultats à 2 ans (mai 2004) Figure 16. Résultats à 5 ans (mars 2007) 41

4.5.6 Cas n 6 Patiente de 52 ans ayant eu une mastectomie pour carcinome canalaire infiltrant en janvier 1999 avec radiothérapie adjuvante. La reconstruction par lambeau de grand dorsal et prothèse a été réalisée en Janvier 2000. Une symétrisation par technique de Pitanguy a été pratiquée un an plus tard. Cette patiente présente actuellement une coque stade III selon la classification de Baker. Figure 15. Résultats à 7 ans (mars 2007) 42

5 DISCUSSION La chirurgie reconstructrice est la suite logique de la chirurgie d exérèse tumorale en carcinologie mammaire. L espérance de vie après mastectomie est de plus en plus longue. Le but de toute reconstruction est donc de proposer un résultat cosmétique et fonctionnel satisfaisant, stable dans le temps et nécessitant le moins de réinterventions possibles. Dans notre série, 36% des patientes ont eu un ou plusieurs changements prothétiques. Ces résultats sont proches de ceux retrouvés dans la littérature (22-25) (tableau 5). Tableau 5. Revue de la littérature concernant les reinterventions liées à l'implant mammaire Auteur Nombre de patientes Réinterventions (%) Suivi (ans) Notre étude (2007) 47 36 7,1 (moyen) De Mey (1991) 103 26 11 (maximal) Moore (1992) 170 30 4,7 (moyen) Tschoop (1991) 92 30 10 (maximal) Tarantino (2006) 51 50 14,9 (moyen) Néanmoins, nous soulignons que la période étudiée correspondait à la réautorisation des prothèses en silicone en France (janvier 2001). Ainsi, un quart des changements avaient été effectués pour remplacer un implant en sérum physiologique par un implant en silicone, suite aux demandes de patientes et en accord avec leurs chirurgiens. Concernant la formation de coque périprothétique, seules 10% de nos patientes présentaient une capsule de grade III et nous n avons retrouvé aucune patiente présentant une capsule de grade IV. Ces taux sont inférieurs à ceux présents dans la littérature (22-26) (tableau 6). 43

Tableau 6. Revue de la littérature concernant la formation de capsule grade III ou IV selon la classification de Baker Auteur Nombre de patientes Capsule Baker III/IV (%) Suivi (ans) Notre étude (2007) 32 10 7,1 (moyen) De Mey (1991) 103 27 11 (maximal) McCraw (1988) 82 56 5 (maximal) Moore (1992) 77 37 4,7 (moyen) Tschoop (1991) 92 30 10 (maximal) Tarantino (2006) 51 16 14,9 (moyen) Plusieurs raisons sont évoquées face à ce constat. Premièrement, la nature des implants utilisés ; dans notre série, seuls des implants en sérum physiologique ont été posés. Or, il semble que la formation de capsule, en reconstruction mammaire, soit inférieure avec ce type d implant (27-30). Par ailleurs, notre recul était près de deux fois moins important que celui de Tarantino (25). Si l on considère que le risque de coque augmente avec le temps (31), il est donc logique qu il existe un taux plus élevé de capsules dans cette série. Enfin, les résultats publiés par McCraw (26) sont probablement liés au type de mastectomie réalisé. En effet, 40% de leur patientes avaient subi une mastectomie radicale et de fait, une couverture musculaire complète de l implant n était pas possible. Le positionnement correct de l implant à long terme est aussi un point important à soulever. Tarantino (25) et De Mey (22) évaluent leur reconstruction comme trop craniale dans respectivement 66 % et 37% des cas. Dans notre série, près d un tiers des seins reconstruits étaient trop hauts. La présence d une capsule péri prothétique, la contractilité du grand dorsal et la ptose du sein controlatéral, peuvent expliquer ce phénomène. Concernant la contractilité du grand dorsal, il était classique de préserver l innervation du lambeau afin de préserver sa trophicité. 44

Dans la série de Tarantino (25), 16 % des patientes présentaient un muscle très contractile induisant d importantes distorsions mammaires. La section du nerf apparait donc, pour cet auteur, comme nécessaire et est devenue systématique dans son équipe. Dans notre série, 89% des patientes avaient eu une conservation du nerf du grand dorsal et une patiente sur cinq présentait un muscle très contractile, jugé disgracieux. Pour Gerber (32), les troubles trophiques résultant de la section du nerf grand dorsal sont peu importants, il nous semble donc préférable de sectionner ce nerf lors de la levée du lambeau. Enfin, nous ne pouvons pas juger la symétrie entre les deux seins sans aborder les interventions réalisées sur le sein controlatéral. Dans cette étude 63% des patientes avaient eu une chirurgie de symétrisation. Les différentes techniques employées ne nous permettaient pas de réaliser des groupes en nombre suffisant pour pouvoir les comparer. Néanmoins, il est logique de privilégier une procédure donnant des résultats stables dans le temps, le sein reconstruit étant moins enclin à la ptose. Concernant l aspect des cicatrices, il faut distinguer la cicatrice de prélèvement du lambeau et les cicatrices mammaires. Dans un premier temps, considérons la cicatrice dorsale. Dans notre série, le prélèvement vertical était le moins bien toléré. En effet, ce type de cicatrice était le seul à être entièrement visible par la patiente, lui imposant des contraintes vestimentaires, notamment en période estivale. D autre part, la présence plus marquée d une oreille à l extrémité proximale du lambeau était jugée disgracieuse. Les cicatrices de prélèvement horizontaux avaient l avantage d être totalement masquées par le soutien-gorge, mais soumises à une forte tension, elles étaient élargies. 45

Les cicatrices de prélèvement oblique en bas et en avant, fines et partiellement masquées par le soutien-gorge, étaient bien tolérées par les patientes. Ce mode de prélèvement, réalisé dans l axe des lignes de Langer (33), nous semble le plus intéressant car il permet l utilisation d un lambeau plus large tout en diminuant la rançon cicatricielle dorsale. L aspect des cicatrices mammaires dépendait de l orientation des cicatrices de mastectomie. Deux cas de figures ont été rencontrés : les cicatrices horizontales au milieu de la base mammaire et les cicatrices obliques en bas et en dedans. Pour Biggs (34), le meilleur résultat esthétique est obtenu en positionnant une palette obliquement au niveau thoracique, avec le bord inférieur dans le sillon sous-mammaire afin d obtenir une projection maximale dans le quadrant inféro-externe. Dans les cas les plus favorables, l intégration du lambeau s était donc faite entre une cicatrice de mastectomie oblique et le sillon sous-mammaire, qui se trouvait ainsi masqué par le galbe du lambeau. Ce positionnement n était possible que lorsque la palette était suffisamment large, autrement il persistait un espace entre le bord inférieur du lambeau et le sillon sous mammaire. Ceci rendait la cicatrice plus visible avec parfois un aspect en double sillon inesthétique. Concernant les séquelles fonctionnelles, la perte de fonction du muscle grand dorsal est considérée dans la littérature comme négligeable (35-37). Normalement bien compensée par les autres muscles de l épaule, elle entraîne peu de retentissement sur les activités quotidiennes ou sportives. Néanmoins plus d un tiers des patientes interrogées dans notre étude se plaignaient d un retentissement fonctionnel de «moyen» à «important». Nous précisons qu aucun examen clinique approfondi de la fonction de l épaule n a été réalisé au cours de cette étude et qu il s agit, ici, d un recueil de données subjectives. D autre part, 73% des patientes avaient eu un curage axillaire avant reconstruction, intervention qui elle-même 46

peut nuire à la fonction de l épaule. Nous remarquons cependant qu il existait deux groupes de patientes : celles qui pratiquaient une activité sportive régulière (natation, danse, aérobic) et les patientes ne pratiquant aucun sport. Dans le premier groupe, le retentissement fonctionnel de l intervention était considéré comme minime alors que dans le second, la plainte était plus marquée. Se posent alors deux questions : Existe-t-il une rééducation par le sport permettant le développement des autres muscles de l épaule et donc une compensation du grand dorsal? D autre part, chez les patientes qui utilisent peu leur bras, quelle est la part d appréhension et celle de réelle perte de fonction? Le taux de satisfaction globale des patientes était relativement élevé. Ainsi, 70% d entre elles considéraient leur reconstruction comme «satisfaisante» ou «très satisfaisante». Le sein est le symbole principal de la féminité, sa perte peut gravement altérer l image corporelle entraînant des séquelles psychologiques, familiales, professionnelles et sociales. La reconstruction mammaire apparaît donc comme un traitement à dimension affective forte, majorant le degré de satisfaction des malades. Dans notre étude, 41% des patientes jugeaient «bon» ou «excellent» le retentissement de la reconstruction sur leur vie de couple, élément qui pour elles était déterminant. D autre part, il s agissait dans 96% des cas de reconstructions mammaires secondaires. Un travail de deuil avait été réalisé suite à la mastectomie, augmentant ainsi le ressenti positif de la chirurgie (38). Néanmoins, 30% des patientes restaient déçues par leur reconstruction. Leur mécontentement concernait principalement la disgrâce de la cicatrice dorsale, le manque de symétrie et l aspect figé du sein reconstruit. D autre part, notre taux de satisfaction global était inférieur à ceux présents dans la littérature. Ainsi, Moore (23) et Tschopp (24) retrouvaient respectivement un taux de satisfaction de 95% 47

et 98% dans leurs séries. Cependant leurs méthodologies différaient de la nôtre. Alors que nous proposions aux femmes d évaluer leur reconstruction sur une échelle de 1 à 5, les patientes de ces séries ne pouvaient évaluer leur satisfaction que par oui ou par non. Notre jugement et celui des observateurs extérieurs concernant la qualité de la reconstruction, étaient plus critiques que celui des patientes. Notre évaluation était réalisée en connaissance des limites techniques du geste pratiqué. Le jugement émis par les non professionnels était basé sur une évaluation photographique et l absence d examen physique pouvait nuire à l appréciation du sein reconstruit. Néanmoins ce jugement était affranchi de toute implication théorique ou psychologique. Les femmes sont apparues comme plus indulgentes, s identifiant peut-être plus facilement aux patientes. Il ressort de ce travail que l utilisation d un implant est le premier facteur limitant la qualité, à long terme, des reconstructions mammaires par lambeau de grand dorsal et prothèse. Peut-on se passer de cet implant? La principale alternative à l utilisation d une prothèse concerne les techniques de reconstruction utilisant les propres tissus de la patiente. Ces techniques permettent un modelage du sein reconstruit proche du sein controlatéral avec un effet de ptose plus marqué. Cela permet de réduire d une part, le taux de symétrisations lors de la reconstruction, mais aussi les gestes itératifs afin de préserver une symétrie satisfaisante (39, 40). Le TRAM a été chronologiquement la première technique à se développer. Mais, il présentait un taux élevé de nécrose et de complications au site de prélèvement. 48