LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S.

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1 Pierre Méallier LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S. Mon Petit Éditeur

2 Retrouvez notre catalogue sur le site de Mon Petit Éditeur : Ce texte publié par Mon Petit Éditeur est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d auteur. Mon Petit Éditeur 14, rue des Volontaires PARIS France IDDN.FR R.P Cet ouvrage a fait l objet d une première publication par Mon Petit Éditeur en 2012

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5 Avertissement Le 16 mars 1962 sont signés les accords d Évian. Censés mettre fin aux hostilités sur le sol algérien, il faudra, en fait, plusieurs mois pour que cette terre retrouve quelque sérénité. Ce livre est conçu à partir de documents publiés par l O.A.S.régionale et nationale dans l Est Algérien et rassemblés par le Vice-Consul de Suisse à Bône Étudiant à la Faculté des Sciences de Lyon, je suivais journellement l évolution du conflit informé par la presse nationale. Engagé syndicalement dans un syndicat étudiant j épousais sans hésitation toutes les certitudes que nous délivraient les journaux. Marié en 1965 avec une jeune fille native de Bône, les événements d Algérie ont été souvent l objet de discussions animées. Je réalisais subitement que tous les «Pieds-noirs» n étaient pas les affreux exploiteurs que nous décrivait la presse de gauche comme la presse gouvernementale Les tracts O.A.S. nous donnent une autre version de la réalité, permettant au lecteur de mieux comprendre les réactions des «pieds-noirs» vivant quotidiennement les meurtres et les attentats. Marqué par ma carrière d universitaire, j ai classé ces documents par ordre chronologique pensant qu ils pourraient, un jour, aider des étudiants rédigeant un mémoire sur ces années douloureuses pour les rapatriés européens et musulmans. Tous les textes intégraux tirés de ces documents sont imprimés en caractère normal «Garamond». Tous les textes rédigés à partir de documents non reproduits dans leur intégralité, ainsi que les textes de transition, sont rédigés en italique. Les textes de transition ont pour seul but de replacer les documents publiés à Bône dans le contexte plus général de la guerre sur tout le territoire algérien, avec parfois leur résonance en métropole. 7

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7 Quelques dates de référence septembre : discours du Général de Gaulle sur l autodétermination janvier : première journée des barricades 4 novembre : De Gaulle annonce qu il suivra le chemin qui conduit à l Algérie Algérienne 20 décembre : Allocution du Général De Gaulle à propos du référendum janvier : référendum sur l autodétermination 2 février : rencontre à Genève entre représentants du gouvernement français et du G.P.R.A. 22 avril : putsch des généraux février : négociations aux Rousses 6 mars : début des négociations d Évian 19 mars : le cessez-le-feu entre en vigueur à midi. 26 mars : fusillades de la rue d Isly 17 juin : fin de la guerre d Algérie 1 er juillet : ultime référendum 9

8 LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S. Le 1 er MARS 1961 est publié le premier tract de l Organisation Armée Secrète qui sera plus communément appelée par la suite OAS. Ce tract est le suivant : «L UNION SACRÉE EST FAITE, LE FRONT DE LA RÉSISTANCE EST UNI. Français de toutes origines La dernière heure de la France en Algérie est la dernière heure de la France dans le monde, la dernière heure de la France dans l occident Aujourd hui tout est prêt d être perdu ou sauvé. Tout dépend de nos volontés. Tout dépend de l Armée Nationale. Nous savons que l ultime combat approche. Nous savons que ce combat pour être victorieux, exige l unité la plus totale, la discipline la plus absolue. Aussi tous les Mouvements Nationaux clandestins et leur organisation de résistance ont décidé de joindre unanimement leurs forces et leurs efforts dans un seul mouvement de combat. L ORGANISATION ARMÉE SECRÈTE O.A.S. Algériens de toutes origines En luttant pour l Algérie Française, vous luttez pour votre vie et votre honneur, pour l avenir de vos enfants, vous participerez ainsi au grand mouvement de rénovation nationale. Dans cette lutte, vous suivrez désormais et exclusivement les mots d ordre de l O.A.S. Soyez certains que nous nous dresserons tous ensemble les armes à la main, contre l abandon de l Algérie, et que la victoire est assurée si nous savons la mériter. Dans le calme et la confiance, Tous debout, tous prêts, tous unis, VIVE LA FRANCE L ORGANISATION ARMÉE SECRÈTE» Ce texte est publié dans Les feux du désespoir d Yves Courrières. p Édition du Club Français du Livre. 10

9 LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S. LA SITUATION GÉOPOLITIQUE EN 1954 Les années 1830 voient arriver les premiers émigrants européens sur le sol algérien. Bien que tentés pour la plupart par une vocation rurale, c est près des zones quelque peu urbanisées et près des postes militaires qu ils vont créer leurs premiers villages. C est ainsi que les deux villages de colonisation qui voient le jour sont ceux de DELY-IBRAHIM et de KOUBA. Assez rapidement les nouveaux arrivants vont s installer dans les plaines littorales, telles que la MITIDJA et la plaine de MOSTAGANEM. Généralement assez fortunés, ces futurs agriculteurs, appelés «les colons en gant jaune», achètent des terres qu ils confient à des métayers issus de diverses nationalités. Certaines régions leur sont toutefois inaccessibles comme la vallée du SOUMMAN ou la région de BOUGIE. En 1844 on compte soixante quinze mille émigrants dont les trois-quarts vivent dans des cités. Une politique de soutien fut mise en place pour développer la colonisation agricole, mais les résultats restèrent limités. Si en % des émigrants vivent en milieu rural, 34 % en 1906, 29 % en 1926 et plus que 20 % en À cette époque le peuplement européen a investi les plaines du CONSTANTINOIS ainsi que celles de l ORANIE. La vocation agricole prêtée initialement aux émigrants ne s est pas concrétisée et il n y aura pas émergence d une véritable classe paysanne d origine européenne. Ce reflux de la campagne vers la ville varie d ailleurs selon les régions ; une des plus affectée par ce mouvement, est celle de CONSTANTINE. La région de CONSTANTINE s étend sur km 2 avec une population qui comprendra jusqu à deux cent trois mille européens sur un total de trois millions quatre cent mille habitants. Les Européens sont principalement regroupés autour des axes CONSTANTINE-BÔNE, CONSTANTINE- PHILIPEVILLE ainsi que près des villes de SITE et de BATNA. L arrivée des Européens n est pas restée sans conséquence sur les populations musulmanes et dans un premier temps ces populations quittèrent leurs terres pour regagner, certaines l intérieur du pays, d autres émigrèrent en ÉGYPTE et au MOYEN ORIENT. Ce départ des populations musulmanes fut toutefois limité et de courte durée. En 1954, 20 % de la population musulmane vit dans les villes. 11

10 LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S. En cette année 1954 la cohabitation entre les communautés n est pas, à première vue, explosive et l on n assiste pas à un affrontement des cultures ni à une tragique discrimination raciale. Très souvent les deux cultures vont coexister à travers le théâtre arabe, le cinéma arabe d une part, le théâtre d expression française et le cinéma français d autre part. Il en est de même du monde sportif oû l esprit de «clocher» est plus dangereux que la composition ethnique des équipes en présence. Une évidence apparaît très vite en ce qui concerne la ville, c est la juxtaposition de deux communautés dont les rapports semblent essentiellement socio-économiques et qui vivent chacune sa propre civilisation. À la campagne les relations seront diverses en fonction de la taille des exploitations ainsi que de la proportion d Européens vivant à proximité du domaine. Au moment ou commence ce que l on appellera, pendant de nombreuses années, «les événements d Algérie», quel est le niveau économique et social de ce pays? SITUATION SOCIALE ET ÉCONOMIQUE En mai 1954, à l occasion des réunions des «secrétariats sociaux», Monseigneur PIGNIER, Évêque de Constantine, déclarait : «Parler de la faim en Algérie, ce n est pas, soyez en certains, un artifice de littérature ou un thème facile de protestation sociale ; c est évoquer une réalité poignante et une responsabilité de notre vie en Algérie Drame collectif d une population, non pas de quelques mendiants, de quelques familles, mais de trois millions de personnes qui vivent avec nous sur cette terre algérienne». Le 30 juin le rapport PINEAU, dans le cadre de la sous-commission de la défense, signalait : «Aucun homme de cœur ne peut manquer d être frappé par la misère qui sévit encore dans de nombreuses régions de l Algérie et qui s accroît au fur et à mesure que l on se dirige vers le sud.». Cette même année, des membres de la Commission Parlementaire désignés pour s informer de la situation en Algérie écrivaient : «La coexistence fructueuse et confiante entre les éléments d origine métropolitaine et 12

11 LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S. musulmane de la population n est possible que si la France prend conscience de la nécessité de réformes économiques et sociales profondes Ces réformes doivent avoir pour objet, notamment, de mettre fin à des inégalités choquantes, à une misère et à un chômage que développe l accroissement massif et continu de la population ;» Jacques SOUSTELLE, alors Gouverneur Général soulignait «les maquis des fellaghas sont nés dans les régions les plus pauvres, les plus déshéritées, qui ne connaissaient ni la route, ni l école dont le chômage, la misère était le lot.» Un parlementaire algérien du 2e collège avertissait douloureusement : «Si les problèmes économiques et leurs corollaires sociaux ne sont pas résolus par un effort considérable de la Métropole, ils constitueront à brève échéance une cause de déséquilibre profond et de révolte sociale» Quel est donc le niveau de vie des Algériens dans ces années précédant l insurrection? Pas de statistique récente, mais une simulation à partir des données recueillies en 1936 donne une petite idée des revenus annuels de 1954 (en francs de l époque) Une famille riche dispose de à francs (6 % de la population) Une famille aisée de à francs (8 % de la population) Une famille de condition moyenne à francs (12 % de la population) Une famille pauvre de à francs (22 % de la population) Une famille très pauvre de moins de francs (52 % de la population) Une étude publiée cette année-là par la revue «Afrique-Asie» conclut qu une famille qui dispose de plus de francs par mois doit se considérer comme privilégiée. 13

12 LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S. Cette somme corrobore les informations données à l occasion des Secrétariats sociaux qui estiment à francs par an le budget d une famille paysanne. Le revenu moyen de l algérien est de francs environ, soit le 1/5 du revenu de la métropole le revenu moyen du paysan algérien étant égal au 1/5 de celui du citadin.! L agriculture La première source de revenus pour l Algérie est sans conteste l agriculture ; 80 % des neuf millions d habitants sont des ruraux. 88 % de la population musulmane se consacre à cette activité et 12,5 % de la population active non musulmane. On compte six cent mille propriétaires musulmans et vingt-six mille propriétaires européens. Les paysans musulmans possèdent en général des exploitations inférieures pour les 2/3 à dix hectares, 24 % de cultivateurs européens (il est plus exact de dire de sociétés européennes plutôt que cultivateurs sous-entendus indépendants) disposent de domaines dont la superficie est supérieure à cent hectares, 32 % de terrains dont la superficie est inférieure à dix hectares. Globalement 67 % des terres sont cultivées selon les méthodes traditionnelles de l Algérie et 33 % selon les techniques récentes développées en Occident. Cette approche différente de l agriculture se traduit bien évidemment par des rendements à l hectare totalement différents Rendements à l hectare pour l année Blé dur Blé tendre Orge Avoine Agriculture traditionnelle musulmane 5,2 5,1 7,1 5,3 Agriculture européenne 10,2 9, Cette production céréalière est en progression de deux millions de quintaux par rapport à l année 1930 mais en vingt-deux ans la population est passée de cinq à neuf millions d habitants 14

13 LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S. L industrie La valeur attribuée à l industrie algérienne est d environ 28 % de la production totale du pays avec environ 10 % relative à l industrie de transformation. Un peu moins de quatre cent mille personnes, dont deux cent cinquante mille musulmans, travaillent donc dans les travaux publics, la construction, les mines, les trois secteurs d activité les plus importants. L artisanat non seulement ne se développe pas, mais au contraire disparaît progressivement, ne pouvant résister aux productions faites en série dans le domaine de l habillement et de l équipement ménager en particulier. On assiste également à la disparition de la dinanderie, de la cordonnerie et du tissage. Le commerce La plupart des échanges commerciaux se font naturellement avec la métropole, l Algérie achetant bien davantage qu elle n exporte. Il en est de même avec les autres nations, ce qui conduit à un déficit de la balance commerciale, déficit qui ne cesse de croître d année en année. En 1954, il est de 78 milliards (en francs de l époque). * * * Si en métropole les années 50 vont coïncider avec un redémarrage de l économie, il n en est rien en Algérie où le niveau de vie des populations indigènes ne cesse de se dégrader. Un premier facteur semble être le passage de l artisanat à la production industrielle. En effet, non seulement cette évolution n a pas créé de richesse mais a, au contraire conduit à la disparition d une partie de l artisanat rural. Le deuxième facteur, qui est le plus souvent évoqué, est le facteur démographique. Chaque année l excédent des naissances sur les décès est de l ordre de trois cent mille. Aussi surprenant que cela puisse paraître les ressources locales par habitant, et par an, vont passer de six cents kilos de blé par habitant en 1900 à deux cents kilos en Dans ces conditions économiques et sociales qu en est-il de la cohabitation des deux communautés? difficile à appréhender! En effet nous devrons prendre en 15

14 LA GUERRE D ALGÉRIE À TRAVERS LES TRACTS DE L O.A.S. compte bien évidemment la différence ethnique mais également les différences sociales, culturelles et religieuses. La cohabitation La cohabitation à la campagne sera totalement différente de celle que l on rencontrera en ville et la cohabitation en ville sera totalement différente lorsque l on vivra dans un quartier bourgeois ou dans un quartier ouvrier. Le petit agriculteur européen qui a choisi de s installer dans le bled est, en général, assez proche de la population indigène, le travail de la terre rapprochant universellement ses artisans sans établir nécessairement des relations rapprochées de voisinage. Avec les gérants de sociétés les rapports s établissent dans une démarche souvent paternaliste et patriarcale. En ville, si les familles arabes se rendent facilement dans les quartiers à forte présence européenne, les Européens ne se hasardent pratiquement pas dans les quartiers peuplés exclusivement de musulmans. Entre ces extrêmes, existent des quartiers où résident les deux communautés et, comme partout dans les villes, leurs relations sont conditionnées par leur milieu social. Si la cohabitation est le plus souvent possible dans les immeubles, il en va différemment lorsque l on aborde le domaine des loisirs, en particulier, l Européen ne fréquentera pas les cafés arabes, sauf s il est accompagné d un musulman. Depuis quelques années déjà, les discours que tient chaque communauté deviennent de plus en plus marqués par le rejet de l autre ; l Arabe rêve de revanche sur l Européen, tandis que ce dernier ne peut concevoir le citoyen arabe comme son égal. Un des critères permettant de quantifier le brassage des communautés est le nombre de mariages mixtes. Il est d environ de cent vingt unités par année et lorsque ce mariage mixte a lieu, il est toujours à sens unique : c est l homme arabe qui épouse la femme européenne. En cette fin d année 1954, l incompréhension entre les deux communautés ne fait que s amplifier ; pour les Européens, l Algérie «c est la France», pour les Arabes il est temps de chasser les Français. Cette attitude est le résultat, non seulement, d un contexte politique mais également les conséquences d une religion qui n hésite pas à appeler à la guerre que certains trouvent «sainte». 16