Indications et interprétation des examens urodynamiques



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Transcription:

Indications et interprétation des examens urodynamiques Résumé : L intérêt de l examen urodynamique (EU) réside dans le fait que les symptômes de la dysfonction du bas appareil urinaire sont trompeurs. Dans la prise en charge de l incontinence, il est nécessaire d évaluer avec précision le fonctionnement de la vessie et du sphincter urinaire avant de proposer le traitement le mieux adapté. L EU paraît être un complément indispensable de l examen clinique dans l évaluation des troubles du bas appareil urinaire, lorsqu il s agit d une incontinence urinaire mixte, après un échec du traitement conservateur et avant d envisager une cure chirurgicale du prolapsus. Lorsqu il existe une pathologie neurologique associée, l EU est alors fondamental. Il confirme le diagnostic du trouble de l équilibre continence/miction en le corrélant aux symptômes allégués. A. Bourcier, M. Lipski, S. Octernaud, L. Rousseau, J. Juras Centre d Imagerie Médicale Juras, PARIS. et l examen clinique ne permettent pas à eux L interrogatoire seuls de faire le diagnostic des troubles urinaires et des dysfonctionnements du plancher pelvien de la femme, mais ils peuvent servir à guider les investigations et la conduite à tenir ultérieures. Les examens urodynamiques (EU) datent de 1953 et leur intérêt réside dans le fait que les symptômes de la dysfonction du bas appareil urinaire sont trompeurs. La supériorité des EU est admise dans la pose d un diagnostic précis ainsi que dans l augmentation des taux de réussite des interventions lorsqu elles sont orientées par les EU [1, 2]. Pourquoi pratiquer [ un examen urodynamique? L appareil vésico-sphinctérien a deux missions essentielles [3] : contenir fermement les urines dans un réservoir à basse pression pour assurer la continence et protéger le haut appareil urinaire ; permettre une miction volontaire, rapide, facile et complète pour soulager le besoin. Pendant la phase de remplissage, la continence est assurée par un gradient de pression entre urètre et vessie, très largement positif. Les pressions vésicales restent basses, permettant ainsi aux uretères de propulser l urine dans le réservoir vésical tandis que l appareil sphinctérien maintient des pressions urétrales élevées pour empêcher les fuites. La miction est assurée par une inversion de ces rapports : la pression vésicale s élève du fait de la contraction vésicale tandis que l appareil sphinctérien se relâche, permettant ainsi un bon débit mictionnel. Quatre paramètres permettent de caractériser globalement l équilibre vésicosphinctérien : la pression vésicale de remplissage doit impérativement rester basse pour ne pas s opposer à l éjaculation urétérale. Elle dépend plus des propriétés biomécaniques du matériau vésical que de l activité tonique des fibres musculaires ; pour cette raison, au terme de tonus vésical on préfère celui de compliance pour définir cette relation pression/volume qui caractérise la distension vésicale ; 1

Le dossier Incontinence urinaire la pression urétrale maximale, au contraire, dépend presque exclusivement de l activité tonique des fibres musculaires lisses et striées du sphincter urétral qui s effondre au moment de la miction. C est elle qui assure la continence sans la dysurie ; la pression vésicale permictionnelle reflète la puissance contractile du détrusor et la résistance urétrale ; la résistance urétrale représente l ensemble des forces qui s opposent au passage des urines dans l urètre ; ce sont des facteurs de dysurie, mais aussi de continence passive. Dans la prise en charge de l incontinence, il est nécessaire d évaluer avec précision le fonctionnement de la vessie et du sphincter urinaire avant de proposer le traitement le mieux adapté. L examen urodynamique permet donc par des tests simples de mesurer le fonctionnement du sphincter et de la vessie et de déterminer avec certitude le type d incontinence. L examen urodynamique sera prescrit lorsque l interrogatoire et les examens de première ligne ne permettront pas d identifier la cause du problème. Il est recommandé dans la mise au point d une incontinence urinaire d effort avant de proposer un traitement chirurgical ou en cas d échec du traitement conservateur, et dans l exploration de troubles mictionnels complexes plurifactoriels. Comment se déroule [ l examen? L examen ne pourra être pratiqué que si les urines sont stériles : c est la raison pour laquelle il faut faire un examen cytobactériologique des urines quelques jours avant l examen urodynamique. En cas de présence de germes dans les urines, il faudra prendre un traitement antibiotique adapté débuté 48 heures avant l examen et continué huit jours au total. Fig. 1 : Les divers capteurs de pression et les enregistrements EMG au cours d un examen urodynamique. Des sondes et un ballonnet intra-abdominal recueillent les pressions au cours d un remplissage avec un sérum physiologique. Cet examen nécessite donc plusieurs sondages de l urètre et de la vessie par des sondes munies de capteurs de pression (fig. 1) analysant les pressions intradétrusoriennes (pression intra-vésicale), la pression au niveau du sphincter urétral (région située au tiers moyen de l urètre) ainsi que la pression intra-abdominale (pression intra-rectale ou intravaginale). [ Que comporte l examen? Le bilan urodynamique débute par une débitmétrie qui consiste à demander à la patiente d uriner dans un appareil enregistrant le volume uriné, le débit maximum et le temps de la miction. Cet enregistrement s effectue dans les conditions les plus physiologiques possibles. La patiente est ensuite sondée par un cathéter multivoies de petit calibre et le résidu postmictionnel est mesuré. Afin d enregistrer simultanément la pression dans la cavité abdominale, une sonde rectale reliée à un capteur de pression est mise en place [4]. L exploration urodynamique doit être ciblée sur les signes cliniques : >>> Urgenturie hyperactivité du détrusor ; évaluation de la sensibilité vésicale : délai entre besoin urgent et contraction. >>> Pertes insensibles évaluation de la sensibilité/activité du détrusor ; évaluation de la fonction sphinctérienne. >>> Dysurie évaluation de la contractilité vésicale. >>> Incontinence d effort évaluation de la fonction sphinctérienne ; évaluation de la contractilité vésicale. Il comporte essentiellement trois phases qui sont dans un ordre souvent identique entre les praticiens et qui se déroulent avec parfois des options complémentaires, dépendant de la complexité des troubles du bas appareil urinaire. Les examens de base sont : la débitmétrie, la cystomanométrie et la profilométrie. 1. La débitmétrie La débitmétrie (fig. 2) s intéresse au volume d urines émises et à la puissance du jet. Elle permet également d apprécier le résidu postmictionnel. Les débitmètres modernes mesurent un débit instantané et l inscrivent sur une courbe débit/temps. Les valeurs normales sont pour un volume de 200 ml minimum un débit maximum de 20 ml/ sec et un résidu postmictionnel inférieur à 50 ml. Fig. 2 : Au cours de la débitmétrie, on demande à la patiente d uriner dans un appareil qui en général ressemble à des toilettes, mais qui est équipé pour mesurer la quantité et surtout la vitesse à laquelle les urines sont évacuées. 2

Fig. 3 : Schéma de la technique d enregistrement à trois pressions simultanément au cours de la phase de remplissage de la cystomanométrie. 2. La cystomanométrie La cystomanométrie est la mesure de la pression intra-vésicale non seulement pendant le remplissage, mais aussi pendant la miction (fig. 3). En général, la vessie est remplie par une sonde transuréthrale connectée à un capteur de pression. On a décrit plusieurs degrés du besoin d uriner : le premier besoin (B1) se situe aux environs de 200 ml, le besoin normal (B2) vers 300 ml, le besoin impérieux (B3) proche de la capacité vésicale fonctionnelle, soit 400 ml. >>> La capacité vésicale se situe normalement entre 300 et 500 ml chez l adulte. >>> L activité vésicale caractérise la fréquence des contractions (d une amplitude supérieure à 15 cm d eau), par rapport au volume ; on parle d hyperactivité ou d hypoactivité selon que les contractions surviennent pour des volumes anormalement bas ou élevés. La compliance vésicale est le rapport de l augmentation de volume à l augmentation de pression pendant le remplissage (DV/DP). Elle se situe normalement à 50. 3. La profilométrie La profilométrie est la mesure de la pression dans l urètre. Le retrait régulier de la sonde est assuré de préférence par une machine de retrait qui donne à ce mouvement la régularité nécessaire. Les valeurs les plus représentatives sont la pression urétrale maximum et la pression maximale de clôture. Elles se situent entre 60 et 80 cm d eau. La stabilité urétrale est explorée par l enregistrement continu de la pression urétrale maximum pendant le remplissage vésical. On peut également demander à la patiente d effectuer une retenue volontaire pour quantifier l augmentation de pression urétrale : celle-ci se situe entre 10 et 50 cm H2O. >>> La courbe doit être harmonieuse et reproductible pour être interprétable. >>> Une rigidité urétrale (ATCD chirurgical) peut surestimer la mesure du tonus urétral. >>> On parle habituellement d insuffisance sphinctérienne pour les valeurs inférieures à 30 cm d eau. >>> Une insuffisance sphinctérienne n est pas synonyme d incontinence urinaire, car l appareil sphinctérien n est pas le seul mécanisme de la continence. >>> Une insuffisance sphinctérienne chez la femme âgée a autant de valeur que chez la femme plus jeune. 4. Le VLPP Une insuffisance de pression de clôture urétrale peut également être testée par ce que les Anglo-Saxons nomment le Leak Point Pressure ou le Valsalva Leak Point Pressure. Il consiste à faire pousser progressivement la patiente et à noter la pression à partir de laquelle apparaît une fuite. 5. La relation pression/débit Le débit seul est la résultante d une force expulsive (normalement générée par la contraction vésicale) et d une résistance urétrale. Pour calculer cette dernière, il faut non seulement mesurer le débit, mais aussi la pression mictionnelle correspondante. Une étude pression/débit est obtenue en enregistrant la pression vésicale à l aide d un cathéter mince durant la vidange, en même temps que le débit urinaire. L obstruction est caractérisée par une forte contraction et un débit faible. >>> Pas de nomogramme validé chez la femme. >>> Valeurs seuils : 15 ml/s/20 cm d eau PdtMax ; 12 ml/s/25 cm d eau ; 15 ml/s/35 cm d eau avec spécificité de 93,9 % et sensibilité de 81,6 %. >>> En pratique, se référer au débit libre et à la contraction détrusorienne au cours de la cystomanométrie. Comment interpréter [ un examen urodynamique? 1. La débitmétrie Elle permet une orientation étiologique dans le cas d une courbe évoquant une obstruction (fig. 4). En effet, l obstruc- Fig. 4 : Différents tracés de débitmétrie : d une courbe normale en haut à gauche à une véritable dysurie en bas à droite. 3

Le dossier Incontinence urinaire tion, en particulier sous-cervicale, existe chez la femme. Cette obstruction peut être soit fonctionnelle : coudure urétrale du grand prolapsus, soit organique : sténose du méat urétral, obstruction mécanique d une bandelette sous-urétrale trop tendue. La symptomatologie classique de l obstruction est certes la dysurie. Cependant, elle est difficile d appréciation chez la femme. Le symptôme le plus fréquemment associé est l impériosité. Devant une patiente ayant des impériosités dont l exploration ne montre qu une obstruction possible à la débitmétrie, il faut la rechercher cliniquement, voire radiologiquement, afin de la lever. Un autre intérêt est le dépistage d une obstruction avant d envisager la cure chirurgicale d une IUE. En effet, l existence d une obstruction préexistante à la chirurgie doit faire réfléchir quant à l opportunité de celle-ci. En effet, tout geste chirurgical portant soit sur le col vésical (colposuspension), soit sur l urètre moyen (bandelette sous-urétrale) risquerait d aggraver l obstruction et d être source d une morbidité supplémentaire. Il peut y avoir une contre-indication à la chirurgie chez une patiente qui ne vide pas correctement sa vessie. 2. La cystomanométrie L hypersensibilité vésicale est définie par l apparition plus précoce des besoins mictionnels, tandis qu une l hyposensibilité est définie par une apparition plus tardive. Fig. 5 : L évolution des différents paramètres physiques caractérisant la continence et la miction. Phase de remplissage : la capacité vésicale, les différentes sensations de besoin (B1, B2), la compliance, les diverses pressions Pur, Pves, Pabd Pdet et l EMG des surfaces. Noter l augmentation de l activité EMG au cours du remplissage et l absence de fuite urinaire lors des efforts de toux à 250 ml, mais l apparition des fuites à 550 ml. L instabilité vésicale (fig. 6) est plus communément appelée la spasticité chez les patientes présentant une anomalie neurologique [5]. Seules les vessies à compliance basse sont pathologiques, elles sont dites Fig. 6 : Trouble de la compliance vésicale (vessie postradique), hypertonique avec défaut d adaptation du remplissage et réduction de la capacité vésicale. hypertoniques (fig. 7). Plus le défaut de remplissage apparaît tôt pendant le remplissage, plus il est dangereux pour le haut appareil urinaire, en favorisant un reflux vésico-urétéral. L hypotonie vésicale est définie par une compliance supérieure à 60 avec une augmentation de la capacité vésicale. L atonie est l absence d augmentation de la pression vésicale pour un volume perfusé de 900 ml. 3. La profilométrie et le VLPP La mesure de la pression urétrale au cours de la cystomanométrie permet de diagnostiquer des instabilités urétrales. La sonde doit être positionnée au niveau de la pression urétrale maximale, et tout déplacement de la sonde pendant l examen peut induire une fausse variation de pression. Ces instabilités urétrales se situent entre 60 et 80 cm d eau. Des chutes de pression de plus de 15 cm d eau, survenant en dehors de la miction, caractérisent l instabilité urétrale, diagnostic qu il faut porter très prudemment car les conditions de l examen, la réflectivité de l urètre postérieur, peuvent très bien générer des artefacts. L hypertonie urétrale s accompagne paradoxalement d impériosités de fuites par impériosité, d une dysurie et parfois de douleurs en fin de miction. L activité vésicale : elle permet de définir les instabilités vésicales qui se traduisent par l apparition prématurée de contractions vésicales non contrôlables (supérieures à 15 cm d eau) survenant à un faible volume (fig. 5). Elles peuvent être idiopathiques ou secondaires à une obstruction sous-cervicale (sténose urétrale ). Fig. 7 : La profilométrie de l urètre. La courbe doit être harmonieuse et reproductible (schéma de gauche et en haut à droite) ou montrer une incompétence ou insuffisance sphinctérienne (schéma en bas à droite). 4

L instabilité urétrale est définie par des variations de pression supérieures à 20 cm H2O. Au cours du VLPP, une fuite qui apparaît pour une pression de moins de 60 cm d H2O témoigne d une faiblesse des mécanismes de clôture urétrale. Un VLPP inférieur à 60 cm H2O signe l insuffisance sphinctérienne, tandis qu une valeur supérieure à 100 cm d eau signifie une hypermobilité urétrale. Principales indications des [ examens urodynamiques 1. L incontinence urinaire La corrélation entre le symptôme fonctionnel (impériosité) et le symptôme cystomanométrique (contractions désinhibées) n est certes pas excellente, la cystomanométrie récusant plus d instabilités qu elle n en démasque. Mais, surtout, au-delà du symptôme fonctionnel décrit par la patiente, on retrouve des conditions urodynamiques très variables : certaines instabilités sont caractérisées par des contractions puissantes et un sphincter excellent, d autres par des contractions faibles et un sphincter déficient ; le traitement de ces deux conditions ne peut être le même. L hypersensibilité vésicale entraîne des besoins d uriner plus précoces pour un faible volume de remplissage, engendrant une pollakiurie. Cette hypersensibilité peut être idiopathique, mais elle est souvent due à une inflammation de la vessie d origine infectieuse. L augmentation de la fréquence des mictions peut être la conséquence d une affection vésicale ou urétrale (tumeur, lithiase, infection ), d une pathologie des organes de voisinage ou d une atteinte neurologique. Elle peut également être idiopathique et s intégrer dans un syndrome d hyperactivité de vessie qui se définit par l association impériosités, pollakiurie et nycturie, associées ou non à une incontinence par urgence mictionnelle. Lors de la réalisation d EU, une instabilité vésicale n est pas toujours retrouvée. Il s agirait de microcontractions non enregistrées sur la courbe de cystomanométrie. Lorsqu il y a une affection vésicale, elle entraîne une réduction de la capacité fonctionnelle vésicale due le plus souvent à la rétraction fibreuse (cystite radique, interstitielle, bilharziose). La rétraction fibreuse est souvent précédée d une inflammation entraînant une hypersensibilité. L EU retrouve une diminution de la compliance vésicale et une vidange vésicale qui peut être incomplète avec présence d un résidu post-mictionnel. L affection neurologique entraîne une altération des mécanismes d inhibition de la contraction vésicale : la vessie est dite hyperactive. L instabilité urétrale se manifeste cliniquement par des impériosités mictionnelles et une pollakiurie. Les causes ne sont pas bien définies, mais il est de bonne pratique de rechercher une urétrite chronique à Chlamydia ou mycoplasme au moyen d un frottis urétral. Pour certains, le critère urodynamique de l incontinence à l effort a été très longtemps le défaut de transmission reconnu sur le profil urétral dynamique, c est-à-dire à la toux. Ce type d incontinence, lié à un trouble de la statique pelvienne, s opposait à l insuffisance sphinctérienne dont très longtemps la définition était représentée par la formule magique : PCU = 100 cm H2O âge de la patiente. Il était unanimement admis que l hypotonie sphinctérienne était le principal facteur d échec de la chirurgie, les échecs précoces étant particulièrement fréquents quand la pression urétrale maximum était inférieure à 30 cm d eau. Ce qui a fait les belles années de la rééducation périnéale et du traitement estrogénique. Mais le nouveau concept d Ulmsten et de Petros a changé l approche de l IUE et de nouvelles techniques chirurgicales non invasives ont vu le jour. 2. La dysurie La faiblesse du jet, le résidu, les trabéculations vésicales caractérisent la dysurie. Identifier la nature et la localisation de l obstacle ne doit rien aux EU : la clinique, la radiologie, l endoscopie y suffisent. Le but de ces examens est, ici encore, l expertise des forces en présence, notamment la valeur contractile du détrusor et la résistance urétrale. Derrière le même symptôme, les équilibres urodynamiques peuvent être très différents, allant de l acontractilité vésicale à l obstruction. 3. Les dysfonctionnements vésicosphinctériens neurologiques Pour beaucoup, l urodynamique n est encore qu un moyen (parmi d autres) de reconnaître l origine neurologique d un trouble de la continence ou de la miction. Or le meilleur moyen d identifier une vessie neurologique reste l examen clinique et neurologique. Les EU caractérisent la nature de l anomalie du détrusor et du sphincter afin d identifier les patientes à risque de détérioration rénale par reflux urétéral. Ils permettent aussi de prévoir la meilleure stratégie thérapeutique pour obtenir une vidange efficace et réduire les infections urinaires. Les lésions du cortex cérébral et celles des syndromes extrapyramidaux affectent la commande volontaire de la miction, réalisant le plus souvent des vessies mal inhibées. Mais elles ne perturbent ni l automatisme ni la coordination vésicosphinctérienne. Les lésions médullaires réalisent des neurovessies centrales. Les vessies deviennent hypercontractiles ou spastiques, avec une perte de la coordination vésicosphinctérienne. 5

Le dossier Incontinence urinaire Chez la patiente neurologique, il existe cependant quelques particularités : la compliance vésicale est le facteur pronostique le plus important : une pression vésicale supérieure à 40 cm d eau représente, pour l uretère, un obstacle fonctionnel qu il ne peut vaincre, ce qui entraîne une dégradation rapide du haut appareil urinaire ; le résidu n a plus la signification péjorative qu on lui attribuait autrefois, depuis la pratique des autosondages ; la dyssynergie vésico-sphinctérienne est reconnue par l enregistrement couplé de la pression vésicale et de l EMG du sphincter strié urétral. Un sphincter dyssynergique est d autant plus dangereux qu il est plus puissant, ce qui d un point de vue urodynamique se traduit par des pressions urétrale et vésicale plus élevées. 4. Les prolapsus génito-urinaires Le prolapsus génital est, en effet, à l origine de modifications urodynamiques telles que : le bas débit mictionnel ; le résidu post-mictionnel ; l épreuve pression/débit en faveur d une obstruction ; l hyperactivité détrusorienne ; la majoration de la pression de clôture maximale de l urètre. Concernant la phase de stockage, une perception plus précoce du besoin, une réduction de la capacité et de la compliance vésicale sont souvent observées. 20 % à 40 % des femmes ayant un prolapsus génital présentent, sur le bilan urodynamique, des contractions non inhibées du détrusor témoignant d une hyperactivité détrusorienne [6]. La proportion de femmes présentant un prolapsus génital et décrivant une incontinence urinaire d effort est variable selon les auteurs (3,7 à 40 %) [7]. Mais il est classique de dire que l effet pelote du prolapsus génital masque, pour de nombreuses patientes, ces fuites à l effort. Cette incontinence masquée concernerait 31 à 68 % des patientes [7]. Une récente étude [8] sur la valeur du stress test de réduction du prolapsus préopératoire ou PRST pour preoperative prolapse reduction stress test portant sur 337 femmes de moyenne d âge 63 ans a montré que la pose d une BSU prophylactique diminue le risque d IUE postopératoire. Les auteurs concluent que les patientes qui ont un PRST positif et ne bénéficient pas de la pose d une BSU type TVT ont huit fois plus de risques d avoir une IUE en postopératoire. Une autre étude [9] rétrospective portant sur 794 patientes suivies entre 2006 et 2010 et ayant été opérées pour cure de prolapsus montre un relation entre IU et prolapsus complexe avec seulement 38 % des femmes qui ne présentent pas de symptômes avant intervention, 22 % qui ont une détérioration de leur IU après chirurgie et 16 % qui sont guéries de leur IU sans geste urinaire associé. Les auteurs concluent que le faible pourcentage d aggravation de l IU en postopératoire avec une score de Questionnaire de Qualité de Vie faible n est pas en faveur de la pose d une BSU d emblée. L absence d incontinence urinaire masquée lors d EU est également un facteur de bon pronostic de la continence postopératoire. A l inverse, si une incontinence urinaire d effort est constatée, le risque de réintervention pour fuites urinaires postopératoires passe à 30 % [10]. S il est habituel de considérer que l hyperactivité du détrusor est une contre-indication à la chirurgie de l incontinence urinaire d effort ou au moins un facteur de mauvais résultat. Aucune étude ne vient étayer cette affirmation à propos de la chirurgie du prolapsus génital. Bien au contraire, la cystocèle est souvent mise en cause dans la physiopathologie de l hyper activité détrusorienne par la descente du trigone qu elle entraîne et par l obstruction urétrale qu elle génère du fait de son effet pelote [11]. [ Conclusion Un des problèmes majeurs posés par la prise en charge des troubles vésico-sphinctériens est celui du diagnostic étiologique. Ces symptômes peuvent en effet répondre à des étiologies diverses, neurologiques, urologiques, gynécologiques voire fonctionnelles, ou encore idiopathiques. Des affections purement neurologiques peuvent déterminer des troubles urologiques secondaires, et à l inverse, des pathologies purement mécaniques peuvent se compliquer d atteintes neurologiques (par exemple neuropathie périnéale d étirement des prolapsus). Si dans l immense majorité des cas les explorations urodynamiques permettent désormais d appréhender au mieux le mécanisme physiopathologique de ces troubles vésico-sphinctériens, l étiologie proprement dite reste parfois difficile à mettre en évidence [12]. L EU est demandé en particulier : avant de prévoir une intervention chirurgicale pour une incontinence urinaire ou en cas d échec d un traitement antérieur ; pour analyser les défauts complexes de fonctionnement de la vessie ; pour faire le bilan d anomalies de la commande nerveuse de la vessie et du sphincter urinaire. La réalisation et l interprétation de l EU sont particulièrement difficiles lorsqu il existe un prolapsus génital. Ce dernier entraîne souvent, par effet pelote, une difficulté de vidange vésicale et une élévation des pressions urétrales. L EU permet d évaluer l équilibre vésico-sphinctérien et d orienter la décision d associer ou non un geste urinaire à la cure du prolapsus et d en prévoir les conséquences [13]. Bibliographie 1. Lewis P, Abrams P. Urodynamic protocol and central review of data for clinical trials, in lower urinary tract dysfunction. Br J Urol, 2000 ; 85 : 20-31. 6

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