La splénomégalie myéloïde chronique (ou myélofibrose avec métaplasie myéloïde)
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- Rémy Perras
- il y a 7 ans
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1 La splénomégalie myéloïde chronique (ou myélofibrose avec métaplasie myéloïde) Sommaire : - pathogénie, incidence, et aspects cliniques - biologie - évolution et complications - diagnostic différentiel - traitement Syndrome myéloprolifératif, correspondant à une maladie clonale d un progéniteur hématopoïétique précoce. Il se développe une intense réaction médullaire stromale, incluant fibrose, sclérose et angiogenèse, ainsi qu une hématopoïèse extra médullaire. 1. Pathogénie, incidence et aspects cliniques Le mécanisme précis de la SMC n est pas établi, mais associe un évènement oncogénique survenant au sein d un progéniteur précoce (lymphoïde+myéloïde) et une réaction stromale complexe de la moelle osseuse. La moelle osseuse montre un excès de mégacaryocytes (MK) dysplasiques, une dilatation des sinusoïdes et une hématopoïèse intra vasculaire, qui s accompagnent d un dépôt excessif de collagènes (I et III), de fibronectine, une néoformation osseuse (ostéosclérose) et une angiogenèse. Toutes ces modifications sont liées à la présence de diverses cytokines d origine possiblement mégacaryocytaire et monocytaire : TGF bêta, bfgf, PDGF, VEGF, et ostéoprotégérine. La découverte chez 50% des pts de la même mutation de JAK2 que dans la maladie de Vaquez et la thrombocytémie essentielle (TE) renforce le lien entre ces 3 maladies myéloprolifératives. Maladie rare : incidence variant de 0.5 à 1.5 nouveau cas/ H/an. Observée chez l adulte après 60 ans (médiane = 67 ans); à peine plus fréquente chez l homme que la femme Situation clinique Hétérogène, allant de l affection très chronique avec altération lente de l'état général jusqu à des formes sévères avec atteinte multi organes. Découverte parfois lors d'un hémogramme systématique, ou devant divers signes : - signes de la myéloprolifération : * splénomégalie, parfois de volume modéré, souvent très volumineuse (tous les patients ont ou auront une splénomégalie) : pesanteur de l'hypocondre gauche, troubles digestifs, hypertension portale * hépatomégalie dans ½ cas * hématopoïèse extra médullaire à d autres sites : poumons (hypertension pulmonaire), péritoine, cœur, rachis. Remarque : absence d ADP (<10% des cas). MAJ : janvier 2007 Page 1 sur 5
2 - Symptomatologie liée aux cytopénies : anémie (asthénie, dyspnée, signes coronariens), infections, saignements. - signes généraux : perte de poids, fatigue, fièvre, sueurs nocturnes, cachexie, douleurs osseuses. 2. Biologie 2.1. Hémogramme Anémie normocytaire, normochrome : 60% des pts ont une hémoglobine < 10 g/dl (= facteur de pronostic péjoratif) Sur frottis : anisopoïkilocytose, hématies ponctuées, anneaux de Cabot, hématies en larme en relation avec la myélofibrose et la splénomégalie [important car les anomalies des hématies sont rares dans les autres SMP] Erythroblastémie (5 à 20%), témoin de l érythropoïèse extra médullaire Mécanisme de l anémie composite : séquestration splénique, érythropoïèse inefficace, diminution de l hématopoïèse, hémolyse. Réticulocytes : souvent un peu augmentés G/L Leucocytes: augmentés au début, jusqu à G/L. Au début : hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et myélémie modérée (< 10 15%) mais avec quelques blastes (1 5%) Maladie initialement plutôt proliférative avec hyperleucocytose, puis progressivement cytopénique (granulopoïèse inefficace + splénomégalie). Plaquettes : nombre très variable allant de la thrombopénie à l hyperthrombocytose (parfois > 1000 G/l). Anomalies morphologiques sur frottis: plaquettes géantes (macrothrombocytes) paraissant vides ou peu granuleuses, souvent quelques micromégacaryocytes ou noyaux nus de mégacaryocytes circulants [TS allongé dans 75% des cas, même si numération plaquettaire normale, par thrombopathie (anomalies de glycoprotéines plaquettaires)] L hémogramme avec anémie, hyperleucocytose modérée, érythromyélémie et hématies en larme est habituel dans la SMC Myélogramme et biopsie ostéo-médullaire (BOM) Myélogramme aléatoire car l'os est dur à la ponction et l'aspiration souvent impossible. La BOM est indispensable. Il existe 3 aspects (Ward et Block), et en général un patient garde toute sa vie le même aspect : Stade I : forme hyperplasique avec réticuline augmentée Grande hyperplasie myéloïde polymorphe, avec nids d érythroblastes, de granulocytes, et de mégacaryocytes (+/- anormaux, regroupés en petits amas); les sinus sont dilatés. Densification localisée ou diffuse du réseau, avec architecture ± préservée : augmentation de la réticuline et du collagène; peu de modifications du tissu osseux. Stade II : fibrose collagène mutilante. Richesse médullaire diminuée et architecture de la moelle osseuse altérée. Collagène plus abondant, de type I. Quelques lésions osseuses. MAJ : janvier 2007 Page 2 sur 5
3 Stade III : ostéomyélosclérose. Faible quantité de tissu myéloïde; néogenèse osseuse qui remanie la moelle: myélofibrose collagène dense, tourbillonnaire (=ostéosclérose) Autres examens réalisables - Présence d'une mutation du gène de la tyrosine kinase JAK2 dans 50% des cas. - Cytogénétique et biologie moléculaire. Il faut exclure la présence d'un chromosome Philadelphie (ou un réarrangement bcr-abl) Réalisation du caryotype souvent difficile ; diverses anomalies retrouvées, sans anomalie spécifique (leur découverte revêt un caractère péjoratif) - Uricémie augmentée - Score des Phosphatases alcalines intraleucocytaires (PAL) : normal (N= ; ici > 80) - Augmentation du nombre des progéniteurs circulants : jusqu à fois pour les CFU- GM et les BFU-E, et jusqu à plus de 100 fois pour les CFU Méga. - Explorations isotopiques. Masse sanguine (non réalisée) : elle montrerait un volume plasmatique augmenté avec VGT normal (= hypersplénisme). Scintigraphie au technétium 99 : permet une imagerie de l hématopoïèse médullaire et extramédullaire. Autres : turnover du fer radioactif (ou scintigraphie à l'indium 111, analogue du fer): fixation médullaire faible, fixation splénique forte, incorporation globulaire faible. - Compléments histologiques. L histologie splénique après splénectomie montre une métaplasie érythromyéloïde (avec de nbx mégacaryocytes) et une stase sanguine (la stase et la métaplasie s observent également pour le foie). Dans <10% des cas présence de petits ganglions, également siège de métaplasie 3. Evolution et complications Evolution lente, avec survie moyenne = 5-10 ans Les complications sont : - aggravation progressive de la myélofibrose - pancytopénie avec ses complications infectieuses et hémorragiques (1ère cause de décès) - thromboses - Complications de l'hépatomégalie et splénomégalie : hypersplénisme majorant la pancytopénie, hypertension portale, insuffisance cardiaque, compressions digestives. - acutisation : évolution vers une LAM chez 15 % des pts, de pronostic très péjoratif. Elle est à suspecter devant une majoration du syndrome tumoral et l'apparition de douleurs osseuses, d'une majoration de l'insuffisance médullaire, d une blastose circulante importante. - Hémochromatose post-transfusionnelle. MAJ : janvier 2007 Page 3 sur 5
4 Il existe divers facteurs pronostiques : En prenant les facteurs suivants : Hémoglobine < 10 g/dl Leucocytes > 30 ou < 4 G/L Blastes sanguins > 1% Signes généraux On peut définir plusieurs groupes (Dupriez) : Faible risque = 0 facteur Risque interm = 1 facteur Risque élevé = 2 facteurs médiane de survie = 93 mois médiane de survie = 26 mois médiane de survie = 13 mois De nombreux autres facteurs pronostiques ont été rapportés : Age > 70 ans Altération importante de l état général Splénomégalie massive Blastes sanguins 2 % Erythroblastes sanguins > 2 % Myélémie > 10 % Plaquettes < 100 G/l LDH > 3 fois la normale Leucocytes > 20 G/l ou < 3 G/l Présence d anomalies cytogénétiques. 4. Diagnostic différentiel 4.1. Les autres syndromes myéloprolifératifs * avec la TE, quand l hyperthrombocytose est franche (dans la TE la splénomégalie est absente ou de volume modéré) * avec la LMC quand l hyperleucocytose est franche avec myélémie (mais peu d érythroblastes et d hématies en larme). Dans la LMC il existe parfois une fibrose réticulinique (5 10% des cas), ou qui peut apparaître à la période de transformation blastique. * Rares formes polyglobuliques (mais dans la maladie de Vaquez la rate est de volume peu augmenté). Remarque : 5-15% des TE et 30% des maladies de Vaquez vont évoluer après ans vers un tableau bio clinique proche de la SMC 4.2. Les autres étiologies des myélofibroses : * Autres maladies hématologiques : leucémie à tricholeucocytes (pancytopénie et splénomégalie; pas de myélémie ni de blastose, ni d anisopoïkilocytose; présence de tricholeucocytes) ; autres lymphomes (Waldenström, Hodgkin, autres) ; myélofibroses aiguës (LA à mégacaryoblastes (LAM7) avec pancytopénie, blastes circulants peu nombreux: diagnostic parfois difficile, mais splénomégalie rare) ; myélodysplasies avec myélofibrose ( pancytopénie, myélofibrose, mais pas de splénomégalie; ici il existe une dysmyélopoïèse nette) ; les mastocytoses systémiques * Tumeurs solides avec métastases médullaires, car il y a des remaniements osseux (aspect radiologiquement différent) MAJ : janvier 2007 Page 4 sur 5
5 * Maladies avec remaniements osseux : maladie de Paget * maladies générales avec au moins quelques retentissements hématologiques : LEAD, infections virales (VIH), tuberculose 4.3. Les autres étiologies des splénomégalies 5. Traitement Abstention et surveillance pour les formes asymptomatiques ou pauci symptomatiques L'allogreffe de moelle doit être discutée chez des patients jeunes (<55 ans) et avec plusieurs facteurs de risque. Elle prolonge la survie dans > 50% des cas. Traiter l anémie : avec l EPO, éventuellement les androgènes ou les corticoïdes, thalidomide à faibles doses. Chimiothérapies pour réduire une volumineuse splénomégalie ou une hyperleucocytose importante (hydroxyurée ; qui a en outre un effet bénéfique sur la fibrose) La splénectomie est une indication à envisager au cas par cas : importante dépendance transfusionnelle, splénomégalie symptomatique, hypertension portale, thrombopénie sévère. Irradiation splénique possible. Le délai de survie après splénectomie est de 27 mois (0 255 mois). Mortalité et morbidité de la splénectomie sont respectivement de 9% et 31%. Références. - Critères de pronostic clinique des myélofibroses idiopathiques de conférence de Rotterdam (Michiels JJ et al, Nath J Med, 1999 ; 54 : Michiels JJ, Hematology Journal 2004 ; 5 : ) - Mesa RA et coll. Myelofibrosis with myeloid metaplasia : disease overview and nontransplant treatment options. Best Pract & Res Clin Haematol 2006;19: (M Zandecki, janvier 2007) MAJ : janvier 2007 Page 5 sur 5
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