TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE N RÉPUBLIQUE FRANÇAISE SOCIETE DEUTSCHE BANK AG AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS. M. Gouriou Rapporteur
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1 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE N SOCIETE DEUTSCHE BANK AG M. Gouriou Rapporteur M. Perrin Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Lille, (1 ère et 2 ème chambres réunies en application de l article R du code de justice administrative) Audience du 14 avril 2015 Lecture du 28 avril C + Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2013 en télécopie et le 10 mai 2013 en original, présentée pour la société Deutsche Bank AG, dont le siège est Taunusanlage 12 à Francfort (60325), Allemagne, représentée par ses représentant légaux, par Me Benouville, avocat ; la société Deutsche Bank AG demande au Tribunal : 1 ) d annuler la décision en date du 17 décembre 2012 par laquelle le préfet du Pas-de- Calais a refusé de mettre en œuvre une procédure de mandatement d office à l encontre de l Office public de l habitat «Pas-de-Calais Habitat», ensemble la décision en date du 6 mars 2013 rejetant son recours gracieux ; 2 ) d enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de mettre en œuvre une procédure de mandatement d office à l encontre de l Office public de l habitat «Pas-de-Calais Habitat» pour le paiement d une somme de ,12 euros au titre de l ordonnance rendue par le président du Tribunal de commerce de Paris le 6 janvier 2012 et d une somme de ,01 euros au titre de l ordonnance rendue par ce même Tribunal le 17 octobre 2012 ; 3 ) à titre subsidiaire, d enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer la demande de mise en œuvre d une procédure de mandatement d office à l encontre de l office public de l habitat «Pas-de-Calais Habitat» dans un délai d un mois ; 4 ) de mettre à la charge de l Etat une somme de euros au titre de l article L du code de justice administrative ; La société Deutsche Bank AG soutient que :
2 N les offices publics de l habitat, définis à l article L er alinéa du code de la construction et de l habitation, ne sont pas exclus du champ d application de la loi du 16 juillet 1980 ; - la loi du 16 juillet 1980 s applique à tous les établissements publics ; - les voies d exécution de droit privé ne peuvent pas être utilisées contre un établissement public ; - l insaisissabilité des biens d un établissement public a été rappelée par le code général de la propriété des personnes publiques ; - l application de la loi du 16 juillet 1980 aux établissements publics locaux ne découle pas de l article L du code général des collectivités territoriales ; - les dispositions de l article 561 du code de procédure civile ne remettent pas en cause la possibilité d un mandatement d office d une provision fixée par le juge des référés même en cas d appel formé contre l ordonnance de référé ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2013, présenté par le préfet du Pas-de- Calais qui conclut au rejet de la requête ; Le préfet du Pas-de-Calais soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ; Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2013 en télécopie et le 28 novembre 2013 en original, présenté pour l'office public de l'habitat Pas-de-Calais Habitat, dont le siège est 68 boulevard Faidherbe à Arras (62022) BP 20926, représenté par son directeur général, par Me Glaser et Me Perrotet, avocats ; l'office public de l'habitat (OPH) Pas-de-Calais Habitat conclut au rejet de la requête ; Il soutient que : - les dispositions du code de la construction et de l'habitation ont, en écartant l'application de l'article L du code général des collectivités territoriales aux offices publics de l'habitat non dotés d'un comptable public, nécessairement écarté l'application des dispositions générales de la loi du 16 juillet 1980 ; - les offices publics de l'habitat non dotés d'un comptable public ne relèvent pas du champ d'application de la loi du 16 juillet 1980 ; - faire droit à la requête compromettrait gravement l'intérêt général ; Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2014 en télécopie et le 20 janvier 2014 en original, présenté pour la société Deutsche Bank AG qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que : - la situation financière de l'office lui permet de payer ses dettes ; - l'atteinte à l'intérêt général est sans incidence au cas d'espèce ; Vu le mémoire, enregistré le 22 septembre 2014 en télécopie et le 24 septembre 2014 en original, présenté pour la société Deutsche Bank AG qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 25 septembre 2012 ; Vu l ordonnance du 11 décembre 2014 par laquelle le président de la 1 ère chambre du Tribunal administratif de Lille a décidé de ne pas renvoyer au Conseil d Etat la question prioritaire de constitutionalité soulevée par l OPH «Pas-de-Calais Habitat» ;
3 N Vu le mémoire, enregistré le 3 février 2015 en télécopie et le 4 février 2015 en original, présenté pour l'office public de l'habitat «Pas-de-Calais Habitat» qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que : - le 6 janvier 2015 la haute juridiction judiciaire a cassé l arrêt de la Cour d appel de Paris du 28 mai 2013 ; - le raisonnement tenu par la Cour d appel de Paris le 25 septembre 2012 et le 28 mai 2013 étant le même, l arrêt de la Cour de cassation fragilise la décision de 2012 ; Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2015 en télécopie et le 5 mars 2015 en original, présenté pour la société Deutsche Bank AG qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; la société Deutsche Bank AG soutient, en outre, que la cassation de l arrêt de la cour d appel de Paris n affecte pas le jugement de première instance ; Vu les décisions attaquées ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code de la construction et de l habitation ; Vu le code de procédure civile ; Vu la loi n du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l exécution des jugements par les personnes morales de droit public ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2015 : - le rapport de M. Gouriou, premier conseiller, - les conclusions de M. Perrin, rapporteur public, - les observations de Me Lordonnois, avocat de la société Deutsche Bank AG et de Me Glaser, avocat de l office public de l habitat (OPH) «Pas-de-Calais Habitat» ; 1. Considérant que le 15 juin 2010, l office public de l habitat (OPH) «Pas-de-Calais Habitat», établissement public local industriel et commercial, a conclu un protocole d accord avec la société Deutsche Bank AG prévoyant notamment, jusqu en 2015, le règlement par périodicité trimestrielle, des sommes dues par l office au titre de prêts que la société Deutsche Bank AG lui avait consentis ; que les sommes exigibles pour novembre et décembre 2011, d un montant de euros et les sommes exigibles pour la période de février à septembre 2012, d un montant de ,01 euros n ont pas été réglées par l OPH «Pas-de-Calais Habitat» ; que le 6 janvier 2012, le président du Tribunal de commerce de Paris a condamné l OPH «Pasde-Calais Habitat» à verser à la société Deutsche Bank AG une provision de euros ; que cette ordonnance a été confirmée par la Cour d appel de Paris le 25 septembre 2012 ; que le 17 octobre 2012, le président du Tribunal de commerce de Paris a condamné l OPH «Pas-de-
4 N Calais Habitat» à verser une provision de ,01 euros à la société Deutsche Bank AG ; que cette dernière ordonnance a été confirmée par la Cour d appel de Paris ; que cet arrêt a depuis été annulé par la Cour de cassation ; que les ordonnances du président du Tribunal de commerce de Paris n ont toutefois pas été exécutées ; que par un courrier en date du 23 novembre 2012, la société Deutsche Bank AG a demandé au préfet du Pas-de-Calais de procéder soit au mandatement d office des sommes dues, en application des dispositions du II de l article 1 er de la loi du 16 juillet 1980, soit à une mise en demeure de l office de dégager les ressources nécessaires pour honorer sa dette ; que le 17 décembre 2012, le préfet du Pas-de-Calais a répondu qu il était dans l impossibilité légale de donner une suite favorable à la demande de mandatement d office, en application des dispositions de l article L du code de la construction et de l habitation ; que le 6 mars 2013, le préfet du Pas-de-Calais, saisi d un recours gracieux par la société Deutsche Bank AG, a confirmé sa décision de rejet, au motif, supplémentaire que l ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce du 17 octobre 2012 avait fait l objet d un appel ; que, par sa requête, la société Deutsche Bank AG demande l annulation des décisions du préfet du Pas-de-Calais en date des 17 décembre 2012 et du 6 mars 2013 ; Sur les conclusions à fin d annulation : 2. Considérant qu aux termes du II de l article 1 er de la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public : «- Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. / En cas d'insuffisance de crédits, le représentant de l'etat dans le département ou l'autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l'établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement n'a pas dégagé ou créé ces ressources, le représentant de l'etat dans le département ou l'autorité de tutelle y pourvoit et procède, s'il y a lieu, au mandatement d'office.» ; qu aux termes de l article 1-1 de la même loi : «Les dispositions de l'article 1 er sont applicables aux décisions du juge des référés accordant une provision.» ; qu aux termes de l article L du code de la construction et de l habitation : «Les dispositions financières, budgétaires et comptables prévues par le code général des collectivités territoriales sont applicables aux offices publics de l'habitat soumis, en matière de gestion financière et comptable, aux règles applicables aux entreprises de commerce, dans les conditions suivantes : / 1 Les dispositions des articles ( ) L à L , L à L ( ) du code général des collectivités territoriales ne sont pas applicables ; / ( )» ; qu aux termes de l article L du code général des collectivités territoriales : «Les dispositions des articles L et L ne sont pas applicables à l'inscription et au mandatement des dépenses obligatoires résultant, pour les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, d'une décision juridictionnelle passée en la force de la chose jugée. Ces opérations demeurent régies par l'article 1 er de la loi n du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public et les articles L , L , L à L du code de justice administrative.» ;
5 N Considérant, d une part, qu il résulte des dispositions précitées de la loi du 16 juillet 1980 que le législateur a entendu donner au représentant de l Etat dans le département ou à l autorité de tutelle, en cas de carence d une collectivité territoriale ou d un établissement public à assurer l exécution des décisions juridictionnelles, y compris celles du juge des référés accordant une provision, passées en force de chose jugée et après mise en demeure à cet effet, le pouvoir de se substituer aux organes de cette personne publique afin de procéder au mandatement de la somme fixée par la décision de justice ou de dégager ou de créer les ressources permettant la pleine exécution de cette décision ; que si les dispositions de l article L du code de la construction et de l habitation excluent l application des dispositions de l article L du code général des collectivités territoriales aux offices publics de l'habitat soumis, en matière de gestion financière et comptable, aux règles applicables aux entreprises de commerce, catégorie dont relève l OPH «Pas-de-Calais Habitat», elles ne sauraient exclure l application des dispositions précitées de la loi du 16 juillet 1980 à ces établissements ; qu en effet, les dispositions de l article L du code général des collectivités territoriales se bornent à rappeler que les opérations d inscription au budget et de mandatement d office des dépenses obligatoires des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics résultant d une décision de justice passée en la force de chose jugée «demeurent régies» par la loi du 16 juillet 1980 ; que, dès lors, le préfet ne pouvait légalement refuser de faire droit à la demande de la société Deutsche Bank AG au motif que les dispositions de la loi du 16 juillet 1980 n étaient pas applicables aux offices publics de l habitat ; 4. Considérant, d autre part, qu en vertu des dispositions de l article 500 du code de procédure civile, «a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution» ; que devant les tribunaux judiciaires, l appel est suspensif d exécution mais non le pourvoi en cassation ; que dans ces conditions, les ordonnances du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris sont passées en force de chose jugée lorsqu elles n ont pas été frappées d appel ou lorsqu elles ont été confirmées en appel ; qu il ressort des pièces du dossier, qu à la date des décisions attaquées, si les ordonnances en date du 6 janvier 2012 et du 17 octobre 2012 avaient fait l objet d un appel, seule l ordonnance du 6 janvier 2012 avait été confirmée par une décision de la Cour d appel de Paris en date du 25 septembre 2012 ; que l ordonnance en date du 17 octobre 2012 fixant la provision de ,01 euros n a été confirmée par la Cour d appel de Paris que le 28 mai 2013 ; qu ainsi, seule l ordonnance du 6 janvier 2012 était passée en force de chose jugée et était par suite susceptible de faire l objet d un mandatement d office ; 5. Considérant qu il résulte de ce qui précède que l ordonnance du 6 janvier 2012 étant la seule décision juridictionnelle passée en force de chose jugée à la date des décisions attaquées, ces dernières doivent être annulées en tant que le préfet du Pas-de-Calais a refusé de faire droit à la demande de mandatement d office concernant la provision de euros fixée par cette ordonnance ; que le surplus des conclusions à fin d annulation doit en revanche être rejeté ; Sur les conclusions à fin d injonction : 6. Considérant qu aux termes de l article L du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d un service public prenne une mesure d exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d un délai d exécution.» ;
6 N Considérant que l annulation des décisions attaquées, en tant que le préfet du Pas-de- Calais a rejeté la demande de mise en œuvre de la procédure de mandatement d office en vue du versement de la somme de euros à la société Deutsche Bank AG, implique nécessairement, en application des dispositions précitées des articles 1 er et 1-1 de la loi du 16 juillet 1980, que le préfet du Pas-de-Calais mette en œuvre cette procédure, dès lors que celuici n a fait état, dans ses écritures, d aucune circonstance de fait rendant impossible ce mandatement d office ; que, par suite, il y a lieu d enjoindre au préfet du Pas-de-Calais, dans un délai d un mois à compter de la notification du présent jugement, de procéder à ce mandatement d office ; Sur les conclusions tendant à l application des dispositions de l article L du code de justice administrative : 8. Considérant qu il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l Etat la somme de euros au titre des frais exposés par la société Deutsche Bank AG et non compris dans les dépens ; D E C I D E : Article 1 er : Les décisions du 17 décembre 2012 et 6 mars 2013 sont annulées, en tant que le préfet du Pas-de-Calais a refusé de mettre en œuvre la procédure de mandatement d office en vue du versement de la somme de (six millions trois cent trente huit mille soixante) euros à la société Deutsche Bank AG. Article 2 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais, dans un délai d un mois à compter de la notification du présent jugement, de procéder à ce mandatement d office. Article 3 : L Etat versera à la société Deutsche Bank AG une somme de (deux mille cinq cents) euros sur le fondement de l article L du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Deutsche Bank AG est rejeté.
7 N Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Deutsche Bank AG, au préfet du Pas-de-Calais et à l'office public de l'habitat «Pas-de-Calais Habitat». Délibéré dans la même composition après l'audience du 14 avril 2015, à laquelle siégeaient : Mme Adda, présidente du tribunal, M. Lepers, vice-président, M. Degommier, vice-président, M. Gouriou, premier conseiller, M. Krawczyk, premier conseiller, M. Larue, premier conseiller, M. Martin, conseiller. Lu en audience publique le 28 avril Le rapporteur, La présidente, signé signé P. GOURIOU Le greffier, J. ADDA signé M. BEDNARZ
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