Infections broncho-pulmonaires de l adulte (item 86) Douleurs thoraciques aigües et chroniques (item 197) Dr T. GUY Service de Pneumologie tiphaine.guy@chu-rennes.fr
Cas clinique Mr J. 55 ans est admis aux urgences pour dyspnée fébrile associée à une toux grasse évoluant depuis 3 jours. ATCD : tabagisme actif 20 PA une épilepsie ancienne connue depuis l enfance équilibrée sous dépakine
Cas clinique Mr J est représentant, il revient de Cuba où il était pour raison professionnelle. La veille de son retour en France, il présente des diarrhées importantes avec nausées sans vomissement, signes qui ont perduré à son retour et ce malgré un traitement par flagyl. De plus, sont apparus une fièvre à 38 5, un ralentissement idéomoteur, une dyspnée pour les moindres efforts, et une toux grasse, motivant son admission aux urgences.
Cas clinique A l examen clinique : Patient conscient mais ralenti, pas de signes de focalisation neurologique, pas de flapping Fébrile à 38 TA = 12/8, FC = 100 Dyspnée stade 4, Sat = 90% AA Crépitants base droite et en antérieur droit + souffle tubaire Palpation abdominale non douloureuse, BHA+
Cas clinique Résumé syndromique et hypothèses diagnostiques
Résumé syndromique Sd infectieux respiratoire Sd de condensation pulmonaire droit Sd d insuffisance respiratoire aigüe Sd digestif avec diarrhées isolées Sd neurologique avec ralentissement ideo-moteur Contexte de retour de voyages à l étranger
Hypothèses diagnostiques Pneumopathie infectieuse aigüe droite communautaire. Quel(s) germe(s)? Fièvre au retour d un pays étranger Paludisme, de principe Méningo-encéphalite infectieuse Embolie pulmonaire peu d argument
Pneumopathies aigües bactériennes communautaires Infections du parenchyme pulmonaire 400 000 à 600 000/an en France Le diagnostic repose sur 3 éléments: Signes fonctionnels respiratoires Fièvre Image radiologique
Pneumopathies aigües bactériennes communautaires Clinique Début brutal ou progressif selon le germe Fièvre, frissons SF respiratoires variables: Toux, expectorations Douleur basithoracique Dyspnée, polypnée Auscultation variable. De façon typique : foyers de crépitants sd de condensation (VV, Matité, souffle tubaire + crépitants) Tableau parfois trompeur chez le patient âgé (confusion isolée, apyrexie, dyspnée isolée )
Quels examens paracliniques? Examens radiologiques Examens biologiques Examens bactériologiques
Examens radiologiques 0 Une radiographie de thorax (face+/- profil) doit être réalisée systématiquement devant toute suspicion de pneumonie (SPILF 2006) Elle peut être anormale et montrer: Des images alvéolaires en foyer (images confluentes, non rétractiles, bronchogramme aérique) Ou des images interstitielles plutôt diffuses Plus rarement des images excavées Elle permet de rechercher un épanchement pleural associé Elle peut être normale (les 1ères heures) TDM thoracique : parfois nécessaire en cas de suspicion de complications (pleurésie purulente, abcès) ou de diagnostic difficile
Examens radiologiques 0 La RT peut parfois orienter le diagnostic: Images alvéolaires: Pneumocoque, Haemophilus, Légionnelles Images interstitielles: Mycoplasme, Chlamydia Images excavées: anaérobies, klebsielles, staphylocoques!!! La RT ne peut à elle seule permettre le diagnostic bactériologique!!!
Examens biologiques Aucun n est indispensable au diagnostic Sd inflammatoire franc: Hyperleucocytose à PN Neutropénie = signe de gravité CRP Rechercher signes de gravité: Iono, urée, créatinine: IRA Hémostase: CIVD GDS
Examens bactériologiques Pas de signes de gravité: non indispensables Signes de gravité: nécessaires. But = adapter secondairement l antibiothérapie au germe. Hémocultures répétées (+ dans 30% des pneumonies à Pc) ECBC: Intérêt limité (en dehors des DDB et BPCO) car svt contaminé par germes oropharyngés Critères de qualités: >25 PN/champ et <10 CE/champ AgU Légionnelle (sérotype I), (+ 3j après début et jusqu à 1an) AgU Pc 0 Dans tous les cas, aucun examen ne doit retarder la prise en charge thérapeutique et l antibiothérapie.
Savoir rechercher les Critères de Gravité Signes Hémodynamiques et Généraux FC > 125 TAS < 90mmHg ou TAD < 60 Signes de choc, marbrures T < 35 C ou > 40 C Signes Neurologiques Troubles de conscience Confusion Signes Respiratoires FR > 30, tirage, cyanose Suspicion de pneumonie d'inhalation Gazométrie: Pa02 < 60 en AA, > 50, acidose (ph < 7.30) Radiologiques: atteinte multilobaire, complications (abcès, pleurésie) Signes biologiques Leucocytes > 30.000 ou < 4.000 /mm3 Hb < 9 g/dl Urée > 7 mmol/l Créat > 160 micromol/l
Savoir rechercher les Facteurs de Comorbidités Age > 65 ans Institutionnalisation Hospitalisation dans l année, ATCD de pneumonie Immunodépression: Infection VIH avec CD4 < 200 Splénectomie Corticothérapie au long cours, IS, Chimio Pathologies chroniques: Insuffisance cardiaque, rénale, respiratoire, hépatique Maladie cérébrovasculaire Diabète mal équilibré Conditions de prise en charge difficiles: Observance incertaine ou impossible (vomissements) Conditions socio-éco défavorables, isolement
Et Evaluer la gravité Evaluation de la gravité de la pneumonie bactérienne sur l association des facteurs cliniques, biologiques et les facteurs de comorbidités Plusieurs scores: score de Fine (PSI), CURB 65, CRB 65, score de l ATS
SCORE DE FINE Homme Age : Femme Age -10 : Maison de retraite + 10 : Cancer évolutif* + 30 : Hépatopathie chronique + 20 : Insuffisance cardiaque congestive + 10 : Maladie cérébro-vasculaire + 10 : Insuffisance Rénale + 10 : Statut mental altéré** + 20 : Fréquence respiratoire> 30/mn + 20 : TA systolique < 90 mm Hg + 15 : Température < 35 C ou > 39 9 + 10 : Pulsations > 124/ min + 10 : Ph Artériel < 7,35 + 30 : Urée plasmatique > 10 mmol/l + 20 : Natrémie < 131 mmol/l + 20 : Glycémie > 13 mmol/l + 10 : Hématocrite < 31% + 10 : PaO2 < 60 mm Hg*** + 10 : Epanchement pleural + 10 : SCORE TOTAL : INTERPRETATION : <71 points Classe II 71 à 90 points Classe III 91 à 130 points Classe IV > 130 points Classe V Traitement à domicile hospitalisation * sauf cancer cutané, actif à l admission ou diagnostiqué il y a moins de 1 an ** défini comme une désorientation non connue comme chronique, coma ou stupeur
Etiologies Quel germe(s) peut-on suspecter dans ce cas? Résumé syndromique Sd infectieux respiratoire Sd de condensation pulmonaire droit Sd digestif avec diarrhées isolées Sd neurologique avec ralentissement ideo-moteur Contexte de retour de voyages à l étranger
Etiologies Bien que la présentation clinico-radiologique oriente le diagnostic, seul l isolement bactériologique permet d affirmer l étiologie de la pneumonie L agent causal reste méconnu dans 50% des cas (s il est recherché)
Pneumopathie Franche Lobaire Aigüe PFLA Pneumocoque (DCG+) Germe le + fréquent (60%) Attention au PSDP (>1/3 des souches invasives) Clinique: Début brutal, fièvre élevée Expectoration rouillée, Herpès NL Sd de condensation pneumonique! Troubles de conscience = suspicion méningite = PL Pleurésie fréquente, réactionnelle ou purulente Parfois tableau de choc septique FDR: splénectomie, drépano, OH, IRC, asthme 0
Pneumopathie Franche Lobaire Aigüe PFLA Radiographie
Pneumopathie Franche Lobaire Aigüe PFLA
Pneumopathie Franche Lobaire Aigüe PFLA Traitement: Pénicilline A = Amoxicilline 3g/j en 3 prises! PSDP: doses (4 à 6 g/j) 8 à 10 jours
Pneumonies atypiques Germes dits «atypiques»: Mycoplasma Pneumoniae, Chlamydiae Pneumoniae, Chlamydiae Psittaci, Coxiella burnetti (fièvre Q) R aux B lactamines, S aux macrolides Clinique plus progressive: Fièvre modérée Toux sèche S ORL fréquents S extra respiratoires fréquents: sd pseudogrippal, rash cutané, SM
Pneumonies atypiques Radiographie
Pneumonies atypiques Diagnostic étiologique: rétrospectif sur les sérologies Traitement: macrolides 14 jours
Pneumopathie à Légionnelle Legionella Pneumophilia (BG-) Terrain: Sporadique souvent Épidémique parfois (climatiseurs, eau souillée) Terrain fragilisé: ID: greffe, neutropénie, chimiothérapie, stéroïdes, cancer, OH, tabac Clinique: Signes respiratoire rapidement progressifs, fièvre, frissons, toux sèche S extra respiratoires: Neuro: céphalées, agitation, confusion, myalgies Digestifs: nausées, vomissements, diarrhées Oligurie
Pneumopathie à Légionnelle 0 Radiographie: Opacités alvéolaires confluentes, mal limitées Foyer non systématisé Biologie: Lymphopénie Hyponatrémie, cytolyse hépatique, rhabdomyolyse Hématurie, protéinurie, insuffisance rénale Diagnostic étiologique: Ag U (Se 70%, Sp 100%) Isolement du germe par IFD ou culture Sérologie: rétrospectif Traitement: Macrolides 21 jours Si grave: bithérapie par FQ (lévofloxacine 500mg à 1g/jour) et macrolide (érythromycine 1gx3/j) DO obligatoire Enquête dans l entourage
Pneumopathies communautaires excavées Pneumopathie à Staphylocoque Staphylococcus aureus, meti-s le + svt Terrain: toxico IV, ID, diabète Pneumopathie sévère avec sepsis RT: foyer abcédé parfois multiples évocateurs d embols septiques (endocardite tricuspidienne)
Pneumopathies communautaires excavées Pneumopathie à Anaérobies Germes responsables nombreux (mise en évidence svt difficile) Terrain: Pneumopathie d inhalation++ Ethylisme, mauvais état buccodentaire Début insidieux, haleine fétide, AEG RT: foyer alvéolaire (base droite svt), évolution nécrosante avec images d excavation
Pneumopathies communautaires excavées
Pneumopathies communautaires excavées Pneumopathie à Klebsiella Pneumoniae: Terrain débilité Tableau proche de la pneumopathie à Pc, svt sévère, AEG RT: foyer systématisé avec excavations, pleurésie purulente fréquente
Cas clinique - Traitement et Surveillance RT:
Cas clinique - Traitement et Surveillance Bio: Neutro: 12.000 CRP 150 ASAT: 2N, ALAT: 1.5N, PA: N, GGT: 1.5N Urée: 10mmo/l, Créat: 105µmol/l GDS AA: PaO 2 : 62mmHg, PaCO 2 : 37mmHg, ph: 7.36 TCA: 42/36, TP: 75% Ag U et Hémocs en attente Quelle est votre prise en charge?
Traitement et Surveillance 0 0 Le traitement ATB est une URGENCE. Il doit être débuté le + précocement possible sans attendre les résultats bactériologiques Probabiliste le plus souvent Monothérapie en l absence de signes de gravité PFLA: amoxicilline, CIIIG, pristinamycine Pneumopathie atypique: FQ, macrolides, cyclines Bithérapie IV probabiliste si critères de sévérité Réévaluation clinique systématique entre la 48ème et 72ème heure Apyrexie, amélioration des symptômes En cas d efficacité: poursuite du traitement initial Absence d amélioration sans S de gravité: modifier ATB S de gravités ou complication : Hospitalisation
Traitement et Surveillance Traitements adjuvants: Antipyrétiques Antalgiques O 2 (LN, SN, MHC) Kinésithérapie de drainage bronchique ou pleurale Anticoagulation préventive si alitement prolongé
Traitement et Surveillance
Traitement et Surveillance
Traitement et Surveillance
Cas clinique - Traitement Finalement, l Ag U légionnelle revient +. Quelle est votre attitude?
Cas clinique - Complications L amélioration clinique de Mr J, notamment sur le plan respiratoire vous parait lente malgré une antibiothérapie bien conduite, avec notamment une hypoxémie réfractaire et des besoins en O2 à 5L/min, un fébricule persistant à J4 et l apparition d une douleur basithoracique droite. Que suspectez vous? Quel(s) examen(s) demandez vous?
Complications Pleurésie Réactionnelle Exsudat stérile, Ponction, Kiné pleurale Purulente Exsudat purulent, septique Drainage thoracique, ATB prolongée, Kiné respi intense Abcès pulmonaire Vomique Bactériémie, Choc septique IRA, SDRA
Evolution En général favorable Défervescence thermique en 48h avec amélioration des signes fonctionnels Les signes cliniques disparaissent plus lentement Les signes radiologiques disparaissent en 4 à 6 semaines (RT) Si FDR de cancer pulmonaire (tabac+++): bilan à distance (fibro bronchique, TDM thoracique)
Place de la fibroscopie bronchique But = bactériologique = LBA En 2ème intention si Échec du traitement des pneumopathies avec signes de gravité, et/ou comorbidités En 1ère intention si: Pneumopathie nosocomiale Immunodépression A distance de l épisode infectieux en cas de risque de cancer
Pneumopathies Nosocomiales
Définition - épidémiologie Pneumonie acquise après 48h d hospitalisation (élimine les infections en cours d incubation) Nosocomiale précoce < 5j = germes communautaires Nosocomiale tardive > 5j = germes nosocomiaux 2ème cause d infection nosocomiales (20%) 1ère cause de décès par infections nosocomiales (létalité = 30 à 60%) 0,5 à 1% des patients hospitalisés En réanimation: Incidence = 20 à 40% des patients ventilés (PAVM)
Micro-organismes responsables BGN +++ (60%) Pseudomonas aeruginosa (30%) Acinetobacter baumanii (10-12%) Entérobactéries (Klebsiella, Enterobacter, Serratia ) (8%) +BLSE +++ Staphylocoques (40%): S. aureus (30%) (notamment SARM) S. epidermidis (10%) Autres Candida Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Legionella sp., Virus, Aspergillus sp. Épidémiologie locale +++
Facteurs de risques Intubation trachéale +++ durée de ventilation, réintubation, trachéotomie, curarisation, décubitus dorsal Âge > 60 ans Maladies chroniques sous jacentes Gravité initiale du patient ID-, coma, dénutrition, tabac, choc initial, chir abdo récente, polytrauma, multidéfaillance, ATBiothérapie récente
Prélèvements infectieux Recherche du germe indispensable AET (seuil de positivité >10 6 UFC/ml) Fibroscopie bronchique: Aspiration bronchique (>10 5 ) LBA (>10 4 ) brosse distale protégée (BDP) (>10 3 ) Hémocultures
Traitement antibiotique Urgence thérapeutique Biantibiothérapie bactéricide, probabiliste à large spectre efficace sur les germes hospitaliers, IV, secondairement adaptée à l antibiogramme Choix de l ATB : B-lactamines actives sur les entérobactéries (C3G, imipénème, tazocilline), en association avec un aminoside ou une FQ Si risque de SARM: + glycopeptide (vancomycine) Durée = 7 jours Isolement en cas de BMR, SHA Problèmes : Augmentation de la durée de séjour Augmentation de la mortalité Surcoût hospitalier Émergence de BMR
J15 J30 J1
J60 J90