Depuis la parution du rapport État de l art (national

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Transcription:

QUALITÉ ET SÉCURITÉ DES SOINS : UN ENJEU POUR LA FORMATION 21 La simulation : un facteur de développement des compétences professionnelles M.-C Moll 1, J.-C. Granry 2 1- Gestion des risques associés aux soins 2- Centre de simulation en santé Centre hospitalier universitaire, Angers iidr Marie-Christine Moll Coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins CHU 4, rue Larrey 49933 Angers cedex 9 E.mail : mcmoll@chu-angers.fr Depuis la parution du rapport État de l art (national et international) en matière de pratiques de simulation dans le domaine de la santé dans le cadre du développement professionnel continu (DPC) [1], réalisé en 2012 suite à une mission confiée par la Haute Autorité de santé (HAS), la simulation en santé a pris un essor remarquable en France. La HAS la préconise désormais comme méthode à part entière de DPC [2,3] et a complété le rapport par la parution d un Guide de bonnes pratiques en matière de simulation en santé [4]. Par ailleurs, cette méthode de formation et de gestion des risques apparaît comme une priorité du Projet national pour la sécurité des patients (PNSP) dans l axe 3 «Formation, culture sécurité, appui», action 4.3 : «Faire de la simulation sous ses différentes formes une méthode prioritaire en formation initiale et continue pour faire progresser la sécurité» [5]. La définition retenue dans le rapport HAS intègre bien le rôle de la simulation dans la formation des professionnels de santé : «Le terme simulation en santé correspond à l utilisation d un matériel (comme un mannequin ou un simulateur procédural), de la réalité virtuelle ou d un patient standardisé pour reproduire des situations ou des environnements de soin, dans le but d enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et de répéter des processus, des concepts médicaux ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels» [6]. Concrètement, elle permet l entraînement aux gestes techniques, la mise en œuvre de procédures, la formation aux démarches diagnostiques et thérapeutiques et en outre les approches comportementales et de synergie d équipe. Les enseignements de l utilisation de la simulation dans les activités à risques en dehors de la santé La mise en place de la formation par la simulation dans les industries à risques que l on considère aujourd hui comme activités ultra-sûres a répondu à deux motivations : la première est la conviction profonde que la simulation pouvait apporter une amélioration de la sécurité. Cette notion a été récemment confortée par des articles tels que celui de Riley [7], et celui de Patterson [8], mais demande à être validée par de plus larges études. Le deuxième élément qui a motivé la mise en place est l enjeu économique. En effet il est moins coûteux d entraîner des pilotes sur des matériels à terre que de faire voler un avion de ligne à vide. Concernant l industrie nucléaire française, des gains financiers ont même été mesurés par une diminution de 20 % de la fréquence des arrêts automatiques des réacteurs. D autres points communs méritent d être retenus. En premier lieu, la formation par la simulation a d abord été utilisée en formation initiale ou continue avec des moyens technologiques (simulateurs, mannequins ). Elle s est ensuite intéressée aux comportements des professionnels, puis à la validation de leurs compétences. Les facteurs humains liés aux activités en équipes sont entrés progressivement dans le champ car il a été démontré qu ils sont un des éléments prépondérants de la sécurité dans ces secteurs d activité. Enfin, dans tous les cas, des investissements très importants ont été réalisés pour la conception et l achat de simulateurs «pleine échelle», reproduisant très fidèlement l environnement de travail, et pour le dimensionnement des besoins en ressources humaines nécessaires à la formation des professionnels (formateurs compétents, temps prévus dans les effectifs en vue de la formation). Investissement et caractère obligatoire de ces formations reflètent une véritable politique institutionnelle reposant sur des bases sécuritaires (les accidents deviennent inacceptables pour le public) et économiques. L amélioration du savoir-faire grâce à la simulation est indiscutable, de même que l analyse et la modification des comportements, tout particulièrement en situation de crise. En revanche, certaines questions demeurent sans réponse : la formation par simulation diminue-t-elle les risques aéronautiques ou les

22 La simulation : un facteur de développement des compétences professionnelles Figures 1a et 1b Deux types de programmes de développement professionnel continu (DPC) intégrant la simulation. Simulation Simulation Évaluation de la p ratique Utilisation du référentiel de prise en charge Mesure d'impact sur la prise en charge individuelle et collective 3 séances de simulation sur 3 années consécutives Rappels théoriques sur la prise en charge de l'arrêt cardiaque Évaluation de la pratique Séquences de simulation "Annonce du cancer" 3 scénarios sur 2 ans Participation à 80 % des réunions de concertation pluridisciplinaires sur 5 ans Diplôme universitaire de soins palliatifs Participation congrès annuel de l'inca Formation Formation Arrêt cardiaque en service de soin Cancérologie Inca : institut national du cancer Figure 1a Programme de DPC par la simulation. Figure 1b Programme de DPC utilisant la simulation comme «brique» dans un programme. incidents dans les centrales nucléaires? Existe-t-il une corrélation entre formation par cette méthode et la performance? Est-il justifié d évaluer les professionnels par ces techniques? Dans le domaine de la santé dans les pays tels que l Amérique du nord et certains pays européens, la simulation est utilisée de manière routinière dans Encadré Éléments de bonnes pratiques d une séance de simulation. Les douze points caractérisant les bonnes pratiques de la formation par simulation Pédagogie par objectifs Préparation et présentation du contexte aux apprenants : briefing Scénario filmé Débriefing Fidélité réalisme de la simulation Évaluation des formations Acquisition et entretien des connaissances Transfert des bonnes pratiques Travail en équipe Intégration dans le curriculum Contextes éducationnels et professionnels des apprenants Formation des formateurs l enseignement initial des professions médicales et paramédicales et représente un argument d attractivité des établissements de santé. L organisation des centres se fait en réseau pour optimiser les ressources. La simulation est utilisée pour la certification ou la re-certification des professionnels de santé et enfin, une accréditation des centres est possible au moyen de référentiels validés [9]. On peut ajouter l importance de la communication au sein des équipes et la formation sur ce thème par la simulation qui donne d excellents résultats comme le montrent Brock D, et al [10]. La simulation est une activité qui nécessite d être structurée et évaluée La HAS préconise la création de programmes de simulation visant à la fois la formation, l évaluation des pratiques et la gestion des risques, l ensemble encadré par une méthodologie éprouvée, des compétences de formateurs et des environnements qualifiés (Figures 1a et 1b). Une formation de qualité ne peut donc être réalisée qu à l intérieur de structures adaptées (centre de simulation, plateformes de simulation, ateliers délocalisés pour peu qu ils répondent aux mêmes critères de professionnalisme et de bonnes pratiques) (Encadré). Ces programmes peuvent être envisagés aussi bien dans le cadre de la formation initiale que

La simulation : un facteur de développement des compétences professionnelles 23 dans celui de la formation continue. C est sans doute pour cette raison que de plus en plus de centres de simulation adoptent un statut hospitalo-universitaire. Enfin, pour permettre un véritable ancrage de la simulation dans la pratique des différentes disciplines, les programmes doivent être élaborés en lien avec les préconisations des structures professionnelles. De plus en plus de sociétés savantes s y intéressent et des associations se sont créées telles l Association francophone de simulation en anesthésie réanimation et médecine d urgence. La simulation améliore-t-elle la qualité et la sécurité des soins? La pratique de la simulation en santé permet tout d abord le respect d un principe éthique fondamental : «jamais la première fois sur le patient». Ceci est un élément capital à terme de qualité et de sécurité des soins et ne concerne pas uniquement, comme on le croit souvent, les gestes techniques. L annonce d une mauvaise nouvelle ou les bonnes pratiques du travail en équipe en situation de crise par exemple font aussi partie de cette démarche. Un nombre important d événements indésirables graves est lié à un défaut de compétences et de comportements par des individus ou des équipes peu ou pas entraînés. Les compétences techniques Elles sont indispensables à la qualité et la sécurité de la plupart des soins. Il est aujourd hui démontré que la formation par la simulation améliore les compétences techniques des professionnels de santé dans de nombreux domaines (anesthésie réanimation, endoscopie [11], chirurgie [12], obstétrique ). Pour la mise en place des cathéters veineux centraux par exemple, les complications mécaniques et le taux d infection sont Tableau I Anaesthesia Crisis Resource Management (d après Gaba). Prise de décision et cognition Connaître l'environnement de travail Anticiper et planifier les tâches Utiliser toutes les informations, le double contrôle et les aides cognitives Prévenir une erreur de fixation Travail en équipe et gestion des ressources Leadership et équipe Appel à l'aide précoce Communication efficace Distribution des tâches Mobiliser les ressources disponibles diminués dans le groupe de professionnels formés par la simulation [13]. Il en est de même pour certaines techniques obstétricales. Les avantages de l apprentissage des gestes techniques par la simulation sont indéniables : outre les aspects éthiques cités ci-dessus, les gestes peuvent être répétés autant de fois que nécessaire, toutes les complications peuvent être observées sans risque pour le patient, les procédures peuvent être suivies point par point au rythme de l apprenant et le débriefing indispensable avec le formateur permet la progression et l adaptation. Il faut ici également insister sur le fait que l apprentissage des gestes techniques par la simulation ne peut et ne doit se concevoir que dans le cadre d un programme précis, s intégrant dans un cursus défini. De trop nombreux gestes techniques sont encore réalisés en dehors de toutes règles de base et souvent au gré des opportunités. Les compétences non techniques Les compétences non techniques (CNT) sont également nécessaires pour une gestion optimale de la qualité et de la sécurité des soins apportés aux patients. Ces compétences associent plusieurs éléments comme le travail en équipe, la communication, la prise de décision et plus généralement, ce qu il Figure 2 Les principales approches par la simulation. Simulateurs procéduraux Tête d'intubation, bras pour perfusion, arbre bronchique pour endoscopie, etc. Simulation humaine Patient standardisé Jeux de rôle Les techniques de simulation les plus utilisées Simulateur patient Mannequin grandeur nature, simulateur hybride Interface naturelle virtuelle basée sur des interfaces écran Interface non naturelle Environnement en 3D, jeux sérieux (serious games)

24 La simulation : un facteur de développement des compétences professionnelles est convenu d appeler les facteurs humains. Ceux-ci peuvent être distingués en facteurs «intrinsèques» et en facteurs «extrinsèques». Les facteurs intrinsèques sont surtout représentés par la fatigue, le stress, la charge de travail Ces éléments sont très souvent retrouvés lors des analyses de causes des événements indésirables graves. Les facteurs extrinsèques sont liés au type de travail, à l organisation et à l environnement (humain, matériel ). Ils jouent également un rôle important dans la prise en charge des patients, tout particulièrement lors d une situation de crise. Inspirées des travaux effectués en aéronautique dans les années soixante-dix, les CNT nécessaires à la gestion d une situation de crise en vol ont été adaptées à la pratique médicale et enseignées initialement en anesthésie sur simulateur sous le terme d ACRM (Anaesthesia Crisis Resource Management) [14]. La simulation haute-fidélité est un outil tout à fait adapté pour travailler ces différents aspects repris dans le tableau I. L absence de leadership et une mauvaise répartition des tâches sont souvent associées à une pratique éloignée des recommandations officielles [15]. En 1999, Cooper a exposé le profil du leader efficace : il doit créer une dynamique d équipe et ses principales fonctions sont de planifier et de distribuer les rôles de chacun de façon adaptée. Il doit établir un climat de confiance avec l ensemble de l équipe et la maintenir informée des objectifs et du déroulement de la prise en charge. Le placement du leader durant la situation de crise est également important puisque l équipe semble plus efficace si celui-ci est en retrait des soins avec une meilleure vision de la situation [16]. La communication, verbale ou non verbale, entre l équipe et le leader est souvent réduite en quantité et en qualité en situation de crise [16]. Plusieurs outils existent pour garantir une communication efficace dans ces situations. L outil SCER (Situation, contexte, évaluation, recommandation - SBAR en anglais) permet en quatre phrases de donner les informations essentielles. La communication en «boucle fermée» avec confirmation verbale des ordres et des messages est également recommandée pour s assurer que le message a été entendu, compris et effectué. Ces techniques de communication permettent de réduire la surcharge de tâches déléguées aux infirmières pour la préparation des médicaments injectables par exemple, terrain favorable à des erreurs [17]. Recommandée dans les ACRM, l utilisation de l aide cognitive doit être encouragée. Elle est cependant encore considérée comme une aide destinée aux débutants. En 2006, Harrison a retrouvé une relation significative entre la performance du traitement d une hyperthermie maligne et l utilisation pendant la prise en charge d un protocole [18]. Cependant, l utilisation d un tel support, surtout chez les plus jeunes, exige d abord de bonnes connaissances de base et doit être adaptée à une utilisation en situation de crise. D autres aspects de l ACRM pourront être abordés suivant les niveaux des participants ou le déroulement parfois imprévisible de la simulation. La demande d aide, par exemple, constitue dans notre centre une des priorités d apprentissage pour les plus jeunes. En dehors des situations de crise, l importance des compétences non techniques pour les professionnels de santé est aussi essentielle. C est le cas par exemple de l annonce au patient et/ou son entourage d une maladie grave telle le cancer [19], d un handicap, d un prélèvement multi-organes ou d un événement indésirable grave associé aux soins. Inconvénients et limites La question des investissements financiers et humains liés au développement de cette méthode pédagogique ne peut être ignorée. Si en aéronautique, les économies de formation liées à la simulation sont prouvées, ceci est nettement moins probant concernant les métiers de la santé. De rares publications mettent en évidence une diminution des coûts hospitaliers après la mise en place de formations spécifiques [20]. Outre l aspect financier nécessaire en particulier à l achat de matériel et à sa maintenance, l investissement humain est important. Il est d abord lié à la formation de formateurs, étape indispensable, puis aux temps de formation souvent notablement plus longs que ceux de la formation «classique» et s adressant à de petits groupes. De plus, la création, la réalisation et l évaluation des scénarios sont particulièrement chronophages pour les formateurs. Conclusion Malgré l enthousiasme soulevé par cette méthode pédagogique qui bouleverse la formation «traditionnelle», il est nécessaire de conserver une vision objective. Le rapport HAS sur la simulation en santé [21] fait plusieurs propositions qui pourraient avoir un impact certain sur la qualité et la sécurité des soins (annexe I). À cet égard, répétons-le, la première proposition est d importance. Il s agit de faire en sorte que le patient ne soit jamais un terrain d entraînement pour les gestes et actes courants. Cet objectif éthique doit être prioritaire. La deuxième proposition concerne l étude des facteurs humains et du travail en équipe par la simulation. Il s agit là de deux paramètres fondamentaux pour la sécurité des soins qui ne sont que très peu et très inégalement enseignés. Parmi les autres propositions, on retiendra en particulier celles qui concernent les événements indésirables graves et leur reconstitution en simulation, ou encore l évaluation des compétences de certains professionnels. Enfin, les travaux de recherche sur le thème sont bien entendu indispensables pour conforter et développer cette méthode de formation.

La simulation : un facteur de développement des compétences professionnelles 25 Références 1- Haute Autorité de santé (HAS). État de l art (national et international) en matière de pratiques de simulation dans le domaine de la santé dans le cadre du développement professionnel continu (DPC) et de la prévention des risques associés aux soins. HAS. 2012. 120 p. 2- Haute Autorité de santé (HAS). Développement professionnel continu, Simulation en santé. HAS, 2012. 6 p. 3- Haute Autorité de santé (HAS). Développement professionnel continu. Méthodes et modalités de DPC. HAS, 2012. 4 p. 4- Haute Autorité de santé (HAS). Guide de bonnes pratiques en matière de simulation en santé. HAS, 2012. 100 p. 5- Haute Autorité de santé (HAS). Plan national pour la sécurité des patients 2013-2017. Direction générale de l offre de soins. HAS, 2013. 28 p. 6- Chambre des représentants USA, 111 th Congress 2009. 7- Riley W, Davis S, Miller K, et al. Didactic and simulation nontechnical skills team training to improve perinatal patient outcomes in a community hospital. Jt Comm J Qual Patient Saf 2011; 37: 357-364. 8- Patterson MD, Geis GL, LeMaster T, Wears RL. Impact of multidisciplinary simulation-based training on patient safety in a pediatric emergency department. BMJ Qual Saf 2013; 22: 383-393. 9- Council for Accreditation of healthcare simulation programs. Accreditation standards and measurement criteria. Society for Simulation in Healthcare Accreditation 2010. 10- Brock D, Abu-Rish E, Chiu CR, et al. Interprofessionnal education in team communication : working together to improve patient safety. BMJ Qual Saf 2013; 22: 414-423. 11- Blum MG, Powers TW, Sundaresan S. Bronchoscopy simulator effectively prepares junior residents to competently perform basic clinical bronchoscopy. Ann Thorac Surg 2004; 78: 287-291. 12- Andreatta PB, Woodrum DT, Birkmeyer JD, et al. Laparoscopic skills are improved with LapMentor training: results of a randomized, double-blinded study. Ann Surg 2006; 243: 854-860. 13- Barsuk JH, McGaghie WC, Cohen ER, Balachandran JS, Wayne DB. Use of simulation-based mastery learning to improve the quality of central venous catheter placement in a medical intensive care unit. J Hosp Med 2009; 4: 397-403. 14- Howard S, Gaba D, Fish K, Yang G, Sarnquist F. Anesthesia crisis resource management training: teaching anesthesiologists to handle critical incidents. Aviat Space Environ Med 1992; 63: 763-770. 15- Marsch SC, Muller C, Marquardt K, Conrad G, Tschan F, Hunziker PR. Human factors affect the quality of cardiopulmonary resuscitation in simulated cardiac arrests. Resuscitation 2004; 1: 51-56. 16- Cooper S, Wakelam A. Leadership of resuscitation teams: «Lighthouse leadership». Resuscitation 1999; 1: 27-45. 17- Pittman J, Turner B, Gabbott DA. Communication between members of the cardiac arrest team - a postal survey. Resuscitation 2001; 2: 175-177. 18- Brindley PG, Reynolds SF. Improving verbal communication in critical care medicine. Accessible à : http://www. epi2i.fr/agora/images/2012/jc.granry-la_simulation_ ameliore_prise_charge_patients.pdf (Consulté le 25-02- 2014). 19- Harrison TK, Manser T, Howard SK, Gaba DM. Use of cognitive aids in a simulated anesthetic crisis. Anesth Analg 2006; 3: 551-556. 20- Hureaux J, Berton J, Dubray L, et al. L annonce en cancérologie : recommandations et centre de simulation. Revue des maladies respiratoires Actualités 2012; 4: 526-530. 21- Cohen ER, Feinglass J, Barsuk JH, et al. Cost savings from reduced catheter related bloodstream infection after simulation-based education for residents in a medical intensive care unit. Simul Healthcare 2010; 5: 98-102. Conflit potentiel d intérêts : aucun Annexe I En conclusion du rapport, dix actions sont proposées qui permettraient sans doute un développement structuré de la simulation et un impact incontestable sur la qualité et la sécurité des soins. Simulation en santé : dix propositions 1 La formation par les méthodes de simulation en santé doit être intégrée dans tous les programmes d'enseignement des professionnels de santé à toutes les étapes de leur cursus (initial et continu). Un objectif éthique devrait être prioritaire : «jamais la première fois sur le patient». 2 L'importance de l'impact de la formation par la simulation sur les facteurs humains et le travail en équipe ainsi que son utilité dans la sécurité des soins doivent être largement étudiés. 3 Une politique nationale doit permettre à la formation par la simulation d'être valorisée et dotée de manière adaptée. 4 La formation initiale et continue par la simulation doit faire l'objet de coopérations entre les universités et les structures de soins ou les instituts de formation (publics ou privés). 5 Les formateurs en matière de simulation doivent bénéficier d'une compétence réelle validée par l'obtention de diplômes universitaires spécifiques. 6 Chaque société savante doit identifier des programmes de formation par la simulation adaptés aux priorités de leur discipline. 7 L'ensemble des ressources doit faire l'objet d'une mutualisation selon des critères validés (plateformes équipées accessibles, banque de scénario, programmes de développement professionnel continu ). 8 Au niveau national ou régional, les accidents les plus graves ou les plus signifiants doivent faire l'objet de reconstitutions en simulation afin d'en analyser les causes et de prévenir leur répétition. 9 La simulation peut être utilisée comme un outil de validation des compétences (ou de transfert de compétences) des professionnels au sein de structures «certifiées». 10 Les travaux de recherche sur la simulation en santé doivent faire l'objet d'une méthodologie rigoureuse et d'une collaboration en réseau.