Droits d auteur Jean-Daniel Bouhénic



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Transcription:

Droits d auteur Jean-Daniel Bouhénic Images de presse Les droits dont bénéficient les auteurs d œuvres de l esprit résultent de diverses lois et textes réglementaires, qui ont été codifiés dans le premier et le troisième livre du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Ces droits ont pour objet de protéger les auteurs et de leur permettre de contrôler les utilisations qui sont faites de leurs œuvres. 1. La notion d œuvre de l esprit Le premier alinéa de l article L. 111-1 du Code de la Propriété intellectuelle dispose : «L auteur d une œuvre de l esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.» Toute création intellectuelle matérialisée dans une forme perceptible par le public peut bénéficier de la protection offerte par le Code de la propriété intellectuelle à condition qu elle soit originale, c est-à-dire qu elle porte «l empreinte de la personnalité de l auteur». Cette notion est éminemment subjective et est appréciée au cas par cas par les tribunaux, lesquels sont seuls à même de juger de l originalité d une œuvre. La protection est offerte quel que soit le genre de l œuvre (livre, film, musique, vêtement, mobilier), la forme d expression (dessin, gravure, musique), son mérite et sa destination. La protection ne nécessite l accomplissement d aucune formalité (les dépôts pouvant néanmoins être réalisés à des fins probatoires, notamment pour prouver la date de création. En pratique, il est nécessaire de formaliser l œuvre par un écrit pour pouvoir invoquer efficacement sa protection à l encontre d un tiers). La protection peut bénéficier à une œuvre qui n a pas été finalisée (les croquis et ébauches peuvent être protégés), ni même divulguée au public. Le Code de la propriété intellectuelle ne définit pas précisément ce qu est une œuvre de l esprit mais donne quelques exemples de créations intellectuelles susceptibles d être protégées par le droit d auteur : livres, conférences, chorégraphies, tours de cirque dont la mise en œuvre est fixée par écrit ou autrement, compositions musicales avec ou sans paroles, œuvres cinématographiques, dessins, peintures, sculptures, photographies, logiciels, créations des industries saisonnières de l habillement et de la parure, etc. En revanche, les idées et les concepts doivent rester de «libre parcours», afin de ne pas entraver la création (ainsi, un réalisateur pourra réaliser un film sur un sujet qui a déjà été traité par un autre réalisateur, pourvu qu il ne reprenne pas les éléments originaux de l œuvre antérieure). La jurisprudence refuse d ailleurs de reconnaître à une idée ou à un concept pris à un stade trop avancé une protection sur le fondement du droit d auteur. 2. L auteur L œuvre est la propriété de celui ou de ceux qui l ont créée. Le Code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité d auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l œuvre est divulguée (L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle). Néanmoins, l existence d un contrat de travail ou de services n est pas de nature à attribuer à l employeur les droits sur l œuvre créée par l auteur salarié (sauf dans certains cas énumérés par le Code de la propriété intellectuelle, notamment dans l hypothèse de la création de logiciel art. L. 113-9 du Code de la propriété intellectuelle). Lorsque plusieurs personnes interviennent dans la création d une œuvre (et sous réserve que leur participation ne soit pas la simple exécution de directives, tel l imprimeur qui imprime un livre), celle-ci peut être qualifiée d œuvre de collaboration, d œuvre collective, ou d œuvre composite. 1/5

L œuvre de collaboration est créée par plusieurs personnes qui travaillent de façon concertée. Une telle œuvre est la propriété indivise des auteurs, ce qui signifie que les droits appartiennent à tous les auteurs. À titre d exemple, les œuvres audiovisuelles sont considérées comme des œuvres de collaboration. L œuvre collective est réalisée à l initiative d une personne physique ou morale, qui la finance, dirige et coordonne les travaux de plusieurs contributeurs (salariés ou non), l édite et la divulgue sous son nom. Dans cette situation, les droits d auteur sont dévolus à la personne qui est à l origine de l œuvre (en quelque sorte le promoteur de l œuvre). Ce régime présente un intérêt évident pour les entreprises, qui sont investies ab initio des droits d auteur, sans avoir à conclure de contrats de cession de droits avec chacun des auteurs. À titre d exemple, les dictionnaires, les encyclopédies et les journaux sont considérés comme des œuvres collectives. L œuvre composite ou dérivée est réalisée à partir d une œuvre préexistante, sans que l auteur de l œuvre première ne collabore à la réalisation de l œuvre seconde. Il est néanmoins indispensable que l auteur de l œuvre première en autorise l utilisation. Dans ce cas, les droits d auteur sur l œuvre seconde appartiennent alors à son auteur, mais l auteur de l œuvre première est considéré comme co-auteur de l œuvre seconde. À titre d exemple, l adaptation cinématographique d un livre sans la participation de l écrivain, ou encore la traduction en français d un ouvrage écrit en langue étrangère sont des œuvres dérivées. 3. Les prérogatives patrimoniales et morales de l auteur sur son œuvre Le droit qu un auteur détient sur son œuvre comporte des attributs d ordre intellectuel (on parle de droits moraux) ainsi que des attributs d ordre patrimonial (on parle de droits patrimoniaux). Les droits patrimoniaux, constitués notamment du droit de représentation et du droit de reproduction, permettent à l auteur d autoriser ou d interdire l exploitation par les tiers de son œuvre. Le droit de représentation permet ainsi à l auteur d autoriser la communication directe de son œuvre au public, par exemple d autoriser des artistes à jouer une pièce qu il a écrite ou d accorder le droit à une chaîne de télévision de diffuser le film qu il a réalisé. Le droit de reproduction permet quant à lui à un auteur d autoriser la fixation de son œuvre sur un support (papier, DVD, disque dur, etc.). L auteur est également seul à pouvoir autoriser les adaptations de son œuvre (un livre adapté en film ou en pièce de théâtre par exemple) ou les traductions qui en sont faites. L article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle énumère toutefois plusieurs exceptions, qui permettent d utiliser une œuvre sans l autorisation de l auteur. À titre d exemple, une fois l œuvre divulguée, l auteur ne peut interdire : les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille (visionnage d un DVD en famille ou entre amis) ; les copies ou reproductions strictement réservées à l usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, pourvu que la source soit licite (recopier sur son ordinateur un CD dont on a fait l acquisition, enregistrer un film diffusé à la télévision pour le voir plus tard, etc.) ; lorsque le nom de l auteur et la source sont clairement indiqués, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d information de l œuvre à laquelle elles sont incorporées ; la reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu elle est partie essentielle d un procédé technique et qu elle a pour objet unique de permettre l utilisation licite d une œuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d un réseau faisant appel à un intermédiaire (exception concernant spécifiquement certains opérateurs d internet participant à la transmission des informations par exemple, mise en mémoire cache d une œuvre) ; la parodie, le pastiche et la caricature (qui doivent se conformer aux «lois du genre»). Des exceptions spécifiques s appliquent également en matière de logiciel. Dans tous les cas, ces exceptions, qui s interprètent restrictivement, ne peuvent être mises en œuvre qu à la condition qu elles ne «portent pas atteinte à l exploitation normale de l œuvre» et ne causent pas un «préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l auteur» (cette limite est appelée couramment le triple test). 2/5

Les droits moraux permettent à l auteur de faire respecter l œuvre et sont ainsi composés : droit de divulgation de l œuvre, qui permet à l auteur de divulguer son œuvre au public au moment où il le souhaite ou de la garder secrète ; droit à la paternité, qui permet à l auteur d exiger que son nom soit apposé sur son œuvre ou que l œuvre soit publiée de façon anonyme ; droit au respect de l œuvre, qui permet à l auteur de s opposer à toute altération ou dégradation de l œuvre (suppressions, adjonctions, retouches, etc.) ; droit de repentir ou de retrait, qui permet à l auteur qui a divulgué son œuvre de la retirer du marché (tel un peintre qui déciderait de récupérer un tableau qu il aurait vendu). Dans ce cas, l auteur doit néanmoins indemniser au préalable la personne à laquelle il avait cédé l œuvre et justifier l exercice de son droit par des considérations autres que financières. 4. La durée des droits d auteur La durée des droits patrimoniaux varie en fonction de la qualification de l œuvre. Lorsque l œuvre est créée par un auteur unique, ce qui correspond à l hypothèse de principe, l œuvre est protégée pendant la vie de l auteur et pour une durée de 70 ans qui court à compter du 1 er janvier de l année suivant le décès de l auteur. Lorsqu il s agit d une œuvre de collaboration, l œuvre est protégée pendant toute la vie des différents auteurs, et prend fin 70 ans après la mort du dernier auteur. Enfin, dans le cas d une œuvre collective, l œuvre est protégée pour une durée de 70 ans à compter de sa divulgation. À l expiration de la période de protection, l œuvre tombe «dans le domaine public», ce qui signifie qu elle peut être exploitée librement, sous réserve de respecter le droit moral de l auteur. À titre d exemple, un roman publié en France en 1960 par un auteur mort le 5 mai 1999 sera protégé par le droit d auteur jusqu au 31 décembre 2069 et pourra être édité sans autorisation des ayants droits de l auteur à compter du 1 er janvier 2070. Les droits moraux de l auteur sont quant à eux imprescriptibles, c est-à-dire qu ils ne sont pas limités dans le temps. 5. L auteur peut céder les droits patrimoniaux qu il détient sur son œuvre Si les droits moraux de l auteur sont incessibles et inaliénables (ce qui signifie que l auteur ne peut les céder ou y renoncer), les droits patrimoniaux peuvent faire l objet d une cession. Cette cession peut être réalisée à titre gratuit ou à titre onéreux, mais doit respecter un certain nombre de règles définies par le Code de la propriété intellectuelle, telles que la mention expresse de chacun des droits cédés (droit de représentation, de reproduction, d adaptation), de l étendue de ces droits (durée de l exploitation, territoire sur lequel les droits peuvent être exploités, etc.). Le plus souvent, cette cession est consentie par l auteur en contrepartie d une rémunération qui doit par principe être proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l exploitation de l œuvre, calculée sur le prix de vente au public. Néanmoins, le Code prévoit des cas exceptionnels dans lesquels une rémunération forfaitaire peut être versée à l auteur (notamment lorsque la base de calcul de la rémunération ne peut être déterminée aisément, par exemple pour le rédacteur d un article intégré dans un journal, pour le créateur d un modèle de conditionnement utilisé pour commercialiser des produits revêtus d une marque célèbre). Enfin, les auteurs ne peuvent contrôler l ensemble des exploitations qui sont faites de leurs œuvres. À titre d exemple, un disque peut être diffusé dans de nombreuses discothèques ou sur plusieurs radios en même temps, ce qui rend trop difficile pour l auteur le contrôle de ces utilisations simultanées. Les sociétés dites de gestion collective (telles que la Sacem ou la SACD) ont été créées pour permettre à l auteur de percevoir une rémunération au titre de l exploitation de ses œuvres. 3/5

Ces sociétés de gestion collective négocient et concluent des conventions avec les sociétés qui utilisent ces œuvres (chaînes de télévision, discothèques, etc.), collectent les sommes d argent qui constituent la contrepartie des utilisations effectuées, et la répartissent entre les différents auteurs ayant fait apport de leurs droits (après avoir prélevé une part correspondant aux frais de fonctionnement de la société de gestion collective). Les sociétés de gestion collective françaises ont également conclu des accords de réciprocité avec des sociétés de gestion collectives étrangères, ce qui permet à un auteur français de percevoir, le cas échéant, une rémunération résultant de l exploitation de son œuvre dans un autre pays que la France. 6. L exploitation non autorisée des œuvres La contrefaçon L auteur d une œuvre, ou son cessionnaire, peut agir en justice afin de faire cesser l atteinte qui est portée à ses droits. Sous réserve de certaines exceptions prévues par le Code (et notamment celles visées ci-avant), toute exploitation des droits d auteur sans autorisation constitue une contrefaçon. La contrefaçon peut être poursuivie soit devant les juridictions civiles, soit devant les juridictions pénales. La contrefaçon est un délit réprimé par une peine de 3 ans d emprisonnement et/ou de 300 000 euros d amende, aggravées lorsque l infraction est commise en bande organisée ou en état de récidive. Cette peine d amende peut au surplus se cumuler aux sommes qui peuvent être versées à titre de dommages et intérêts à l auteur en réparation du préjudice économique qu il a subi. La contrefaçon est également une faute civile qui permet à l auteur de solliciter la réparation de son préjudice devant les juridictions civiles et notamment le Tribunal de grande instance, seul compétent pour connaître des litiges relatifs aux droits d auteur. Enfin, l auteur ou le cessionnaire des droits peuvent solliciter devant les juridictions civiles des mesures complémentaires telles que confiscation des objets contrefaisants ou des matériels ayant servi à réaliser ces contrefaçons (ordinateurs, etc.). La loi du 29 octobre 2007 est venue faciliter la réparation du préjudice subi par la victime, qui peut désormais : solliciter toutes les mesures d instruction permettant de déterminer l ampleur de la contrefaçon (nombre de produits fabriqués, commandés, vendus, nom du fabricant ou des revendeurs, origine des réseaux de distribution, etc.) ; demander au juge de prendre en considération pour fixer le montant des dommages et intérêts qui lui seront alloués «les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la victime, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l atteinte» ; demander au juge de lui allouer une somme forfaitaire qui ne peut «être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l auteur de l atteinte avait demandé l autorisation d utiliser le droit auquel il a été porté atteinte». 7. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet Les lois du 12 juin 2009 (Création et internet) et du 28 octobre 2009 (Loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet) ont créé une autorité administrative indépendante : la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi). Cet organisme a notamment pour mission : de protéger les droits des ayants droits (auteurs, producteurs, etc.) sur internet ; de promouvoir, encourager et développer l offre légale ; d exercer les fonctions qui étaient auparavant confiées à l Autorité de régulation des mesures techniques (ou DRM-Digital Rights Management, mécanismes techniques qui permettent de contrôler les copies qui sont faites d un DVD, par exemple). 4/5

En ce qui concerne la mission de protection des droits, la loi a mis en place un système de réponse dite «graduée», qui vise, par l envoi de courriers appelés «recommandations», à informer les internautes de leur obligation de surveillance de leur accès à internet, afin qu il ne soit pas utilisé pour mettre à disposition ou reproduire des œuvres protégées par le droit d auteur. En substance, la Hadopi est informée par les sociétés de gestion collective, les organismes professionnels (tels que le Centre national de la cinématographie) qu une œuvre a été exploitée en fraude de leurs droits (par exemple téléchargée, ou mise à disposition du public). Ces sociétés fournissent l adresse IP utilisée par l ordinateur à partir duquel les téléchargements illicites ont été réalisés, les horaires et les œuvres qui ont été reproduites en violation de leurs droits. La Commission de protection des droits au sein de la Hadopi est chargée d examiner les éléments qui lui sont transmis et le cas échéant, de mettre en œuvre la «riposte graduée», si elle constate un fait susceptible de constituer un manquement à l obligation de surveillance de l accès à internet. Si elle décide de ne pas donner suite, la Commission doit effacer les données qui lui ont été transmises après un délai de deux mois. Si elle décide de le faire, la Commission demande tout d abord aux fournisseurs d accès à internet (Free, SFR, etc.) de lui transmettre les noms, coordonnées et adresse mél de la personne qui détient l abonnement à internet auquel correspond l adresse IP. La Commission adresse alors un courrier électronique au titulaire du compte, l informant que son accès à internet a été utilisé pour commettre des faits qui peuvent constituer une infraction pénale (une contrefaçon), qu on lui reproche un manquement à son obligation de surveillance et qu il lui appartient de surveiller l usage qui est fait de son accès à internet. Le destinataire du courrier peut solliciter des précisions sur les œuvres consultées, offertes en partage ou reproduites et présenter des observations pour contester ce courrier, en utilisant un formulaire proposé sur le site [www.hadopi.fr]. Si par la suite aucun nouveau téléchargement litigieux n est commis à partir de cette adresse, aucune suite n est donnée à la première infraction et les données sont effacées après un délai de 14 mois après l envoi du premier mél. En revanche, si une nouvelle infraction est commise, un deuxième avertissement est adressé au titulaire du compte, cette fois par mél doublé d un courrier recommandé avec accusé de réception. Si les agissements cessent, les données sont effacées dans un délai de vingt mois après l envoi de la lettre avec accusé de réception. Si les agissements litigieux perdurent en dépit de ces avertissements, la Commission peut transmettre le dossier aux juridictions, qui pourront notamment juger qu une contravention a été commise (la contravention de «négligence caractérisée» peut être sanctionnée par une amende d un montant maximum de 1 500 pour une personne physique et d une peine complémentaire de suspension de l accès à internet, pour une durée de un mois). Jean-Daniel Bouhénic Avocat à la Cour SCP Deprez-Dian-Guignot 5/5