RÉUNION INTERNATIONALE DES NATIONS UNIES SUR LA QUESTION DE PALESTINE

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1 RÉUNION INTERNATIONALE DES NATIONS UNIES SUR LA QUESTION DE PALESTINE Le rôle des jeunes et des femmes dans le règlement pacifique de la question de Palestine Siège de l UNESCO, Paris 30 et 31 mai 2012 VÉRIFIER À L AUDITION SÉANCE PLÉNIÈRE II Autonomisation des femmes et des jeunes : préalable essentiel à bâtir la société palestinienne en faveur d un État palestinien indépendant Exposé de M. Muath Abu Arqoub Militant de la jeunesse et expert des réseaux sociaux Ramallah CPR/IM/2012/07

2 2 Contribution de la jeunesse palestinienne à la création d une société palestinienne ouverte : médias et réseaux sociaux Les jeunes sont le cœur battant de la société et le nerf de la vie. Ils incarnent à la fois une espérance et un danger pour le présent et le futur, compte tenu de la force qu ils représentent et que leur donne le rôle privilégié qu ils jouent dans l édification de la société. Étant à la source du renouveau et du changement, ce sont eux qui brandissent la bannière de l évolution, à la fois dans les comportements et la pensée. Ils sont les premiers à montrer le chemin du changement dans les valeurs, les orientations et les idées grâce à une énergie physique et un mental qui leur donnent, plus que quiconque, la capacité de lutter et de relever les défis, mais aussi à leur ambition de jouer un rôle social et d exprimer résolument leur volonté. En Palestine, les jeunes jouent un rôle d une grande importance compte tenu de la complexité de la situation palestinienne. Ils constituent la majorité de la société palestinienne qui est considérée comme une société jeune. Les jeunes et les étudiants des deux sexes sont donc le moteur du mouvement, qu il s agisse de diriger des activités sur le terrain, d informer, d orienter les masses ou de résister. La jeunesse palestinienne a arraché de longue date son droit à la participation politique et à la libre expression de ses vues. Les associations palestiniennes étaient traversées par tous les courants de pensée et toutes les obédiences politiques. En leur sein foisonnaient les débats intellectuels ouverts, que ce soit à travers les affichages muraux ou les publications écrites, qui étaient de véritables tribunes pour la mobilisation et le débat. Avec l avènement d Internet et la généralisation des forums de discussion, les jeunes ont trouvé une nouvelle tribune pour participer aux débats sur les questions de l heure. Sont ensuite venus les blogues, les réseaux sociaux et les nouveaux instruments d information qui ont largement été ouverts à la jeunesse palestinienne, apportant une nouvelle approche grâce au mélange des identités virtuelles et des identités réelles des utilisateurs et à une dimension nouvelle qui affranchit les participants de la domination des modérateurs des forums anciens et des difficultés que posait leur mise en place. Dans le présent exposé, nous tenterons de voir comment les jeunes Palestiniens ont bénéficié des réseaux sociaux et de déterminer les liens et les influences qui s établissent, ainsi que les opportunités offertes et les défis et perspectives liés à l utilisation des réseaux sociaux. D après de récentes études, Internet, grâce à sa facilité d utilisation et à la multiplicité des choix, des possibilités et des sources qu il offre, constitue la source principale d information de la majorité des jeunes Palestiniens (44 %). Facebook demeure le réseau social le plus utilisé en Palestine. Selon certaines études, on compterait entre et 1 million d utilisateurs de Facebook dans les territoires palestiniens occupés, ce qui correspond au taux le plus élevé dans le monde par rapport à la population totale. Les statistiques de Facebook révèlent que le nombre d utilisateurs palestiniens continue d augmenter rapidement. La majorité des utilisateurs (66 %) passent entre une heure et quatre heures par jour sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux sont utilisés pour des raisons fort diverses. Les plus importantes sont le contact avec des amis, les loisirs, le recueil d informations, les discussions ou le plaidoyer. Il va sans dire que chaque utilisateur trouve dans les réseaux sociaux une réponse à des besoins divers. À l évidence, les évolutions sociales et politiques qui ont marqué les pays arabes ont contribué à l augmentation du nombre d utilisateurs. Cette augmentation s est accompagnée d une évolution dans les utilisations. Ces réseaux, qui n étaient au début que des outils facilitant les liens sociaux et les loisirs, ont réussi à embrasser tous les aspects de la vie courante de nombreux Palestiniens et à modifier les modes d échanges sociaux, les modalités de travail, les interactions quotidiennes, et même à changer les modes de participation populaire, politique et sociale.

3 3 Ce qui nous intéresse le plus dans cet exposé, c est l utilisation des réseaux sociaux comme outil de participation politique et de contribution à l édification d une société palestinienne ouverte, sachant que, dans cet espace, les opinions ne sont ni brimées ni contraintes par les exigences de l écriture, et qu elles s affranchissent des frontières géographiques et politiques. À cet égard, les domaines d interaction et d influence concerneront à notre sens trois dimensions différentes. I. La dimension interne, c est-à-dire dans les territoires palestiniens occupés Les modalités, les objectifs et les méthodes de participation se sont diversifiés. Ils ne concernent pas seulement les individus puisqu ils impliquent les partis politiques, les organisations, les organes d information et les personnalités publiques. On peut examiner la contribution des jeunes à travers quelques exemples: 1. L utilisation des réseaux sociaux comme moyen de diffuser l information : un grand nombre de pages ont été créées sur le réseau Facebook, dont des pages d agences d information relatant le vécu palestinien, qui ne sont pas un prolongement d agences ou de sites d information qui existaient auparavant. Ces agences, dirigées par des jeunes bénévoles, se distinguent par leur présence, leur crédibilité, leur professionnalisme et la fiabilité des informations qu elles présentent, ainsi que par leur réactivité. Elles ont cependant offert une tribune non seulement pour diffuser l information, mais aussi pour la rédiger, la commenter, l analyser, la discuter et la critiquer; 2. À cet égard, il importe de signaler deux expériences spécifiques et qui ont chacune leur importance : La page du réseau Quds News Network (QNN), qui se présente comme le réseau des jeunes Palestiniens et se donne pour slogan : «The Full Picture» (Une image complète). Ce réseau, bien que récent, compte utilisateurs. Il est tellement connu pour la crédibilité de ses informations, son professionnalisme comme en ont témoigné de nombreux professionnels des médias et la rapidité avec laquelle il couvre l actualité, illustrée de photos et de films vidéo, qu il est devenu la première source d information pour le plus grand nombre. Le réseau s appuie sur de nombreux correspondants bénévoles présents dans l ensemble des territoires palestiniens, notamment des jeunes qui, ainsi, participent à la confection de l information; La page de l agence des fausses informations et canulars qui se présente comme «la seule agence d information qui publie de fausses informations et le revendique». Créée il y a seulement trois mois, cette page compte un nombre de plus en plus important de visiteurs et suscite un intérêt considérable. Elle publie des informations diverses liées à la situation en Palestine et aux pratiques de l occupant. Il s agit souvent de critiques véhémentes et caustiques des politiciens palestiniens et, d une façon générale, de la situation en Palestine. À cela s ajoutent les reportages réalisés par des particuliers grâce aux téléphones cellulaires, qui ont permis de révéler de véritables talents dans les domaines de la photographie, de la chanson et de la comédie; 3. L utilisation des réseaux sociaux à des fins de plaidoyer et de mobilisation ou de sensibilisation à une question donnée. C est ainsi qu a été créé un grand nombre de pages qui plaident pour la fin de la division, pour une troisième Intifada, pour le boycottage du nouveau projet de loi fiscal, ou qui favorisent un courant politique, un symbole politique ou une personnalité au détriment d autres. D autres pages condamnent la corruption et appellent à la combattre. Les utilisateurs de ces pages et les groupes qui y adhèrent sont de plus en plus nombreux et alimentent les débats ou appellent, parfois avec succès, à des manifestations ou à l organisation d événements; 4. L utilisation des réseaux sociaux pour organiser des campagnes de pression et de plaidoyer. On citera notamment la grande campagne de solidarité avec les prisonniers palestiniens en grève de la faim, au cours de laquelle un grand nombre d utilisateurs de Facebook ont substitué à leur photo celle, symbolique, d un prisonnier palestinien, créée par un jeune habitant d un village du nord de la Cisjordanie, qui, en l absence de réseaux sociaux, serait autrement passée totalement inaperçue.

4 4 Dans ce contexte, les médias sociaux ont permis à certains jeunes d aborder des questions qu ils n auraient pas envisagé auparavant compte tenu du formidable déferlement d informations qui poussent les participants à adopter une position, à inciter à l action, à alimenter une ambition ou à contester une idée; 5. Les réseaux sociaux ont permis aux jeunes Palestiniens de l intérieur de nouer des liens avec les Palestiniens de l extérieur, que ce soit sur un plan personnel et amical ou à travers des pages ouvertes à tous les Palestiniens, ceux de l intérieur comme ceux de l exil. Certaines pages et certains groupes se sont ainsi spécialisés dans la généalogie des familles et dans leurs lieux de résidence avant la nakba; 6. Malgré les écarts constatés en matière d utilisation des médias sociaux entre les femmes et les hommes et par rapport à la moyenne mondiale, il n en demeure pas moins que ces réseaux ont permis aux Palestiniennes de s exprimer et de débattre de leurs causes, mais aussi de prendre part de plus en plus aux discussions d intérêt général, ce qui a renforcé leur place en tant que partenaires de l homme porteuses de changements politiques et sociaux. Des pages et des groupes «féminins» spécialisés dans les questions politiques et sociales relatives à la femme ont ainsi vu le jour et connu un engouement considérable au point qu ils ont accueilli des personnalités religieuses, politiques et sociales venues débattre de divers sujets. Au vu des évolutions précitées, il apparaît clairement que les réseaux et médias sociaux ont donné naissance à un nouveau modèle de participation politique et proposé aux jeunes des modalités d interaction dans tous les domaines de la vie courante que sécrète l édification sociale, politique et culturelle. Ces réseaux et médias ont considérablement contribué à la diffusion et au renforcement de la culture du dialogue et de l échange de vues malgré l existence de quelques aspects négatifs tels que le sectarisme ou la vulgarité, tout comme ils ont facilité l accès au savoir (comme en témoignent certaines pages consacrées à l explication de la législation et à la promotion des droits des citoyens), à l information et à la couverture des événements en temps réel, permis de découvrir de jeunes talents dans divers domaines et favorisé l autonomisation de la femme. II. La relation avec Israël en tant qu État occupé et que société Les médias et les réseaux sociaux ont joué un rôle important et multiforme à cet égard. C est ainsi que les militants ont utilisé Facebook pour s organiser, lancer des invitations, organiser des événements et protester contre les pratiques de l occupant, au point qu Israël a très sérieusement tenu compte des appels lancés à travers la page consacrée à la troisième Intifada qui avait fixé la date du début de ce soulèvement. On notera que les réseaux sociaux les plus actifs et les plus suivis qui traitent de la relation israélopalestinienne présentent les deux caractéristiques suivantes : 1. Les réseaux sociaux ont donné aux jeunes Palestiniens l occasion de s ouvrir à des personnes, des groupes et des organisations israéliennes de défense des droits de l homme hostiles à l occupation. Ces réseaux ont établi des passerelles pour l échange de vues et le travail en réseau, ce qui a contribué, entre autres, à créer une véritable dynamique sur le terrain puisque, grâce à l image, à la vidéo et aux témoignages sur les exactions commises contre les Palestiniens, les discussions en petits comités et les manifestations d indignation ont pris une autre dimension et se sont traduites par une participation massive aux manifestations pacifiques hebdomadaires organisées contre le mur de séparation avec la présence d Israéliens qui ont répondu aux appels à manifester lancés sur Facebook; 2. En ce qui concerne les activités de certains groupes israélo-palestiniens agissant pour la paix, il ressort de l observation et des témoignages de nombreux acteurs que les réseaux sociaux ont joué un rôle fondamental dans l augmentation du nombre d adhérents à ces groupes et de leurs activités. Un grand nombre d événements ont permis, grâce à des appels et invitations lancés sur Facebook, de réunir des Palestiniens et des Israéliens pour débattre du conflit et des moyens de le régler et faire part de témoignages personnels. C est ainsi que des groupes de discussion ont été créés à cette occasion sur Facebook, dont certains ont accueilli participants. On citera à cet égard la page peace.facebook.com qui rend compte jour après jour des liens, relations et amitiés qui se nouent dans divers lieux en Palestine et en Israël.

5 5 III. La dimension extérieure, c est-à-dire l environnement régional et international Sur le plan régional, les réseaux sociaux ont permis de développer les liens entre les jeunes de Palestine et ceux du monde arabe et de renforcer leur sentiment d appartenance à la nation arabe. Tous ces jeunes ont ainsi procédé à des échanges et des analyses approfondis sur les révolutions arabes. Les jeunes Palestiniens ont tiré profit de l expérience des jeunes d autres pays arabes et ont même emprunté à ceux-ci leur vocabulaire et leurs slogans, notamment «Le peuple veut [ ]» ou les «baltaguis [ ]» (nervis du régime en Égypte). Sur le plan international, les réseaux sociaux ont permis aux jeunes de Palestine d établir des liens et des réseaux avec les jeunes du monde entier. Ils ont ainsi pu expliquer leur cause et leurs aspirations à la liberté, par l image, le verbe et la vidéo, organiser des campagnes et des manifestations et diffuser dans les réseaux sociaux des pétitions en faveur de la cause palestinienne. De même, grâce aux réseaux sociaux, des campagnes de solidarité ont été organisées sur le terrain avec la participation de volontaires étrangers, dont notamment les campagnes intitulées «Les passagers de la liberté», «Bienvenue en Palestine», «Ouvrez la rue des martyrs» ou «Écris quelques mots sur le mur de séparation». Ces liens de communication ont aussi contribué à documenter les violations des droits de l homme dans les territoires occupés et, ainsi, à les mettre en lumière, mais aussi à montrer combien les jeunes Palestiniens connaissaient le droit international. Ce qui ressort le plus clairement des événements qui se sont produits dans les trois dimensions que nous avons analysées, c est la contribution et l importance des réseaux sociaux dans la vie des jeunes Palestiniens. De nombreux défis restent cependant à relever. C est l objet du prochain chapitre. Défis posés aux réseaux sociaux Face au formidable développement des réseaux sociaux, un grand nombre de défis et de dangers apparaissent, dont notamment les suivants : Les flux, à la fois extraordinaires et rapides, de données et d informations posent la question de la crédibilité et de la pertinence des informations échangées. Il est extrêmement difficile de filtrer ces informations et de s assurer de leur véracité et de leur pertinence. En outre, la rapidité des échanges et l anonymat qu offrent les réseaux sociaux peuvent favoriser la diffusion de fausses informations. À cet égard, il existe cependant une opinion contraire selon laquelle la densité des participants et des acteurs présents facilite la vérification des informations et, le cas échéant, la diffusion de mises au point; Les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle inverse en contribuant à limiter la participation effective sur le terrain, les utilisateurs se contentant d acquiescer, de promettre d être présents ou d assurer une présence symbolique; Les activistes ne sont pas seuls à recourir aux réseaux sociaux à des fins politiques et sociales. Même les sociétés qui gèrent ces réseaux sont confrontées à des problèmes face à ce type d utilisation car elles doivent maintenir la neutralité des sites sans enfreindre le droit à la liberté d expression des utilisateurs. À titre d exemple, on rappellera que le Gouvernement israélien a fait pression pour bloquer la page appelant à une troisième Intifada palestinienne malgré l existence de supporteurs; L accès aux réseaux sociaux est facile et très peu onéreux. Que se passera-t-il si les propriétaires de ces réseaux décidaient de les fermer? Que se passera-t-il si certaines prestations devenaient payantes, sachant notamment que Facebook est entré en bourse et vise à garantir des profits à ses actionnaires? Tous ces défis, ainsi que d autres, dont les possibilités de piratage des comptes ouverts sur les réseaux sociaux ou les fausses campagnes que des politiciens pourraient mener en engageant des professionnels ou des agences de publicité et d information pour faire connaître une idée ou un événement quelconque ou même les possibilités d usurpation d identité, sont autant de sujets à examiner et à approfondir pour voir comment y faire face. En plus d être un cadre d expression, les réseaux sociaux ont constitué un forum important pour la formation politique des jeunes et un espace d ouverture sur des pensées et des pratiques différentes. Ils ont contribué au relèvement du niveau de participation politique et d échanges, et à la diffusion et au

6 6 renforcement de la culture du dialogue. Tout porte à croire qu à l avenir, ces réseaux auront un rôle encore plus grand en matière de promotion de la responsabilité, de la transparence et du contrôle de l action gouvernementale, mais aussi d accès au savoir et de respect des droits de l homme. Les réseaux sociaux pourraient aussi constituer un outil important de promotion de la femme, de renforcement de sa participation à la vie sociale, y compris l action politique, et de promotion du changement social. De même, les réseaux et les médias sociaux seront probablement appelés à contribuer davantage à l égalité des sexes. Le constat n est cependant pas toujours entièrement positif, compte tenu des défis et dangers liés à l utilisation de ces réseaux. Les flux continus et illimités de données, que rien ne semble pouvoir contrôler, maîtriser ou organiser, constituent un domaine d étude important sur la nature de ces réseaux, leur impact, leurs conséquences, leurs perspectives et les dangers qu ils peuvent constituer pour les jeunes Palestiniens dans leur quête de justice et de liberté. * * *