Prédication, dimanche 15 septembre 2013

Transcription

1 Prédication, dimanche 15 septembre 2013 Luc 7, 11 à 17. Ce qui est intéressant à observer dans ce texte de Luc c est tout d abord cette foule. En fait il n y a pas une seule foule, il y en a deux. Une de ces foules souhaite entrer dans la ville de Naïn, une autre vient juste d en sortir. Une rencontre au sommet, j ai envie de dire. Parce que cette foule qui souhaite entrer dans la ville, elle est sans doute joyeuse, pleine d attente, pleine d espérance. Elle doit même être un peu survoltée cette foule, et quoi de plus normal, elle assiste à des guérisons, elle entend des paroles de compassion, même ceux qui ne sont pas juifs sont guéris, mêmes les pauvres, les pécheurs, les «impurs» ont le droit d exister pour ce qu ils sont vraiment: simplement des hommes et des femmes. Oui c est toute cette foule que Jésus a rassemblé autour de lui, et certains n hésitent pas à faire des kilomètres simplement parce qu ils ont vu, parce qu ils ont entendu. J imagine que dans cette foule, il y des scènes de liesses, des personnes qui chantent et qui dansent, qui rendent gloire à Dieu ; une foule joyeuse, car chacun et chacune des hommes et des femmes qui la composent se sent tout simplement libre. Rencontre au sommet, parce qu en face, il y a une autre foule, une grande foule aussi, nous dit le texte. Par contre l ambiance n est pas la même. Cette foule qui marche dans une lente procession, cette foule silencieuse, porte au dessus d elle le corps d un jeune homme. A la joie de la première foule, répond la tristesse de la deuxième. A cette vie chantée par la première foule, répond le silence de la mort subit par la deuxième. La première foule est libre, la deuxième est enchaînée par le deuil et la tristesse. Deux foules que tout oppose, deux sentiments que tout oppose également : d un côté la joie de la vie, de l autre la tristesse de la mort.

2 Imaginez combien la rencontre entre ces deux foules est impossible. Et j imagine que certaines personnes faisant partie de la première foule se sont dit que décemment, il ne leur était plus possible de se réjouir à l entrée de la ville ; j imagine que certaines personnes appartenant à la deuxième foule se sont dit que c était insupportable ce spectacle de réjouissances juste en face d eux. Oui deux sentiments contradictoires : la joie de célébrer la vie et la souffrance de subir la mort. Deux sentiments qui rejoignent chacune de nos existences. S il est facile de nous réjouir quand la vie se présente à nous et nous offre tant de belles choses, comment faire le lien lorsque le deuil y fait irruption? Nous sommes nombreux à être ou a avoir été fragilisé par la perte d un être cher. Nous sommes nombreux à être interpelés par la fragilité de la vie, nombreux à être choqués par des images de guerres et de chaos, où la mort semble balayer jusqu à la dignité de l homme. Quand la souffrance l emporte, certains d entre nous n arrivent plus vraiment à se réjouir. D autre se réfugient dans la joie, dans la fête, pour ne surtout jamais voir cette mort qui pourrait un jour les interpeller. D autre encore, la plupart d entre nous essayons de vivre avec des sentiments contradictoires. De temps en temps, on oublie la souffrance, on oublie la mort pour pouvoir à nouveau se réjouir. Ces deux aspects semblent irréconciliables, et pourtant... Pourtant il y a eu un signe, un geste fort qui a permis de faire basculer cette logique. Et ce signe il nous est donné dans l évangile de Luc ce matin, ce signe c est la compassion. LA COMPASSION, ça ne paraît pas grand chose, dit comme ça, on pourrait dire que ce n est pas ça qui va changer situation de souffrance! Et pourtant, Jésus, lorsqu il arrive vers cette foule en deuil, il n est ni choqué, ni joyeux, ni désespéré : il est ému. Et le point qu il faut souligner, c est qu il n est pas ému pour ce jeune garçon qui est sans doute parti dans des circonstances terribles. Non, on nous dit qu il est ému pour cette veuve qui porte en terre son fils unique. Pour celle qui

3 en plus d avoir perdu la chaire de sa chaire, n aura bientôt plus de ressource pour vivre. Vous avez remarquez? Le regard de Jésus se porte tout d abord sur les vivants et non sur les morts. Et c est cette compassion envers les vivants qui va tout changer. Mais la compassion, certains diraient que c est une réaction de faible, si Jésus est le fils de Dieu, il peut tout faire, il sait qu il peut tout faire, alors pourquoi souffrir avec les autres? Il n a plus besoin de ressentir la souffrance, il sait qu il peut redonner la vie! Et d ailleurs, il en a croisé d autres des cercueils, pourquoi celui là? Pourtant Jésus ému, rempli de compassion, s est approché d abord de la veuve en lui disant «ne pleure plus», puis il a posé sa main sur le cercueil. Il y a ce geste qui est simplement une prolongation de ses sentiments : la compassion ou littéralement «souffrir avec» c est aller vers l autre, jusqu à avoir une proximité physique avec lui. C est difficile d avoir une proximité physique avec une personne qui souffre, bien souvent on reste en retrait pour ne pas déranger, parce qu on ne sait pas exactement ce qu il faut faire. Et bien Jésus il a tellement était touché par cette femme, qu il a touché à son tour. Et il n a pas touché n importe quoi, il a touché la mort ellemême. Précisons qu à cette époque tout cadavre était impur, c est bien pour cela qu on enterrait à l extérieur des villes, pour éviter que cette impureté se répande. Il y avait cette peur même physique de la mort, comme une maladie contagieuse qu il fallait surtout éviter. Mais Jésus touche ce cadavre comme pour dire : attention, l essentiel n est pas dans ce que vous voyez, l impureté n existe pas et surtout la mort n a pas le dernier mot. Jésus est un train d exécuter un signe fort : oui, la mort n a plus le dernier mort. Ce sont là les prémices de la résurrection qui sont annoncés. Ce n est pas la résurrection, celle que nous vivrons après notre mort, parce que celle-là elle fera de nous des créatures nouvelles, mais c est le signe de la vie relevée.

4 Jésus est en train de remettre du lien entre la vie et la mort, entre la joie et la souffrance, il réconcilie ce qui paraissait irréconciliable. Frères et sœurs, entre la vie et la mort entre la joie et la souffrance, il y a sans doute la compassion, cet élément qui peut tout faire basculer. Quand je peux aller à la rencontre de mon frère ou de ma sœur jusqu à être touché par ce qu il vit, jusqu à pouvoir le touché aussi pour lui dire qu il ou elle n est pas seule. Et ça fait du bien une simple main qui vient se poser sur une autre main, ou sur une épaule, ça peut déjà libérer beaucoup de chose pour celui qui souffre. Et lorsqu on vient nous consoler avec des paroles, même trois mots : «ne t en fait pas», ou «ne pleure plus», on se sent déjà beaucoup moins enfermé. C est dans ces moments que tout peut basculer : la douleurs, la haine, l arrogance, le mépris toutes ces choses peuvent être stoppées par un simple geste, par une simple parole. Ça arrive ces personnes qui vous disent : «tu te souviens, à cette époque j étais vraiment mal et tu m as dit cette toute petite phrase, tu m as dit ce tout petit quelque chose qui m a fait tellement de bien» Ou encore, «j étais tellement mal et toi t étais là, tu étais simplement là et ça m a fait beaucoup de bien». Ce n est absolument pas grand chose, et pourtant parfois, ça peut faire tout basculer. Nous touchons là, à la puissance de Dieu : elle se déploie non pas dans la force, mais bien dans la compassion, cette compassion qui empêche que la mort et la souffrance relativisent nos vies, cette compassion qui nous dit que nous sommes tous dignes d amour et d intérêt. Une vie ne sera jamais plus balayée par la souffrance et par la mort voilà le signe qui nous a été donné dans l évangile de ce matin. Et nous tous sommes appelés à devenir des signes de résurrection pour nos frères et nos sœurs, oui chaque jour nous pouvons être relevés en attendant la grande résurrection des morts où Dieu rassemblera tous ses enfants en des créatures nouvelles.

5 Rappelons-nous simplement ce matin que tout homme peut-être relevé quelle que soit sa souffrance, avec l aide de Dieu mais avec la notre aussi. Ayons encore ce courage, cette force en nous d aller vers celui qui souffre, d aller tout simplement vers celui qui se trouve sur notre chemin, pour vivre avec lui, partager avec lui, pour toucher et être touché, c est là notre vocation, que cela devienne également notre joie. Amen