RISQUE CARDIOVASCULAIRE et INFECTION PAR LE VIH



Documents pareils
Cœur et VIH : que doit-on savoir?

Atteinte cardiovasculaire au cours de l infection par le VIH

CARDIOLOGIE. Conférences scientifiques

16/04/03 Confidentiel

EVALUATION DES TECHNOLOGIES DE SANTÉ ANALYSE MÉDICO-ÉCONOMIQUE. Efficacité et efficience des hypolipémiants Une analyse centrée sur les statines

LES CO-INFECTIONS VIH-VHC. EPIDEMIOLOGIE, INTERFERENCES. Patrice CACOUB La Pitié Salpêtrière, Paris

Lettre à l éditeur. Résistance du VIH aux Antirétroviraux : Quoi de neuf au Mali? Quelles. perspectives?

Le VIH et votre cœur

Pathologie VIH. Service maladies infectieuses Archet 1. Françoise ALEXIS, infirmière Monique BORGHI, infirmière 15 octobre 2013

PRINTEMPS MEDICAL DE BOURGOGNE ASSOCIATIONS ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS : INDICATIONS ET CONTRE INDICATIONS

Le VIH et votre apparence physique

Evaluation du risque Cardio-vasculaire MOHAMMED TAHMI

THESE DIPLOME D ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE. Florine VALLIET

Innovations thérapeutiques en transplantation

Évaluation du risque cardiovasculaire dans le contexte de l hypertension artérielle et de son traitement

La prise en charge de votre artérite des membres inférieurs

Diabète et risque cardiovasculaire: Le syndrome métabolique en question

PROGRESSEZ EN SPORT ET EN SANTÉ. Mieux vivre avec ma maladie chronique, Me soigner par l activité physique Programmes Santé

Cours de Mme Ollivier. Le

Laurence LEGOUT, Michel VALETTE, Henri MIGAUD, Luc DUBREUIL, Yazdan YAZDANPANAH et Eric SENNEVILLE

Primeurs en cardiologie I

INFORMATION À DESTINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ LE DON DU VIVANT

Cas clinique 2. Florence JOLY, Caen François IBORRA, Montpellier

ÉVALUATION DE LA PERSONNE ATTEINTE D HYPERTENSION ARTÉRIELLE

Les Jeudis de l'europe

Ischémie myocardique silencieuse (IMS) et Diabète.

Dr Pierre-François Lesault Hôpital Privé de l Estuaire Le Havre

Nouvelles lignes directrices sur les lipides mieux cibler pour mieux traiter

Risque Cardiovasculaires au cours des Vascularites et des pathologies inflammatoires chroniques

Le traitement pharmacologique du diabète de type 2 : que devez-vous savoir?

LES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS

S o m m a i r e 1. Sémiologie 2. Thérapeutique

Cancer bronchique primitif: données épidémiologiques récentes

VIH & Interactions Médicamenteuses

Les nouveaux anticoagulants oraux, FA et AVC. Docteur Thalie TRAISSAC Hôpital Saint André CAPCV 15 février 2014

Farzin Beygui Institut de Cardiologie CHU Pitié-Salpêtrière Paris, France. Probability of cardiovascular events. Mortalité CV

PREMIERE CAUSE DE MORTALITE: /an

LES FACTEURS DE RISQUE

PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DU PATIENT DYSLIPIDÉMIQUE ARGUMENTAIRE

«Boire un verre de vin par jour augmente la longévité.»

Quoi de neuf dans la prise en charge du psoriasis?

Obésité et psoriasis Données actuelles et questions au spécialiste en nutrition

SYNOPSIS INFORMATIONS GÉNÉRALES

MALI MEDICAL. Echec virologique aux antirétroviraux

Co-infection HVB HVC CO-infection VIH HVB et HVC

Prise en charge de l embolie pulmonaire

Traitement et questions connexes

Validation clinique des marqueurs prédictifs le point de vue du méthodologiste. Michel Cucherat UMR CNRS Lyon

Qui et quand opérer. au cours du traitement de l EI?

Ordonnance collective

Système cardiovasculaire - CV CV111 CV110. aliskirène Rasilez

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Résistance du virus de l hépatite C aux nouveaux traitements anti-viraux

L investigation chez la personne infectée par le VIH

Syndromes coronaires aigus

Les traitements antirétroviraux très précoces chez l adulte, actualités. Christine DANEL

ABL and Evivar Medical for Strategic Partnership and Alliance in HIV and Hepatitis

Charges virales basses sous traitement: définition impact virologique. Laurence Bocket Virologie CHRU de Lille

Bonne lecture!! et si vous souhaitez consulter le document de l AFEF dans son intégralité, c est ici

27 ème JOURNEE SPORT ET MEDECINE Dr Roukos ABI KHALIL Digne Les Bains 23 novembre 2013

HVC CHRONIQUE MOYENS THERAPEUTIQUES ET BILAN PRE-THERAPEUTIQUE CHAKIB MARRAKCHI.

Chapitre 1. Risque cardiovasculaire de la Polyarthrite Rhumatoïde

Pour la prévention des maladies cardiovasculaires dans le diabète, le taux d'hba1c cible recommandé est <7,0% (<53 mmol / mol).

Au cours des deux dernières décennies, et

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

Effets sur la pression artérielle rielle des traitements non-médicamenteux

Nouveaux anticoagulants oraux : aspects pratiques

Fibrillation atriale chez le sujet âgé

TRAITEMENTS MEDICAMENTEUX DU DIABETE DE TYPE 2 (Hors Insuline) MAREDIA Dr Marc DURAND

Après chirurgie bariatrique, quel type de tissu adipeux est perdu? Dr Emilie Montastier Hôpital Larrey, Toulouse

Traitement de l hépatite C: données récentes

Transplantation pulmonaire et mucoviscidose. Optimiser la prise en charge médicale

En dehors de la FA, quelles sont les autres indications validées ou à venir?

Résistance du VIH-1 aux antirétroviraux dans les compartiments anatomiques et cellulaires

Le psoriasis est une maladie qui touche environ 2 à 3 % de la population et qui se

Hépatite C une maladie silencieuse..

S. Hercberg, Key-words: Antioxidants, Vitamins, Minerals, Randomized trial, Supplementation.

La prise en charge de votre maladie, l accident vasculaire cérébral

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 23 mai 2007

Thérapeutique anti-vhc et travail maritime. O. Farret HIA Bégin

La mesure de la réserve coronaire

TITRE : «Information et consentement du patient en réadaptation cardiovasculaire»

Arthralgies persistantes après une infection à chikungunya: évolution après plus d un an chez 88 patients adultes

23. Interprétation clinique des mesures de l effet traitement

Évaluation des soins et surveillance des maladies cardiovasculaires : Pouvons-nous faire confiance aux données médico-administratives hospitalières?

Femmes, prenez soin de votre cœur! LIVRET DE PREVENTION

Le RIVAROXABAN (XARELTO ) dans l embolie pulmonaire

L hépatite C pas compliqué! Véronique Lussier, M.D., F.R.C.P.C. Gastroentérologue Hôpital Honoré-Mercier 16 avril 2015

Les nouveaux anticoagulants oraux (NAC)

LISTE DES ACTES ET PRESTATIONS - AFFECTION DE LONGUE DURÉE HÉPATITE CHRONIQUE B

maladies des artères Changer leur évolution Infarctus du myocarde Accident vasculaire cérébral Artérite des membres inférieurs

LE PSORIASIS ET SES CO-MORBIDITES PARTICULIEREMENT LE DIABETE

Docteur José LABARERE

MALADIES VASCULAIRES CÉRÉBRALES

COMPLICATIONS THROMBOTIQUES DES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS: ÉVALUATION ET GESTION DU RISQUE

TUBERCULOSE Nouveautés 2009

ALTO : des outils d information sur les pathologies thromboemboliques veineuses ou artérielles et leur traitement

Rôle des acides biliaires dans la régulation de l homéostasie du glucose : implication de FXR dans la cellule bêta-pancréatique

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

SOIXANTE-SEPTIÈME ASSEMBLÉE MONDIALE DE LA SANTÉ A67/18 Point 13.5 de l ordre du jour provisoire 21 mars Psoriasis. Rapport du Secrétariat

Transcription:

RISQUE CARDIOVASCULAIRE et INFECTION PAR LE VIH Correspondances en Risque CardioVasculaire Cardiovascular risk in HIV-infected patients Franck BOCCARA, Stéphane EDERHY, Catherine MEULEMAN, Sandra JANOWER, Sylvie LANG, François RAOUX, Jean BARDET, Ariel COHEN Service de Cardiologie Hôpital Saint-Antoine - Paris Adresse : Service de Cardiologie, CHU St Antoine, 184 rue du faubourg St Antoine, 75012 Paris. Tél : 01 49 28 24 4 9, Fax : 01 49 28 26 83, email : franck.boccara@sat.aphp.fr Mots clés : maladie coronaire, Virus de l immunodéficience humaine, syndrome de lipodystrophie, dyslipidémie, insulino-résistance, traitement antirétroviral Key words : Coronary artery disease, Human immunodeficiency virus, lipodystrophy syndrome, dyslipidemia, insulin resistance, highly active antiretroviral treatment Introduction Le risque cardiovasculaire des patients infectés par le VIH va devenir dans les années futures, une préoccupation de plus en plus importante pour les médecins prenant en charge cette infection en raison du succès du traitement antirétroviral entraînant un allongement considérable de la survie des patients infectés mais aussi des effets secondaires de ce même traitement. C est ainsi, qu à partir de 1996, date d apparition d un traitement antirétroviral, on a observé une réduction spectaculaire de la morbi-mortalité liée à l infection par le virus de l immunodéficience humaine (VIH) dans les pays industrialisés. A l ère de ce traitement antirétroviral hautement efficace (HAART en anglais pour Highly Active Anti Retroviral Therapy) de nombreux effets secondaires sont apparus (1, 2) en particulier des désordres métaboliques (dyslipidémie, insulino-résistance, lipodystrophie) augmentant ainsi le risque de survenue de complications cardiovasculaires aiguës au sein d une population âgée en 1

moyenne de moins de 50 ans. Après plus de 20 ans d infection par le VIH, nous sommes passés de complications cardiovasculaires liées à l état d immunodépression (avant 1996) à des complications liées au vieillissement de cette population associées aux complications métaboliques du traitement antirétroviral (après 1996) (3). Le traitement antirétroviral comporte le plus souvent une combinaison associant 2 analogues nucléosidiques de la transcriptase inverse et soit une antiprotéase soit un non-analogue de la transcriptase inverse. Schématiquement, les antiprotéases seraient responsables de l insulino-resistance et les analogues de la transcriptase inverse de la lipodystrophie. Il s agit maintenant de faire face aux complications liées au traitement antirétroviral, en particulier l accélération de l athérosclérose (maladie coronaire, artériopathie des membres inférieurs, accident vasculaire cérébral) liée aux syndromes d insulino-résistance et de lipodystrophie. C est ainsi que la prévalence des myocardites, endocardites et péricardites est en nette régression alors que la prévalence de l hypertension artérielle pulmonaire semble stable (0,5%) (3). De plus, la toxicité cardiovasculaire directe du traitement antirétroviral en particulier des analogues nucléosidiques (toxicité mitochondriale : atteinte myocardique et musculaire périphérique) reste à évaluer. Risque cardiovasculaire augmenté L identification relativement récente d un «sur-risque» cardiovasculaire probablement lié à la conjugaison de divers facteurs de risque dont le tabagisme et les troubles métaboliques (glucido-lipidiques) dans une population «vieillissante» fait craindre une augmentation de la prévalence des événements cardiovasculaires, en particulier coronaire aigu, chez les patients infectés par le VIH dans les années à venir. Il est donc indispensable que le risque cardiovasculaire de chaque patient soit évalué avant l initiation et pendant la durée d un traitement antirétroviral comme au cours de toute maladie chronique. 2

Bergensen et coll. (4) ont montré que les patients infectés par le VIH ont un risque de maladie coronaire plus élevé que la population générale avec un score de risque de Framingham à 10 ans supérieur à 20 %, deux fois plus élevé que dans la population non infectée. Neuman et coll. (5), ont montré que la probabilité à 10 ans de présenter un événement cardiovasculaire était plus importante parmi les sujets âgés de plus de 50 ans (médiane de risque de 20,5 %) que parmi les plus jeunes (18-30 ans) (médiane de risque de 1,9 %, p < 0.01). L étude française APROCO (6) a comparé la distribution des facteurs de risque cardiovasculaire dans une population de 227 sujets infectés par le VIH (35 à 44 ans) sous traitement antirétroviral incluant une antiprotéase à 527 patients non-infectés par le VIH de l étude MONICA. Les patients infectés par le VIH ont une prévalence plus faible d hypertension artérielle, un taux de HDL cholestérol plasmatique plus faible, une prévalence plus importante de tabagisme, une augmentation du rapport taille/hanche et une augmentation du taux de triglycérides plasmatiques par rapport à la population générale. Il n y avait pas de différence en ce qui concerne le taux plasmatique de LDL cholestérol, de cholestérol total, de même que la prévalence du diabète. Le risque prédit d événement cardiovasculaire était plus important (équation PRIME) chez l homme et la femme infectés par le VIH comparé à des sujets noninfectés (RR = 1,20 chez l homme et RR = 1,59 chez la femme). Dans la population générale, les patients présentant un syndrome coronaire aigu d âge moyen 45 ans, ont le plus souvent comme facteurs de risque ; une consommation tabagique importante et une dyslipidémie. On peut en conclure qu une augmentation de l espérance de vie des patients infectés par le VIH liée au traitement antirétroviral plus efficace augmentera de façon significative le risque d événement cardiovasculaire dans cette population. 3

Facteurs de risque cardiovasculaires spécifiques chez le patient infecté par le VIH Tout d abord, ce sont les facteurs de risque «classiques» qui prédominent dans la population infectée par le VIH, avec en particulier un tabagisme plus important et une dyslipidémie très fréquente. Dans l étude prospective DAD (7, 8), 56 p. 100 des patients étaient des fumeurs actifs ou sevrés, 2,8 p. 100 étaient diabétiques, 7,2 p. 100 hypertendus et 46 p. 100 présentaient une dyslipidémie définie par les critères du National Cholesterol Education Program III. D autres facteurs de risque ont été identifiés. Ainsi, la présence d une dysfonction endothéliale directement liée au traitement antirétroviral, le rôle de l infection et de l inflammation chronique et les troubles de l hémostase favorisent, en synergie avec les autres facteurs de risque, la survenue d événements cardiovasculaires. Incidence de la maladie coronaire dans la population VIH Les premiers cas cliniques isolés d infarctus du myocarde, chez des patients traités par antiprotéase, ont été rapportés en 1998 (9, 10). Les études épidémiologiques récentes ( 1 1-15)(Tableau 1) ont montré que l incidence de l infarctus du myocarde est plus élevée dans la population VIH que dans la population générale. En ce qui concerne le traitement antirétroviral, il est maintenant admis que la durée d exposition au traitement, et en particulier aux antiprotéases, est responsable de ce sur-risque cardiovasculaire, entraînant une augmentation de l incidence des infarctus du myocarde. Dans l étude DAD (15), l hypercholestérolémie (RR 1,16), l hypertriglycéridémie (RR 1,39), la présence d un diabète (RR 2,35) étaient aussi des facteurs indépendants de risque d infarctus du myocarde, de même que l âge, le sexe et le tabagisme. Cette étude DAD mise à jour récemment a évalué au sein d une cohorte de plus de 23000 patients infectés par le VIH le nombre d IDM au cours d une période de suivie de 6 ans. DAD montre que toute année d exposition supplémentaire aux antiprotéses augmente le risque d IDM de 16% (RR = 1.16 ; 4

IC 95% [1.10-1.23]) après ajustement pour les facteurs de risque traditionnel d IDM. Si l on ajuste encore sur les paramètres lipidiques, ce risque diminue à 10% par année supplémentaire et reste significatif (RR=1.10 ; IC 95% [1.04-1.18]) soulignant l impact probable direct du traitement par antiprotéases. L étude française rapportée par Mary-Krause et coll. (14) décrit l incidence des IDM dans une cohorte de 19 000 patients sous traitement antirétroviral comportant une antiprotéase: 54 patients ont présenté un IDM. La cohorte a été divisée en trois groupes en fonction de la durée du traitement par antiprotéase: moins de 18 mois (groupe 1), 23 IDM, de 18 à 29 mois (groupe 2), 18 IDM, et plus de 30 mois (groupe 3), 13 IDM. L incidence est de 0,89, 1,92 et de 3,47 pour 1000 patients-année respectivement. Les auteurs montrent qu il existe une augmentation de l incidence des IDM dans cette population de patients infectés par le VIH sous antiprotéase, avec un risque relatif multiplié par 1,7 pour le groupe 2 (IC 95 %: 1,0-2,7) et par 3,1 pour le groupe 3 (IC 95 %: 2,0-6,3) comparativement au groupe 1. Cette augmentation d incidence est donc corrélée à la durée d exposition aux antiprotéases. DAD (7) a aussi montré que le risque de survenue d IDM chez les patients traités par antirétroviraux était supérieur au risque prédit par l équation de Framingham. En effet, 9 événements cardiovasculaires sont survenues comparés à 5.5 prédits par Framingham, 14 événements cardiovasculaires survenues comparés à 9.8 prédits, 22 événements cardiovasculaires survenues comparés à 14.9 prédits, 31 événements cardiovasculaires survenues comparés à 23.2 prédits et 47 événements cardiovasculaires survenues comparés à 37 prédits pour respectivement une exposition aux antirétroviraux < à 1an, comprise entre 1 et 2 ans, 3 à 4 ans, et > à 4 ans. A l inverse, chez les patients ne recevant pas d antirétroviraux le nombre d IDM observé était inférieur à celui prédit par l équation de Framingham (3 comparés à 7.6). Environ 10% de la population de DAD présentait un score de risque de Framingham > à 10%. L étude SMART (16) parue récemment vient compliquer les choses. Cette étude compare 2 attitudes thérapeutiques chez le sujet infecté par le VIH sous 5

antirétroviraux ; soit un traitement antirétroviral continue ayant comme objectif une charge virale indétectable soit un traitement discontinue («vacances thérapeutiques»). SMART (16) a été arrêtée avant sa fin prévue en raison d un plus grand nombre significatif d événements cardiovasculaires (ischémiques et autres), rénales et hépatiques dans le groupe traitement discontinue soulignant le rôle probable de l immunité dans la genèse des événements athérothrombotique. Physiopathologie Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été soulevées en ce qui concerne l accélération de l athérosclérose coronaire chez les patients infectés par le VIH sous traitement antirétroviral (figure 1). Il existe chez le patient infecté par le VIH et traité par antirétroviraux, une accélération de l athérosclérose (augmentation de l épaisseur intima-media carotidienne par rapport à des témoins non-vih ou VIH non-traités (17-19)) qui est polyfactorielle associant des facteurs classiques à des facteurs inflammatoires et immunologiques encore mal définis. Plusieurs facteurs classiques peuvent augmenter ce risque : la présence d une dyslipidémie a été rapportée chez plus de 50 % des patients infectés par le VIH et traités par antirétroviraux, un diabète (5 à 10 %), le syndrome de lipodystrophie (50% des cas, anomalie de répartition des graisses) pouvant associer une lipo-atrophie des extrémités (membres supérieurs et membres inférieurs, visage) et une hypertrophie abdominale. La dyslipidémie associe le plus souvent une hypo-hdlémie, une augmentation des triglycérides et une augmentation des particules faibles et denses de LDL cholestérol avec une efficacité moindre des statines chez ces patients. L inflammation et l infection chronique par le VIH avec une augmentation de production des cytokines inflammatoires (TNF-alpha, Interleukine-1, Interleukine-6), la dysfonction endothéliale secondaire à la dyslipidémie et au traitement (20), à l insulino-résistance, l augmentation du stress oxydatif, la présence de molécules d adhésion 6

cellulaire, un état prothrombotique lié à l infection par le VIH et/ou au traitement antirétroviral favorisent les syndrome coronaires aigus. Deux séries (21, 22) ont comparé des patients infectés par le VIH ayant présenté un SCA à des sujets infectés ne présentant pas de maladie coronaire. On note que l anomalie la plus fréquente dans le groupe de patients infectés par le VIH ayant présenté un syndrome coronaire aigu est la présence d une dyslipidémie associant une hypo-hdlémie, une hypertriglycéridémie, une hyper-ldlémie comparés aux patients infectés par le VIH sans maladie coronaire. Certains ont évoqué le statut immunologique comme facteur de risque de syndrome coronaire aigu, avec une augmentation du risque cardiovasculaire en cas d immunodépression. Ceci souligne l importance de l inflammation et de l immunité dans la genèse de l athérothrombose. Il semble qu il existe une toxicité vasculaire directe du virus sur la paroi artérielle (23). Il semblerait que la glycoprotéine Gp 120 de l enveloppe du VIH active les cellules musculaires lisses artérielles et augmente l expression du facteur tissulaire, accélérant alors la thrombose et la rupture de plaque (24). Les études autopsiques, réalisées avant l ère du traitement antirétroviral, montraient que les jeunes patients infectés par le VIH (décédés d une autre cause qu une cause cardiovasculaire) avaient tous des lésions coronaires associant une athérosclérose banale et une artérite inflammatoire ressemblant à l histologie coronaire des patients transplantés cardiaques (25). Prévention cardiovasculaire Il n existe pas de recommandation spécifique dans la population infectée par le VIH (26). Il faut suivre les recommandations des sociétés savantes en prévention primaire et secondaire. L aspirine doit faire partie du traitement en prévention primaire quand le risque vasculaire à 10 ans, selon le score de Framingham, est supérieur à 15 %. En ce qui concerne le traitement de la dyslipidémie, une attention particulière doit être réalisée chez les patients infectés par le 7

VIH car plusieurs statines sont contre-indiquées en raison de l interaction avec le cytochrome P-450 3A4 et le traitement par antiprotéase (27). En effet, certaines statines (simvastatine et atorvastatine) voient leur taux plasmatique augmenté avec un risque accru de rhabdomyolyse. Il est donc actuellement conseillé de traiter une dyslipidémie chez les patients infectés par le VIH par la pravastatine, la fluvastatine ou la rosuvastatine plus puissante (essai comparatif rosuvastatine 10mg/j versus pravastatine 40mg/j réalisée en France montrant une supériorité quasiment double de la rosuvastatine sur la baisse du LDLc chez le sujet VIH sous antiprotéase incluant le ritonavir) car ces statines ne sont pas métabolisées par le CYP4503A4. La place des fibrates reste entière en cas d hypertriglycéridémie menaçante pour diminuer le risque de pancréatite aiguë. Il est nécessaire de réaliser le sevrage tabagique en cas d accumulation des facteurs de risque cardiovasculaire car il semble bien que le cocktail tabac et antiprotéase soit explosif d autant plus que s y associe une dyslipidémie. Conclusion Il s agit maintenant de faire face aux complications d une maladie chronique et des effets secondaires du traitement au long cours sans remettre en cause son efficacité immunovirologique (qui reste le 1 er objectif du praticien). L athérosclérose en particulier coronaire est devenue la 1 ère complication cardiovasculaire devenant ainsi la 3ème cause de mortalité des patients infectés par le VIH aux Etats-Unis et la 4 ème cause en France après les causes infectieuses, cancéreuses et hépatiques. Il est nécessaire que les médecins prenant en charge ces patients évaluent le risque cardiovasculaire de ceux-ci en début et en cours de traitement pour tenter de réduire ce sur-risque en particulier chez les patients âgés de plus de 45 ans (âge médian IDM dans les cohortes de patients infectés par le VIH), fumeurs, dyslipidémiques avec une longue durée d infection et de traitement. 8

Références 1- Grinspoon S, Carr A. Cardiovascular risk and body-fat abnormalities in HIV-infected adults. N Engl J Med 2005;352:48-6. 2- Kamin DS, Grinspoon SK. Cardiovascular disease in HIV-positive patients. AIDS 2005;19:641-52. 3- Barbaro G. Cardiovascular manifestations of HIV infection. Circulation 2002; 106:1420-5. 4- Bergersen BM, Sandvik L, Bruun JN, Tonstad S. Elevated Framingham risk score in HIVpositive patients on highly active antiretroviral therapy: results from a Norwegian study of 721 subjects. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2004;23:625-30. 5- Neumann T, Woiwod T, Neumann A, et al. Cardiovascular risk factors and probability for cardiovascular events in HIV-infected patients - part III: age differences. Eur J Med Res 2004;9:267-72. 6- Saves M, Chene G, Ducimetiere P, et al; French WHO MONICA Project and the APROCO (ANRS EP11) Study Group. Risk factors for coronary heart disease in patients treated for human immunodeficiency virus infection compared with the general population. Clin Infect Dis 2003;37:292-8. 7- Friis-Moller N, Weber R, Reiss P, Thiebaut R, Kirk O, d'arminio Monforte A, Pradier C, Morfeldt L, Mateu S, Law M, El-Sadr W, De Wit S, Sabin CA, Phillips AN, Lundgren JD; DAD study group. Cardiovascular disease risk factors in HIV patients--association with antiretroviral therapy. Results from the DAD study. AIDS. 2003;17:1179-93 8- Friis-Moller N, Sabin CA, Weber R, et al. Data Collection on Adverse Events of Anti-HIV Drugs (DAD) Study Group. Combination antiretroviral therapy and the risk of myocardial infarction. N Engl J Med 2003;349:1993-2003. 9- Klein D, Hurley LB, Quesenberry CP J, Sidney S. Do protease inhibitors increase the risk for coronary heart disease in patients with HIV-1 infection? J Acquir Immune Defic Synd 2002;30:471-7. 10- Gallet B, Pulik M, Genet P, Chedin P, Hiltgen M. Vascular complications associated with use of HIV protease inhibitors. Lancet 1998 ; 351 :1958-9. 11- Holmberg SD, Hamburger ME, Moorman AC, et al. HIV Outpatient Study (HOPS) investigators. Protease inhibitors and cardiovascular outcomes in patients with HIV-1. Lancet 2002;360:1747-8. 12- Bozzette SA, Ake CF, Tam HK, Chang SW, Louis TA. Cardiovascular and cerebrovascular events in patients treated for human immunodeficiency virus infection. N Engl J Med 2003;348:702-10. 9

13- Klein D, Hurley LB, Quesenberry CP J, Sidney S. Do protease inhibitors increase the risk for coronary heart disease in patients with HIV-1 infection? J Acquir Immune Defic Synd 2002;30:471-7. 14- Mary-Krause M, Cotte L, Simon A, Partisani M, Costagliola D. And the Clinical Epidemiology Group from the French Hospital Database. Increased risk of myocardial infarction with duration of protease inhibitor therapy in HIV-infected men. AIDS 2003;17:2479-86. 15- DAD Study Group; Friis-Moller N, Reiss P, Sabin CA, et al. Class of antiretroviral drugs and the risk of myocardial infarction. N Engl J Med. 2007;356:1723-35. 16- Strategies for Management of Antiretroviral Therapy (SMART) Study Group; El-Sadr WM, Lundgren JD, Neaton JD, et al. CD4+ count-guided interruption of antiretroviral treatment. N Engl J Med. 2006;355:2283-96. 17- Hsue PY, Hunt PW, Sinclair E, et al. Increased carotid intima-media thickness in HIV patients is associated with increased cytomegalovirus-specific T-cell responses. AIDS. 2006;20:2275-83. 18- Mercie P, Thiebaut R, Lavignolle V, et al. Evaluation of cardiovascular risk factors in HIV-1 infected patients using carotid intima-media thickness measurement. Ann Med 2002;34:55-63. 19- Maggi P, Lillo A, Perilli F, Maserati R, Chirianni A; PREVALEAT Group. Colour- Doppler ultrasonography of carotid vessels in patients treated with antiretroviral therapy: a comparative study. AIDS. 2004;18:1023-8. 20- Stein JH. Endothelial function in patients with HIV infection. Clin Infect Dis. 2006;43:540-1. 21- Escaut L, Monsuez JJ, Chironi G, et al. Coronary artery disease in HIV infected patients. Intensive Care Med 2003;29:969-73. 22- David MH, Hornung R, Fichtenbaum CJ. Ischemic cardiovascular disease in persons with human immunodeficiency virus infection. Clin Infect Dis 2002;34:98-102. 23- Barbaro G, Barbarini G, Pellicelli AM. HIV-associated coronary arteritis in a patient with fatal myocardial infarction. N Engl J Med 2001;344:1799-1800. 24- Schecter AD, Berman AB, Yi L, Mosoian A, et al. HIV envelope gp120 activates human arterial smooth muscle cells. Proc Natl Acad Sci 2001;98:10142-7. 25- Tabib A, Leroux C, Mornex JF, Loire R. Accelerated coronary atherosclerosis and arteriosclerosis in young human-immunodeficiency-virus-positive patients. Coron Artery Dis 2000;11:41-6. 10

26- Dube MP, Stein JH,Aberg JA, et al.,adult AIDS clinical Trials group cardiovascular subcommittee. Guidelines for the evaluation and management of dyslipidemia in human immunodeficiency virus (HIV)-infected adults receiving antiretroviral therapy : recommendations of the HIV Medical Association of the Infectious Disease Society of America and the Adult AIDS Clinical Trials Group. Clin Infect Dis 2003 ; 37 : 613-27 27- ichtenbaum CJ, Gerber JG. Interactions between antiretroviral drugs and drugs used for the therapy of the metabolic complications encountered during HIV infection. Clin Pharmacokinet. 2002;41:1195-211. 11

Figure 1. Etudes évaluant le risque de maladie coronaire chez les patients infectés par le VIH Etudes Critère principal N sujets N Evts N sujets et durée sous HAART Résultats Holmberg (11), 2002 IDM 5672 21 3247 Risque supérieur 1993-2002 17 712 PA 49 mois HR=6.5 (0.9-47.8) Database IP vs non IP Bozzette (12), 2003 Evts cardio et 36 766 1207 15 296 HR=1.23 (0.78-1993-2001 cérébro- 121 935 26957 PY 1.93) Database vasculaires PA 16 mois 24 mois d IP vs 0 mois Klein (13), 2003 IDM 4408 65 2860 4.0 cas/1000 PA si 1996-2002 18792 PA 10 686 PA IP- Database 47 mois vs 3.9/1000 PA si IP+ Mary-Krause (14), 2003 IDM 34 976 60 21 906 Risque supérieur 1996-1999 88 029 PA 49 sous 39 023 PA SMR=3.6 (1.8-6.2) Database IP 34 mois pour 30 mois IP+ vs <18 mois Friis-Moller (15), 2007 IDM 23 468 347 15 723 RR=1.16 par année 1999-2005 94 469 PA 42 mois de HAART Cohorte N : nombre, Evts : événements, IDM: infarctus du myocarde, PA: personne-année, IP: inhibiteur de protéase, HR : hazard ratio, RR : relative risk, SMR : standardised mortality ratio 12

Figure 1. Hypothèses physiopathologiques de l accélération de l athérosclérose chez le patient infecté par le VIH sous antirétroviraux SRA : système rénine-angiotensine, HVB : virus de l hépatite B, HVC : virus de l hépatite C, LX T : lymphocytes T Traitement antirétroviral VIH lui-même Dyslipdémie ( HDLc, LDLc, VLDL, TG) Insulino-résistance Diminution adiponectine Hyperactivité du SRA Stress oxydant activé Dysfonction endothéliale Toxicité mitochondriale HypoHDLémie Activation du facteur tissulaire Hyperactivité immune (Lx T, chémokines) Hyperactivité inflammatoire (TNF, IL6) Rôle des co-infections? : HVB, HVC Accélération de l athérosclérose Facteurs de risque classiques Vieillissement de la population infectée VIH Tabagisme accru 13