ANESTHESIE ET CHIRURGIE BARIATRIQUE



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Transcription:

ANESTHESIE ET CHIRURGIE BARIATRIQUE L obésité est une maladie chronique qui engendre d autres pathologies susceptibles d aggraver le pronostic vital de ces patients et d augmenter le risque péri-opératoire en cas d intervention quelqu elle soit. La chirurgie bariatrique est une chirurgie programmée. Compte tenu du risque élevé lié au terrain, il est essentiel de procéder à une bonne évaluation de ces patients et des pathologies associées à l obésité et de se donner le temps d optimiser la prise en charge de ces comorbidités. EVALUATION DES RISQUES PERI-OPERATOIRES Le premier facteur à évaluer chez ces patients est le degré de leur obésité quantifiée sur le BMI. En effet, les risques sont accrus pour des BMI supérieurs à 50 en raison - de l existence plus fréquente de comorbidités sévères - des difficultés techniques que l on va rencontrer tant sur le plan anesthésique que sur le plan chirurgical - de la fréquence plus élevée de la survenue d une rabdomyolyse peropératoire. L âge et l ancienneté de l obésité sont en corrélation directe avec l installation des comorbidités et leur retentissement et devront donc également être pris en considération.

Evaluation cardio-vasculaire L hypertension artérielle est très fréquente chez le patient obèse. L obésité augmente le travail cardiaque et le volume d éjection, entraînant une hypertrophie du ventricule gauche. Elle augmente aussi la pression artérielle pulmonaire avec possible dilatation du cœur droit et hypertrophie du ventricule droit. Les troubles métaboliques, diabète et hypercholestérolémie, peuvent être responsables d une maladie coronarienne. L estimation de ce retentissement cardio-vasculaire va se faire tout d abord sur un interrogatoire et un examen clinique minutieux : recherche d un angor, d une HTA, d une dyspnée d effort et de décubitus (difficile à évaluer car très souvent liée à l obésité et non à une pathologie cardiaque), traitements suivis L évaluation clinique sera complétée par des examens complémentaires : ECG, radiographie thoracique à la recherche d une cardiomégalie, échographie cardiaque, voire scintigraphie au thallium si nécessaire. Au moindre doute, il ne faudra pas hésiter à prendre un avis cardiologique afin d optimiser la prise en charge des atteintes cardio-vasculaires de ces patients. Dans ce paragraphe consacré aux problèmes cardio-vasculaires, il faut également aborder le sujet de l insuffisance veineuse des membres inférieurs, très fréquente chez le sujet obèse. La prophylaxie de la thrombose veineuse en péri-opératoire est essentielle chez ces patients, d autant plus que la position imposée par la chirurgie sur la table d opération est très thrombogène. Cette prévention est basée sur trois axes : - prescription d HBPM en préopératoire et pendant toute la période d hospitalisation - bas de contention mais ceux-ci doivent être impérativement adaptés à la taille et à la morphologie des membres inférieurs du patient, ce qui est parfois impossible. Il est donc préférable de recourir à des systèmes de pressothérapie alternée des mollets en per et postopératoire immédiat. - lever précoce de ces patients en postopératoire (J1)

Evaluation respiratoire Chez le sujet obèse, la demande en O2 et la production de CO2 sont augmentées alors que l obésité gène la mécanique respiratoire en limitant les mouvements de la paroi thoracique et en augmentant les pressions intra-abdominales. Ces phénomènes sont majorés à l effort et en décubitus dorsal. Ce retentissement sera évalué sur les EFR qui quantifieront l importance du syndrôme restrictif et au besoin, sur les gaz du sang qui rechercheront une hypoxie et une hypercapnie. D autres pathologies pouvant avoir un impact sur la fonction respiratoires seront bien sûr recherchées : asthme, antécédents de pneumopathie ou d embolie pulmonaire Le syndrome d apnée du sommeil Il se définit par la survenue nocturne d arrêts du flux aérien naso-buccal pendant au moins 10 sec. avec une fréquence supérieure à 5 par heure. Sa fréquence dans l obésité est de 40 à 70% avec une prédominance masculine. Il est dû - à des facteurs anatomiques d obstruction des voies aériennes supérieures par infiltration graisseuse - à un facteur fonctionnel de déséquilibre entre l activation des muscles dilatateurs des voies aériennes supérieures et du diaphragme. Le diagnostic de cette pathologie se fait sur la polysomnographie. En dehors du fait qu il provoque une altération de la qualité du sommeil et du repos, ce syndrome peut avoir de graves conséquences car il entraîne des épisodes d hypoxémie nocturne avec désaturation pouvant aboutir à un arrêt cardiaque. C est la raison pour laquelle il est essentiel de le détecter en préopératoire et de mettre en place son traitement. Le traitement du syndrome d apnée du sommeil est la ventilation nocturne en pression positive au masque. Si cette ventilation se révèle nécessaire, il est préférable de laisser un délai de 2 ou 3 mois entre sa mise en place et la chirurgie afin que le patient s y adapte et puisse en bénéficier en post-opératoire.

Les autres facteurs de risque à prendre en considération Les facteurs métaboliques Le diabète est fréquemment associé à l obésité. Il est souvent de type II, parfois insulinorequérant. Il constitue un risque de par son retentissement cardio-vasculaire et rénal et favorise la survenue d infections post-opératoires. Il doit absolument être équilibré en pré-opératoire. L hyperlipidémie est un facteur de risque cardio-vasculaire. Le reflux gastro-oesophagien Lié à une béance cardiale, il existe quasiment toujours dans l obésité morbide. Le risque est l inhalation de liquide gastrique acide à l induction de l anesthésie. Cependant, certaines études montrent que la vidange gastrique est plus rapide chez le patient obèse, diminuant ce risque d'inhalation si le patient est à jeun. Si ce reflux occasionne une oesophagite (diagnostic lors de la fibroscopie systématique pré-opératoire), il y a lieu de le traiter par IPP dès son identification. Dans tous les cas, on adjoindra un IPP avec un anti-acide à la prémédication. Lorsque le patient est déjà porteur d'un anneau gastrique ( chirurgie pour ablation d'un anneau avec ou sans transformation du montage ), le risque d'inhalation est beaucoup plus important car il existe quasiment toujours une stase en amont de l'anneau, surtout si celui-ci a basculé. Il est donc recommandé de faire dégonfler l'anneau en pré-opératoire. Les pathologies non liées à l obésité Naturellement, les patients atteints d obésité morbide peuvent être porteurs de pathologies sans rapport avec leur surpoids et nécessitant des traitements ayant des conséquences sur l anesthésie et les suites post-opératoires. Par exemple, il y a actuellement une demande de chirurgie bariatrique pour des patients obèses transplantés (rein, foie, poumon, cœur) ou souffrant de maladie de système ou insuffisants respiratoires Ces patients sont sous corticoïdes,

immunosuppresseurs La perte de poids va améliorer leur état clinique mais le risque péri-opératoire est très important et l indication doit être portée de façon collégiale (médecins en charge du patient, chirurgien, anesthésiste, réanimateur pour le suivi post-opératoire) Les facteurs psychologiques Les patients atteints de surpoids sont souvent psychologiquement fragilisés, avec une image très négative d eux-mêmes, entretenue par le regard et les réflexions des autres. Beaucoup d entre eux ont des traitements antidépresseurs. Toutes leurs tentatives d amaigrissement ont été des échecs et ils sont très demandeurs de la chirurgie qui constitue à leurs yeux le dernier recours. Parallèlement, ils sont très angoissés par l anesthésie. Il est essentiel que ces patients comprennent exactement le geste chirurgical qui va leur être fait et ses contraintes post-opératoires. Ils doivent être prévenus des risques de la chirurgie et de l anesthésie sans pour autant les amplifier à outrance. A la fin de ce bilan et de l optimisation de la prise en charge des comorbidités, l indication opératoire est portée en pesant les avantages et les risques. L existence de comorbidités même sévères ne doit pas faire récuser le patient car la chirurgie bariatrique n est pas de la chirurgie esthétique. Elle vise à traiter par la perte de poids qu elle va entraîner, les conséquences de l obésité, à savoir les pathologies associées. Elle représente actuellement le seul recours pour certains patients.

SPECIFICITES DE L ANESTHESIE CHEZ LE PATIENT OBESE Plus le BMI sera élevé, plus des difficultés techniques de toute sorte se présenteront tant pour l installation, pour l anesthésie que pour la chirurgie. Accueil du patient au bloc opératoire Comme il a été dit précédemment, ces patients sont psychologiquement fragiles, avec une image très dévalorisée d eux-mêmes. De plus, prévenus des risques de l anesthésie et de la chirurgie, ils arrivent souvent angoissés malgré la prémédication. Tout ce qui va être dit et fait autour d eux lors de l accueil au bloc est très important. Il est essentiel - de respecter leur pudeur - de les rassurer et de les détendre en évitant toute réflexion anxiogène sur les difficultés que l anesthésiste peut rencontrer. Dès l installation du patient sur la table d opération, on va être confronté à l inadéquation du matériel. Même si la table est homologuée pour des poids supérieurs à 200 kg, elle va se révéler inconfortable pour ce type de patient, souvent trop étroite et dure. Par ailleurs, la position en décubitus dorsal est mal supportée par les patients dont le BMI est important car le volume de l abdomen et la pression sur le diaphragme gène la mécanique respiratoire. Il faudra donc basculer rapidement la table légèrement en proclive. Difficultés techniques rencontrées par l anesthésiste L abord veineux Même si l abord veineux périphérique est souvent difficile chez ces patients, il est à privilégier car l abord veineux central présente de gros risques.

L abord jugulaire est difficile en raison de l infiltration graisseuse et de l absence de repères au niveau du cou. L abord sous-clavier est difficile pour les mêmes raisons et donc particulièrement dangereux en raison du risque de pneumothorax ou d hémorragie. L abord fémoral présente un risque septique majeur chez ces patients dont le creux inguinal est souvent une zone de macération et de dermatoses. La prise de la pression artérielle Autre inadéquation du matériel : les brassards de prise tensionnelle qui sont trop courts ou trop larges (si on veut utiliser les brassards de cuisse, plus longs). Il faut donc s équiper d un brassard long de largeur normale, modèle difficile à trouver sur le marché. Certaines dysmorphies des bras, heureusement rares, rendent impossible la prise de tension non invasive et nécessitent la pose d un cathéter artériel. L intubation L intubation du patient obèse est un moment hautement «délicat» de l anesthésie. La plupart des patients obèses ne présentent pas de difficultés particulières d intubation et les critères d intubation difficile sont les mêmes que chez les autres patients. Une seule exception : les patients dont la circonférence du cou est supérieure à 46 cm («cou de taureau») avec un Mallanpati à 3 ou 4 et un syndrome d apnée obstructive du sommeil. Chez ces patients, la traction sur le laryngoscope ne mobilise pas le maxillaire et ne permet pas de dégager la glotte. La plupart de ces patients sont porteurs d une béance cardiale nécessitant l adjonction d un IPP et d un anti-acide à la prémédication pour limiter le risque de reflux et d inhalation lors de l intubation. Surtout, ces patients n ont aucune réserve en oxygène et désaturent très vite en cas de manœuvres prolongées d intubation. En cas d échec de celle-ci, il est de plus difficile de les ventiler efficacement au masque.

Ces contingences obligent à utiliser une technique d intubation adaptée : - pré oxygénation au masque d au moins 5 mn avant l induction - matériel adapté : laryngoscope à lame longue et manche court, sonde équipée d emblée de mandrin, mandrin de Cook et fastrach à portée de main pour pouvoir ré oxygéner rapidement le patient en cas d échec - position proclive : elle permet de mieux introduire le laryngoscope en dégageant vers le bas les masses adipeuses thoraciques et les seins chez les femmes. De plus, cette position dégage le diaphragme de la masse abdominale, permet une meilleure oxygénation préopératoire et facilite la ventilation au masque en cas d échec de l intubation. - Opérateur expérimenté avec présence d au moins deux anesthésistes «rôdés» (idéalement un médecin et un infirmier anesthésiste) - Technique d induction rapide pour ne pas avoir à ventiler le patient au masque, ce qui n est pas aisé et qui augmente le risque d inhalation - Utilisation de drogues rapidement réversibles pour que le patient reprenne une ventilation spontanée et se réveille rapidement en cas d échec de l intubation. En cas de suspicion d intubation difficile, la prudence est de mise et il faudra privilégier une intubation vigile au fibroscope. La ventilation per-opératoire La ventilation assistée per-opératoire a deux buts : - permettre une bonne oxygénation et une capnie acceptable en peropératoire d autant que la chirurgie bariatrique est le plus souvent une chirurgie coelioscopique - éviter la survenue d atélectasies des bases génératrices de complications respiratoires post-opératoires. Dans le cas de la chirurgie bariatrique, la ventilation est facilitée par l installation du patient en proclive prononcé. Le monitorage reste classique : oxymètre de pouls, capnomètre, respirateur doté d un analyseur de gaz et permettant le monitorage des pressions.

Le mode de ventilation le plus adapté et le plus simple est le mode volume. Le mode pression n est pas plus physiologique et peut se révéler dangereux. En effet, en mode pression, le seul moyen d augmenter le volume inspiré sans élever la pression, est d augmenter le rapport I/E. Le temps expiratoire risque alors de devenir inférieur au temps de vidange pulmonaire et d induire une auto- PEEP incontrôlée et délétère. En mode volume, le volume courant Vt doit être réglé en fonction du poids idéal théorique et non du poids réel du patient. En effet, le volume pulmonaire dépend de la taille et non de la masse adipeuse. Un volume courant trop élevé peut induire des lésions pulmonaires. Calcul du poids idéal théorique (PIT) P = X + 0,91(taille en cm 152,4) X = 50 pour les hommes X = 45,5 pour les femmes Calcul du volume courant Il semble raisonnable de proposer un Vt de l ordre de 8 à 10 ml/kg de PIT. Le rapport I/E doit être inférieur ou égal à 1/3. Un rapport de 1/1 ou 1/2 risque d induire une auto-peep surtout chez le paient obèse. Une fréquence entre 12 et 14 est raisonnable. Pour les patients obèses, on peut être amené à augmenter la pression de pic ou pression de crête au-dessus de 50 cmh2o car la contre-pression des masses adipeuses peut gêner l expansion thoracique. La prévention des atélectasies des bases se fait par l adjonction d une PEEP aux alentours de 5 cmh2o. Certains auteurs ont préconisé des PEEP à 10 cmh2o pour des Vt de 8 ml/kg de PIT. Cette prévention est essentielle pour éviter les complications respiratoires post-opératoires L installation du patient Chez le patient obèse, tous les risques de compression ou d élongation sont augmentés de façon proportionnelle à leur poids. Leurs articulations et leurs

plexus nerveux sont identiques à ceux des sujets normaux mais les masses et les forces qui s y appliquent, sont multipliées par 2 ou 3, voire 4. Leur installation sur la table d opération doit donc demander un soin particulier, quasi obsessionnel, avec vérification de tous les points d appui, du bon positionnement des bras, des jambes et de la tête. Compte tenu du basculement de la table en proclive prononcé pour l intervention, les membres devront être fixés de façon solide et atraumatique de manière à ce que rien ne puisse se déplacer sous les champs et entraîner une position vicieuse lourde de conséquence chez ces patients. Malgré ces précautions d installation, une complication est quasi inévitable chez les patients à BMI très élevé : c est la rabdomyolyse par compression prolongée des masses musculaires dorsales. Sa seule prévention est de raccourcir le temps opératoire en choisissant une technique plus simple. Son diagnostic se fera au réveil sur l existence de douleurs dorsales intenses et sur le dosage des CPK qui peuvent atteindre plusieurs milliers d unités. Le traitement en est une bonne hydratation afin d éviter l insuffisance rénale. En plus de l administration d HBPM en préopératoire, la prévention des thrombophlébites des membres inférieurs se fera idéalement par massage pneumatique alterné des mollets plutôt que par bas de contention, souvent inadaptés. Ce dispositif de massage sera laissé en place au moins jusqu au premier lever du patient. La pose d une sonde vésicale n est pas indispensable mais elle améliore le confort postopératoire et facilite le travail des infirmières, la mise sur le bassin de ces patients relevant presque de l exploit physique. Elle sera retirée dès que le patient se mobilisera. L antibioprophylaxie Comme pour tout type de chirurgie, la première dose sera administrée avant l incision et elle sera entretenue par des réinjections régulières tout au long de la chirurgie. La chirurgie bariatrique étant une chirurgie relativement récente en France, les protocoles d antibioprophylaxie ne sont pas encore très finalisés et il existe peu de recommandations.

A l hôpital Bichat, nous avons mené une réflexion sur ce sujet avec les responsables du CLIN et les bactériologistes et établi un certain nombre de protocoles qui dépendent essentiellement du type de chirurgie. Pour la gastroplastie par anneau, il y a implantation de matériel synthétique sans ouverture du tube digestif. L antibiotique devra donc couvrir le staphylocoque et dans notre protocole, nous utilisons la Céfazoline. L antibioprophylaxie s arrête à la sortie du bloc opératoire. Pour la sleeve gastrectomie ou le by-pass gastrique ne faisant pas intervenir un agrafage passant par la sphère ORL, l antibioprophylaxie est celle de la chirurgie gastrique et de la chirurgie sus mésocolique. Là encore, elle s arrête à la sortie du bloc. Pour le by-pass gastrique utilisant une technique d agrafage où du matériel traverse la sphère ORL, les infections que nous avons constaté et qui étaient surtout des contaminations de paroi, étaient des infections à germes ORL, streptocoques spécifiques de la gorge ou anaérobies. Notre protocole a été modifié en fonction et utilise actuellement l Amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin). En cas d allergie à la Pénicilline, celui-ci est remplacé par Vancomycine + Gentamycine + Flagyl. L antibioprophylaxie est maintenue pendant 48 h, sans que l on soit certain de l utilité de cette prolongation. Les doses d antibiotiques doivent être bactéricides et adaptées au poids du patient. En cas d utilisation de l Amoxicilline + acide clavulanique, il faudra quand-même se méfier de la toxicité rénale de l acide clavulanique pour des doses élevées adaptées au poids. Dans notre protocole, nous alternons Amoxicilline + acide clavulanique et Amoxicilline seule au moment des réinjections peropératoires afin d éviter tout surdosage. L entretien de l anesthésie L entretien de l anesthésie se fait par des drogues d action rapidement réversible à leur arrêt pour obtenir un réveil parfaitement «clair» avec récupération quasi complète de la conscience et des capacités respiratoires. Le Diprivan pour l induction, le Rémifentanyl en mode AIVOC pour l analgésie et le Desflurane pour la narcose sont des drogues de choix mais toute autre stratégie peut être valable.

La curarisation est monitorée et antagonisée systématiquement en fin d intervention pour permettre l extubation sur table. Le patient est réchauffé pendant toute l intervention dans le même but. L analgésie Dans notre service, l analgésie multi modale commence en per-opératoire : Acupan* en début d intervention, Perfalgan* et Zamudol* ou équivalent à une heure de la fin de l intervention, associés à un anti émétique pour éviter les nausées et vomissements post-opératoires. L utilisation de Rémifentanyl impose aussi l injection de Morphine une heure avant l arrêt de la seringue électrique de Rémifentanyl à une dose variant de 7 à 10 mg en fonction de l intervention et du patient. L existence d un syndrome d apnée du sommeil ne semble pas influer sur la reprise de la ventilation spontanée en fin d intervention. L utilisation de la Morphine doit quand même rester prudente. L analgésie est poursuivie sur le même mode en post-opératoire. L injection de Naropein* dans les orifices de trocart de coelioscopie diminue la demande en analgésiques post-opératoires. Le réveil Mis à part certains cas de patients très fragiles pour lesquels on peut choisir de maintenir la ventilation assistée en postopératoire, le réveil sur table nous semble préférable à une extubation en salle de réveil. En effet, si celle-ci se passe mal, les conditions de réintubation du patient dans son lit seront très difficiles et périlleuses. Le réveil se fera en position proclive pour favoriser la reprise d une bonne ventilation spontanée. L extubation est un autre épisode délicat de l anesthésie de l obèse, avec un risque de bronchospasme et de désaturation. Elle se fera sur un patient totalement réveillé.

Le plus tôt possible après l extubation, le patient sera installé dans son lit en position semi-assise avec de l oxygène nasal ou au masque à haute concentration afin d améliorer sa fonction respiratoire. Les patients atteints de syndrome d apnée du sommeil doivent impérativement passer au moins la première nuit en salle de réveil ou en USC. CONCLUSION L anesthésie et la chirurgie du patient obèse sont des actes à risques élevés nécessitant beaucoup de précautions, beaucoup de rigueur car le moindre problème peut avoir des conséquences graves, voire vitales. Les moyens en matériel et en personnel doivent être à la hauteur de ces risques.