LA GUERRE EST OFFICIELLEMENT DÉCLARÉE LE 3 AOÛT 1914

Transcription

1 Le samedi 1er août 1914 tous les clochers de France sonnent le tocsin pour annoncer la mobilisation générale. Les cloches d Onnion abasourdissent la population. Au cœur des fenaisons, cette guerre qui s annonce leur semble bien loin de leurs préoccupations. Pourtant, tout le monde en parlait. Au jour le jour, les journaux affichaient en première page l évolution de ce conflit. On se disait que tout irait bien en allant chercher le pain. On en causait, parfois bruyamment, en buvant un petit verre dans un des cafés. Cela semblait loin et pourtant le tocsin ramène tout le monde à une triste réalité. Comme dans toutes les régions de France, les savoyards se préparent à partir. Tous les hommes âgés de 20 à 45 ans sont incorporés, les plus jeunes dans l'armée active, les plus âgés dans les régiments territoriaux ou leurs réserves. L ordre de mobilisation générale tombe le 2 août 1914 Ceux qui sont installés à Paris ou ailleurs rejoignent leurs régiments, basés à Annecy, Chambéry ou encore Grenoble. Ceux restés à Onnion, partent sans finir les récoltes, avec l'espoir de revenir rapidement. Bien des femmes restent seules, à faire tourner la ferme avec la charge des vieillards, des enfants en bas âge et ces derniers ne manquent pas. Le village est, essentiellement, constitué de familles d agriculteurs aux revenus très modestes, composées de filles pour la plupart et le départ d un fils au régiment provoque des pertes substantielles de revenus. Beaucoup de ces familles demandent au conseil de révision l ajournement du service militaire pour «soutien de famille». Peu de demandes sont retenues, les parents sollicitent, alors, un soutien financier de l armée, il est de l ordre de 0,75 centimes par jour A cette époque, le prix d un kg de pain est de 0,40 ct, le litre de lait est à 0,27 ct, le litre de vin est à 0,45 ct, le kg de bœuf à 3,80 francs, un timbre est à 0,10 ct, le kilomètre de train en 3ème classe est de 0,05 ct Alors le départ en masse des hommes est un déchirement pour tous mais c est aussi un véritable souci financier. Malgré l exhortation du gouvernement, faire face est difficile. Pendant une dizaine de jours, environ 200 hommes du village abandonnent tout pour rejoindre leurs corps d armée. Toutes les familles voient un des leurs sur le départ. L église perd son vicaire, l abbé Seigneur, qui part au front, l instituteur et secrétaire de mairie, Mr Bordet regardent s en aller ses deux fils. LA GUERRE EST OFFICIELLEMENT DÉCLARÉE LE 3 AOÛT 1914

2 Le message du président du de la république exaltera les hommes mais réconfortera-t-il les femmes? Très vite la France a besoin d argent pour acheter les fournitures de guerre et des denrées pour nourrir toutes les troupes. Commence alors une campagne de propagande, qui durera tout le conflit. Collection Malvasio Collection Malvasio

3 Chacun doit se rendre dans son casernement et retrouver son régiment. La Haute-Savoie fait partie du 14ème corps d armée constituée de la 56ème brigade d infanterie qui comprend : Le 30ème régiment d infanterie (RI) regroupement d Annecy Le groupe du 11ème chasseur alpin Et un escadron de 70 hommes du 9ème régiment de hussard Le jour du départ, le 6 août, le régiment est composé de 58 officiers, de 3210 hommes et de 188 chevaux. En 1914, Jacques Isidore JACQUARD, Marius CAVET, Jules JULLIARD, Joseph Alphonse MONGE, François LAYAT, François CHUARD ne reviendront pas du 30ème RI. Julien MAGNIN ne rentrera pas du 36ème régiment d infanterie coloniale. Né le 2 avril 1890 Matricule militaire au recrutement d Annecy : 1865 Incorporé au 30ème RI Il est décédé le 5 septembre 1914 à l hôpital temporaire de VESOUL en Haute-Saône. Il est le premier soldat dont la mort est annoncée au village. Cet avis de décès provoqua la consternation dans toutes les familles. Il participe aux combats de Sauley et c est probablement là qu il est blessé. Au cours de son retour vers Annecy, son état s aggrave. En plus de ses blessures, il doit être opéré de l appendicite. Après son décès une infirmière écrit à sa famille : «A Vesoul voyant qu il ne pourrait supporter le voyage, il nous fut amené. Il était d une faiblesse extrême. Sans s occuper de ses camarades, il récitait publiquement le chapelet il ne voulait pas que je vous écrive craignant de vous tourmenter. Devant subir l opération de l appendicite il demanda lui-même les sacrements qui lui furent apporté par M le curé de Vesoul. Depuis son opération, après un semblant d amélioration, il alla en s affaiblissant» Il reçut le 5 mars 1920, la médaille militaire et cette citation : «bon et brave soldat, mort pour la France des suites de ses blessures reçues au Champ d Honneur en faisant courageusement son devoir.

4 Né le 21 octobre 1889 Matricule militaire au recrutement d Annecy : 53 Il est déclaré décédé à la date du 20 août 1914 à ROTHAU en Alsace Au moment de la mobilisation, il travaille à Paris et il doit rejoindre son dépôt du 30ème régiment à Chambéry. Le 3 août 1914, «Mes chers parents, Je voudrais bien vous revoir vous reverraisje? Je l espère si je ne reviens pas, priez pour moi» A la fin de la guerre, la famille reçue une lettre écrite par une infirmière. «Le 21 août 1914, après une forte bataille dans nos environs, votre fils nous a été porté à l ambulance par deux infirmiers français. Il était blessé au côté droit. Lorsqu il nous est arrivé il ne pouvait déjà presque plus causer. Avec peine j ai pu obtenir votre adresse et celle de sa fiancée.il n a plus beaucoup souffert.il est enterré dans une tombe avec 18 français, à Rothau non loin de notre demeure.» (Collection Laigre) Extrait du «Journal de Marche des Opérations» du ministère de la Défense du 20 août 1914

5 Né le 14 juillet 1880 Matricule militaire au recrutement d Annecy : 2109 Incorporé au 30ème régiment d infanterie Il est déclaré décédé à la date du30 août 1914 à SAULEY dans les Vosges Au moment de la mobilisation, il travaille comme employé de banque à Paris. Il a 34 ans et il est incorporé au 230ème régiment d infanterie territoriale, comme réserviste. Il se porte volontaire pour rallier le 30ème régiment d infanterie, sa demande acceptée il rejoint le corps d armée le 23 août. A partir de cette date plus personne ne reçoit de nouvelles il leur faut attendre une année entière pour qu un soldat du 30ème passant par Annecy ne livre des informations à sa sœur. Ce soldat venait pensant avoir des nouvelles de son camarade blessé La famille dut attendre l année 1920 pour que Jules Julliard soit déclaré mort le 30 août Il reçut en date du 14 septembre 1922, la médaille militaire avec cette citation : «Brave soldat tombé glorieusement pour la France» Extrait du «Journal de Marche des Opérations» du ministère de la Défense du 30 août 1914 «Le 30 août 1914, exactement 7 jours après notre départ d Annecy, nous fûmes logés dans une ferme. Cet endroit ayant été repéré, les allemands bombardèrent cette ferme. Votre frère très dévoué aida les habitants à sortir leur bétail car la maison prenait feu. Nous voyant pris par les allemands nous nous sauvâmes. Votre frère fut blessé à ce moment-là, il tomba dans un champ de betteraves. Je lui offris mon aide, mais ne pouvant aller plus loin, il me dit de me sauver. Je l abandonnai ici...»

6 Né le 30 octobre 1883 Matricule militaire au recrutement d Annecy : 4511 Incorporé au 30ème régiment d infanterie Il est déclaré décédé à la date du 5 septembre 1914 au MONT KEMBERG dans les Vosges Il est à Paris, employé aux chemins de fer quand il doit rejoindre Annecy et le 230ème régiment d infanterie territoriale où il est réserviste. A la mi-août, il écrit à sa mère : «je suis encore à Annecy, mais il y en a déjà beaucoup qui sont partis, j ai été versé dans une compagnie de dépôt, on fait toutes sortes de corvée autour de la ville Je suis parti de Paris le 2ème jour à 10 heures du matin pour Annecy et Isidore à 10 heures du soir pour Valence, dans la cavalerie. Je n ai pas revu Maurice faites-moi réponse au plus tôt et dites-moi ce que sont devenus mes frères, si vous pouvez me le dire Pour moi, je suis tous les jours à la gare à embarquer et à dévagonner. On voit défiler tant de troupiers qui crient : Adieu! Adieu! Avec les larmes aux yeux, c est bien triste. Adieu, ma petite mère.» Joseph est incorporé au 30ème en même temps que Jules Julliard et part au front le 23 août 1914 quelques mois plus tard sa mère reçu une feuille du dépôt d Annecy lui annonçant que son fils étant porté disparu et présumé prisonnier il fallut attendre le mois de mai 192, pour que le maire reçoive un avis : «Nous vous prions de bien vouloir porter à la connaissance de la famille Monge, domicilié à Onnion que le corps de Monge Joseph Alphonse, soldat du 30ème régiment d infanterie, précédemment inhumé à Sauley, forêt de Hemberg, a été transféré au cimetière de Sauley le 22 août 1922, par les soins du service d état civil» Il reçut en date du 1er septembre 1922, la médaille militaire avec cette citation : «Soldat courageux et dévoué, tombé glorieusement pour la France» Extrait du «Journal de Marche des Opérations» du ministère de la Défense du 5 septembre 1914

7 Né le 28 février 1892 Matricule militaire au recrutement d Annecy : 1634 Au moment de la mobilisation générale, il est en train d effectuer son service militaire au 30ème régiment d infanterie au dépôt d Annecy. Il est déclaré décédé à la date 25 septembre 1914 à HERLEVILLE dans la Somme. Le 27 août 1914, il écrit à ses parents : Le 15 septembre 1914, après la victoire sur la Marne, il écrit : «je n écris pas souvent parce que je ne peux pas. Nous restons facilement huit jours sans descendre dans les villages, nous sommes la moitié du temps dans les bois. Nous avons déjà vu les allemands de tout près, ils ont de nombreuses pertes. Des français il n y en a pas encore beaucoup de tués, il y a quelques blessés» «au sujet de la guerre ça va très bien. Les allemands se sont retirés sur toute la ligne avec beaucoup de morts et de blessés. En ce moment le 30ème est au repos pour 6 jours, car il a eu beaucoup de blessés. Espérons que la guerre tire sur sa fin. Au sujet des blessés d Onnion, il y en a mais vous ne le direz pas à Onnion car ça ferait trop de peine à leurs parents» Dans sa dernière lettre, du 24 septembre 1914, il écrit : «Quand nous sommes partis d Annecy, nous sommes dirigés sur Belfort, mais nous sommes allés débarquer à Épinal. De là, on s est dirigé sur la frontière et nous avons rencontré les allemands en Alsace. Nous nous sommes battus le 16 août, le 30ème a eu vingt blessés dans une compagnie, il n y a que cette compagnie qui ait eu des blessés. Nous sommes restés en alsace du 15 au 27 août. Nous avons été repoussé par les allemands jusqu à Saint-Dié et nous les avons repoussé en Alsace. Nous avons eu deux jours de repos. Nous sommes allés prendre le train à Charmes, nous avons été dirigés dans le Nord et nous sommes maintenant dans le département de la Somme» Extraits du «Journal de Marche des Opérations» du ministère de la Défense du 25 septembre 1914 Après cela plus aucune nouvelle, vers la fin de la guerre une note du dépôt annonçait à sa famille : «Le soldat Layat est porté disparu et présumé prisonnier» en 1922, il reçut la médaille militaire à titre posthume.

8 Né le 5 juin 1892 Matricule militaire au recrutement d Annecy : 1619 Au moment de la mobilisation, il effectue son service militaire au 30ème régiment d Annecy en compagnie, entre autre, de François Layat. Il est déclaré décédé le 25 septembre 1914 à HERLEVILLE dans la Somme. Le 4 septembre 1914, il écrit : Le 1er août 1914, il écrit à ses parents : «je suis étonné et je suis inquiet de ce que vous ne recevez pas mes lettres. C est la cinquième que je vous écris depuis que nous sommes loin d Annecy. Moi je reçois bien les vôtres, elles mettent une dizaine de jours pour arriver» «la guerre est déclarée. La mobilisation générale nous a été annoncée ce soir à 6 heures par les cloches et commence pour nous ce soir à minuit. On partira le 4ème jour à la 3ème heure, ce qui fait mercredi matin. Tous les réservistes rappliquent demain. La ville est triste les trains sont militarisés, les écoles fermées et aménagées pour la troupe. L or ne circule plus, rien que des billets et de la petite monnaie. Les chasseurs partent demain vous ne vous ferez pas de mauvais sang. Puisqu il faut y aller, eh bien j y vais avec courage. C est un devoir sacré, il n y a qu à se recommander à Dieu et tout ira bien» Le 17 septembre 1914, il écrit : «ces jours les combats ont cessé un peu. Mais il faut voir les Vosges pour voir quelque chose de triste, toutes les maisons incendiés les champs et les bois saccagés par les obus, tout le monde est parti vers le midi sans rien emporter, le bétail est à l abandon à travers champ et bois je crois que je ne pourrai pas assister à la vogue avec vous» Extraits du «Journal de Marche des Opérations» du ministère de la Défense du 24 septembre 1914 (Collection Laigre) Il est porté disparu dans la nuit du 24 au 25 septembre et sa famille devra attendre longtemps avant qu un survivant de sa compagnie raconte que le soldat Chuard a été «tué d une balle au front».

9 Né le 20 mars 1886 Matricule militaire au recrutement d Annecy : 1911 Incorporé au 36ème régiment d infanterie coloniale, il rejoint son régiment à Lyon, le deuxième jour de la mobilisation. Il est déclaré décédé à la date du 31 août 1914 à GERBEVILLER en Meurthe et Moselle. Le soir du 30 août, il est toujours avec son bataillon et le matin du 31, on le voit partir avec sa section. Quand le régiment se reforme après la bataille, il a disparu. La médaille militaire lui sera attribuée à titre posthume (Collection Laigre) Extraits du «Journal de Marche des Opérations» du ministère de la Défense du 30 août 1914

10 La guerre en images Quelques photos issues de la collection Laigre Un infirmier cherchant des renseignements dans le sac d un soldat.