L ombre des géants. Madagascar. L emblématique allée de baobabs de Morondava, sur la côte occidentale.

Transcription

1 L ombre des géants Au nord de Morondava, sur la côte occidentale de Madagascar, «l allée des baobabs» attire tous les regards. Cette piste de sable, qui part plein nord en direction de Belo-sur- Tsibihina, est bordée d Adansonia grandidieri, une des six espèces de baobabs présentes dans le pays. L Adansonia est la plus majestueuse de toutes, par ses dimensions et la forme élancée de son tronc. Au couchant, cette futaie géante, carapacée de gris, se couvre d or : une ambiance magique s installe en ces lieux pendant quelques dizaines de minutes, avant que le soleil ne termine son plongeon quotidien dans le canal du Mozambique. Du baobab, les Malgaches tiraient autrefois de l huile, en pressant ses graines. De son écorce, ils faisaient aussi d imputrescibles pans de toitures. Aujourd hui, les grands arbres ont une autre fonction. Ils sont devenus un des principaux emblèmes touristiques de la Grande Île, et une des richesses du patrimoine naturel de la côte Ouest. Madagascar. L emblématique allée de baobabs de Morondava, sur la côte occidentale

2 Pêcheurs devant l éternel L île Rodrigues possède un lagon deux fois plus vaste que sa partie terrestre. Ce don de la Nature a fait des Rodriguais des inconditionnels de la pêche, qui depuis toujours remplit les marmites insulaires. La pêche à la senne fut longtemps l activité la plus spectaculaire du grand lagon. Quand vient la fin de l été austral, les propriétaires de canots s organisent en pêcheries. Les longs filets sont déployés dans l eau peu profonde, d une embarcation à l autre. Puis les rabatteurs entrent en action, repoussant les poissons vers le piège de la senne qui se referme. Mais la tradition est en sursis. La pêche dépeuple le lagon, les espèces ont du mal à se renouveler. Une autre activité traditionnelle y contribue : celle des piqueuses d ourites. Domaine quasi exclusif des femmes, elle se pratique à pied, à marée basse et consiste à harponner les poulpes réfugiés dans leur trou. Le corail en souffre, les ourites se font rares. Les Rodriguais sont condamnés à pêcher plus au large pour continuer à se nourrir de la mer. Ile Rodrigues. L île Hermitage et le lagon de Port Sud-Est

3 Le lac du volcan Dziani Dzaha, «le lac du volcan», s étend au fond d un cratère, au nord de Petite-Terre, à Mayotte. Sa surface se ride à peine sous la caresse de l alizé. La couleur verte de l eau sulfureuse varie de l émeraude au céladon au gré des lumières solaires. Près des rives, de curieuses concrétions émergent, au milieu d une eau chargée de minéraux. Le plan d eau est le domaine exclusif des insectes, qui s ébattent en nuées. On y trouve aussi des restes de corail, témoins des épousailles anciennes et mystérieuses entre le volcan et le lagon. Mais, contrairement aux croyances locales, le lac ne communique pas avec la mer et ce ne sont pas les marées qui font varier son niveau, seulement les pluies. Les abords du Dziani Dzaha sont plantés de cocotiers et de manguiers, de bananiers, de manioc, de vanille. Les champs sont désormais cernés par le Conservatoire du littoral, qui a acquis les terres escarpées de la côte orientale de l île. La façade la plus naturelle de Petite-Terre restera intacte. Mayotte. Le cratère Dziani Dzaha, en Petite-Terre

4 Charmes mauriciens Le charme de l île Maurice opère à tout coup sur ses visiteurs et la délicieuse musique du créole insulaire n y est pas étrangère. Fortement teinté de français, piqueté de tournures anglaises, pimenté de mots indiens ou malgaches, il est bien sûr unique et son accent inimitable. La persistance tenace des deux influences coloniales est également une source permanente d étonnement pour les touristes venus des deux côtés de la Manche. Chaque article de presse jongle naturellement avec le français et l anglais. Officiellement, on conduit à gauche, mais pour ne froisser et n écraser personne, l automobiliste mauricien roule plutôt au milieu. Devant sa télévision, on supporte aussi bien Liverpool que l Olympique de Marseille. Avantage à l Angleterre, sur l hippodrome du Champ-de-Mars, à Port Louis, où les bookmakers fleurent davantage Ascot que Longchamp. Mais écrasante victoire française dans le paysage, où les noms de lieux évoquent parfois la mère-patrie des premiers colons, de Souillac à Ferney. Ile Maurice. Canne à sucre en fleurs à La Nicollière

5 L île aux oiseaux Posée sur le lagon, quelques encablures à l ouest de Rodrigues, l île aux Cocos est un sanctuaire pour les oiseaux marins. Ils s y ébattent par milliers, sous les filaos et les cocotiers. Rodrigues, dont les paysages et la vie sauvage ont tant été bouleversés par l Homme, a au moins su préserver ce patrimoine ailé. «Les oiseaux sont les seuls survivants de ce temps extraordinaire et cruel, quand le ciel et la terre n appartenaient à personne, quand les îles étaient libres et dangereuses comme les navires des pilleurs» (JMG Le Clézio, Voyage à Rodrigues). Sternes fuligineuses et sternes blanches, fous de Bassan et frégates se partagent ce minuscule royaume long d un kilomètre et demi, large de deux cent cinquante mètres. L accès à l île aux Cocos est précisément réglementé et seule une partie de cette langue de sable est ouverte à la visite. On s y rend en pirogue, puis en marchant dans l eau translucide du lagon. Les oiseaux jouissent de la même tranquillité sur sa voisine, l île aux Sables. Ile Rodrigues. L île aux Cocos et son lagon

6 Equilibre fragile En deux décennies, l activité touristique de Praslin a supplanté celle de Mahé. La deuxième île des Seychelles n était qu une destination annexe, dans les années 1970, quand les grands hôtels fleurissaient sur les plages de l île principale. Aujourd hui, Praslin est la destination privilégiée des visiteurs de l archipel. Les hôtels se sont multipliés, formant même une série continue de part et d autre du village d Anse-Volbert, sur la plage de Côte d Or. D une anse à l autre, les projets se multiplient, les investisseurs n attendent plus qu un feu vert officiel pour créer de nouveaux établissements, évidemment haut de gamme. Certains s en inquiètent. Longue de onze kilomètres, large de quatre, Praslin n est pas extensible, même si les engins de terrassement ont gagné quelques hectares sur la baie Sainte-Anne, il y a quelques années. Il en faudait davantage pour que Praslin perde de ses charmes. Mais peut-être pas beaucoup plus pour que le subtil équilibre entre la nature et son exploitation touristique soit perdu. Seychelles. Littoral sud de Praslin avec l île de Mahé dans le lointain

7 Le morne de la mémoire Posté au sud-ouest de l île Maurice, sur une péninsule avançant dans le lagon, le Morne Brabant est inscrit au patrimoine mondial de l Unesco depuis Le site abrite une des variétés les plus rares du Trochetia, la fleur emblématique de l île. Mais les Mauriciens regardent avec respect la montagne de 556 mètres pour une autre raison : elle symbolise la résistance à l esclavage. Pendant longtemps, ce sommet difficilement accessible fut un refuge pour les esclaves marrons, fuyant les chaînes. Ils y chassaient, y cultivaient les pentes les moins raides. Cette partie de l île était encore peu peuplée au XVIII e siècle et le Morne constituait une tour de guet idéale pour repérer l approche des «chasseurs de Noirs». La légende insulaire raconte qu en 1835, après l abolition de l esclavage, un détachement de police entreprit l ascension de la montagne pour informer les marrons de la nouvelle providentielle. Se croyant perdus, ces derniers se jetèrent dans le vide. Leur mémoire est célébrée chaque 1 er février, journée de commémoration de l abolition. Ile Maurice. Le morne Brabant et son lagon vus du ciel

8 Loin des tropiques La mer bleue est bien là, entre les échancrures du relief, pour peu que l on se hausse du cou et que l on ajuste son regard plein Sud. Le lagon de Saint-Pierre qui se devine, tout en bas, est le seul détail qui trahit la localisation de la plaine des Cafres sous le tropique du Capricorne. Tout le reste, dans le tableau, brouille les pistes. Les ajoncs sont dignes d une lande bretonne, les sonnailles des vaches grasses semblent monter vers le le ciel d un alpage ou d une vallée pyrénéenne. Engoncé dans sa doudoune, un berger conduit un troupeau de moutons. L air piquant de l hiver rosit les peaux et embue les haleines. Des cheminées se dressent sur le toit des cases, des couinements montent d une ferme : on tue le cochon. La plaine des Cafres sent bon la campagne, la ruralité universelle. Quand les gens parlent, la tête dans les étoiles mais les pieds sur terre, le créole des Hauts raconte des vies de peu, des histoires de coureurs des bois et de vaches maigres. Comme dans toutes les campagnes du monde. La Réunion. La plaine des Cafres et, au loin, le Grand Bénare et le piton des Neiges