Une démarche communautaire innovante : les Groupes d entraide mutuelle



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Transcription:

Colloque Québec France 25 novembre 2015 Une démarche communautaire innovante : les Groupes d entraide mutuelle Marcel Jaeger Titulaire de la Chaire de Travail social et d intervention sociale du Conservatoire national des arts et métiers Membre du Laboratoire interdisciplinaire de sociologie économique (UMR 3320 Cnam-CNRS) 1

Le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) Fondé par l Abbé Grégoire en 1794 (héritier des valeurs de la Révolution française), seul établissement d enseignement supérieur français, public, entièrement consacré à : la formation professionnelle supérieure tout au long de la vie la recherche et l innovation la diffusion de la culture scientifique et technique (musée) Les formations conduisent à des diplômes d'enseignement supérieur. Chaque année le Cnam accueille près de 100 000 élèves sur toute la France et 10 000 autres à l étranger, dans 43 pays partenaires. 2

La Chaire de Travail social et d intervention sociale du Cnam Un master de recherche en travail social, «Travail social, action sociale et société», en tronc commun de 200 h avec un master pro «Innovations Economie sociale et solidaire» En lien avec plusieurs Chaires, dont la Chaire d addictologie et des certificats «action communautaire en santé et en travail social» Des conventions avec les écoles professionnelles en travail social, qui, depuis 1975, sont organisées en dehors des universités 3

1. La diversification des formules alternatives à l hospitalisation psychiatrique - la «ligne antipsychiatrique» et les communautés thérapeutiques (Ronald Laing, David Cooper ) - la psychothérapie institutionnelle, (Jean Oury, Félix Guattari ) - la «ligne désaliéniste» (Franco Basaglia au nom de la «psychiatrie démocratique», Lucien Bonnafé ) 4

Un combat mené par les familles et par les «usagers» Livre blanc UNAFAM-FNAPSY-Croix Marine (2001), puis rapport Charzat (2002) : annoncent 600 000 personnes dites handicapées psychiques et 13 000 hospitalisations «inadéquates» 5

Définition du handicap psychique :«conséquence d une maladie évolutive du même nom» 1. Absence de déficience intellectuelle, des ressources personnelles malgré des troubles psychiques 2. Besoin de soins sans médicalisation abusive, donc alternatives à l hospitalisation (thématique des survivors) 3. Variabilité des problèmes d où : - des parcours complexes - des effets sur les proches

Plusieurs figures de «l usager» en débat - «Destinataires» (cibles, dans une relation dissymétrique)? - «Bénéficiaires» (cibles consentantes et satisfaites, dans une relation contractuelle)? - «Associés» aux décideurs comme des personnes ressources? - «Acteurs» légitimes à part entière citoyens? 7

Une nouvelle forme juridique : les GEM Loi du 11 février 2005 pour l égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées 8

4 registres de l implication des «usagers» dans les recommandations de l ANESM Participation et expression individuelle (dont enquêtes de satisfaction) Participation collective, à travers des groupes d expression ouverts à tous Démocratie représentative (CVS) Pouvoir d initiative, à travers des groupes d organisation d activités ou GEM 9

2. Un dispositif original : les Groupes d entraide mutuelle (GEM) «Structures de prévention et de compensation de la restriction de la participation à la vie sociale» Collectifs de et pour personnes vulnérables ou «clubs» thérapeutiques Ecart de cible entre art. 4 et 11 de la loi 2005 et circulaire du 29 août 2005 10

«Groupes d entraide mutuelle» Plus de 300 Convention avec ARS à partir d un cahier des charges (instruction 26 juillet 2011) Subvention CNSA max. 75 000 e / an Convention avec des «parrains» (assoc., établ.) et avec le secteur psychiatrique Des animateurs salariés Des risques de dérives vers des structures médico-sociales «Auto-évaluation» annuelle 11

Complément des clubhouse Formule US 1948 (assoc avec des usagers administrateurs) ; 1 en France inaugurée le 14 mars 2012 (Cap cités) Pour «malades mentaux», mais avec appui de l UNAFAM Recherche d emploi avec des entreprises partenaires + ateliers créatifs Accompagnement par un psychologue et un chargé d insertion

«Résidences d accueil / «pensions de famille» pour personnes handicapées psychiques Evaluation DGCS 2010 : ne pas les désolidariser des autres catégories de maisons relais au nom de la spécificité défendue par l UNAFAM : risque de suppression de toute mixité sociale

Même pb pour les «handicapés de la vie» («grands exclus») Faire pour eux comme pour les «handicapés de l esprit»? Des formes d habitat variées, des accompagnements adaptés. Dans tous les cas, «le mélange des souffrances peut être explosif» (François Chobeaux, ASH, 23 mars 2012)

3. De nouvelles interrogations Rapport du Conseil supérieur du travail social (février 2015) : Refonder le rapport aux personnes «Merci de ne plus nous appeler usagers» 15

Proscrire du vocabulaire officiel le mot «usager» quand il n est pas référé explicitement à un objet, un dispositif, une politique, de la même façon que la loi du 10 juillet 1987 avait supprimé le terme «débilité» et celle du 11 février 2005 l expression «éducation spéciale» ; au final, c est aux personnes elles-mêmes de dire comment elles souhaitent être appelées 16

Sortir du centrage sur «l usager-cible» : - au-delà d une approche individualisante : notions de situation, d inclusion, liens avec le développement social - les pratiques «en retrait» : laisser aux personnes des espaces qui leur permettent de se prémunir d un interventionnisme excessif 17

Impulser des travaux de recherche «collaborative», au-delà de la rechercheaction n impliquant que les professionnels de la recherche et du travail social ; une mise en commun structurée des expériences, une reconnaissance des "savoirs", une combinaison des compétences et des connaissances 18