92 Mars comme si vous y étiez!
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- Emmanuel Boivin
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3 Glaces polaires et vallées glaciaires D ans une lunette ou un télescope d amateur, lorsque Mars passe au plus près de la Terre, la tache blanche d une calotte polaire est souvent parfaitement visible. Il est d ailleurs très émouvant de suivre, semaine après semaine, la lente diminution de l emprise du froid autour de tel ou tel pôle. Mais de quelle glace s agit-il exactement? De celle qui recouvre l Arctique et l Antarctique ou d une formation carbonique? L atmosphère martienne étant composée à 95 % de dioxyde de carbone (CO 2 ) et l eau ayant disparu de la surface de la planète depuis des milliards d années, la seconde hypothèse semble être la plus plausible. Or, les mesures des sondes le prouvent, une glace d eau chapeaute bel et bien le pôle Nord de notre voisine. Quant au pôle Sud, que l on pensait coiffé d une calotte composée uniquement de glace carbonique, les observations de la sonde européenne Mars Express ont démontré qu il abritait également de la glace d eau. L axe de rotation de Mars étant incliné de 25,2 un peu plus que celui de la Terre, les deux hémisphères sont soumis à une alternance de saisons qui sont d autant plus marquées que l orbite de la planète autour du Soleil est fortement ovalisée. Dans les régions polaires, les températures hivernales peuvent descendre en dessous de -125 C, frontière thermique à partir de laquelle le CO 2 se dépose sur le sol sous la forme d un givre carbonique. Ces précipitations des temps particulièrement froids sont loin d être négligeables puisqu elles peuvent recouvrir, à la fin de l hiver, jusqu à 30 % de la planète d un voile blanc. 93
4 Quelque quatre fois plus vaste que celle qui occupe le pôle Sud martien, la calotte polaire boréale est entièrement recouverte de glace d eau avec ses km de diamètre, elle est aussi grande que la France. Une fois débarrassé du givre carbonique qui peut envelopper l hémisphère Nord jusqu à 55 de latitude au cours de la période hivernale, cet immense glacier ne change pas énormément d aspect d une année martienne à l autre, comme en témoignent ces deux images prises au début de l été, en mars 1999 (ci-dessus) et en janvier 2001 (à droite). Au cours des six mois d été, ce réservoir d eau glacée est directement au contact de l atmosphère. Il y injecte d énormes volumes de vapeur d eau, laquelle tient un rôle important dans l évolution des conditions climatiques et le développement de grandes tempêtes de sable (voir la page 112 et les suivantes). Mars Global Surveyor/NASA/JPL/MSSS 94
5 Le pôle Sud de la planète rouge présente un aspect très différent à la fin de l hiver (page 92) et au cœur de l été (double page suivante). Au printemps, lorsque le Soleil revient, le givre carbonique, qui s est déposé jusqu à près de 50 de latitude sud pendant les mois les plus froids de l année martienne, se sublime il passe directement de l état solide à l état gazeux. Pourtant, même en plein été, la température des régions polaires australes les plus extrêmes ne remonte pas au-dessus de -125 C, et une petite calotte de «glaces éternelles» de 400 km de diamètre environ résiste aux rayons horizontaux de sa pâle étoile. Cette calotte polaire, photographiée ici pendant l été austral de l an 2000, est constituée de glaces (carbonique et d eau). Mars Global Surveyor/NASA/JPL/MSSS 95
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9 Comme sur la Terre, l étude des calottes polaires martiennes pourrait se révéler riche d enseignements sur les conditions climatiques passées de la planète. Les images les plus précises des bordures des glaciers dévoilent une alternance de strates claires et foncées. Épaisses d une dizaine de mètres, ces couches contiennent essentiellement de la glace pour les plus claires et un mélange de glace et de poussières pour les plus sombres. Certains chercheurs y voient une confirmation de l hypothèse selon laquelle Mars aurait connu, et connaîtrait encore, des changements climatiques importants. Ces derniers seraient provoqués par une variation cyclique de l inclinaison de l axe de rotation de la planète. Lors des positions les moins marquées deux à trois fois plus faibles qu actuellement, les pôles recevraient moins d énergie solaire et seraient donc plus froids ; d importants dépôts de glaces pourraient alors s y former. Dans le cas contraire soit deux fois plus marqué qu aujourd hui, l augmentation de la température polaire permettrait d injecter une plus grande quantité de dioxyde de carbone et de vapeur d eau dans l atmosphère. Cette situation engendrerait une pression et des vents plus puissants, ainsi que des tempêtes de sable plus nombreuses ; les dépôts saisonniers de glaces seraient dans ce cas moins abondants et recouverts de poussières. Mars Odyssey/NASA/JPL/ASU/Themis Ces gros plans en fausses couleurs sur deux régions situées en bordure de la calotte polaire boréale révèlent des strates qui se sont mises en place au cours des temps. Si l hypothèse de la variation cyclique de l inclinaison de l axe de rotation de la planète rouge est juste (voir la légende de gauche), chacune de ces couches pourrait représenter l accumulation de glace presque pure ou mélangée à des poussières pendant près d une centaine de milliers d années. Mars Odyssey/NASA/JPL/ASU/Themis 99
10 Au début du printemps, sur Mars comme sur la Terre, les jours rallongent et l ensoleillement croît. Partout où l hiver a déposé un blanc manteau de givre carbonique qui pourrait atteindre un bon mètre d épaisseur!, la température remonte. Lorsqu elle franchit la barre fatidique des -125 C, le givre peut se sublimer, passer directement de l état solide à l état gazeux. Peu à peu, la surface martienne prend l apparence d une superbe robe de dalmatien! Puis le processus s emballe. Lorsqu une portion de sa surface est libérée de sa couche blanchie, elle se réchauffe rapidement, ce qui accélère la fonte du givre environnant. En quelques semaines, de très vastes surfaces se libèrent ainsi de l étreinte de l hiver. Mars Odyssey/NASA/JPL/ASU/Themis 100
11 À la périphérie des calottes polaires martiennes, d immenses champs de dunes se sont développés sous l action des vents printaniers et estivaux. Le dioxyde de carbone et la vapeur d eau injectés dans l atmosphère par la sublimation du givre hivernal et d une partie des calottes polaires créent des courants d un air glacé qui accroissent significativement la circulation atmosphérique sur toute la planète. Des vents violents se lèvent, assez puissants pour transporter plus aisément sables et poussières et façonner des ergs imposants. Mars Odyssey/NASA/JPL/ASU/Themis/Don Davis 101
12 Des tracés digitaux et une coupe de fromage! Voilà à quoi pourraient faire penser les images ci-contre. Elles montrent des zones de quelques kilomètres carrés, proches du pôle Sud, sur lesquelles les plus petits détails visibles mesurent à peine 1,50 m. L été austral étant plus bref et plus froid que son pendant boréal, la glace carbonique qui constitue une grande part de la calotte polaire de cet hémisphère ne se sublime pas intégralement, comme cela se produit dans l hémisphère Nord. Elle n en subit pas moins une certaine forme d érosion. Depuis le début de sa mission, la sonde Mars Global Surveyor a observé les régions polaires australes lors de trois saisons estivales. Ses images à haute résolution ont révélé que les fossés et les cirques visibles en surface se sont étendus de plusieurs mètres chaque été. Est-ce la manifestation d une évolution climatique de longue durée ou le hasard de quelques étés plus «chauds»? Il est encore trop tôt pour se prononcer! Mars Global Surveyor/NASA/JPL/MSSS 102
13 Les traces parallèles visibles au fond de cette vallée très plate ont-elles pu être créées par un glacier charriant des roches qui auraient raclé la surface? Certains chercheurs avancent cette hypothèse. Ils pensent que l axe de rotation martien a connu une inclinaison deux fois plus forte qu actuellement ce qui semble théoriquement possible, position qui aurait pu favoriser l apparition de glaciers imposants dans les régions équatoriales. Cette vallée se situe en effet non loin de Valles Marineris, vers 15 de latitude nord, à la bordure entre le dôme de Tharsis et Lunae Planum. Mars Odyssey/NASA/JPL/ASU/Themis 103
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